COMPENDIUM
DU
CATÉCHISME
DE
L’ÉGLISE CATHOLIQUE
Copyright © 2005 – Libreria Editrice Vaticana, 00120 Città del Vaticano
PREMIÈRE PARTIE - LA PROFESSION DE LA FOI
Première section: « Je crois » – « nous croyons »
Chapitre I : L’homme est « capable » de Dieu
Chapitre II : Dieu à la rencontre de l’homme
La révélation de Dieu
La transmission de la Révélation divine
La Sainte Écriture
Chapitre III : La réponse de l’homme à Dieu
Je crois
Nous croyons
Deuxième section : La profession de la foi chrétienne
Le Credo
Chapitre I : Je crois en Dieu le Père
Les Symboles de la foi
« Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre »
Le ciel et la terre
L’homme
La chute
Chapitre II : Je crois en Jésus Christ,
le Fils unique de Dieu
« Et en Jésus Christ, son Fils unique, notre Seigneur »
«Jésus Christ a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie»
« Jésus Christ a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli»
« Jésus Christ est descendu aux enfers, est ressuscité le troisième jour »
«Jésus est monté au ciel. Il siège à la droite du Père tout-puissant »
«D’où il viendra juger les vivants et les morts»
Chapitre III : Je crois au Saint-Esprit
« Je crois au Saint-Esprit»
« Je crois à la sainte Église catholique»
L’Église dans le dessein de Dieu
L’Église peuple de Dieu, Corps du Christ,
L’Église est une, sainte, catholique et apostolique
Les fidèles : hiérarchie, laïcs, vie consacrée
Je crois à la communion des saints
Marie, Mère du Christ, Mère de l’Église
«Je crois à la rémission des péchés»
«Je crois à la résurrection de la chair»
«Je crois à la vie éternelle»
«Amen»
DEUXIÈME PARTIE - LA CÉLÉBRATION DU MYSTÈRE CHRÉTIEN
Première section: L’Économie sacramentelle
Chapitre I : Le mystère pascal dans la vie de l’Église
La liturgie, œuvre de la Sainte Trinité
Le mystère pascal dans les sacrements de l’Église
Chapitre II : La célébration sacramentelle du Mystère pascal
Célébrer la liturgie de l’Église
Qui célèbre ?
Comment célébrer ?
Quand célébrer ?
Où célébrer ?
La diversité liturgique et l’unité du mystère
Deuxième section: les sept sacrements de l’Eglise
Les sept sacrements de l'Eglise
Chapitre I : Les sacrements de l’initiation chrétienne
Le sacrement du Baptême
Le sacrement de la Confirmation
Le sacrement de l’Eucharistie
Chapitre II : Les sacrements de guérison
Le Sacrement de Pénitence et de Réconciliation
Le sacrement de l’Onction des malades
Chapitre III : Les sacrements au service de la communion et de la mission
Le sacrement de l’Ordre
Le sacrement de mariage
Chapitre IV : Les autres célébrations liturgiques
Les Sacramentaux
Les funérailles chrétiennes
TROISIÈME PARTIE - LA VIE DANS LE CHRIST
Première section : la vocation de l’homme: la vie dans l’esprit
Chapitre I : La dignité de la personne humaine
L’homme, image de Dieu
Notre vocation au bonheur
La liberté de l’homme
La moralité des passions
La conscience morale
Les vertus
Le péché
Chapitre II : La communauté humaine
La personne et la société
La participation à la vie sociale
La justice sociale
Chapitre III : Le salut de Dieu : la Loi et la grâce
La Loi morale
Grâce et justification
L’Église, Mère et Éducatrice
Deuxième section: les dix commandements
Chapitre I : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit »
Le premier commandement: Je suis le Seigneur ton Dieu.
Le deuxième commandement : Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain
Le troisième commandement : Se souvenir de sanctifier les jours festifs
Chapitre II : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »
Le quatrième commandement : Honore ton père et ta mère
Le cinquième commandement : Ne pas tuer
Le sixième commandement : Tu ne commettras pas d’adultère
Le septième commandement : Tu ne voleras pas
Le huitième commandement : Tu ne feras pas de faux témoignages
Le neuvième commandement : Tu ne désireras pas la femme de ton prochain
Le dixième commandement : Tu ne convoiteras pas le bien du prochain
QUATRIÈME PARTIE - LA PRIÈRE CHRÉTIENNE
Première section : la prière dans la vie chrétienne
Chapitre I : La Révélation de la prière
La Révélation de la prière dans l’Ancien Testament
La prière est pleinement révélée et réalisée en Jésus
La prière dans le temps de l’Église
Chapitre II : La tradition de la prière
Aux sources de la prière
Le chemin de la prière
Des Guides pour la prière
Chapitre III : La vie de prière
Les expressions de la prière
Le combat de la prière
Deuxième section : la prière du Seigneur : le Notre Père
«La synthèse de tout l’Évangile»
«Notre Père qui es aux cieux»
Les sept demandes
APPENDICE
A. Prières communes
B. Formules de la doctrine catholique
Lettre apostolique en forme de
MOTU PROPRIO
pour l’approbation et la publication du
Compendium du Catéchisme de l’Église catholique
Il y a vingt ans, débutait l’élaboration du Catéchisme de l’Église catholique, demandé par l’Assemblée extraordinaire du Synode des Évêques, à l’occasion du vingtième anniversaire de la clôture du Concile œcuménique Vatican II.
Je remercie infiniment Dieu, le Seigneur, d’avoir donné à l’Église catholique ce Catéchisme, promulgué en 1992 par mon vénéré et bien-aimé Prédécesseur, le Pape Jean-Paul II.
La grande utilité de ce don précieux est confirmée avant tout par l’accueil, large et positif, qu’il a reçu de la part de l’épiscopat, auquel il était adressé en tout premier lieu comme texte de référence sûr et authentique pour l’enseignement de la doctrine catholique, et en particulier pour l’élaboration des catéchismes locaux. Elle est confirmée aussi par l’accueil favorable et remarquable qui lui a été réservé par toutes les composantes du Peuple de Dieu, qui ont pu le connaître et l’apprécier grâce aux cinquante langues et plus dans lesquelles il a été traduit jusqu’à présent.
Avec une grande joie, j’approuve maintenant et je promulgue le Compendium de ce Catéchisme.
Il a été vivement souhaité par les participants du Congrès catéchétique international d’octobre 2002, qui se sont faits ainsi les interprètes d’une exigence très ressentie dans l’Église. Accueillant ce désir, mon regretté Prédécesseur décida en février 2003 la préparation de ce Compendium et en confia la rédaction à une Commission restreinte de Cardinaux présidée par moi et assistée de quelques collaborateurs experts. Au cours des travaux, un projet de ce Compendium a été soumis au jugement de tous les Cardinaux et des Présidents des Conférences épiscopales qui, à une très large majorité, l’ont accueilli et jugé favorablement.
Le Compendium que je présente aujourd’hui à l’Église universelle est une synthèse fidèle et sûre du Catéchisme de l’Église catholique. Il contient, de façon concise, tous les éléments essentiels et fondamentaux de la foi de l’Église, de manière à constituer, comme le souhaitait mon Prédécesseur, une sorte de vade-mecum qui permette aux personnes, croyantes ou non, d’embrasser d’un regard d’ensemble la totalité du panorama de la foi catholique.
Dans sa structure, dans son contenu et dans son langage, il reflète fidèlement le Catéchisme de l’Église catholique, qui, grâce à l’aide et au stimulant que constitue cette synthèse, pourra être plus largement connu et approfondi.
Je livre donc avec confiance ce Compendium avant tout à l’Église entière et à chaque chrétien en particulier, afin qu’en ce troisième millénaire, chacun puisse, grâce à lui, retrouver un nouvel élan dans l’effort renouvelé d’évangélisation et d’éducation à la foi qui doit caractériser toute communauté ecclésiale et tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur âge ou la nation à laquelle ils appartiennent.
Mais ce Compendium, dans sa brièveté, sa clarté et son intégralité, s’adresse aussi à toute personne qui, vivant dans un monde incohérent et aux multiples messages, désire connaître le Chemin de la Vie, la Vérité, confiée par Dieu à l’Église de son Fils.
En lisant cet instrument autorisé qu’est le Compendium, chacun pourra, grâce notamment à l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie, Mère du Christ et Mère de l’Église, reconnaître et accueillir toujours mieux la beauté, l’unicité et l’actualité inépuisables du Don par excellence que Dieu a fait à l’humanité : son Fils unique, Jésus Christ, qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6).
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 28 juin 2005, veille de la Solennité des saints Apôtres Pierre et Paul, en la première année de mon Pontificat.
BENEDICTUS PP XVI
1. Le 11 octobre 1992, le Pape Jean-Paul II donnait aux fidèles du monde entier le Catéchisme de l’Église catholique, le présentant comme « texte de référence » pour une catéchèse renouvelée aux sources vives de la foi. Trente ans après l’ouverture du Concile Vatican II (1962-1965), était ainsi porté à son heureux terme le souhait exprimé en 1985 par l’Assemblée extraordinaire du Synode des Évêques, que soit composé un catéchisme de toute la doctrine catholique, tant pour la foi que pour la morale.
Cinq ans après, le 15 août 1997, en promulguant l’editio typica du Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, le Souverain Pontife confirmait la finalité fondamentale de l’œuvre : « Constituer une présentation complète et intègre de la doctrine catholique, qui permet à chacun de connaître ce que l’Église professe, célèbre, vit et prie dans sa vie quotidienne2 ».
2. Pour une meilleure mise en valeur du Catéchisme et pour répondre à une requête née au Congrès catéchétique international de 2002, Jean-Paul II institua en 2003 une Commission spéciale présidée par le Cardinal Joseph Ratzinger, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, lui confiant la tâche d’élaborer un Compendium du Catéchisme de l’Église catholique, comportant une formulation plus synthétique du même contenu de foi.
Après deux années de travail, fut préparé un projet de compendium, qui fut envoyé pour consultation aux Cardinaux et aux Présidents des Conférences épiscopales. Dans son ensemble, le projet a obtenu un avis positif de la part de la majorité absolue de ceux qui ont répondu. La Commission a donc procédé à la révision dudit projet et, compte tenu des propositions d’amélioration qui étaient parvenues, a préparé le texte définitif du document.
3. Les caractéristiques principales du Compendium sont au nombre de trois : l’étroite dépendance avec le Catéchisme de l’Église catholique; le genre dialogique; l’utilisation des images dans la catéchèse.
Tout d’abord, le Compendium n’est pas un ouvrage indépendant et il n’entend nullement se substituer au Catéchisme de l’Église catholique; il y renvoie au contraire continuellement, soit en indiquant régulièrement les numéros auxquels il se réfère, soit en renvoyant sans cesse à sa structure, à son déroulement et à son contenu. Le Compendium entend en outre un renouveau d’intérêt et de ferveur pour le Catéchisme qui, par sa sage présentation et par sa profondeur spirituelle, reste toujours le texte de base de la catéchèse ecclésiale actuelle.
Comme le Catéchisme, le Compendium est organisé en quatre parties, qui correspondent aux lois fondamentales de la vie dans le Christ.
La première partie, intitulée « La profession de la foi », contient une synthèse opportune de la lex credendi, c’est-à-dire de la foi professée par l’Église catholique, synthèse tirée du Symbole apostolique développée par le symbole de Nicée-Constantinople, dont la proclamation constante au cours des assemblées chrétiennes maintient vivante la mémoire des principales vérités de la foi.
La deuxième partie, intitulée « La célébration du mystère chrétien » présente les éléments essentiels de la lex celebrandi. L’annonce de l’Évangile trouve en effet sa réponse privilégiée dans la vie sacramentelle.
En elle, les fidèles font l’expérience et témoignent, à chaque instant de leur existence, de l’efficacité salvifique du mystère pascal, par lequel le Christ a accompli l’œuvre de notre rédemption.
La troisième partie, intitulée « La vie dans le Christ », rappelle la lex vivendi, à savoir l’engagement auquel les baptisés sont tenus de manifester, dans leurs comportements et leurs choix éthiques, leur fidélité à la foi professée et célébrée. Les fidèles sont en effet appelés par le Seigneur Jésus à accomplir les actions qui sont conformes à leur dignité de fils du Père, dans la charité de l’Esprit Saint.
La quatrième partie, intitulée « La prière chrétienne » offre une synthèse de la lex orandi, c’est-à-dire de la vie de prière. À l’exemple de Jésus, modèle parfait du priant, le chrétien est appelé lui aussi à dialoguer avec Dieu dans la prière, dont une des expressions privilégiées est le Notre Père, prière qui nous a été enseignée par Jésus lui-même.
4. Une deuxième caractéristique du Compendium est sa forme dialogique, qui reprend un ancien genre littéraire catéchétique, fait de demandes et de réponses. Il s’agit de proposer à nouveau un dialogue idéal entre le maître et le disciple, par une série incessante de questions qui attirent le lecteur, l’invitant à avancer dans la découverte d’aspects toujours nouveaux de la vérité de sa foi. Le genre dialogique contribue aussi à abréger notablement le texte, le réduisant à l’essentiel, ce qui pourrait favoriser l’assimilation et la mémorisation éventuelle du contenu.
5. Une troisième caractéristique est la présence de quelques images, qui marquent les articulations du Compendium. Elles proviennent d’un très riche patrimoine de l’iconographie chrétienne. Nous apprenons par la tradition séculaire des conciles que l’image est aussi une prédication évangélique.
En tout temps, les artistes ont offert à la contemplation et à l’admiration des fidèles les événements marquants du mystère du salut, les présentant avec la splendeur des couleurs et dans la perfection de la beauté. C’est là un indice de ce que, aujourd’hui plus que jamais, dans la civilisation de l’image, l’image sainte peut exprimer beaucoup plus que les paroles elles mêmes, car son dynamisme de communication et de transmission du message évangélique est autrement plus efficace.
6. Quarante ans après la fin du Concile Vatican II et au cours de l’Année de l’Eucharistie, le Compendium peut représenter un nouvel instrument pour satisfaire la soif de vérité des fidèles de tous âges et de toutes conditions, aussi bien que le désir de ceux qui, sans être des fidèles, ont soif de vérité et de justice. Sa publication aura lieu en la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul, colonnes de l’Église universelle et annonciateurs exemplaires de l’Évangile au monde de leur temps. Ces Apôtres ont vu ce qu’ils ont prêché et ils ont rendu témoignage à la vérité du Christ jusqu’au martyre. Imitons-les dans leur élan missionnaire et prions le Seigneur pour que l’Église suive toujours l’enseignement des Apôtres, par lesquels elle a reçu la première et joyeuse annonce de la foi.
Le 20 mars 2005, Dimanche des Rameaux.
JOSEPH Card. RATZINGER
Président de la Commission spéciale
« JE CROIS » – « NOUS CROYONS »
1. Quel est le dessein de Dieu sur l’homme?
1-25
Infiniment parfait et bienheureux en Lui-même, Dieu, dans un dessein de pure bonté, a librement créé l’homme pour le rendre participant de sa vie bienheureuse. Lorsque les temps furent accomplis, Dieu le Père a envoyé son Fils comme Rédempteur et Sauveur des hommes tombés dans le péché, pour les appeler dans son Église et pour leur donner d’être ses fils adoptifs par l’action de l’Esprit Saint et les héritiers de son éternité bienheureuse.
CHAPITRE I
L’HOMME EST « CAPABLE » DE DIEU
30
« Tu es grand, Seigneur, et louable hautement… Tu nous as faits pour Toi et notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose pas en Toi » (saint Augustin).
2. Pourquoi y a-t-il en l’homme le désir de Dieu?
27-30
44-45
En créant l’homme à son image, Dieu lui-même a inscrit dans son cœur le désir de le voir. Même si un tel désir est ignoré de l’homme, Dieu ne cesse d’attirer l’homme à lui pour qu’il vive et trouve en Lui la plénitude de vérité et de bonheur qu’il ne cesse de chercher. Par nature et par vocation, l’homme est donc un être religieux, capable d’entrer en communion avec Dieu. Ce lien intime et vital avec Dieu confère à l’homme sa dignité fondamentale.
3. Peut-on connaître Dieu avec la seule lumière de la raison?
31-36
46-47
À partir de la création, c’est-à-dire du monde et de la personne humaine, l’homme, par sa seule raison, peut avec certitude connaître Dieu comme origine et fin de l’univers, comme souverain bien, et comme vérité et beauté infinie.
4. Suffit-il de la lumière de la raison pour connaître le mystère de Dieu?
37-38
Dans sa connaissance de Dieu par la seule lumière de sa raison, l’homme rencontre beaucoup de difficultés. De plus, il ne peut entrer par lui-même dans l’intimité du mystère divin. C’est pourquoi Dieu a voulu l’éclairer par sa Révélation, non seulement sur les vérités qui dépassent la compréhension humaine, mais aussi sur les vérités religieuses et morales, qui, tout en étant en elles-mêmes accessibles à la raison, peuvent ainsi être connues de tous, sans difficulté, avec une ferme certitude et sans risque d’erreur.
5. Comment parler de Dieu?
39-43
48-49
On peut parler de Dieu à tous les hommes et avec tous les hommes, à partir des perfections de l’homme et des autres créatures, qui sont un reflet, bien que limité, de la perfection infinie de Dieu. Il faut donc sans cesse purifier notre langage en ce qu’il a d’imagé et d’imparfait, en sachant que l’on ne pourra jamais exprimer pleinement l’infini mystère de Dieu.
CHAPITRE II
DIEU À LA RENCONTRE DE L’HOMME
LA RÉVÉLATION DE DIEU
6. Qu’est-ce que Dieu révèle à l’homme?
50-53
68-69
Dans sa bonté et dans sa sagesse, Dieu se révèle à l’homme. Par les événements et par ses paroles, il se révèle lui-même ainsi que son dessein de bienveillance, qu’il a établi de toute éternité dans le Christ, en faveur des hommes. Ce dessein consiste à faire participer, par la grâce de l’Esprit Saint, tous les hommes à la vie divine, pour qu’ils soient fils adoptifs en son Fils unique.
7. Quelles sont les premières étapes de la révélation de Dieu?
54-58
70-71
Dès l’origine, Dieu s’est manifesté à nos premiers parents, Adam et Ève, et il les a invités à une communion intime avec Lui. Après leur chute, il n’a pas interrompu sa révélation et il a promis le salut pour toute leur descendance. Après le déluge, il a conclu avec Noé une alliance entre Lui et tous les êtres vivants.
8. Quelles sont les étapes successives de la révélation de Dieu?
59-64
72
Dieu a choisi Abraham, l’appelant à sortir de son pays pour faire de lui « le père d’un grand nombre de peuples » (Gn 17,5) et lui promettant de bénir en lui « toutes les nations de la terre » (Gn 12,3). Les descendants d’Abraham seront les dépositaires des promesses divines faites aux patriarches. Dieu a formé Israël comme son peuple d’élection, le sauvant de l’esclavage de l’Égypte. Il a conclu avec lui l’Alliance du Sinaï et, par Moïse, lui a donné sa Loi. Les prophètes ont annoncé une rédemption radicale du peuple et un salut qui inclura toutes les nations dans une Alliance nouvelle et éternelle. Du peuple d’Israël, de la race du roi David, naîtra Jésus, le Messie.
9. Quelle est l’étape dernière et définitive de la révélation de Dieu?
65-66
73
Cette étape s’est accomplie par le Verbe incarné, Jésus Christ, médiateur, et plénitude de la révélation. Parce qu’il est le Fils unique de Dieu fait homme, il est la Parole parfaite et définitive du Père. Avec l’envoi du Fils et le don de l’Esprit Saint, la Révélation est désormais pleinement accomplie, même si la foi de l’Église devra en saisir graduellement toute la portée au cours des siècles.
« Dès lors qu’Il nous a donné son Fils, qui est sa Parole unique et définitive, Dieu nous a tout dit en une seule fois dans cette Parole et il n’a plus rien à dire » (saint Jean de la Croix).
10. Quelle valeur possèdent les révélations privées?
67
Tout en n’appartenant pas au dépôt de la foi, elles peuvent aider à vivre la foi elle-même, à condition qu’elles gardent un étroit rapport au Christ. Le Magistère de l’Église, auquel il revient d’effectuer un discernement sur ces révélations privées, ne peut cependant accepter celles qui prétendent dépasser ou corriger la révélation définitive qui est le Christ.
LA TRANSMISSION DE LA RÉVÉLATION DIVINE
11. Pourquoi et comment doit se transmettre la révélation divine?
74
Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2,4), c’est-à-dire de Jésus Christ. C’est pourquoi il est nécessaire que le Christ soit annoncé à tous les hommes, selon son propre commandement : « Allez et enseignez toutes les nations » (Mt 28,19). Cela se réalise par la Tradition apostolique.
12. En quoi consiste la Tradition apostolique?
75-79
83,
96, 98
La Tradition apostolique est la transmission du message du Christ, qui s’accomplit, depuis les origines du christianisme, par la prédication, le témoignage, les institutions, le culte, les écrits inspirés. Les Apôtres ont transmis à leurs successeurs, les Évêques, et, à travers eux, à toutes les générations, jusqu’à la fin des temps, ce qu’ils ont reçu du Christ et ce qu’ils ont appris de l’Esprit Saint.
13. Comment se réalise la Tradition apostolique?
76
La Tradition apostolique se réalise de deux manières : par la transmission vivante de la Parole de Dieu (appelée plus simplement la Tradition) et par la Sainte Écriture, qui est la même annonce du salut, consignée par écrit.
14. Quel rapport existe-t-il entre la Tradition et la Sainte Écriture?
80-82
97
La Tradition et la Sainte Écriture sont reliées et communiquent étroite- ment entre elles. En effet, l’une et l’autre rendent le mystère du Christ présent et fécond dans l’Église, et elles jaillissent d’une source divine identique. Elles constituent un seul dépôt sacré de la foi, où l’Église puise sa certitude concernant tout ce qui est révélé.
15. À qui est confié le dépôt de la foi?
84, 91
94, 99
Depuis les Apôtres, le dépôt de la foi est confié à l’ensemble de l’Église. Avec le sens surnaturel de la foi, le peuple de Dieu tout entier, assisté de l’Esprit Saint et guidé par le Magistère de l’Église, accueille la Révélation divine, la comprend toujours plus profondément et s’attache à la vivre.
16. À qui revient-il d’interpréter de façon authentique le dépôt de la foi?
85-90
100
L’interprétation authentique du dépôt de la foi appartient au seul Magistère vivant de l’Église, c’est-à-dire au Successeur de Pierre, l’Évêque de Rome, et aux Évêques en communion avec lui. Au Magistère, qui, dans le service de la Parole de Dieu, jouit du charisme certain de la vérité, il revient aussi de définir les dogmes, qui sont des formulations des vérités contenues dans la Révélation divine; ce pouvoir s’étend également aux vérités qui ont un lien nécessaire avec la Révélation.
17. Quelles sont les relations entre l’Écriture, la Tradition et le Magistère?
95
Écriture, Tradition et Magistère sont si étroitement unis entre eux qu’aucun n’existe sans les autres. Ensemble, sous l’action de l’Esprit Saint, ils contribuent efficacement au salut des hommes, chacun selon son mode propre.
LA SAINTE ÉCRITURE
18. Pourquoi la Sainte Écriture enseigne-t-elle la vérité?
105-108
135-136
Parce que Dieu lui-même est l’auteur de la Sainte Écriture. Elle est donc dite inspirée et elle enseigne sans erreur les vérités qui sont nécessaires à notre salut. En effet, l’Esprit Saint a inspiré les auteurs humains, qui ont écrit ce que Dieu veut nous enseigner. Cependant, la foi chrétienne n’est pas une « religion du Livre », mais de la Parole de Dieu, « non d’un verbe écrit et muet, mais du Verbe incarné et vivant » (saint Bernard de Clairvaux).
19. Comment lire l’Écriture Sainte?
109-119
137
La Sainte Écriture doit être lue et interprétée avec l’aide de l’Esprit Saint et sous la conduite du Magistère de l’Église, selon trois critères : 1) attention au contenu et à l’unité de toute l’Écriture, 2) lecture de l’Écriture dans la Tradition vivante de l’Église, 3) respect de l’analogie de la foi, c’est-à-dire de la cohésion harmonieuse des vérités de la foi entre elles.
20. Qu’est-ce que le canon des Écritures?
120
138
Le canon des Écritures est la liste complète des écrits sacrés, que la Tradition apostolique a fait discerner à l’Église. Ce canon comprend quarante- six écrits de l’Ancien Testament et vingt-sept du Nouveau Testament.
21. Quelle est l’importance de l’Ancien Testament pour les chrétiens?
121-123
Les chrétiens vénèrent l’Ancien Testament comme vraie Parole de Dieu. Tous ses écrits sont divinement inspirés et conservent une valeur permanente. Ils rendent témoignage de la pédagogie de l’amour sauveur de Dieu. Ils ont surtout été écrits pour préparer l’avènement du Christ, le Sauveur de l’univers.
22. Quelle est l’importance du Nouveau Testament pour les chrétiens?
124-127
139
Le Nouveau Testament, dont l’objet central est Jésus Christ, nous enseigne la vérité définitive de la Révélation divine. Dans le Nouveau Testament, les quatre évangiles – Matthieu, Marc, Luc et Jean – sont les principaux témoignages sur la vie et sur l’enseignement de Jésus ; ils constituent le cœur de toutes les Écritures et ils occupent une place unique dans l’Église.
23. Quelle est l’unité entre l’Ancien et le Nouveau Testament?
128-130
140
L’Écriture est une, car unique est la Parole de Dieu, unique le dessein de salut de Dieu, unique l’inspiration divine de l’un et l’autre Testaments. L’Ancien Testament prépare le Nouveau et le Nouveau accomplit l’Ancien. Les deux s’éclairent mutuellement.
24. Quelle est la fonction de la Sainte Écriture dans la vie de l’Église?
131-133
141
La Sainte Écriture donne soutien et vigueur à la vie de l’Église. Pour les fils de l’Église, elle est solidité de la foi, nourriture et source de vie spirituelle. Elle est l’âme de la théologie et de la prédication pastorale. Le Psalmiste dit qu’elle est « la lumière de mes pas et la lampe de ma route » (Ps 118 [119],105). C’est pourquoi l’Église exhorte à la lecture fréquente de la Sainte Écriture, car « ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ » (saint Jérôme).
CHAPITRE III
JE CROIS
25. Quelle est la réponse de l’homme à Dieu qui se révèle?
142-143
Soutenu par la grâce divine, l’homme répond à Dieu par l’obéissance de la foi, qui consiste à se confier pleinement à Dieu et à accueillir sa vérité, en tant qu’elle est garantie par Dieu, qui est la Vérité elle-même.
26. Dans la Sainte Écriture, quels sont les principaux témoins de l’obéissance de la foi?
144-149
Il y a de nombreux témoins, et particulièrement deux : Abraham qui, mis à l’épreuve, « eut foi en Dieu » (Rm 4,3) et qui a toujours obéi à son appel; c’est pourquoi il est devenu « le père de tous ceux qui croiraient » (cf. Rm 4,11.18); et la Vierge Marie qui, pendant toute sa vie, a réalisé de la façon la plus parfaite l’obéissance de la foi : « Fiat mihi secundum Verbum tuum – Qu’il me soit fait selon ta Parole » (Lc 1,38).
27. Que signifie concrètement pour l’homme de croire en Dieu?
150-152
176-178
Cela signifie adhérer à Dieu lui-même, en se confiant en lui et en donnant son assentiment à toutes les vérités qu’il a révélées, parce que Dieu est la vérité. Cela signifie croire en un seul Dieu en trois Personnes : le Père, le Fils et l’Esprit Saint.
28. Quelles sont les caractéristiques de la foi?
153-165
179-180
183-184
La foi, don gratuit de Dieu et accessible à ceux qui la demandent avec humilité, est la vertu surnaturelle nécessaire pour être sauvé. L’acte de foi est un acte humain, c’est-à-dire un acte de l’intelligence de l’homme qui, sous la motion de la volonté mue par Dieu, donne librement son adhésion à la vérité divine. En outre, la foi est certaine, car elle est fondée sur la Parole de Dieu; elle est agissante « par la charité » (Ga 5,6); elle grandit en permanence grâce en particulier à l’écoute de la Parole de Dieu et à la prière. Dès à présent, elle donne l’avant-goût de la joie du ciel.
29. Pourquoi n’y a-t-il pas contradiction entre la foi et la science?
159
Même si la foi est au-dessus de la raison, il ne pourra jamais y avoir contradiction entre la foi et la science, parce que l’une et l’autre ont Dieu pour origine. C’est Dieu lui-même qui donne à l’homme la lumière de la raison et la foi.
« Crois pour comprendre; comprends pour croire » (saint Augustin).
NOUS CROYONS
30. Pourquoi la foi est-elle un acte personnel et en même temps ecclésial?
166-169
181
La foi est un acte personnel, parce qu’elle est la libre réponse de l’homme à Dieu qui se révèle. Mais elle est en même temps un acte ecclésial qui s’exprime dans la confession de foi : « Nous croyons ». En effet, c’est l’Église qui croit. De cette manière, avec la grâce de l’Esprit Saint; elle précède, elle engendre et elle nourrit la foi de chacun. C’est pourquoi l’Église est Mère et Maîtresse.
« Nul ne peut avoir Dieu pour Père qui n’a pas l’Église pour Mère » (saint Cyprien).
31. Pourquoi les énoncés de la foi sont-ils importants?
170-171
Les énoncés de la foi sont importants parce qu’ils permettent d’exprimer, d’assimiler, de célébrer et de vivre ensemble avec autrui les vérités de la foi, en utilisant un langage commun.
32. De quelle manière la foi de l’Église est-elle unique?
172-175
182
Bien que formée de personnes différentes par la langue, la culture et les coutumes, l’Église professe d’une voix unanime l’unique foi, reçue d’un seul Seigneur et transmise par l’unique Tradition apostolique. Elle professe un seul Dieu – Père, Fils et Esprit Saint – et elle enseigne une seule voie de salut. Aussi, croyons-nous, d’un seul cœur et d’une seule âme, ce qui est contenu dans la Parole de Dieu, transmise ou écrite, et ce que l’Église présente comme divinement révélé.
LA PROFESSION
DE LA FOI CHRÉTIENNE
Symbole des Apôtres
Je crois en Dieu, le Père tout puissant, Créateur du ciel et de la terre.
Et en Jésus Christ, son Fils unique, notre Seigneur; qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers; le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, d’où il viendra juger les vivants et les morts.
Je crois en l’Esprit Saint, à la sainte Église catholique, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. Amen.
Credo de Nicée-Constantinople
Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible. Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles : Il est Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, de même nature que le Père, et par lui tout a été fait. Pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel; par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme. Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, il souffrit sa passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour, conformément aux Écritures, et il monta au ciel; il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts; et son règne n’aura pas de fin. Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie; il procède du Père et du Fils; avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire; il a parlé par les prophètes. Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique. Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés. J’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir. Amen.
Symbolum Apostolicum
Credo in Deum Patrem omnipoténtem, Creatórem cæli et terræ, et in Iesum Christum, Fílium Eius únicum, Dóminum nostrum, qui concéptus est de Spíritu Sancto, natus ex María Vírgine, passus sub Póntio Piláto, crucifíxus, mórtuus, et sepúltus, descéndit ad ínferos, tértia die resurréxit a mórtuis, ascéndit ad cælos, sedet ad déxteram Dei Patris omnipoténtis, inde ventúrus est iudicáre vivos et mórtuos.
Et in Spíritum Sanctum, sanctam Ecclésiam cathólicam, sanctórum communiónem, remissiónem peccatórum, carnis resurrectiónem, vitam ætérnam. Amen.
Symbolum Nicænum Constantinopolitanum
Credo in unum Deum, Patrem omnipoténtem, Factórem cæli et terræ, visibílium ómnium et invisibílium Et in unum Dóminum Iesum Christum, Fílium Dei unigénitum et ex Patre natum ante ómnia sæcula: Deum de Deo, Lumen de Lúmine, Deum verum de Deo vero, génitum, non factum, consubstantiálem Patri: per quem ómnia facta sunt; qui propter nos hómines et propter nostram salútem, descéndit de cælis, et incarnátus est de Spíritu Sancto ex MaríaVírgine et homo factus est, crucifíxus étiam pro nobis sub Póntio Piláto, passus et sepúltus est, et resurréxit tértia die secúndum Scriptúras, et ascéndit in cælum, sedet ad déxteram Patris, et íterum ventúrus est cum glória, iudicáre vivos et mórtuos, cuius regni non erit finis. Credo in Spíritum Sanctum, Dóminum et vivificántem, qui ex Patre Filióque procédit, qui cum Patre et Fílio simul adorátur et conglorificátur, qui locútus est per prophétas. Et unam sanctam cathólicam et apostólicam Ecclésiam. Confíteor unum Baptísma in remissiónem peccatórum. Et exspécto resurrectiónem mortuórum, et vitam ventúri sæculi. Amen.
CHAPITRE I
Les Symboles de la foi
33. Qu’est-ce que les Symboles de la foi?
185-188
192, 197
Ce sont des énoncés organiques, appelés encore « professions de foi » ou « Credo », par lesquels l’Église, depuis ses origines, a exprimé de manière synthétique et transmis sa foi dans un langage normatif et commun à tous les fidèles.
34. Quels sont les plus anciens Symboles de la foi?
189-191
Ce sont les Symboles baptismaux. Parce que le baptême est donné « au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (Mt 28,19), les vérités de la foi qui y sont professées sont articulées selon leur référence aux trois Personnes de la Sainte Trinité.
35. Quels sont les plus importants Symboles de la foi?
193-195
Ce sont le Symbole des Apôtres, qui est l’antique Symbole baptismal de l’Église de Rome, et le Symbole de Nicée-Constantinople, fruit des deux premiers Conciles œcuméniques, Nicée (325) et Constantinople (381). Ils demeurent communs, aujourd’hui encore, à toutes les grandes Églises d’Orient et d’Occident.
« JE CROIS EN DIEU, LE PÈRE TOUT-PUISSANT,
CRÉATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE »
36. Pourquoi la profession de foi commence-t-elle par « Je crois en Dieu »?
198-199
Parce que l’affirmation « Je crois en Dieu » est la plus importante. Elle est la source de toutes les autres vérités sur l’homme et sur le monde, et de toute la vie de ceux qui croient en Dieu.
37. Pourquoi professons-nous un seul Dieu?
200-202
228
Parce que Dieu s’est révélé au peuple d’Israël comme l’Unique, lorsqu’il dit : « Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’Unique » (Dt 6, 4), « Il n’y en a pas d’autre » (Is 45,22). Jésus lui-même l’a confirmé : Dieu est « l’unique Seigneur » (Mc 12,29). Professer que Jésus et l’Esprit Saint sont, eux aussi, Dieu et Seigneur, n’introduit aucune division dans le Dieu unique.
38. Par quel nom Dieu se révèle-t-il?
203-205
230-231
À Moïse, Dieu s’est révélé comme le Dieu vivant, « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob » (Ex 3,6). Il lui a révélé son nom mystérieux : « Je suis Celui qui Est » (YHWH). Déjà, à l’époque de l’Ancien Testament, le nom ineffable de Dieu fut remplacé par celui de Seigneur. Ainsi, dans le Nouveau Testament, Jésus, appelé Seigneur, apparaît comme vrai Dieu.
39. Seul Dieu « est »-il?
212-213
Tandis que les créatures ont reçu de Lui ce qu’elles sont et ce qu’elles ont, seul Dieu est en lui-même la plénitude de l’être et de toutes les perfections. Il est « celui qui est », sans commencement ni fin. Jésus révèle qu’il porte lui aussi le Nom divin : « Je suis » (Jn 8,28).
40. Pourquoi la révélation du nom de Dieu est-elle importante?
206-213
Par la révélation de son Nom, Dieu fait connaître les richesses contenues dans son mystère ineffable : Lui seul existe depuis toujours et pour toujours, Lui qui transcende le monde et l’histoire. C’est Lui qui a fait le ciel et la terre. Il est le Dieu fidèle; toujours proche de son peuple pour le sauver. Il est le Saint par excellence, « riche en miséricorde » (Ep 2,4), toujours prêt à pardonner. Il est l’Être spirituel, transcendant, tout-puissant, éternel, personnel, parfait. Il est vérité et amour.
« Dieu est l’être infiniment parfait qu’est la Sainte Trinité » (saint Toribio de Mogrovejo).
41. En quel sens Dieu est-il la vérité?
214-217
231
Dieu est la Vérité même et, comme tel, il ne se trompe ni ne peut tromper. Il « est lumière, il n’y a pas de ténèbres en lui » (1 Jn 1,5). Le Fils éternel de Dieu, Sagesse incarnée, a été envoyé dans le monde « pour rendre témoignage à la Vérité » (Jn 18,37).
42. Comment Dieu révèle-t-il qu’il est amour?
218-221
Dieu s’est révélé à Israël comme celui dont l’amour est plus fort que l’amour d’un père ou d’une mère pour ses enfants, d’un époux pour son épouse. En lui-même, il « est amour » (1 Jn 4,8.16), qui se donne totalement et gratuitement : Il « a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique, [...] pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3,16-17). En envoyant son Fils et l’Esprit Saint, Dieu révèle qu’il est lui-même éternel échange d’amour.
43. Que comporte la foi en un seul Dieu?
222-227
229
Croire en un seul Dieu comporte de connaître sa grandeur et sa majesté, de vivre en lui rendant grâce, d’avoir toujours confiance en lui, même dans l’adversité, de reconnaître l’unité et la vraie dignité de tous les hommes, créés à son image, d’user avec rectitude de sa création.
44. Quel est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne?
232-237
Le mystère central de la foi et de la vie chrétienne est le mystère de la Sainte Trinité. Les chrétiens sont baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
45. Le mystère de la Sainte Trinité peut-il être connu par la seule raison humaine?
237
Dieu a laissé des traces de son être trinitaire dans la création et dans l’Ancien Testament; mais la profondeur de son Être comme Trinité sainte constitue un mystère inaccessible à la seule raison humaine, et même à la foi d’Israël, avant l’Incarnation du Fils de Dieu et l’envoi de l’Esprit Saint. Ce mystère a été révélé par Jésus Christ et il est à la source de tous les autres mystères.
46. Que Jésus Christ nous révèle-t-il du mystère du Père?
240-242
Jésus Christ nous révèle que Dieu est « Père », non seulement parce qu’il est le Créateur de l’univers et de l’homme, mais surtout parce qu’il engendre éternellement en son sein le Fils, qui est son Verbe, « reflet resplendissant de la gloire du Père, expression parfaite de sa substance » (He 1,3).
47. Qui est l’Esprit Saint, que Jésus Christ nous a révélé?
243-248
Il est la troisième Personne de la Sainte Trinité. Il est Dieu, uni au Père et au Fils, et égal à eux. Il « procède du Père » (Jn 15,26), qui, en tant que principe sans commencement, est l’origine de toute la vie trinitaire. Il procède aussi du Fils (Filioque), par le don éternel que le Père fait de lui au Fils. Envoyé par le Père et le Fils incarné, l’Esprit Saint conduit l’Église à la connaissance de « la Vérité tout entière » (Jn 16,13).
48. Comment l’Église exprime-t-elle sa foi trinitaire?
249-256
266
L’Église exprime sa foi trinitaire en confessant un seul Dieu en trois Personnes : Père, Fils et Esprit Saint. Les trois Personnes divines sont un seul Dieu, parce que chacune d’elles est identique à la plénitude de l’unique et indivisible nature divine. Elles sont réellement distinctes entre elles par les relations qui les mettent en rapport les unes avec les autres. Le Père engendre le Fils, le Fils est engendré par le Père, le Saint-Esprit procède du Père et du Fils.
49. Comment agissent les trois Personnes divines?
257-260
267
Inséparables dans leur unique nature, les Personnes divines sont aussi inséparables dans leur action. La Trinité a une seule et même opération. Mais dans l’unique action divine, chaque Personne est présente selon le mode qui lui est propre dans la Trinité.
« O mon Dieu, Trinité que j’adore… Pacifiez mon âme. Faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos. Que je ne Vous y laisse jamais seul, mais que je sois là, tout entière, tout éveillée en ma foi, toute adorante, toute livrée à votre action créatrice » (Bienheureuse Élisabeth de la Trinité).
50. Que signifie que Dieu est tout-puissant?
268-278
Dieu s’est révélé comme « le fort, le vaillant » (Ps 23 [24],8), celui auquel « rien n’est impossible » (Lc 1,37). Sa toute-puissance est universelle, mystérieuse. Elle se manifeste dans le fait de créer le monde à partir de rien et l’homme par amour, mais surtout dans l’Incarnation et la Résurrection de son Fils, dans le don de l’adoption filiale et le pardon des péchés. C’est pourquoi l’Église adresse sa prière au « Dieu tout-puissant et éternel » (« Omnipotens sempiterne Deus… »).
51. Pourquoi est-il important d’affirmer : «Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1,1)?
279-289
315
Parce que la création est le fondement de tous les projets divins de salut. La création est la manifestation de l’amour tout-puissant et sage de Dieu; elle est le premier pas vers l’Alliance du Dieu unique avec son peuple ; elle est le commencement de l’histoire du salut, qui culmine avec le Christ; elle est la première réponse aux interrogations fondamentales de l’homme sur son origine et sur sa fin.
52. Qui a créé le monde?
290-292
316
Le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont le principe unique et indivisible du monde, bien que l’œuvre de la création du monde soit particulièrement attribuée à Dieu le Père.
53. Pourquoi Dieu a-t-il créé le monde?
293-294
319
Le monde a été créé pour la gloire de Dieu, qui a voulu manifester et communiquer sa bonté, sa vérité et sa beauté. La fin ultime de la création, c’est que Dieu, dans le Christ, puisse être « tout en tous » (1 Co 15,28), pour sa gloire et pour notre bonheur.
« La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu » (saint Irénée).
54. Comment Dieu a-t-il crée l’univers?
295-301
317-320
Dieu a créé l’univers librement, avec sagesse et amour. Le monde n’est pas le produit d’une nécessité, d’un destin aveugle ou du hasard. Dieu a créé « de rien » (ex nihilo; 2 M 7, 28) un monde ordonné et bon, qu’Il transcende à l’infini. Dieu conserve sa création dans l’être et Il la soutient, lui donnant la capacité d’agir et la conduisant vers son achèvement par son Fils et par l’Esprit Saint.
55. En quoi consiste la Providence divine?
302-306
321
La divine Providence, ce sont les dispositions par lesquelles Dieu conduit ses créatures vers l’ultime perfection à laquelle il les a appelées. Dieu est l’auteur souverain de son dessein. Mais, pour sa réalisation, il utilise aussi la coopération de ses créatures. En même temps, il leur donne la dignité d’agir par elles-mêmes et d’être causes les unes des autres.
56. Comment l’homme collabore-t-il avec la divine Providence?
307-308
323
Tout en respectant sa liberté, Dieu donne à l’homme et lui demande de collaborer par ses actions, par ses prières, mais aussi par ses souffrances, en suscitant en lui « le vouloir et le faire selon la bonté de son dessein » (Ph 2,13).
57. Si Dieu est tout-puissant et providence, pourquoi alors le mal existe-t-il?
309-310
324, 400
Seul l’ensemble de la foi chrétienne peut donner réponse à cette question, à la fois douloureuse et mystérieuse. En aucune manière, Dieu n’est la cause du mal, ni directement, ni indirectement. Il éclaire le mystère du mal par son Fils Jésus Christ, mort et ressuscité pour vaincre le grand mal moral qu’est le péché des hommes, racine des autres maux.
58. Pourquoi Dieu permet-il le mal?
311-314
324
La foi nous donne la certitude que Dieu ne permettrait pas le mal s’il ne faisait pas sortir le bien du mal lui-même. Cela, Dieu l’a déjà merveilleusement accompli dans la mort et la résurrection du Christ. En effet, du mal moral le plus grand, la mort de son Fils, il a tiré les plus grands biens, la glorification du Christ et notre rédemption.
Le ciel et la terre
59. Que Dieu a-t-il créé?
325-327
La Sainte Écriture dit : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1,1). Dans sa profession de foi, l’Église proclame que Dieu est le créateur de toutes les choses visibles et invisibles, de tous les êtres spirituels et matériels, c’est-à-dire les anges et le monde visible, et tout particulièrement l’homme.
60. Qui sont les anges?
328-333
350-351
Les anges sont des créatures purement spirituelles, incorporelles, invisibles et immortelles; ce sont des êtres personnels, doués d’intelligence et de volonté. Contemplant sans cesse Dieu face à face, ils le glorifient; ils le servent et sont ses messagers pour l’accomplissement de la mission de salut de tous les hommes.
61. Comment les anges sont-ils présents à la vie de l’Église?
334-336
352
L’Église s’unit aux anges pour adorer Dieu; elle invoque leur assistance et, dans sa liturgie, elle célèbre la mémoire de certains d’entre eux.
« Chaque fidèle a à ses côtés un ange comme protecteur et pasteur pour le conduire à la vie » (saint Basile le grand).
62. Qu’enseigne la Sainte Écriture au sujet de la création du monde visible?
337-344
À travers le récit des « sept jours » de la création, la Sainte Écriture nous fait connaître la valeur de la création et sa finalité qui est la louange de Dieu et le service de l’homme. Toute chose doit son existence à Dieu, de qui elle reçoit sa bonté et sa perfection, ses lois et sa place dans l’univers.
63. Quelle est la place de l’homme dans la création?
343-344
353
L’homme est le sommet de la création visible, car il est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.
64. Quel type de liens existe-t-il entre les réalités créées?
342
354
Entre les créatures, il existe une interdépendance et une hiérarchie voulues par Dieu. En même temps, il existe une unité et une solidarité entre les créatures, car toutes ont le même créateur, toutes sont aimées de lui et sont ordonnées à sa gloire. Respecter les lois inscrites dans la création et les rapports découlant de la nature des choses constitue donc un principe de sagesse et un fondement de la morale.
65. Quelle relation y a-t-il entre l’œuvre de la création et celle de la rédemption?
345-349
L’œuvre de la création culmine dans l’œuvre, plus grande encore, de la rédemption. En effet, cette dernière est le point de départ de la nouvelle création, dans laquelle tout retrouvera son sens plénier et son achèvement.
L’homme
66. En quel sens l’homme est-il créé à « l’image de Dieu »?
355-357
L’homme est créé à l’image de Dieu en ce sens qu’il est capable de connaître et d’aimer librement son créateur. Sur la terre, il est la seule créature que Dieu a voulue pour elle-même et qu’il a appelée à participer à sa vie divine, par la connaissance et par l’amour. Parce qu’il est créé à l’image de Dieu, l’homme a la dignité d’une personne; il n’est pas quelque chose, mais quelqu’un, capable de se connaître, de se donner librement et d’entrer en communion avec Dieu et avec autrui.
67. Dans quel but Dieu a-t-il créé l’homme?
358-359
381
Dieu a tout créé pour l’homme, mais l’homme a été créé pour connaître, servir et aimer Dieu, pour lui offrir, dans ce monde, la création en action de grâce et pour être, dans le ciel, élevé à la vie avec Dieu. C’est seulement dans le mystère du Verbe incarné que le mystère de l’homme trouve sa vraie lumière. L’homme est prédestiné à reproduire l’image du Fils de Dieu fait homme, qui est lui-même la parfaite « image du Dieu invisible » (Col 1,15).
68. Pourquoi les hommes forment-ils une unité?
360-361
Tous les hommes forment l’unité du genre humain, en raison de leur commune origine, qu’ils tiennent de Dieu. De plus, Dieu, « à partir d’un seul homme, a créé tous les peuples » (Ac 17,26). Tous ont un unique Sauveur. Tous sont appelés à partager l’éternité bienheureuse de Dieu.
69. Dans l’homme, comment l’âme et le corps ne forment-ils qu’un?
362-365
382
La personne humaine est un être à la fois corporel et spirituel. En l’homme, l’esprit et la matière forment une seule nature. Cette unité est si profonde que, grâce au principe spirituel qu’est l’âme, le corps, qui est matière, devient un corps humain et vivant, et prend part à la dignité d’image de Dieu.
70. Qui donne l’âme à l’homme?
366-368
382
L’âme spirituelle ne vient pas des parents, mais elle est créée directement par Dieu, et elle est immortelle. Se séparant du corps au moment de la mort, elle ne meurt pas; elle s’unira à nouveau au corps au moment de la résurrection finale.
71. Quel rapport entre l’homme et la femme Dieu a-t-il établi?
369-373
383
L’homme et la femme ont été créés par Dieu dans une égale dignité en tant que personnes humaines et, en même temps, dans une complémentarité réciproque en tant qu’homme et femme. Dieu les a voulus l’un pour l’autre, pour une communion de personnes. Ensemble, ils sont aussi appelés à transmettre la vie humaine, formant dans le mariage « une seule chair » (Gn 2,24) et à dominer la terre comme « intendants » de Dieu.
72. Quelle était la condition originelle de l’homme selon le projet de Dieu?
374-379
384
En créant l’homme et la femme, Dieu leur avait donné une participation spéciale à sa vie divine, dans la sainteté et la justice. Dans le projet de Dieu, l’homme n’aurait dû ni souffrir ni mourir. En outre, il régnait une harmonie parfaite de l’homme en lui-même, entre la créature et le créateur, entre l’homme et la femme, comme aussi entre le premier couple humain et toute la création.
La chute
73. Comment comprendre la réalité du péché?
385-389
Dans l’histoire de l’homme, le péché est présent. Une telle réalité ne s’éclaire pleinement qu’à la lumière de la Révélation divine, et surtout à la lumière du Christ Sauveur de tous, qui a fait surabonder la grâce là où le péché a abondé.
74. Qu’est-ce que la chute des anges?
391-395
414
Par cette expression, on veut signifier que Satan et les autres démons, dont parlent la Sainte Écriture et la Tradition de l’Église, alors qu’ils étaient des anges créés bons par Dieu, se sont transformés en méchants, car, par leur choix libre et irrévocable, ils ont refusé Dieu et son Règne, donnant ainsi naissance à l’enfer. Ils tentent d’associer l’homme à leur rébellion contre Dieu; mais Dieu affirme dans le Christ sa victoire assurée sur le Malin.
75. En quoi consiste le premier péché de l’homme?
396-403
415-417
L’homme, tenté par le démon, a laissé s’éteindre en son cœur la confiance dans ses rapports avec son Créateur. En lui désobéissant, il a voulu devenir « comme Dieu », sans Dieu et non selon Dieu (Gn 3,5). Ainsi, Adam et Ève ont perdu immédiatement, pour eux et pour toute leur descendance, la grâce de la sainteté et de la justice originelles.
76. Qu’est ce que le péché originel?
404
419
Le péché originel, avec lequel naissent tous les hommes, est l’état de privation de sainteté et de justice originelles dans lequel naissent tous les hommes. C’est un péché que nous avons « contracté » et non un péché que l’on « commet »; c’est une condition de naissance et non un acte personnel. En raison de l’unité originelle de tout le genre humain, ce péché se transmet aux descendants d’Adam avec la nature humaine, « non par imitation, mais par propagation ». Cette transmission reste un mystère que nous ne pouvons saisir pleinement.
77. Quelles sont les autres conséquences provoquées par le péché originel?
405-409
418
Par la suite du péché originel, la nature humaine, sans être entièrement corrompue, est blessée dans ses forces naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance, au pouvoir de la mort; elle est inclinée au péché. Cette inclination s’appelle concupiscence.
78. Après le premier péché, qu’a fait Dieu?
410-412
420
Après le premier péché, le monde a été envahi par les péchés, mais Dieu n’a pas abandonné l’homme au pouvoir de la mort. Au contraire, il a annoncé d’une façon mystérieuse – dans le « Protévangile » (cf. Gn 3,15) – que le mal serait vaincu et que l’homme serait relevé de la chute. C’est la première annonce du Messie rédempteur. C’est pourquoi on ira jusqu’à qualifier la chute d’heureuse faute (felix culpa), car « elle a mérité un si grand Rédempteur » (Liturgie de la Veillée pascale).
CHAPITRE II
JE CROIS EN JÉSUS CHRIST,
LE FILS UNIQUE DE DIEU
79. Quelle est la Bonne Nouvelle pour l’homme?
422-424
C’est l’annonce de Jésus Christ, « le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16) mort et ressuscité. Au temps du roi Hérode et de l’empereur César Auguste, Dieu a accompli la promesse faite à Abraham et à sa descendance en envoyant « son Fils, né d’une femme, né sujet de la loi, afin de racheter ceux qui sont nés sous la loi, afin de faire de nous des fils » (Ga 4,4-5).
80. Comment s’est répandue la Bonne Nouvelle?
425-429
Dès le début, les premiers disciples ont eu l’ardent désir d’annoncer Jésus Christ dans le but de conduire tous les hommes à la foi en lui. Aujourd’hui encore, de la connaissance aimante du Christ naît le désir d’évangéliser et de catéchiser, c’est-à-dire de révéler en sa personne tout le dessein de Dieu et de mettre l’humanité en communion avec lui.
« ET EN JÉSUS CHRIST, SON FILS UNIQUE, NOTRE SEIGNEUR »
81. Que signifie le nom de « Jésus »?
430-435
452
Donné par l’Ange à l’Annonciation, le nom de « Jésus » signifie «Dieu sauve ». Il exprime son identité et sa mission, car « c’est Lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 21). Pierre affirme qu’« il n’y a pas sous le ciel d’autre nom par lequel nous puissions être sauvés » (Ac 4,12).
82. Pourquoi Jésus est-il appelé « Christ »?
436-440
453
« Christ » en grec, « Messie » en hébreu, signifie « oint ». Jésus est le Christ parce qu’il a été consacré par Dieu, oint par l’Esprit Saint pour sa mission rédemptrice. Il est le Messie attendu par Israël, envoyé dans le monde par le Père. Jésus a accepté le titre de Messie en en précisant toutefois le sens : « Descendu du Ciel » (Jn 3,13), crucifié puis ressuscité, il est le Serviteur souffrant, qui « donne sa vie pour racheter la multitude » (Mt 20,28). Du nom Christ dérive notre nom de chrétiens.
83. En quel sens Jésus est-il le « Fils unique de Dieu »?
441-445
454
Il l’est dans un sens unique et parfait. À son Baptême et à la Transfiguration, la voix du Père désigne Jésus comme son « Fils bien-aimé ». Se présentant lui-même comme le Fils qui « connaît le Père » (Mt 11,27), Jésus affirme sa relation unique et éternelle avec Dieu son Père. « Il est le Fils unique de Dieu » (1 Jn 4,9), la deuxième Personne de la Trinité. Il est le centre de la prédication apostolique : les Apôtres ont vu « sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique » (Jn 1,14).
84. Que signifie le titre de « Seigneur »?
446-451
455
Dans la Bible, ce titre désigne d’ordinaire le Dieu souverain. Jésus se l’attribue et révèle sa souveraineté divine par son pouvoir sur la nature, sur les démons, sur le péché et sur la mort, et surtout par sa résurrection. Les premières confessions chrétiennes proclament que la puissance, l’honneur et la gloire rendus à Dieu le Père le sont aussi à Jésus, à qui Dieu « a donné un nom au-dessus de tout autre nom » (Ph 2,9). Il est le Seigneur du monde et de l’histoire, le seul auquel l’homme doit soumettre totalement sa liberté personnelle.
JÉSUS CHRIST A ÉTÉ CONÇU DU SAINT-ESPRIT,
EST NÉ DE LA VIERGE MARIE
85. Pourquoi le Fils de Dieu s’est-il fait homme?
456-460
Le Fils de Dieu s’est incarné dans le sein de la Vierge Marie par l’opération du Saint-Esprit, pour nous les hommes et pour notre salut, c’est-à-dire pour nous réconcilier, nous pécheurs, avec Dieu, pour nous faire connaître son amour infini, pour être notre modèle de sainteté et pour nous rendre « participants de la nature divine » (2 P 1,4).
86. Que signifie le mot « Incarnation »?
461-463
483
L’Église appelle « Incarnation » le mystère de l’admirable union de la nature divine et de la nature humaine en l’unique Personne divine du Verbe. Pour accomplir notre salut, le Fils de Dieu s’est fait « chair » (Jn 1,14), devenant vraiment homme. La foi en l’Incarnation est le signe distinctif de la foi chrétienne.
87. Comment Jésus Christ est-il vrai Dieu et vrai homme?
464-467
469
Jésus Christ est de manière indissociable vrai Dieu et vrai homme dans l’unité de sa Personne divine. Lui, le Fils de Dieu, qui est « engendré, non pas créé, de même substance que le Père », il s’est vraiment fait homme, notre frère, sans pour autant cesser d’être Dieu, notre Seigneur.
88. Qu’enseigne à ce sujet le Concile de Chalcédoine (en 451)?
467
Le Concile de Chalcédoine enseigne à confesser « un seul et même Fils, Notre Seigneur Jésus Christ, parfait en divinité et parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme, composé d’une âme rationnelle et d’un corps, consubstantiel au Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon l’humanité, ‘semblable à nous en tout, à l’exception du péché’ (He 4,15); engendré du Père avant tous les siècles selon la divinité et, en ces derniers jours, pour nous et notre salut, né de la Vierge Marie, Mère de Dieu, selon l’humanité ».
89. Comment l’Église exprime-t-elle le mystère de l’Incarnation?
464-469
479-481
Elle l’exprime en affirmant que Jésus Christ est vrai Dieu et vrai homme, avec deux natures, divine et humaine, non pas confondues, mais unies dans la Personne du Verbe. Néanmoins, dans l’humanité de Jésus, tout – les miracles, la souffrance et la mort – doit être attribué à sa Personne divine, qui agit par la nature humaine qu’elle assume.
« O Fils unique et Verbe de Dieu, étant immortel, tu as daigné pour notre salut t’incarner de la Sainte Mère de Dieu et toujours Vierge Marie… Toi qui es Un de la Sainte Trinité, glorifié avec le Père et le Saint-Esprit, sauve-nous! » (Liturgie byzantine de saint Jean Chrysostome).
90. Le Fils de Dieu fait homme avait-il une âme avec une connaissance humaine?
470-474
482
Le Fils de Dieu a assumé un corps animé par une âme humaine raisonnable. Avec son intelligence humaine, Jésus a appris beaucoup par l’expérience. Mais aussi comme homme, le Fils de Dieu avait une connaissance intime et immédiate de Dieu son Père. Il pénétrait également les pensées secrètes des hommes et connaissait pleinement les desseins éternels qu’il est venu révéler.
91. Comment s’accordent les deux volontés du Verbe incarné?
475
482
Jésus a une volonté divine et une volonté humaine. Dans sa vie terrestre, le Fils de Dieu a humainement voulu ce qu’il avait divinement décidé pour notre salut avec le Père et l’Esprit Saint. Sans résistance ni opposition, la volonté humaine du Christ suit la volonté divine; mieux encore, elle lui est soumise.
92. Le Christ avait-il un vrai corps humain?
476-477
Le Christ a assumé un vrai corps humain, par lequel Dieu invisible s’est rendu visible. Pour cette raison, le Christ peut être représenté et vénéré au moyen d’images saintes.
93. Que représente le cœur de Jésus?
478
Jésus nous a connus et aimés avec un cœur d’homme. Son cœur transpercé pour notre salut est le symbole de l’amour infini avec lequel il aime son Père et tous les hommes.
94. « Conçu par l’opération du Saint-Esprit… ». Que signifie cette expression?
484-486
Elle signifie que la Vierge Marie a conçu dans son sein le Fils éternel par l’action de l’Esprit Saint et sans le concours d’un homme : « L’Esprit Saint viendra sur toi » (Lc 1,35), lui a dit l’ange à l’Annonciation.
95. « Né de la Vierge Marie ». Pourquoi Marie est-elle vraiment la Mère de Dieu?
495
509
Marie est vraiment Mère de Dieu parce qu’elle est la Mère de Jésus (cf. Jn 2,1; 19,25). En effet, celui qui a été conçu par l’opération du Saint-Esprit et qui est devenu vraiment son Fils est le Fils éternel du Père. Il est lui-même Dieu.
96. Que signifie l’« Immaculée Conception »?
487-492
508
De toute éternité et de façon toute gratuite, Dieu a choisi Marie pour être la Mère de son Fils. Pour accomplir cette mission, elle a été immaculée dès sa conception. Cela signifie que, par la grâce de Dieu et en vue des mérites de Jésus Christ, Marie a été préservée du péché originel dès sa conception.
97. Comment Marie collabore-t-elle au dessein divin du salut?
493-494
508-511
Par la grâce de Dieu, Marie est restée préservée de tout péché personnel durant toute son existence. Elle est « pleine de grâce » (Lc 1,28), la « Toute Sainte ». Quand l’ange lui annonça qu’elle mettrait au monde « le Fils du Très-Haut » (Lc 1,32), elle donna librement son consentement dans « l’obéissance de la foi » (Rm 1,5). Marie s’est livrée totalement à la Personne et à l’œuvre de son Fils Jésus, acceptant de toute son âme la volonté divine du salut.
98. Que signifie la conception virginale de Jésus?
496-498
503
Elle signifie que Jésus a été conçu dans le sein de la Vierge par la seule puissance de l’Esprit Saint, sans intervention de l’homme. Il est Fils du Père céleste selon sa nature divine, Fils de Marie selon sa nature humaine, mais vraiment Fils de Dieu dans ses deux natures, étant en lui-même une seule Personne, qui est divine.
99. En quel sens Marie est-elle « toujours vierge »?
499-507
510-511
Dans le sens qu’elle est « restée vierge en concevant son Fils, vierge en l’enfantant, vierge en le portant, vierge en le nourrissant de son sein, vierge mère, vierge toujours » (saint Augustin). Cependant, quand les Évangiles parlent de « frères et sœurs de Jésus », il s’agit de parents proches de Jésus, selon une expression utilisée dans la Sainte Écriture.
100. De quelle manière la maternité spirituelle de Marie est-elle universelle?
501-507
511
Marie a un Fils unique, Jésus, mais, en lui, sa maternité spirituelle s’étend à tous les hommes, qu’il est venu sauver. Obéissant au côté du nouvel Adam, qui est Jésus Christ, la Vierge est la nouvelle Ève, la véritable mère des vivants, qui coopère avec son amour maternel à leur naissance et à leur croissance dans l’ordre de la grâce. Vierge et Mère, Marie est la figure de l’Église, sa plus parfaite réalisation.
101. En quel sens toute la vie du Christ est-elle Mystère?
512-521
561-562
Toute la vie du Christ est un événement de révélation. Ce qui est visible dans la vie terrestre du Christ conduit à son Mystère invisible, surtout au Mystère de sa filiation divine : « Qui me voit, voit le Père » (Jn 14,9). D’autre part, bien que le salut soit pleinement accompli par la croix et la résurrection, la vie entière du Christ est Mystère de salut, car tout ce que Jésus a fait, a dit et a souffert avait pour but de sauver l’homme déchu et de le rétablir dans sa vocation de fils de Dieu.
102. Quelles ont été les préparations des Mystères de Jésus?
522-524
Avant tout, il y eut durant de nombreux siècles une longue espérance, que nous revivons pendant la célébration liturgique du temps de l’Avent. Outre l’attente obscure qu’il a établie dans le cœur des païens, Dieu a préparé la venue de son Fils à travers l’Ancienne Alliance, jusqu’à Jean-Baptiste, qui est le dernier et le plus grand des prophètes.
103. Qu’enseigne l’Évangile sur les mystères de la naissance et de l’enfance de Jésus?
525-530
563-564
À Noël, la gloire du Ciel se manifeste dans la faiblesse d’un nouveau né. La circoncision de Jésus est le signe de son appartenance au peuple juif et la préfiguration de notre Baptême. L’Épiphanie est la manifestation du Roi-Messie d’Israël à toutes les nations. Dans la Présentation au Temple, en Syméon et Anne, c’est toute l’attente d’Israël qui vient à la rencontre de son Sauveur. La fuite en Égypte et le massacre des innocents annoncent que la vie entière du Christ sera sous le signe de la persécution. Son retour d’Égypte rappelle l’exode et présente Jésus comme le nouveau Moïse : il est le libérateur véritable et définitif.
104. Quel enseignement nous offre la vie cachée de Jésus à Nazareth?
533-534
564
Durant la vie cachée à Nazareth, Jésus reste dans le silence d’une existence ordinaire. Il nous permet ainsi d’être en communion avec lui dans la sainteté d’une vie quotidienne faite de prière, de simplicité, de labeur, d’amour familial. Sa soumission à Marie et à Joseph, son père putatif, est une image de son obéissance filiale à son Père. Avec leur foi, Marie et Joseph accueillent le mystère de Jésus, bien qu’ils ne le comprennent pas toujours.
105. Pourquoi Jésus reçoit-il de Jean le « baptême de conversion pour le pardon des péchés » (Lc 3,3)?
535-537
565
Pour commencer sa vie publique et pour anticiper le Baptême de sa mort, il accepte ainsi, bien que sans péché, d’être compté parmi les pécheurs, lui, « l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29). Le Père le déclare « son Fils bien-aimé » (Mt 3,17), et l’Esprit descend sur lui. Le baptême de Jésus est la préfiguration de notre Baptême.
106. Que nous révèlent les tentations de Jésus au désert?
538-540
566
Les tentations de Jésus au désert récapitulent celle d’Adam au paradis et celles d’Israël dans le désert. Satan tente Jésus dans son obéissance à la mission confiée par son Père. Le Christ, nouvel Adam, résiste et sa victoire annonce celle de la passion, obéissance suprême de son amour filial. L’Église s’unit à ce Mystère tout particulièrement dans le temps liturgique du Carême.
107. Qui est invité à faire partie du Royaume de Dieu, annoncé et accompli par Jésus?
541-546
567
Jésus invite tous les hommes à faire partie du Royaume de Dieu. Même le pire des pécheurs est appelé à se convertir et à accepter l’infinie miséricorde du Père. Déjà, sur la terre, le Royaume appartient à ceux qui l’accueillent d’un cœur humble. C’est à eux que sont révélés ses mystères.
108. Pourquoi le Christ manifeste-t-il le Royaume par des signes et des miracles?
547-550
567
Jésus accompagne sa parole de signes et de miracles pour attester que le Royaume est présent en lui, le Messie. Bien qu’il guérisse certaines personnes, il n’est pas venu pour éliminer ici-bas tous les maux, mais avant tout pour libérer les hommes de l’esclavage du péché. La lutte contre les démons annonce que sa croix l’emportera sur « le prince de ce monde » (Jn 12,31).
109. Dans le Royaume, quelle autorité confère le Christ à ses Apôtres?
551-553
567
Jésus choisit les Douze, futurs témoins de sa Résurrection. Il les fait participer à sa mission et à son autorité pour enseigner, pour pardonner les péchés, pour édifier et pour gouverner l’Église. Dans ce collège, Pierre reçoit « les clefs du Royaume » (Mt 16,19) et occupe la première place, avec la mission de garder la foi dans son intégrité et de confirmer ses frères.
110. Quelle est la signification de la Transfiguration?
554-556
568
À la transfiguration apparaît avant tout la Trinité : « Le Père en sa parole, le Fils dans son humanité, l’Esprit dans la nuée de lumière » (saint Thomas d’Aquin). En évoquant avec Moïse et Élie « son départ » (Lc 9, 31), Jésus montre que sa gloire passe par la croix; et il anticipe sa résurrection et son retour dans la gloire, « qui transfigurera notre corps mortel à l’image de son corps glorieux » (Ph 3,21).
Tu t’es transfiguré sur la montagne, et, autant qu’ils en étaient capables, tes disciples ont contemplé ta Gloire, Christ Dieu, afin que, lorsqu’ils Te verraient crucifié, ils comprennent que ta passion était volontaire et qu’ils annoncent au monde que Tu es vraiment le rayonnement du Père (Liturgie byzantine).
111. Comment advient l’entrée messianique à Jérusalem?
557-560
569-570
Au temps fixé, Jésus décide de monter à Jérusalem pour souffrir sa passion, mourir et ressusciter. Comme Roi-Messie qui manifeste la venue du Royaume, il entre dans sa ville sur le dos d’un petit âne. Il est accueilli par des enfants, dont l’acclamation est reprise dans le Sanctus de la Messe : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Hosanna » (sauve-nous) (Mt 21,9). La liturgie de l’Église commence la Semaine sainte par la célébration de cette entrée à Jérusalem.
« JÉSUS CHRIST A SOUFFERT SOUS PONCE PILATE,
A ÉTÉ CRUCIFIÉ, EST MORT ET A ÉTÉ ENSEVELI »
112. Quelle est l’importance du mystère pascal de Jésus?
571-573
Le mystère pascal de Jésus, qui comprend sa passion, sa mort, sa résurrection et sa glorification, est au centre de la foi chrétienne. Car le dessein sauveur de Dieu s’est accompli une fois pour toutes par la mort rédemptrice de son Fils Jésus Christ.
113. Pour quelles accusations Jésus a-t-il été condamné?
574-576
Certains chefs d’Israël ont accusé Jésus d’agir contre la Loi, contre le temple de Jérusalem et en particulier contre la foi au Dieu unique, parce qu’il se proclamait Fils de Dieu. C’est pourquoi ils le livrèrent à Pilate afin qu’il fût condamné à mort.
114. Quelle a été l’attitude de Jésus envers la Loi d’Israël?
577-582
592
Jésus n’a pas aboli la Loi donnée par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï, mais il l’a portée à son achèvement en lui donnant son interprétation définitive. Il est le Législateur divin qui exécute intégralement cette Loi. D’autre part, par sa mort expiatrice, en Serviteur fidèle, il offre le seul sacrifice capable de racheter toutes « les fautes commises par les hommes sous la première Alliance » (He 9,15).
115. Quelle a été l’attitude de Jésus à l’égard du temple de Jérusalem?
583-586
593
Jésus a été accusé d’hostilité envers le Temple. Pourtant, il l’a vénéré comme « la maison de son Père » (Jn 2,16). Il lui a consacré une part importante de son enseignement. Mais il a aussi prédit sa destruction en relation avec sa propre mort. Il s’est présenté lui-même comme la demeure définitive de Dieu parmi les hommes.
116. Jésus a-t-il contredit la foi d’Israël au Dieu unique et sauveur?
587-591
594
Jésus n’a jamais contredit la foi au Dieu unique, pas même quand il accomplissait l’œuvre divine par excellence qui achevait les promesses messianiques et qui le révélait égal à Dieu : le pardon des péchés. La demande de Jésus de croire en lui et de se convertir permet de saisir la tragique incompréhension du Sanhédrin, qui a jugé qu’il méritait la mort pour cause de blasphème.
117. Qui est responsable de la mort de Jésus?
595-598
La passion et la mort de Jésus ne peuvent être imputées indistinctement ni à tous les Juifs alors vivants, ni aux Juifs venus ensuite dans le temps et dans l’espace. Tout pécheur individuel, c’est-à-dire tout homme, est réellement la cause et l’instrument des souffrances du Rédempteur. Sont plus gravement coupables ceux qui, surtout s’ils sont chrétiens, retombent souvent dans le péché et se complaisent dans les vices.
118. Pourquoi la mort du Christ fait-elle partie du dessein de Dieu?
599-605
619
Pour réconcilier en lui tous les hommes, voués à la mort à cause du péché, Dieu a pris l’initiative pleine d’amour d’envoyer son Fils afin qu’il se soumette à la mort pour les pécheurs. Annoncée dans l’Ancien Testament, en particulier comme sacrifice du Serviteur souffrant, la mort du Christ est arrivée « selon les Écritures ».
119. Comment le Christ s’est-il offert lui-même au Père?
606-609
620
Toute la vie du Christ est offerte librement au Père pour accomplir son dessein de salut. Il a donné sa vie « en rançon pour la multitude » (Mc 10, 45). Par là, il réconcilie toute l’humanité avec Dieu. Sa souffrance et sa mort manifestent que sa propre humanité a été l’instrument libre et parfait de l’Amour divin qui veut le salut de tous les hommes.
120. Comment s’exprime l’offrande de Jésus lors la dernière Cène?
610-611
621
Au cours de la dernière Cène avec ses Apôtres, la veille de sa passion, Jésus anticipe, c’est-à-dire signifie et réalise par avance, l’offrande volontaire de lui-même : « Ceci est mon corps livré pour vous » (Lc 22,19), « Ceci est mon sang répandu… » (Mt 26,28). Ainsi, il a institué en même temps l’Eucharistie comme « mémorial » (cf. 1 Co 11,25) de son sacrifice et ses Apôtres comme prêtres de la nouvelle Alliance.
121. Que s’est-il produit lors de l’agonie au jardin de Gethsémani?
612
Malgré l’horreur que cause la mort dans l’humanité toute sainte de celui qui est l’« Auteur de la Vie » (Ac 3,15), la volonté humaine du Fils de Dieu adhère à la volonté du Père : pour nous sauver, Jésus accepte de porter nos péchés dans son corps, « en devenant obéissant jusqu’à la mort » (Ph 2,8).
122. Quels sont les effets du sacrifice du Christ sur la croix?
613-617
622-623
Jésus a librement offert sa vie en sacrifice d’expiation, c’est-à-dire qu’il a réparé nos fautes par la pleine obéissance de son amour jusqu’à la mort. Cet « amour jusqu’au bout » (Jn 13,1) du Fils de Dieu réconcilie toute l’humanité avec le Père. Le sacrifice pascal du Christ rachète donc tous les hommes d’une façon unique, parfaite et définitive, et leur ouvre la communion avec Dieu.
123. Pourquoi Jésus appelle-t-il ses disciples à prendre leur croix?
618
En demandant à ses disciples de prendre leur croix et de le suivre, Jésus veut associer à son sacrifice rédempteur ceux-là même qui en sont les premiers bénéficiaires.
124. En quelles conditions était le corps de Jésus lorsqu’il se trouvait au tombeau?
624-630
Le Christ a connu une vraie mort et une vraie sépulture. Mais la vertu divine a préservé son corps de la corruption.
« JÉSUS CHRIST EST DESCENDU AUX ENFERS,
EST RESSUSCITÉ LE TROISIÈME JOUR »
125. Que sont « les enfers », où Jésus est descendu?
632-637
Les « enfers » – qui sont différents de l’enfer de la damnation – constituaient la situation de tous ceux qui, justes ou méchants, étaient morts avant le Christ. Avec son âme unie à sa Personne divine, Jésus a rejoint dans les enfers les justes, qui attendaient leur Rédempteur pour pouvoir enfin accéder à la vision de Dieu. Après avoir vaincu, par sa mort, la mort et le diable qui a « le pouvoir de la mort » (He 2,14), il a libéré les justes en attente du Rédempteur et il leur a ouvert les portes du Ciel.
126. Quelle est la place de la résurrection du Christ dans notre foi?
631,638
La résurrection est la vérité la plus haute de notre foi dans le Christ. Avec la croix, elle représente une part essentielle du Mystère pascal.
127. Quels « signes » attestent la Résurrection de Jésus?
639-644
656-657
Hormis le signe essentiel que constitue le tombeau vide, la Résurrection de Jésus est attestée par les femmes qui, les premières, l’ont rencontré et l’ont annoncé aux Apôtres. Jésus est « apparu ensuite à Céphas (Pierre), puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois» (1 Co 15,5-6) et à d’autres encore. Les Apôtres n’ont pu inventer la résurrection, car elle leur apparaissait impossible. En effet, Jésus leur a aussi reproché leur incrédulité.
128. Pourquoi la Résurrection est-elle en même temps un événement transcendant?
647
656-657
Tout en étant un événement historique, que l’on peut constater et qui est attesté par des signes et des témoignages, la Résurrection, parce qu’elle est l’entrée de l’humanité du Christ dans la gloire de Dieu, transcende et dépasse l’histoire, comme mystère de la foi. C’est pour cette raison que le Christ ressuscité ne se manifeste pas au monde, mais à ses disciples, faisant d’eux ses témoins devant le peuple.
129. Quel est l’état du corps ressuscité de Jésus?
645-646
La Résurrection du Christ n’est pas un retour à la vie terrestre. Son corps ressuscité est celui qui a été crucifié et qui porte les signes de sa Passion, mais il participe désormais de la vie divine avec les propriétés d’un corps glorieux. C’est la raison pour laquelle Jésus ressuscité est souverainement libre d’apparaître à ses disciples comme il veut, où il veut et sous des aspects variés.
130. De quelle manière la Résurrection est-elle l’œuvre de la Sainte Trinité?
648-650
La Résurrection du Christ est une action transcendante de Dieu. Les trois Personnes agissent ensemble selon le mode qui leur est propre. Le Père manifeste sa puissance, le Fils « reprend » la vie qu’il a librement offerte (Jn 10,17), réunissant son âme et son corps que l’Esprit Saint vivifie et glorifie.
131. Quels sont le sens et la portée de la Résurrection pour le salut?
651-655
658
La Résurrection est le point culminant de l’Incarnation. Elle confirme la divinité du Christ, ainsi que tout ce qu’il a fait et enseigné. Elle réalise toutes les promesses divines en notre faveur. De plus, le Ressuscité, vainqueur du péché et de la mort, est le principe de notre justification et de notre résurrection. Dès à présent, elle nous procure la grâce de l’adoption filiale qui est une participation réelle à la vie du Fils unique, lequel, à la fin des temps, ressuscitera notre corps.
« JÉSUS EST MONTÉ AU CIEL
IL SIÈGE À LA DROITE DU PÈRE TOUT-PUISSANT »
132. Que représente l’Ascension?
659-667
Après quarante jours pendant lesquels il s’est manifesté à ses Apôtres sous les traits d’une humanité ordinaire qui voilaient sa gloire de Ressuscité, le Christ est monté au ciel et s’est assis à la droite du Père. Il est le Seigneur qui règne désormais avec son humanité dans la gloire éternelle de Fils de Dieu et qui sans cesse intercède en notre faveur auprès du Père. Il envoie son Esprit et nous donne l’espérance de le rejoindre un jour, là où il nous a préparé une place.
« D’OÙ IL VIENDRA JUGER LES VIVANTS ET LES MORTS »
133. Comment le Seigneur Jésus règne-t-il aujourd’hui?
668-674
680
Seigneur du monde et de l’histoire, Chef de son Église, le Christ glorieux demeure mystérieusement sur la terre, où son Royaume est déjà présent en germe et en commencement dans l’Église. Un jour, il reviendra dans la gloire, mais nous n’en connaissons pas l’heure. C’est pourquoi nous vivons en veillant dans la prière : « Viens, Seigneur » (Ap 22,20).
134. Comment s’accomplira la venue du Seigneur dans la gloire?
675-677
680
Après le dernier bouleversement cosmique de ce monde qui passe, la venue glorieuse du Christ arrivera avec le triomphe définitif de Dieu dans la Parousie du Christ et avec le jugement dernier. Ainsi s’accomplira le Royaume de Dieu.
135. Comment le Christ jugera-t-il les vivants et les morts?
678-679
681-682
Le Christ jugera avec la puissance qu’il s’est acquise comme Rédempteur du monde, venu pour sauver les hommes. Les secrets des cœurs seront dévoilés, ainsi que la conduite de chacun envers Dieu et envers son prochain. Tout homme recevra la vie ou sera condamné pour l’éternité selon ses œuvres. Ainsi s’accomplira « la plénitude du Christ » (Ep 4,13), dans laquelle « Dieu sera tout en tous » (1 Co 15,28).
CHAPITRE III
136. Que veut dire l’Église quand elle professe : « Je crois au Saint-Esprit »?
683-686
Croire en l’Esprit Saint, c’est professer la troisième Personne de la Sainte Trinité, qui procède du Père et du Fils, et qui est « adoré et glorifié avec le Père et le Fils ». L’Esprit « est envoyé [...] dans nos cœurs » (Ga 4,6) pour que nous recevions la vie nouvelle des enfants de Dieu.
137. Pourquoi les missions du Fils et de l’Esprit sont-elles inséparables?
687-690
742-743
Dans la Trinité indivisible, le Fils et l’Esprit sont distincts, mais inséparables. En effet, du commencement à la fin des temps, quand le Père envoie son Fils, il envoie aussi son Esprit, qui nous unit au Christ par la foi, afin que nous puissions, comme fils adoptifs, appeler Dieu « Père » (Rm 8,15). L’Esprit est invisible, mais nous le connaissons par son action, lorsqu’il nous révèle le Verbe et qu’il agit dans l’Église.
138. Quels sont les vocables de l’Esprit Saint?
691-693
« Esprit Saint » est le nom propre de la troisième Personne de la Sainte Trinité. Le Christ l’appelle aussi Esprit Paraclet (Consolateur, Avocat) et Esprit de Vérité. Le Nouveau Testament l’appelle encore Esprit du Christ, du Seigneur, de Dieu, Esprit de gloire, de la promesse.
139. Quels sont les symboles qui représentent le Saint-Esprit?
694-701
Ils sont nombreux. L’eau vive qui jaillit du cœur transpercé du Christ et abreuve les baptisés; l’onction avec l’huile, qui est le signe sacramentel de la Confirmation ; le feu qui transforme ce qu’il touche; la nuée, obscure ou lumineuse, où se révèle la gloire divine; l’imposition des mains par laquelle l’Esprit est donné; la colombe qui descend sur le Christ et demeure sur lui au moment de son baptême.
140. Que signifie « l’Esprit a parlé par les prophètes »?
687-688
702-706
743
Le terme de prophètes s’entend ici de ceux qui furent inspirés de l’Esprit Saint pour parler au nom de Dieu. L’Esprit porte les prophéties de l’Ancien Testament à leur plein accomplissement dans Christ, dont le mystère se dévoile dans le Nouveau Testament.
141. Quelle est l’action de l’Esprit en Jean-Baptiste?
717-720
L’Esprit remplit Jean-Baptiste, le dernier prophète de l’Ancien Testament, qui, sous son action, est envoyé pour « préparer un peuple au Seigneur » (Lc 1,17), et pour annoncer la venue du Christ, le Fils de Dieu, celui sur lequel il a vu descendre et demeurer l’Esprit, celui qui « baptise dans l’Esprit » (Jn 1,33).
142. Quelle est l’œuvre de l’Esprit en Marie?
721-726
744
En Marie le Saint-Esprit porte à son achèvement toutes les attentes de la venue du Christ et sa préparation dans l’Ancien Testament. D’une manière unique, il la remplit de grâce et rend féconde sa virginité, pour donner naissance dans la chair au Fils de Dieu. Il fait d’elle la Mère du « Christ total », c’est-à-dire du Christ Tête et de l’Église son corps. Marie est présente au milieu des Douze le jour de la Pentecôte, quand l’Esprit inaugure les « derniers temps » avec la manifestation de l’Église.
143. Quel rapport y a-t-il entre l’Esprit et le Christ Jésus dans sa mission terrestre?
727-730
745-746
Depuis son Incarnation, le Fils de Dieu est consacré Messie dans son humanité, par l’onction de l’Esprit. Il révèle l’Esprit dans son enseignement, accomplissant la promesse faite aux Pères, et il le communique à l’Église naissante en soufflant sur les Apôtres après la Résurrection.
144. Qu’est-il arrivé à la Pentecôte?
731-732
738
Cinquante jours après sa Résurrection, à la Pentecôte, Jésus Christ glorifié a répandu l’Esprit à profusion et il l’a manifesté comme Personne divine, de sorte que la Trinité Sainte est pleinement révélée. La mission du Christ et de l’Esprit devient la mission de l’Église, envoyée pour annoncer et pour répandre le mystère de la communion trinitaire.
« Nous avons vu la vraie lumière, nous avons reçu l’Esprit céleste, nous avons trouvé la vraie foi : nous adorons la Trinité indivisible, car c’est elle qui nous a sauvés » (Liturgie byzantine, tropaire de la Pentecôte).
145. Quelle est l’action de l’Esprit dans l’Église?
733-741
747
L’Esprit édifie, anime et sanctifie l’Église. Esprit d’amour, il restaure chez les baptisés la ressemblance divine perdue à cause du péché et il les fait vivre dans le Christ de la Vie même de la Sainte Trinité. Il les envoie témoigner de la Vérité du Christ et il les établit dans leurs fonctions réciproques, afin que tous portent « le fruit de l’Esprit » (Ga 5,22).
146. Comment agissent le Christ et son esprit dans le cœur des fidèles?
738-741
Par l’intermédiaire des sacrements, le Christ communique son Esprit aux membres de son Corps, ainsi que la grâce de Dieu qui porte les fruits de la vie nouvelle selon l’Esprit. Enfin, le Saint-Esprit est le Maître de la prière.
« JE CROIS À LA SAINTE ÉGLISE CATHOLIQUE »
L’Église dans le dessein de Dieu
147. Que signifie le mot Église?
751-752
777, 804
Il désigne le peuple que Dieu convoque et rassemble de tous les confins de la terre, pour constituer l’assemblée de ceux qui, par la foi et par le Baptême, deviennent fils de Dieu, membres du Christ et temple de l’Esprit Saint.
148. Dans la Bible, quels sont les autres noms et images qui désignent l’Église?
753-757
Dans la Sainte Écriture, nous trouvons de nombreuses images qui mettent en évidence les différents aspects du mystère de l’Église. L’Ancien Testament privilégie les images liées au peuple de Dieu; le Nouveau Testament celles se rattachant au Christ comme Tête de ce peuple, qui est son Corps; elles sont tirées de la vie pastorale (bergerie, troupeau, brebis), de la vie rurale (champ, olivier, vigne), de l’habitat (demeure, pierre, temple), de la famille (épouse, mère, famille).
149. Quel est le commencement et l’achèvement de l’Église?
758-766
778
L’Église a son commencement et son achèvement dans le dessein éternel de Dieu. Elle a été préparée dans l’Ancienne Alliance par l’élection d’Israël, signe du rassemblement futur de toutes les nations. Fondée sur la parole et sur l’action de Jésus Christ, elle s’est accomplie surtout par sa mort rédemptrice et sa résurrection. Elle s’est manifestée ensuite comme mystère de salut par l’effusion de l’Esprit Saint à la Pentecôte. Elle aura son achèvement à la fin des temps comme assemblée céleste de tous les rachetés.
150. Quelle est la mission de l’Église?
767-769
La mission de l’Église est d’annoncer et d’instaurer au milieu de toutes les nations le Royaume de Dieu inauguré par Jésus Christ. Elle constitue sur la terre le germe et le commencement de ce Royaume du salut.
151. En quel sens l’Église est-elle Mystère?
770-773
779
L’Église est mystère parce que, dans sa réalité visible, elle représente et accomplit une réalité spirituelle, divine, qui se perçoit uniquement avec les yeux de la foi.
152. Que signifie pour l’Église être sacrement universel du salut?
774-776
780
Cela signifie qu’elle est signe et instrument de la réconciliation et de la communion de toute l’humanité avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain.
L’Église : peuple de Dieu, Corps du Christ,
Temple de l’Esprit Saint
153. Pourquoi l’Église est-elle le peuple de Dieu?
781
802-804
L’Église est le peuple de Dieu parce qu’il a plu à Dieu de sanctifier et de sauver les hommes non pas séparément, mais en les constituant en un seul peuple, rassemblé dans l’unité du Père, du Fils et de l’Esprit Saint.
154. Quelles sont les caractéristiques du peuple de Dieu?
782
Ce peuple, dont on devient membre par la foi au Christ et par le Baptême, a pour origine Dieu le Père, pour Chef Jésus Christ, pour condition la dignité et la liberté des fils de Dieu, pour loi, le commandement nouveau de l’amour, pour mission d’être le sel de la terre et la lumière du monde, pour fin le Royaume de Dieu, déjà commencé sur la terre.
155. En quel sens le peuple de Dieu prend-il part aux trois fonctions du Christ, sacerdotale, prophétique et royale?
783-786
Le peuple de Dieu prend part à la fonction sacerdotale du Christ parce que les baptisés sont consacrés par l’Esprit Saint pour offrir des sacrifices spirituels. Il participe à sa fonction prophétique parce que, grâce au sens surnaturel de la foi, il s’attache de manière indéfectible à la foi, il en approfondit l’intelligence et il en devient témoin. Il participe à sa fonction royale par le service, imitant le Christ Jésus, roi de l’univers, qui s’est fait serviteur de tous, surtout des pauvres et de ceux qui souffrent.
156. De quelle manière l’Église est-elle Corps du Christ?
787-791
805-806
Par l’Esprit Saint, le Christ, mort et ressuscité, unit intimement à lui-même ses fidèles. Ainsi, ceux qui croient au Christ, parce qu’ils sont étroitement unis à lui, surtout dans l’Eucharistie, sont unis entre eux par la charité, formant un seul corps, l’Église, dont l’unité se réalise dans la diversité des membres et des fonctions.
157. Qui est la tête de ce corps?
792-795
807
Le Christ « est la Tête du corps, c’est-à-dire de l’Église » (Col 1,18). L’Église vit de lui, en lui et par lui. Le Christ et l’Église forment le « Christ total » (saint Augustin). « Tête et membres, une seule et même personne mystique pour ainsi dire » (saint Thomas d’Aquin).
158. Pourquoi dit-on de l’Église qu’elle est l’épouse du Christ?
796
808
Parce que le Seigneur lui-même s’est défini comme l’« Époux » (Mc 2,19) qui a aimé l’Église, qui s’est lié à elle par une Alliance éternelle. Il s’est livré pour elle, afin de la purifier par son sang, de la « rendre sainte » (Ep 5,26) et d’en faire la mère féconde de tous les fils de Dieu. Si le terme de « corps » fait apparaître l’unité de la « tête » et des membres, le terme « épouse » met en relief la distinction des deux dans une relation personnelle.
159. Pourquoi dit-on de l’Église qu’elle est le temple de l’Esprit Saint?
797-798
809-810
Parce que le Saint-Esprit réside dans le corps qui est l’Église, dans sa Tête et dans ses membres; en outre, il édifie l’Église dans la charité, par la Parole de Dieu, les sacrements, les vertus et les charismes.
« Ce que notre esprit, je veux dire notre âme, est à nos membres, l’Esprit Saint l’est aux membres du Christ, au Corps du Christ, je veux dire l’Église » (saint Augustin).
160. Les charismes, que sont-ils?
799-801
Les charismes sont des dons particuliers de l’Esprit Saint impartis aux personnes pour le bien des hommes, pour les nécessités du monde et spécialement pour l’édification de l’Église. C’est au Magistère de l’Église qu’il revient de les discerner.
L’Église est une, sainte, catholique et apostolique
161. Pourquoi l’Église est-elle une?
813-815
866
L’Église est une, parce qu’elle a comme origine et comme modèle l’unité d’un seul Dieu, dans la Trinité des Personnes; comme fondateur et comme tête, Jésus Christ, qui rassemble tous les peuples dans l’unité d’un seul corps; comme âme, l’Esprit Saint, qui unit tous les fidèles dans la communion dans le Christ. Elle a une seule foi, une seule vie sacramentelle, une seule succession apostolique, une espérance commune et la même charité.
162. Où subsiste l’unique Église du Christ?
816
870
Comme société constituée et organisée dans le monde, l’unique Église du Christ subsiste (subsistit in) dans l’Église catholique, gouvernée par le successeur de Pierre et par les Évêques en communion avec lui. C’est seulement par elle que l’on peut atteindre la plénitude des moyens de salut, car le Seigneur a confié tous les biens de la Nouvelle Alliance au seul collège apostolique, dont la tête est Pierre.
163. Comment considérer les chrétiens non catholiques?
817-819
Dans les Églises et Communautés ecclésiales, qui se sont séparées de la pleine communion de l’Église catholique, se rencontrent de nombreux éléments de sanctification et de vérité. Tous ces éléments de bien proviennent du Christ et tendent vers l’unité catholique. Les membres de ces Églises et Communautés sont incorporés au Christ par le Baptême; nous les reconnaissons donc comme des frères.
164. Comment s’engager en faveur de l’unité des chrétiens?
820-822
866
Le désir de rétablir l’union entre tous les chrétiens est un don du Christ et un appel de l’Esprit Saint. Il concerne toute l’Église et il s’accomplit par la conversion du cœur, la prière, la connaissance fraternelle réciproque, le dialogue théologique.
165. En quel sens l’Église est-elle sainte?
823-829
867
L’Église est sainte parce que le Dieu très saint en est l’auteur. Le Christ s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier et de la rendre sanctifiante. L’Esprit Saint la vivifie par la charité. En elle réside la plénitude des moyens du salut. La sainteté est la vocation de chacun de ses membres et le but de toute son action. L’Église compte en son sein la Vierge Marie et d’innombrables saints, qui sont ses modèles et ses intercesseurs. La sainteté de l’Église est la source de la sanctification pour ses fils, qui, sur la terre, se reconnaissent tous pécheurs et qui ont toujours besoin de se convertir et de se purifier.
166. Pourquoi l’Église est-elle appelée catholique?
830-831
868
L’Église est catholique, c’est-à-dire universelle, parce que le Christ est présent en elle. « Là où est le Christ Jésus, là est l’Église catholique » (saint Ignace d’Antioche). Elle annonce la totalité et l’intégralité de la foi. Elle contient et elle administre la plénitude des moyens du salut. Elle est envoyée en mission à toutes les nations, à toutes les époques et à quelque culture qu’elles appartiennent.
167. Une Église particulière est-elle catholique?
832-835
Est catholique toute Église particulière (c’est-à-dire un diocèse ou une éparchie) formée par la communauté des chrétiens qui sont en communion dans la foi et dans les sacrements avec leur Évêque ordonné dans la succession apostolique et avec l’Église de Rome, qui « préside à la charité » (saint Ignace d’Antioche).
168. Qui fait partie de l’Église catholique?
836-838
Tous les hommes, sous diverses formes, appartiennent ou sont ordonnés à l’unité catholique du peuple de Dieu. Est pleinement incorporé à l’Église catholique celui qui, ayant l’Esprit du Christ, est uni à elle par les liens de la profession de foi, des sacrements, du gouvernement ecclésiastique et de la communion. Les baptisés qui ne réalisent pas pleinement cette unité catholique sont dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique.
169. Quelle est le rapport de l’Église catholique avec le peuple juif?
839-840
L’Église catholique reconnaît son rapport avec le peuple juif dans le fait que Dieu a élu ce dernier, avant tous les autres, pour accueillir sa Parole. C’est au peuple juif qu’appartiennent « l’adoption des fils, la gloire, les alliances, la loi, le culte, les promesses de Dieu; ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né selon la chair » (Rm 9,4.5). À la différence des autres religions non chrétiennes, la foi juive est déjà réponse à la Révélation du Dieu de l’Ancienne Alliance.
170. Quel lien existe-t-il entre l’Église catholique et les religions non chrétiennes?
841-845
C’est un lien issu avant tout de l’origine et de la fin communes de tout le genre humain. L’Église catholique reconnaît que ce qu’il y a de bon et de vrai dans les autres religions vient de Dieu. C’est un rayon de sa vérité. Cela peut disposer à l’accueil de l’Évangile et pousser à l’unité de l’humanité dans l’Église du Christ.
171. Que signifie l’affirmation « Hors de l’Église pas de salut »?
846-848
Cela signifie que tout salut vient du Christ-Tête par l’intermédiaire de l’Église, qui est son Corps. Ne peuvent donc pas être sauvés ceux qui, sachant l’Église fondée par le Christ et nécessaire au salut, ne veulent pas y entrer, ni y persévérer. D’autre part, grâce au Christ et à son Église, peuvent parvenir au salut éternel ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile du Christ et son Église, mais recherchent Dieu sincèrement et, sous l’influence de la grâce, s’efforcent de faire sa volonté, reconnue à travers ce que leur dicte leur conscience.
172. Pourquoi l’Église doit-elle annoncer l’Évangile au monde entier?
849-851
Parce que le Christ l’a commandé : « Allez et enseignez toutes les nations, baptisant au nom de Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (Mt 28,19). Ce commandement missionnaire du Seigneur a sa source dans l’amour éternel de Dieu, qui a envoyé son Fils et son Esprit parce qu’« il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2,4).
173. Comment l’Église est-elle missionnaire?
852-856
Guidée par l’Esprit Saint, l’Église poursuit tout au long de l’histoire la mission du Christ lui-même. Les chrétiens doivent donc annoncer à tous la Bonne Nouvelle apportée par le Christ, en suivant le même chemin que lui, en étant prêts également au sacrifice jusqu’au martyre.
174. Pourquoi l’Église est-elle apostolique?
857
869
L’Église est apostolique par son origine, parce qu’elle a « pour fondations les Apôtres » (Ep 2,20); par son enseignement, qui est celui des Apôtres; par sa structure, parce qu’elle est édifiée, sanctifiée et gouvernée, jusqu’au retour du Christ, par les Apôtres, grâce à leurs successeurs, les Évêques en communion avec le successeur de Pierre.
175. En quoi consiste la mission des Apôtres?
858-861
Le mot Apôtre signifie envoyé. Jésus, l’Envoyé du Père, appela à lui les Douze, choisis parmi ses disciples, et il les institua ses Apôtres, faisant d’eux les témoins de sa résurrection et les fondements de son Église. Il leur donna mandat de poursuivre sa mission, leur disant : « Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21), et il leur promit d’être avec eux jusqu’à la fin du monde.
176. Qu’est-ce que la succession apostolique?
861-865
La succession apostolique est la transmission, par le sacrement de l’Ordre, de la mission et de l’autorité des Apôtres à leurs successeurs, les Évêques. Par cette transmission, l’Église demeure en communion de foi et de vie avec son origine, tandis qu’au long des siècles, elle exerce son apostolat par la diffusion du Royaume du Christ sur la terre.
Les fidèles : hiérarchie, laïcs, vie consacrée
177. Qui sont les fidèles?
871-872
Les fidèles sont ceux qui, incorporés au Christ par le Baptême, sont établis membres du peuple de Dieu. Rendus participants, selon leur condition propre, aux fonctions sacerdotale, prophétique et royale du Christ, ils sont appelés à exercer la mission confiée par Dieu à l’Église. Entre eux, demeure une véritable égalité en raison de leur dignité de fils de Dieu.
178. Comment le peuple de Dieu est-il composé?
873
934
Dans l’Église, par institution divine, il y a les ministres sacrés, qui ont ont reçu le sacrement de l’Ordre et qui forment la hiérarchie de l’Église. Les autres sont appelés laïcs. Des uns et des autres sont issus des fidèles qui se consacrent à Dieu de façon particulière par la profession des conseils évangéliques : la chasteté dans le célibat, la pauvreté et l’obéissance.
179. Pourquoi le Christ a-t-il institué la hiérarchie ecclésiastique?
874-876
935
Le Christ a institué la hiérarchie ecclésiastique en vue de la mission de paître le peuple de Dieu en son nom; et c’est pourquoi il lui a donné l’autorité. La hiérarchie est composée des ministres sacrés : Évêques, prêtres, diacres. Par le sacrement de l’Ordre, les Évêques et les prêtres agissent, dans l’exercice de leur ministère, au nom et dans la personne du Christ-Tête. Les diacres servent le peuple de Dieu dans la diaconie (service) de la parole, de la liturgie et de la charité.
180. Comme se réalise la dimension collégiale du ministère ecclésial?
877
À l’exemple des douze Apôtres, choisis et envoyés ensemble par le Christ, l’union des membres de la hiérarchie ecclésiastique est au service de la communion de tous les fidèles. Tout Évêque exerce son ministère comme membre du collège épiscopal, en communion avec le Pape, ayant avec lui à prendre part à la sollicitude de l’Église universelle. Les prêtres exercent leur ministère au sein du presbytérium de l’Église particulière en communion avec l’Évêque et sous son autorité.
181. Pourquoi le ministère ecclésial a-t-il aussi un caractère personnel?
878-879
Le ministère ecclésial a aussi un caractère personnel, parce que, en vertu du sacrement de l’Ordre, chacun est responsable devant le Christ, qui l’a personnellement appelé en lui confiant une mission.
182. Quelle est la mission du Pape?
881-882
936-937
Le Pape, Évêque de Rome et successeur de saint Pierre, est principe perpétuel et visible, et fondement de l’unité de l’Église. Il est le vicaire du Christ, la Tête du collège des Évêques et le pasteur de toute l’Église, sur laquelle il a, par institution divine, un pouvoir plénier, suprême, immédiat et universel.
183. Quelle est la charge du Collège des Évêques?
883-885
Le Collège des Évêques, en communion avec le Pape et jamais sans lui, exerce aussi sur l’Église un pouvoir suprême et plénier.
184. Comment les Évêques exercent-ils leur mission d’enseigner?
888-890
939
En communion avec le Pape, les Évêques ont le devoir d’annoncer l’Évangile à tous, fidèlement et avec autorité. Ils sont les témoins authentiques de la foi apostolique, revêtus de l’autorité du Christ. Grâce au sens surnaturel de la foi, le Peuple de Dieu, guidé par le Magistère vivant de l’Église, adhère indéfectiblement à la foi.
185. Quand s’exerce l’infaillibilité du Magistère?
891
L’infaillibilité s’exerce quand le Souverain Pontife, en vertu de son autorité de suprême Pasteur de l’Église, ou le Collège des Évêques en communion avec le Pape, surtout lorsqu’ils sont rassemblés en Concile œcuménique, déclarent par un acte définitif une doctrine relative à la foi ou à la morale, ou encore quand le Pape et les Évêques, dans leur magistère ordinaire, sont unanimes à déclarer une doctrine comme définitive. À cet enseignement, tout fidèle doit adhérer dans l’obéissance de la foi.
186. Comment les Évêques exercent-ils leur ministère de sanctification?
893
Les Évêques sanctifient l’Église en dispensant la grâce du Christ par le ministère de la Parole et des sacrements, en particulier l’Eucharistie, et aussi par la prière, tout comme par leur exemple et leur travail.
187. Comment les Évêques exercent-ils leur fonction de gouvernement?
894-896
En tant que membre du collège épiscopal, tout Évêque porte de manière collégiale la sollicitude de toutes les Églises particulières et de l’Église entière, en union avec les autres Évêques unis au pape. L’Évêque à qui est confiée une Église particulière la gouverne avec l’autorité du pouvoir sacré qui lui est propre, ordinaire et immédiat, pouvoir exercé au nom du Christ, le Bon Pasteur, en communion avec toute l’Église et sous la conduite du successeur de Pierre.
188. Quelle est la vocation des fidèles laïcs?
897-900
940
Les fidèles laïcs ont pour vocation propre de rechercher le Royaume de Dieu, en éclairant et en gérant les réalités temporelles selon Dieu. Ils réalisent ainsi l’appel à la sainteté et à l’apostolat, adressé à tous les baptisés.
189. Comment les fidèles laïcs participent-ils à la fonction sacerdotale du Christ?
901-903
Ils y participent en offrant – comme sacrifice spirituel « offert à Dieu par Jésus Christ » (1 P 2,5), par-dessus tout dans l’Eucharistie – leur propre vie, avec leurs actions, leurs prières et leurs engagements apostoliques, leur vie de famille et leur travail quotidien, les difficultés de la vie supportées en patience et les moments de détente corporelle et spirituelle. De cette manière, les laïcs qui s’engagent pour le Christ et qui sont consacrés par l’Esprit Saint offrent eux aussi à Dieu le monde lui-même.
190. Comment prennent-ils part à sa fonction prophétique?
904-907
942
Ils y participent en accueillant toujours plus dans la foi la Parole du Christ et en l’annonçant au monde par le témoignage de leur vie, ainsi que par la parole, l’action évangélisatrice et la catéchèse. Une telle action évangélisatrice acquiert une efficacité particulière du fait qu’elle s’accomplit dans les conditions ordinaires de la vie dans le monde.
191. Comment participent-ils à sa fonction royale?
908-913
943
Les laïcs participent à la fonction royale du Christ en ayant reçu de lui le pouvoir de vaincre le péché, en eux-mêmes et dans le monde, par le renoncement personnel et par la sainteté de leur vie. Ils exercent divers ministères au service de la communauté et ils imprègnent de valeur morale les activités temporelles de l’homme et les institutions de la société.
192. Qu’est-ce que la vie consacrée?
914-916
944
C’est un état de vie reconnu par l’Église. Il est une réponse libre à un appel particulier du Christ, dans lequel les personnes consacrées se donnent totalement à Dieu et tendent à la perfection de la charité sous la motion de l’Esprit Saint. Cette consécration se caractérise par la pratique des conseils évangéliques.
193. Que procure la vie consacrée à la mission de l’Église?
931-933
945
La vie consacrée participe à la mission de l’Église par un don total de soi au Christ et à ses frères, témoignant de l’espérance du Royaume des cieux.
Je crois à la communion des saints
194. Que signifie l’expression communion des saints?
946-953
960
Cette expression signifie avant tout la participation commune de tous les membres de l’Église aux réalités saintes (sancta) : la foi, les sacrements, en particulier l’Eucharistie, les charismes et les autres dons spirituels. À la source de la communion, il y a la charité, qui « ne cherche pas son intérêt » (1 Co 13,5), mais qui pousse les fidèles à « mettre tout en commun » (Ac 4,32), même leurs biens matériels, pour le service des plus pauvres.
195. Que signifie encore la communion des saints?
954-959
961-962
Elle désigne également la communion entre les personnes saintes (sancti), à savoir entre ceux qui, par la grâce, sont unis au Christ mort et ressuscité. Les uns sont en pèlerinage sur la terre, d’autres, ayant quitté cette vie, achèvent leur purification, soutenus aussi par nos prières, d’autres enfin jouissent déjà de la gloire de Dieu et intercèdent pour nous. Tous ensemble, ils forment dans le Christ une unique famille, l’Église, à la louange et à la gloire de la Trinité.
Marie, Mère du Christ, Mère de l’Église
196. En quel sens la Bienheureuse Vierge Marie est-elle Mère de l’Église?
963-966
973
La bienheureuse Vierge Marie est Mère de l’Église dans l’ordre de la grâce parce qu’elle a donné naissance à Jésus, le Fils de Dieu, Tête de son Corps qui est l’Église. En mourant sur la croix, Jésus l’a donnée comme mère à son disciple, par ces mots : « Voici ta mère » (Jn 19,27).
197. Comment la Vierge Marie aide-t-elle l’Église?
967-970
Après l’ascension de son Fils, la Vierge Marie a aidé, par ses prières, les débuts de l’Église et, même après son assomption au ciel, elle continue d’intercéder pour ses enfants, d’être pour tous un modèle de foi et de charité, et d’exercer sur eux une influence salutaire, qui vient de la surabondance des mérites du Christ. Les fidèles voient en elle une icône et une anticipation de la résurrection qui les attend, et ils l’invoquent sous les titres d’avocate, d’auxiliatrice, de secours, de médiatrice.
198. Quel type de culte convient-il à la Sainte Vierge?
971
C’est un culte particulier, mais qui diffère essentiellement du culte d’adoration, réservé uniquement à la Sainte Trinité. Ce culte de vénération spéciale trouve une expression particulière dans les fêtes liturgiques dédiées à la Mère de Dieu ainsi que dans les prières mariales, comme le Rosaire, résumé de tout l’Évangile.
199. Comment la bienheureuse Vierge Marie est-elle l’icône eschatologique de l’Église?
972
974-975
En regardant Marie, toute sainte et déjà glorifiée en son corps et en son âme, l’Église contemple en elle ce qu’elle-même est appelée à être sur la terre et ce qu’elle sera dans la patrie céleste.
« JE CROIS À LA RÉMISSION DES PÉCHÉS»
200. Comment les péchés sont-ils remis?
976-980
984-985
Le premier et le principal sacrement pour le pardon des péchés est le Baptême. Pour les péchés commis après le Baptême, le Christ a institué le sacrement de la Réconciliation ou de la Pénitence, par lequel le baptisé est réconcilié avec Dieu et avec l’Église.
201. Pourquoi l’Église a-t-elle le pouvoir de pardonner les péchés?
981-983
986-987
L’Église a la mission et le pouvoir de pardonner les péchés, parce que c’est le Christ lui-même qui les lui a conférés : « Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus » (Jn 20,22-23).
« JE CROIS À LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR »
202. Que signifie le terme chair? Quelle est son importance?
990
1015
Le terme chair désigne l’homme dans sa condition de faiblesse et de mortalité. « La chair est le pivot du salut » (Tertullien). En effet, nous croyons en Dieu, créateur de la chair; nous croyons au Verbe fait chair pour racheter la chair, nous croyons en la résurrection de la chair, achèvement de la création et de la rédemption de la chair.
203. Que signifie la « résurrection de la chair »?
990
Cela signifie que l’état définitif de l’homme ne sera pas seulement l’âme spirituelle séparée du corps, mais que nos corps mortels sont aussi appelés à reprendre vie un jour.
204. Quel rapport y a-t-il entre la résurrection du Christ et la nôtre?
998
1002-
1003
De même que le Christ est vraiment ressuscité des morts et vit pour toujours, de même, il nous ressuscitera tous, au dernier jour, avec un corps incorruptible, « ceux qui ont fait le bien ressuscitant pour entrer dans la vie, et ceux qui ont fait le mal ressuscitant pour être jugés » (Jn 5,29).
205. À la mort, qu’arrivera-t-il à notre corps et à notre âme?
992-1004
1016-1018
À la mort, l’âme et le corps sont séparés, le corps tombe en corruption, tandis que l’âme, qui est immortelle, va vers le jugement de Dieu et attend d’être réunie au corps quand il sera transformé, lors du retour du Seigneur. Comprendre comment se produira la résurrection dépasse les capacités de notre imagination et de notre entendement.
206. Que signifie mourir dans le Christ Jésus?
1005-1014
1019
Cela signifie mourir dans la grâce de Dieu, sans péché mortel. Celui qui croit au Christ et qui suit son exemple peut ainsi transformer sa mort en acte d’obéissance et d’amour envers le Père. « Cette parole est sûre : si nous mourons avec lui, avec lui nous vivrons » (2 Tm 2,11).
« JE CROIS À LA VIE ÉTERNELLE »
207. Qu’est-ce que la vie éternelle?
1020
1051
La vie éternelle est la vie qui commence aussitôt après la mort. Elle n’aura pas de fin. Elle sera précédée pour chacun par un jugement particulier prononcé par le Christ, juge des vivants et des morts, et elle sera scellée au jugement final.
208. Qu’est ce que le jugement particulier?
1021-1022
1051
C’est le jugement de rétribution immédiate que chacun, à partir de sa mort, reçoit de Dieu en son âme immortelle, en relation avec sa foi et ses œuvres. Cette rétribution consiste dans l’accession à la béatitude du ciel, aussitôt ou après une purification proportionnée, ou au contraire à la condamnation éternelle de l’enfer.
209. Qu’entend-on par « ciel »?
1023-1026
1053
On entend par « ciel » l’état de bonheur suprême et définitif. Ceux qui meurent dans la grâce de Dieu et qui n’ont besoin d’aucune purification ultérieure sont réunis autour de Jésus et de Marie, des anges et des saints. Ils forment ainsi l’Église du ciel, où ils voient Dieu « face à face » (1 Co 13,12); ils vivent en communion d’amour avec la Sainte Trinité et ils intercèdent pour nous.
« La vie subsistante et vraie, c’est le Père qui, par le Fils et l’Esprit Saint, déverse sur tous sans exception les dons célestes. Grâce à sa miséricorde, nous aussi, hommes, nous avons reçu la promesse indéfectible de la vie éternelle » (saint Cyrille de Jérusalem).
210. Qu’est-ce que le purgatoire?
1030-1031
1054
Le purgatoire est l’état de ceux qui meurent dans l’amitié divine, mais qui, tout en étant assurés de leur salut éternel, ont encore besoin de purification pour entrer dans la béatitude du ciel.
211. Comment pouvons-nous contribuer à la purification des âmes du purgatoire?
1032
En vertu de la communion des saints, les fidèles qui sont encore en pèlerinage sur la terre peuvent aider les âmes du purgatoire, en offrant pour elles des prières de suffrage, en particulier le Sacrifice eucharistique, mais aussi des aumônes, des indulgences et des œuvres de pénitence.
212. En quoi consiste l’enfer?
1033-1035
1056-1057
Il consiste dans la damnation éternelle de ceux qui, par libre choix, meurent en état de péché mortel. La peine principale de l’enfer est la séparation éternelle de Dieu. C’est en Dieu seul que l’homme possède la vie et le bonheur pour lesquels il a été créé et auxquels il aspire. Le Christ exprime cette réalité par ces mots : « Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel » (Mt 25,41).
213. Comment concilier l’existence de l’enfer et l’infinie bonté de Dieu?
1036-1037
S’il veut que « tous parviennent au repentir » (2 P 3,9), Dieu a toutefois créé l’homme libre et responsable, et il respecte ses décisions. C’est donc l’homme lui-même qui, en pleine autonomie, s’exclut volontairement de la communion avec Dieu, si, jusqu’au moment de sa mort, il persiste dans le péché mortel, refusant l’amour miséricordieux de Dieu.
214. En quoi consistera le jugement dernier?
1038-1041
1058-1059
Le jugement dernier (universel) consistera dans la sentence de vie bienheureuse ou de condamnation éternelle, que le Seigneur Jésus, lors de son retour comme juge des vivants et des morts, prononcera pour « les justes et les pécheurs » (Ac 24,15), rassemblés tous ensemble devant lui. A la suite de ce jugement dernier, le corps ressuscité participera à la rétribution que l’âme a reçue dans le jugement particulier.
215. Quand ce jugement arrivera-t-il?
1040
Ce jugement se produira à la fin du monde, dont seul Dieu connaît le jour et l’heure.
216. Que signifie l’espérance des cieux nouveaux et de la nouvelle terre?
1042-1050
1060
Après le jugement dernier, l’univers lui-même, délivré de l’esclavage de la corruption, participera à la gloire du Christ avec l’inauguration des « cieux nouveaux » et de la « nouvelle terre » (2 P 3,13). Ainsi, sera atteinte la plénitude du Royaume de Dieu, c’est-à-dire l’accomplissement définitif du dessein sauveur de Dieu : « Récapituler toutes choses dans le Christ, dans le ciel et sur la terre » (Ep 1,10). Dieu sera alors « tout en tous » (1 Co 15,28), pour la vie éternelle.
« Amen »
217. Que signifie le mot amen, qui conclut notre profession de foi?
1061-1065
Le mot juif amen qui conclut aussi le dernier livre de l’Écriture Sainte, ainsi que certaines prières du Nouveau Testament et les prières liturgiques de l’Église, signifie notre « oui » confiant et total à ce que nous avons professé de croire, nous confiant entièrement à celui qui est l’« Amen » définitif (Ap 3,14), le Christ Seigneur.
DEUXIÈME PARTIE
LA CÉLÉBRATION
DU MYSTÈRE CHRÉTIEN
PREMIÈRE SECTION
218. Qu’est-ce que la Liturgie?
1066-1070
La Liturgie est la célébration du Mystère du Christ, en particulier de son Mystère pascal. Dans la liturgie, par l’intermédiaire de l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ, est signifiée et réalisée, par des signes, la sanctification des hommes. Le Corps mystique du Christ, à savoir la tête et les membres, exerce le culte public qui est dû à Dieu.
219. Quelle est la place de la Liturgie dans la vie de l’Église?
1071-1075
Action sacrée par excellence, la liturgie constitue le sommet vers lequel tend l’action de l’Église et en même temps la source d’où provient sa force de vie. Par la liturgie, le Christ continue dans son Église, avec elle et par elle l’œuvre de notre rédemption.
220. En quoi consiste l’économie sacramentelle?
1076
L’économie sacramentelle consiste dans le fait de communiquer les fruits de la rédemption du Christ par la célébration des sacrements de l’Église, en tout premier lieu de l’Eucharistie, « jusqu’à ce qu’il revienne » (1 Co 11,26).
CHAPITRE I
LE MYSTÈRE PASCAL DANS LA VIE DE L’ÉGLISE
LA LITURGIE, ŒUVRE DE LA SAINTE TRINITÉ
221. Comment le Père est-il la source et la fin de la liturgie?
1077-1083
1110
Dans la liturgie, le Père nous comble de ses bénédictions en son Fils incarné, mort et ressuscité pour nous, et il répand dans nos cœurs l’Esprit Saint. En même temps, l’Église bénit le Père par l’adoration, la louange, l’action de grâces, et elle implore le don de son Fils et de l’Esprit Saint.
222. Quelle est l’œuvre du Christ dans la liturgie?
1084-1090
Dans la liturgie, le Christ signifie et accomplit principalement son Mystère pascal. En donnant l’Esprit Saint aux Apôtres, il leur a donné, ainsi qu’à leurs successeurs, le pouvoir de réaliser l’œuvre du salut par le Sacrifice eucharistique et par les sacrements, où il agit lui-même pour communiquer sa grâce aux fidèles de tous les temps et dans le monde entier.
223. Dans la liturgie, comment le Saint-Esprit agit-il par rapport à l’Église?
1091-1109
1112
Dans la liturgie s’opère la coopération la plus étroite de l’Esprit Saint et de l’Église. L’Esprit Saint prépare l’Église à rencontrer son Seigneur. Il rappelle le Christ à la foi de l’assemblée et le lui manifeste. Il rend présent et actualise le mystère du Christ; il unit l’Église à la vie et à la mission du Christ, et il fait fructifier en elle le don de la communion.
LE MYSTÈRE PASCAL DANS LES SACREMENTS DE L’ÉGLISE
224. Pourquoi les sacrements? Quels sont-ils?
1113-1131
Les sacrements sont des signes sensibles et efficaces de la grâce, institués par le Christ et confiés à l’Église, par lesquels nous est donnée la vie divine. Ils sont au nombre de sept : le Baptême, la Confirmation, l’Eucharistie, la Pénitence, l’Onction des malades, l’Ordre et le Mariage.
225. Quel est le rapport des sacrements avec le Christ?
1114-1116
Les mystères de la vie du Christ constituent le fondement de ce que maintenant, par les ministres de l’Église, le Christ dispense dans les sacrements.
« Ce qui était visible dans notre Sauveur est passé dans les sacrements » (saint Léon le Grand).
226. Quel est le lien des sacrements avec l’Église?
1117-1119
Le Christ a confié les sacrements à son Église. Ils sont « de l’Église » en un double sens : ils sont « par l’Église », parce qu’ils sont action de l’Église, qui est le sacrement de l’action du Christ; ils sont « pour l’Église », en ce sens qu’ils édifient l’Église.
227. Qu’est-ce que le caractère sacramentel?
1121
C’est un sceau spirituel conféré par les sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Ordre. Il est promesse et garantie de la protection divine. En vertu de ce sceau, le chrétien est configuré au Christ; il participe de diverses manières à son sacerdoce. Il fait partie de l’Église selon des états et des fonctions différents. Il a ainsi pour vocation le culte divin et le service de l’Église. Puisque leur caractère est indélébile, les sacrements qui l’impriment ne sont reçus qu’une seule foi dans la vie.
228. Quel est le rapport des sacrements avec la foi?
1122-1126
1133
Non seulement les sacrements supposent la foi, mais encore, par les paroles et les éléments rituels, ils la nourrissent, la fortifient et l’expriment. En célébrant les sacrements, l’Église confesse la foi apostolique. De là vient l’ancien adage « lex orandi, lex credendi », ce qui veut dire : l’Église croit comme elle prie.
229. Pourquoi les sacrements sont-ils efficaces?
1127-1128
1131
Les sacrements sont efficaces ex opere operato (« par le fait même que l’action sacramentelle est accomplie »). C’est en effet le Christ qui agit en eux et qui communique la grâce qu’ils signifient, indépendamment de la sainteté personnelle du ministre; toutefois les fruits du sacrement dépendent aussi des dispositions de ceux qui les reçoivent.
230. Pourquoi les sacrements sont-il nécessaires au salut?
1129
Même s’ils ne sont pas tous donnés à chaque croyant, les sacrements sont nécessaires à ceux qui croient au Christ, parce qu’ils confèrent les grâces sacramentelles, le pardon des péchés, l’adoption comme fils de Dieu, la conformation au Christ Seigneur et l’appartenance à l’Église. L’Esprit Saint guérit et transforme ceux qui les reçoivent.
231. Qu’est-ce que la grâce sacramentelle?
1129; 1131
1134; 2003
La grâce sacramentelle est la grâce de l’Esprit Saint, donnée par le Christ et propre à chaque sacrement. Cette grâce aide le fidèle sur le chemin de la sainteté; elle aide aussi l’Église à croître dans la charité et dans son témoignage.
232. Quel est le rapport des sacrements avec la vie éternelle?
1130
Dans les sacrements, l’Église reçoit déjà une anticipation de la vie éternelle, tout en demeurant « dans l’attente de la bienheureuse espérance et de la manifestation de la gloire de notre Dieu et Seigneur Jésus Christ » (Tt 2,13).
CHAPITRE II
LA CÉLÉBRATION SACRAMENTELLE
DU MYSTÈRE PASCAL
CÉLÉBRER LA LITURGIE DE L’ÉGLISE
Qui célèbre?
233. Qui agit dans la liturgie?
1135-1137
1187
Dans la liturgie, c’est le Christ total (« Christus Totus »), Tête et Corps, qui agit. En tant que Souverain Prêtre, il célèbre avec son Corps, qui est l’Église du ciel et de la terre.
234. Qui célèbre la liturgie céleste?
1138-1139
La liturgie céleste est célébrée par les anges, les saints de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance, en particulier par la Mère de Dieu, les Apôtres, les martyrs et une «multitude immense » que nul ne peut dénombrer, « de toutes nations, races, peuples et langues » (Ap 7,9). Quand nous célébrons dans les sacrements le mystère du salut, nous prenons part à cette liturgie éternelle.
235. Comment l’Église de la terre célèbre-t-elle la liturgie?
1140-1144
1188
L’Église sur la terre célèbre la liturgie en tant que peuple sacerdotal, au sein duquel chacun agit selon sa fonction propre, dans l’unité de l’Esprit Saint. Les baptisés s’offrent en sacrifice spirituel, les ministres ordonnés célèbrent selon l’Ordre qu’ils ont reçu pour le service de tous les membres de l’Église; Évêques et prêtres agissent dans la personne du Christ Tête.
Comment célébrer?
236. Comment est célébrée la liturgie?
1145
La célébration liturgique est composée de signes et de symboles, dont la signification, enracinée dans la création et dans les cultures humaines, se précise dans les événements de l’Ancienne Alliance et s’accomplit pleinement dans la Personne et dans les œuvres du Christ.
237. D’où proviennent les signes sacramentels?
1146-1152
1189
Certains proviennent de la création (la lumière, l’eau, le feu, le pain, le vin, l’huile); d’autres proviennent de la vie sociale (laver, oindre, rompre le pain); d’autres encore, de l’histoire du salut dans l’Ancienne Alliance (les rites de la Pâque, les sacrifices, l’imposition des mains, les consécrations). De tels signes, dont certains sont prescrits et immuables, assumés par le Christ, sont porteurs de l’action du salut et de la sanctification.
238. Quel lien existe-t-il entre les gestes et les paroles dans la célébration sacramentelle?
1153-1155
1190
Dans la célébration sacramentelle, gestes et paroles sont étroitement liés. En effet, même si les gestes symboliques sont déjà en eux-mêmes un langage, il est pourtant nécessaire que les paroles rituelles les accompagnent et les vivifient. Inséparables à la fois comme signes et enseignement, les paroles et les gestes liturgiques le sont aussi parce qu’ils réalisent ce qu’ils signifient.
239. Selon quels critères le chant et la musique ont-ils leur rôle dans la célébration liturgique?
1156-1158
1191
Le chant et la musique sont en connexion étroite avec l’action liturgique; ils doivent donc respecter les critères suivants : conformité à la doctrine catholique des textes, tirés de préférence de l’Écriture et des sources liturgiques, beauté expressive de la prière, qualité de la musique, participation de l’assemblée, richesse culturelle du peuple de Dieu, caractère sacré et solennel de la célébration. « Qui chante prie deux fois » (saint Augustin).
240. Quelle est le but des images saintes?
1159-1161
1192
L’image du Christ est l’icône liturgique par excellence; les autres images représentant la Vierge et les saints signifient le Christ qui est glorifié en eux. Elles proclament le message évangélique lui-même que la Sainte Écriture transmet par la parole. Elles contribuent à réveiller et à nourrir la foi des croyants.
Quand célébrer?
241. Quel est le centre du temps liturgique?
1163-1167
1193
Le centre du temps liturgique est le dimanche, fondement et cœur de toute l’année liturgique, qui, chaque année, a son sommet à Pâques, la fête des fêtes.
242. Quel est le rôle de l’année liturgique?
1168-1173
1194-1195
Au cours de l’année liturgique, l’Église célèbre la totalité du Mystère du Christ, de son Incarnation jusqu’à son retour dans la gloire. Certains jours, l’Église vénère avec une affection spéciale la bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, et elle fait aussi mémoire des saints, qui ont vécu pour le Christ, qui ont souffert avec lui et qui sont avec lui dans la gloire.
243. Qu’est-ce que la liturgie des Heures?
1174-1178
1196
La liturgie des Heures, prière publique et habituelle de l’Église, est la prière du Christ avec son Corps. Par elle, le Mystère du Christ, que nous célébrons dans l’Eucharistie, sanctifie et transfigure le temps de chaque jour. Elle se compose principalement de Psaumes et d’autres textes bibliques, ainsi que de lectures des Pères et des maîtres spirituels.
Où célébrer?
244. L’Église a-t-elle besoin de lieux pour célébrer la liturgie?
1197-1198
Le culte « en esprit et en vérité » (Jn 4,24) de la Nouvelle Alliance n’est lié à aucun lieu en particulier, car le Christ est le véritable temple de Dieu, grâce auquel les chrétiens et l’Église entière deviennent, sous l’action de l’Esprit Saint, temples du Dieu vivant. Toutefois, le Peuple de Dieu, dans sa condition terrestre, a besoin de lieux où la communauté peut se rassembler pour célébrer la liturgie.
245. Que sont les édifices sacrés?
1198-1999
Ils sont les maisons de Dieu, symbole de l’Église qui vit en tel lieu précis et symbole de la demeure céleste. Ce sont des lieux de prière dans lesquels l’Église célèbre surtout l’Eucharistie et adore le Christ, réellement présent dans le tabernacle.
246. Quels sont les endroits privilégiés à l’intérieur des édifices sacrés?
1182-1186
Ce sont : l’autel, le tabernacle, le lieu où sont conservés le saint-chrême et les autres huiles saintes, le siège de l’Évêque (cathèdre) ou du curé, l’ambon, la cuve baptismale, le confessionnal.
LA DIVERSITÉ LITURGIQUE ET L’UNITÉ DU MYSTÈRE
247. Pourquoi l’unique Mystère du Christ est-il célébré au sein de l’Église selon différentes traditions liturgiques?
1200-1204
1207-1209
Parce que l’insondable richesse du Mystère du Christ ne peut être épuisée par une seule tradition liturgique. Depuis l’origine, cette richesse a donc trouvé, dans les différents peuples et les différentes cultures, des expressions qui se caractérisent par une variété et une complémentarité admirables.
248. Quel est le critère qui garantit l’unité dans cette pluralité?
1209
C’est la fidélité à la Tradition apostolique, à savoir la communion dans la foi et dans les sacrements reçus des Apôtres, communion signifiée et garantie par la succession apostolique. L’Église est catholique : elle peut donc intégrer dans son unité toutes les véritables richesses des différentes cultures.
249. Tout est-il immuable dans la liturgie?
1205-1206
Dans la liturgie, surtout dans la liturgie des sacrements, il y a des éléments immuables, parce qu’ils sont d’institution divine, dont l’Église est la fidèle gardienne. Il y a aussi des éléments susceptibles de changement, qu’elle a le pouvoir et parfois le devoir d’adapter aux cultures des différents peuples.
DEUXIÈME SECTION
LES SEPT SACREMENTS
DE L’ÉGLISE
Les sept sacrements de l’Église
Le Baptême
la Confirmation
l’Eucharistie
la Pénitence
l’Onction des malades
l’Ordre
Le Mariage
Septem Ecclesiæ Sacramenta
Baptísmum
Confirmátio
Eucharístia
Pæniténtia
Únctio infirmórum
Ordo
Matrimónium.
250. Comment se distinguent les sacrements?
1210-1211
On distingue : les sacrements de l’initiation chrétienne (Baptême, Confirmation et Eucharistie), les sacrements de la guérison (Pénitence et Onction des malades), les sacrements au service de la communion et de la mission (Ordre et Mariage). Ils concernent les moments importants de la vie chrétienne. Tous sont ordonnés à l’Eucharistie « comme à leur fin spécifique » (saint Thomas d’Aquin).
CHAPITRE I
LES SACREMENTS DE L’INITIATION CHRÉTIENNE
251. Comment se réalise l’initiation chrétienne?
1212
1275
Elle se réalise par les sacrements qui posent les fondements de la vie chrétienne. Renés par le Baptême, les fidèles sont fortifiés par la Confirmation et se nourrissent de l’Eucharistie.
LE SACREMENT DU BAPTÊME
252. Quels sont les noms du premier sacrement de l’initiation?
1213-1216
1276-1277
Il prend d’abord le nom de Baptême en raison du rite central de la célébration. Baptiser veut dire « plonger » dans l’eau. Celui qui est baptisé est plongé dans la mort du Christ et il ressuscite avec lui comme « créature nouvelle » (2 Co 5,17). On l’appelle encore « bain de la régénération et de la rénovation dans l’Esprit Saint » (Tt 3,5) et « illumination », parce que le baptisé devient « fils de la lumière » (Ep 5,8).
253. Comment le baptême est-il préfiguré dans l’Ancienne Alliance?
1217-1222
Dans l’Ancienne Alliance, on trouve diverses préfigurations du Baptême : l’eau, source de vie et de mort, l’arche de Noé, qui sauve par l’eau, le passage de la Mer Rouge, qui a délivré Israël de la servitude en Égypte, la traversée du Jourdain, qui fait entrer Israël dans la terre promise, image de la vie éternelle.
254. Qui porte ces préfigurations à leur accomplissement?
1223-1224
C’est Jésus Christ qui, au début de sa vie publique, se fait baptiser dans le Jourdain par Jean-Baptiste. Sur la croix, de son côté transpercé, jaillissent le sang et l’eau, signes du Baptême et de l’Eucharistie. Après sa Résurrection, il a confié aux Apôtres la mission suivante : « Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (Mt 28,19).
255. Depuis quand et à qui l’Église administre-t-elle le Baptême?
1226-1228
Depuis le jour de la Pentecôte, l’Église administre le Baptême à ceux qui croient en Jésus Christ.
256. Quel est le rite essentiel du Baptême?
1229-1245
1278
Le rite essentiel de ce sacrement consiste à plonger dans l’eau le candidat ou à verser de l’eau sur sa tête, en prononçant l’invocation : au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit.
257. Qui peut recevoir le Baptême?
1246-1252
Toute personne non encore baptisée peut recevoir ce sacrement.
258. Pourquoi l’Église baptise-t-elle les petits enfants?
1250
Parce que, étant nés avec le péché originel, les petits enfants ont besoin d’être délivrés du pouvoir du Malin et d’être introduits dans le royaume de la liberté des fils de Dieu.
259. Que demande-t-on à un baptisé?
1253-1255
À tout baptisé, on demande de faire la profession de foi, qui est exprimée personnellement dans le cas d’un adulte, ou par les parents et par l’Église dans le cas d’un petit enfant. Le parrain ou la marraine, et la communauté ecclésiale entière ont, eux aussi, une part de responsabilité dans la préparation au Baptême (catéchuménat), de même que dans le développement de la foi et de la grâce baptismale.
260. Qui peut baptiser?
1256
1284
Les ministres ordinaires du Baptême sont l’Évêque et les prêtres; dans l’Église latine, il y a également le diacre. En cas de nécessité, toute personne peut baptiser, pourvu qu’elle ait l’intention de faire ce que fait l’Église. Celui qui baptise verse de l’eau sur la tête du candidat et prononce la formule baptismale trinitaire : « Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ».
261. Le Baptême est-il nécessaire pour être sauvé?
1257
Le Baptême est nécessaire pour ceux auxquels l’Évangile a été annoncé et qui ont la possibilité de demander ce sacrement.
262. Peut-on être sauvé sans le Baptême?
1258-1261
1281-1283
Parce que le Christ est mort pour le salut de tous les hommes, peuvent aussi être sauvés sans le Baptême ceux qui sont morts à cause de la foi (Baptême du sang), les catéchumènes et de même ceux qui, sous la motion de la grâce, sans avoir la connaissance du Christ ni de l’Église, recherchent sincèrement Dieu et s’efforcent d’accomplir sa volonté (Baptême de désir). Quant aux petits enfants morts sans Baptême, l’Église dans sa liturgie les confie à la miséricorde de Dieu.
263. Quels sont les effets du Baptême?
1262-1274
1279-1280
Le Baptême remet le péché originel, tous les péchés personnels et les peines dues au péché. Il fait participer à la vie divine trinitaire par la grâce sanctifiante, par la grâce de la justification qui incorpore au Christ et à son Église. Il donne part au sacerdoce du Christ et il constitue le fondement de la communion avec tous les chrétiens. Il dispense les vertus théologales et les dons de l’Esprit Saint. Le baptisé appartient pour toujours au Christ : il est marqué du sceau indélébile du Christ (caractère).
264. Quel sens revêt le nom chrétien donné au Baptême?
2156-2159
2167
Tout nom est important puisque que Dieu connaît chacun par son nom, c’est-à-dire par son caractère unique. Au Baptême, le chrétien reçoit dans l’Église un nom particulier, de préférence celui d’un saint, qui offre au baptisé un modèle de sainteté et qui l’assure de son intercession auprès de Dieu.
LE SACREMENT DE LA CONFIRMATION
265. Quelle est la place de la Confirmation dans le dessein divin du salut?
1285-1288
1315
Dans l’Ancienne Alliance, les prophètes ont annoncé le don de l’Esprit du Seigneur au Messie attendu et à tout le peuple messianique. Toute la vie et la mission du Christ se déroulent dans une totale communion avec l’Esprit Saint. Les Apôtres le reçoivent à la Pentecôte et annoncent les «merveilles de Dieu » (Ac 2,11). Par l’imposition des mains, ils transmettent aux nouveaux baptisés le don de l’Esprit lui-même. Tout au long des siècles, l’Église a continuellement vécu de l’Esprit et l’a transmis à ses fils.
266. Pourquoi parle-t-on de la Chrismation ou de la Confirmation?
1289
On dit Chrismation (dans les Églises orientales on parle de Chrismation avec le saint-myron, qui veut dire saint-chrême), parce que le rite essentiel en est l’onction. On l’appelle Confirmation, parce qu’elle confirme et renforce la grâce baptismale.
267. Quel est le rite essentiel de la Confirmation?
1290-1301
1318
1320-1321
Le rite essentiel de la Confirmation est l’onction avec le saint-chrême (huile parfumée, consacrée par l’Évêque). Il s’effectue par l’imposition des mains par le ministre, qui prononce les paroles sacramentelles propres au sacrement. En Occident, cette onction est faite sur le front des baptisés avec ces paroles : « Sois marqué de l’Esprit Saint, le don de Dieu ». Dans les Églises orientales de rite byzantin, l’onction est faite aussi sur d’autres parties du corps, avec la formule : « Je te marque du don de l’Esprit Saint ».
268. Quel est l’effet de la Confirmation?
1302-1305
1316-1317
L’effet de la Confirmation est l’effusion particulière de l’Esprit Saint, comme à la Pentecôte. Cette effusion imprime dans l’âme un caractère indélébile et elle augmente la grâce baptismale. Elle enracine plus profondément la filiation divine. Elle unit plus fermement au Christ et à son Église. Elle renforce dans l’âme les dons de l’Esprit Saint et elle confère une force particulière pour témoigner de la foi chrétienne.
269. Qui peut recevoir ce sacrement?
1306-1311
1319
Toute personne qui a déjà été baptisée peut et doit le recevoir, et cela une seule fois. Pour le recevoir efficacement, le baptisé doit être en état de grâce.
270. Qui est le ministre de la Confirmation?
1312-1314
À l’origine, le ministre en est l’Évêque. Ainsi est manifesté le lien du confirmé avec l’Église dans sa dimension apostolique. Quand c’est le prêtre qui confère ce sacrement – comme cela est habituellement le cas en Orient et dans des circonstances particulières en Occident –, le lien avec l’Évêque et avec l’Église est manifesté par le prêtre, collaborateur de l’Évêque et par le saint-chrême consacré par l’Évêque lui-même.
LE SACREMENT DE L’EUCHARISTIE
271. Qu’est-ce que l’Eucharistie?
1322-1323
1409
L’Eucharistie est le sacrifice même du Corps et du Sang du Seigneur Jésus, qu’il a instituée pour perpétuer au long des siècles jusqu’à son retour le sacrifice de la croix, confiant ainsi à son Église le mémorial de sa Mort et de sa Résurrection. L’Eucharistie est le signe de l’unité, le lien de la charité, le repas pascal, où l’on reçoit le Christ, où l’âme est comblée de grâce et où est donné le gage de la vie éternelle.
272. Quant le Christ a-t-il institué l’Eucharistie?
1323
1337-1340
Il l’a instituée le Jeudi saint, « la nuit même où il était livré » (1 Co 11,23),alors qu’il célébrait la dernière Cène avec ses Apôtres.
273. Comment l’a-t-il instituée?
1337-1340
1365, 1406
Après avoir réuni ses Apôtres au Cénacle, Jésus prit le pain dans ses mains, le rompit et le leur donna, en disant : « Prenez, et mangez-en tous : ceci est mon corps livré pour vous ». Puis il prit dans ses mains la coupe remplie de vin et leur dit : « Prenez, et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela, en mémoire de moi ».
274. Que représente l’Eucharistie dans la vie de l’Église?
1324-1327
1407
Elle est la source et le sommet de toute la vie chrétienne. Dans l’Eucharistie culminent l’action sanctifiante de Dieu envers nous et le culte que nous lui rendons. L’Eucharistie renferme tout le bien spirituel de l’Église : le Christ lui-même, notre Pâque. La communion de la vie divine et l’unité du Peuple de Dieu sont exprimées et réalisées par l’Eucharistie. À travers la célébration eucharistique, nous nous unissons déjà à la liturgie du Ciel et nous anticipons la vie éternelle.
275. Comment désigne-t-on ce sacrement?
1328-1332
La richesse insondable de ce sacrement se manifeste par différents noms, qui en traduisent les aspects particuliers. Les plus communs sont : Eucharistie, Sainte Messe, Cène du Seigneur, Fraction du pain, Célébration eucharistique, Mémorial de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur, Saint Sacrifice, Sainte et Divine Liturgie, Saints Mystères, Saint-Sacrement de l’autel, Communion.
276. Quelle est la place de l’Eucharistie dans le plan divin du salut?
1333-1344
Dans l’Ancienne Alliance, l’Eucharistie est préfigurée surtout par le repas pascal célébré chaque année par les Hébreux avec les pains azymes, en souvenir du départ précipité et libérateur de l’Égypte. Jésus l’a annoncée dans son enseignement et il l’a instituée en célébrant la dernière Cène avec ses Apôtres, au cours du repas pascal. Fidèle au commandement du Seigneur : « Vous ferez cela, en mémoire de moi » (1 Co 11,24), l’Église a toujours célébré l’Eucharistie, surtout le dimanche, jour de la Résurrection de Jésus.
277. Comment se déroule la célébration de l’Eucharistie?
1345-1355
1408
Elle se déroule en deux grandes parties, qui forment un seul acte cultuel : la liturgie de la Parole, qui comprend la proclamation et l’écoute de la Parole de Dieu, et la liturgie eucharistique, qui comprend la présentation du pain et du vin, la prière ou anaphore comportant les paroles de la consécration, et la communion.
278. Qui est le ministre du sacrement de l’Eucharistie?
1348
1411
C’est le prêtre (Évêque ou prêtre) validement ordonné, qui agit dans la Personne du Christ Tête et au nom de l’Église.
279. Quels sont éléments essentiels et nécessaires pour l’Eucharistie?
1412
Ce sont le pain de blé et le vin de la vigne.
280. En quel sens l’Eucharistie est-elle mémorial du sacrifice du Christ?
1362-1367
L’Eucharistie est mémorial en ce sens qu’elle rend présent et actualise le sacrifice que le Christ a offert à son Père, une fois pour toutes, sur la croix, en faveur de l’humanité. Le caractère sacrificiel de l’Eucharistie se manifeste dans les paroles mêmes de l’institution : « Ceci est mon corps livré pour vous » et « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous » (Lc 22,19-20). Le sacrifice de la croix et le sacrifice de l’Eucharistie sont un unique sacrifice. La victime et celui qui l’offre sont identiques. Seule la manière de l’offrir diffère. Le sacrifice est sanglant sur la croix, non sanglant dans l’Eucharistie
281. De quelle manière l’Église participe-t-elle au sacrifice eucharistique?
1368-1372
1414
Dans l’Eucharistie, le sacrifice du Christ devient aussi le sacrifice membres de son Corps. La vie des fidèles, leur louange, leur action, leur prière, leur travail, sont unis à ceux du Christ. En tant que sacrifice, l’Eucharistie est aussi offerte pour tous les fidèles, pour les vivants et les défunts, en réparation des péchés de tous les hommes, et pour obtenir de Dieu des bienfaits spirituels et temporels. De plus, l’Église du ciel est présente dans l’offrande du Christ.
282. Comment Jésus est-il présent dans l’Eucharistie?
1373-1375
1413
Jésus Christ est présent dans l’Eucharistie d’une façon unique et incomparable. Il est présent en effet de manière vraie, réelle, substantielle : avec son Corps et son Sang, avec son Âme et sa divinité. Dans l’Eucharistie, est donc présent de manière sacramentelle, c’est-à-dire sous les espèces du pain et du vin, le Christ tout entier, Dieu et homme.
283. Que signifie la transsubstantiation?
1376-1377
1413
La transsubstantiation signifie la conversion de toute la substance du pain en la substance du Corps du Christ et de toute la substance du vin en la substance de son Sang. Cette conversion se réalise au cours de la prière eucharistique, par l’efficacité de la parole du Christ et de l’action de l’Esprit Saint. Toutefois, les apparences sensibles du pain et du vin, c’est-à-dire les « espèces eucharistiques », demeurent inchangées.
284. La fraction du pain divise-t-elle le Christ?
1377
La fraction du pain ne divise pas le Christ. Il est tout entier et intégralement présent en chacune des espèces eucharistiques et en chacune de leurs parties.
285. Jusqu’à quand demeure la présence eucharistique du Christ?
1377
Elle demeure tant que subsistent les espèces eucharistiques.
286. Quelle sorte de culte est-il dû au sacrement de l’Eucharistie?
1378-1381
1418
C’est le culte de latrie, c’est-à-dire l’adoration réservée à Dieu seul, soit durant la célébration eucharistique, soit en dehors d’elle. L’Église conserve en effet avec le plus grand soin les hosties consacrées; elle les porte aux malades et aux personnes qui sont dans l’impossibilité de participer à la Messe. Elle présente l’hostie à l’adoration solennelle des fidèles, la porte en procession, et elle invite à la visite fréquente et à l’adoration du Saint-Sacrement, conservé dans le tabernacle.
287. Pourquoi l’Eucharistie est-elle le banquet pascal?
1382-1384
1391-1396
L’Eucharistie est le banquet pascal parce que le Christ, accomplissant sacramentellement sa pâque, nous donne son Corps et son Sang offerts en nourriture et en boisson. Il nous unit à lui et entre nous dans son sacrifice.
288. Que signifie l’autel?
1383
1410
L’autel est le symbole du Christ lui-même, présent comme victime sacrificielle (autel–sacrifice de la croix) et comme nourriture céleste qui se donne à nous (autel–table eucharistique).
289. Quand l’Église fait-elle obligation de participer à la Messe?
1389
1417
L’Église fait obligation aux fidèles de participer à la Messe tous les dimanches et aux fêtes de précepte, et elle recommande d’y participer aussi les autres jours.
290. Quand doit-on communier?
1389
L’Église recommande aux fidèles qui prennent part à la Messe de recevoir aussi, avec les dispositions voulues, la Communion, en en prescrivant l’obligation au moins à Pâques.
291. Qu’est-il exigé pour recevoir la Communion?
1385-1389
Pour recevoir la Communion, il faut être pleinement incorporé à l’Église catholique et être en état de grâce, c’est-à-dire sans conscience d’avoir commis de péché mortel. Celui qui est conscient d’avoir commis un péché grave doit recevoir le sacrement de la Réconciliation avant d’accéder à la Communion. Il importe aussi d’avoir un esprit de recueillement et de prière, d’observer le jeûne prescrit par l’Église et d’avoir des attitudes corporelles dignes (gestes, vêtements), comme marques de respect envers le Christ.
292. Quels sont les fruits de la Communion?
1391-1397
1416
La Communion fait grandir notre union au Christ et avec son Église. Elle maintient et renouvelle la vie de grâce reçue au Baptême et à la Confirmation, et elle accroît l’amour envers le prochain. En nous fortifiant dans la charité, elle efface les péchés véniels et nous préserve, pour l’avenir, des péchés mortels.
293. Quand est-il possible d’administrer la Communion à d’autres chrétiens?
1398-1401
Les ministres catholiques administrent licitement la Communion aux membres des Églises orientales qui ne sont pas en pleine communion avec l’Église catholique, mais qui la demandent de leur plein gré, avec les dispositions requises. Quant aux membres des autres Communautés ecclésiales, les ministres catholiques administrent licitement la Communion aux fidèles qui, en raison d’une nécessité grave, la demandent de leur plein gré, qui sont bien disposés et qui manifestent la foi catholique à l’égard du sacrement.
294. Pourquoi l’Eucharistie est-elle « gage de la gloire à venir »?
1402-1405
Parce que l’Eucharistie comble de toutes les grâces et bénédictions du Ciel, elle nous rend forts pour notre pèlerinage en cette vie et elle fait désirer la vie éternelle, nous unissant déjà au Christ assis à la droite du Père, à l’Église du ciel, à la bienheureuse Vierge Marie et à tous les saints.
Dans l’Eucharistie, nous « rompons un même pain qui est remède d’immortalité, antidote pour ne pas mourir, mais pour vivre en Jésus Christ pour toujours » (saint Ignace d’Antioche).
CHAPITRE II
295. Pourquoi le Christ a-t-il institué les sacrements de la Pénitence et de l’Onction des malades?
1420-1421
1426
Le Christ, médecin de l’âme et du corps, les a institués parce que la vie nouvelle qu’il nous a donnée par les sacrements de l’initiation chrétienne peut être affaiblie et même perdue à cause du péché. C’est pourquoi le Christ a voulu que l’Église continue son œuvre de guérison et de salut, grâce aux deux sacrements de guérison.
LE SACREMENT DE PÉNITENCE ET DE RÉCONCILIATION
296. Comment est appelé ce sacrement?
1422-1424
Il est appelé sacrement de Pénitence, de Réconciliation, du Pardon, de la Confession, de la Conversion.
297. Pourquoi y a-t-il un sacrement de la Réconciliation après le Baptême?
1425-1426
1484
Parce que la vie nouvelle de la grâce, reçue au Baptême, n’a pas supprimé la faiblesse de la nature humaine, ni l’inclination au péché (c’est-à-dire la concupiscence), le Christ a institué ce sacrement pour la conversion des baptisés qui se sont éloignés de lui par le péché.
298. Quand ce sacrement fut-il institué?
1485
Le Christ ressuscité a institué ce sacrement quand il est apparu à ses Apôtres, le soir de Pâques, et qu’il leur a dit: « Recevez l’Esprit Saint; tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus » (Jn 20,22-23).
299. Les baptisés ont-ils besoin de se convertir?
1427-1429
L’appel du Christ à la conversion retentit en permanence dans la vie des baptisés. La conversion est un combat continuel de toute l’Église, qui est sainte, mais qui, en son sein, comprend des pécheurs.
300. Qu’est-ce que la pénitence intérieure?
1430-1433
1490
C’est l’élan du « cœur brisé » (Ps 50[51],19), poussé par la grâce divine à répondre à l’amour miséricordieux de Dieu. La pénitence implique douleur et aversion vis-à-vis des péchés commis, ferme propos de ne plus pécher à l’avenir et confiance dans le secours de Dieu. Elle se nourrit de l’espérance en la miséricorde divine.
301. Sous quelles formes s’exprime la pénitence dans la vie chrétienne?
1434-1439
La pénitence s’exprime sous des formes très variées, en particulier par le jeûne, la prière, l’aumône. Ces formes de pénitence, et d’autres encore, peuvent être pratiquées par le chrétien dans sa vie quotidienne, notamment pendant le temps du Carême et le vendredi, qui est jour de pénitence.
302. Quels sont les éléments essentiels du sacrement de la Réconciliation?
1440-1449
Ils sont au nombre de deux : les actes accomplis par l’homme qui se convertit sous l’action de l’Esprit Saint et l’absolution du prêtre qui, au nom de Christ, accorde le pardon et précise les modalités de la satisfaction.
303. Quels sont les actes du pénitent?
1450-1460
1487-1492
Il faut : un sérieux examen de conscience; la contrition (ou repentir), qui est parfaite quand elle est motivée par l’amour envers Dieu, et imparfaite quand elle est fondée sur d’autres motifs et qu’elle inclut le propos de ne plus pécher; la confession, qui consiste dans l’aveu des péchés devant le prêtre; la satisfaction, à savoir l’accomplissement de certains actes de pénitence que le confesseur impose au pénitent, afin de réparer le dommage causé par le péché.
304. Quels péchés faut-il confesser?
1456
On doit confesser tous les péchés graves qui n’ont pas encore été confessés et dont on se souvient après un sérieux examen de conscience. La confession des péchés graves est l’unique moyen ordinaire pour obtenir le pardon.
305. Quand faut-il confesser les péchés graves?
1457
Tout fidèle ayant atteint l’âge de raison est tenu à l’obligation de confesser ses péchés graves au moins une fois dans l’année et, de toute façon, avant de recevoir la Communion.
306. Pourquoi les péchés véniels sont-il aussi objet de la confession sacramentelle?
1458
Bien que la confession des péchés véniels ne soit pas nécessaire au sens strict, elle est vivement recommandée par l’Église, parce qu’elle contribue à former la conscience droite et à lutter contre les inclinations mauvaises, pour se laisser guérir par le Christ et progresser dans la vie de l’Esprit.
307. Qui est le ministre du sacrement?
1461-1466
1495
Le Christ a confié le ministère de la Réconciliation à ses Apôtres, aux Évêques, leurs successeurs, et aux prêtres, leurs collaborateurs, qui deviennent ainsi les instruments de la miséricorde et de la justice de Dieu. Ils exercent le pouvoir de pardonner les péchés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
308. À qui est réservée l’absolution de certains péchés?
1463
L’absolution de certains péchés particulièrement graves (comme ceux qui sont punis d’excommunication) est réservée au Siège apostolique ou à l’Évêque du lieu ou aux prêtres autorisés par eux, bien que tout prêtre puisse absoudre de tout péché et de toute excommunication quiconque est en danger de mort.
309. Le confesseur est-il tenu au secret?
1467
Étant donné la délicatesse et la grandeur de ce ministère et le respect dû aux personnes, tout confesseur est tenu, sans exception aucune et sous peine de sanctions très sévères, de garder le sceau sacramentel, c’est-à-dire l’absolu secret au sujet des péchés dont il a connaissance par la confession.
310. Quels sont les effets de ce sacrement?
1468-1470
1496
Les effets du sacrement de la Pénitence sont : la réconciliation avec Dieu, et donc le pardon des péchés; la réconciliation avec l’Église; le retour dans l’état de grâce s’il avait été perdu; la rémission de la peine éternelle méritée à cause des péchés mortels et celle, au moins en partie, des peines temporelles qui sont les conséquences du péché; la paix et la sérénité de la conscience, ainsi que la consolation spirituelle; l’accroissement des forces spirituelles pour le combat chrétien.
311. En certaines circonstances, peut-on célébrer ce sacrement par une confession générale et l’absolution collective?
1480-1484
Dans les cas de grave nécessité (comme le danger imminent de mort), on peut recourir à la célébration communautaire de la Réconciliation avec confession générale et absolution collective, dans le respect des normes de l’Église et avec le propos de confesser individuellement les péchés graves, en temps voulu.
312. Qu’est-ce que les indulgences?
1471-1479
1498
Les indulgences sont la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà pardonnée. À certaines conditions, le fidèle acquiert cette rémission, pour lui-même ou pour les défunts, par le ministère de l’Église qui, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue le trésor des mérites du Christ et des saints.
LE SACREMENT DE L’ONCTION DES MALADES
313. Comment est vécue la maladie dans l’Ancien Testament?
1499-1502
Dans l’Ancien Testament, l’homme a fait l’expérience, durant les périodes de maladie, de ses limites, percevant en même temps que la maladie est liée de façon mystérieuse au péché. Les prophètes ont entrevu qu’elle pouvait avoir aussi une valeur rédemptrice pour ses péchés personnels et pour ceux des autres. C’est ainsi que la maladie était vécue devant Dieu, auquel l’homme demandait sa guérison.
314. Quel sens a la compassion de Jésus pour les malades?
1503-1505
La compassion de Jésus pour les malades et les nombreuses guérisons qu’il opérait sont un signe évident qu’avec lui est arrivé le Royaume de Dieu, et donc la victoire sur le péché, sur la souffrance et sur la mort. Par sa passion et sa mort, il donne un sens nouveau à la souffrance, qui, si elle est unie à la sienne, peut devenir un moyen de purification et de salut pour nous et pour les autres.
315. Quel est le comportement de l’Église envers les malades?
1506-1513
1526-1527
Ayant reçu du Seigneur le commandement de guérir les malades, l’Église s’emploie à le réaliser par les soins qu’elle leur apporte, ainsi que par la prière d’intercession avec laquelle elle les accompagne. Elle dispose surtout d’un sacrement spécifique en leur faveur, institué par le Christ lui-même et attesté par saint Jacques : « Si l’un de vous est malade, qu’il appelle ceux qui dans l’Église exercent la fonction d’Anciens : ils prieront sur lui après lui avoir fait une onction d’huile au nom du Seigneur » (Jc 5,14-15).
316. Qui peut recevoir le sacrement de l’Onction des malades?
1514-1515
1528-1529
Tout fidèle peut le recevoir lorsqu’il commence à se trouver en danger de mort en raison de la maladie ou de son âge. Le même fidèle peut le recevoir de nouveau plusieurs fois, si l’on constate une aggravation de la maladie ou dans le cas d’une autre maladie grave. La célébration du sacrement doit être précédée, si possible, de la confession individuelle du malade.
317. Qui administre le sacrement?
1516
1530
Il ne peut être administré que par les prêtres (Évêques ou prêtres).
318. Comment est-il célébré?
1517-1519
1531
La célébration de ce sacrement consiste essentiellement dans l’onction d’huile, si possible bénie par l’Évêque, onction faite sur le front et sur les mains du malade (dans le rite romain), ou encore sur d’autres parties du corps (dans d’autres rites). Elle s’accompagne de la prière du prêtre, qui implore la grâce spéciale du sacrement.
319. Quels sont les effets du sacrement?
1520-1523
1532
Le sacrement confère une grâce spéciale, qui unit plus intimement le malade à la Passion du Christ, pour son bien et pour le bien de toute l’Église. Elle lui apporte le réconfort, la paix, le courage et le pardon des péchés si le malade n’a pu se confesser. Le sacrement procure aussi parfois, si Dieu le veut, le rétablissement de la santé physique. De toute manière, l’onction des malades prépare au passage vers la Maison du Père.
320. Qu’est-ce que le Viatique?
1524-1525
Le Viatique est l’Eucharistie reçue par ceux qui vont quitter cette vie terrestre et qui préparent leur passage vers la vie éternelle. Reçue au moment de passer de ce monde au Père, la Communion au Corps et au Sang du Christ mort et ressuscité est semence de vie éternelle et puissance de résurrection.
CHAPITRE III
LES SACRAMENTS AU SERVICE
DE LA COMMUNION ET DE LA MISSION
321. Quels sont les sacrements au service de la communion et de la mission?
1533-1535
Deux sacrements, l’Ordre et le Mariage, confèrent une grâce spéciale pour une mission particulière dans l’Église, au service de l’édification du peuple de Dieu. Ils contribuent en particulier à la communion ecclésiale et au salut d’autrui.
LE SACREMENT DE L’ORDRE
322. Qu’est ce que le sacrement de l’Ordre?
1536
C’est le sacrement par lequel la mission confiée par le Christ à ses Apôtres continue à être exercée dans l’Église, jusqu’à la fin des temps.
323. Pourquoi l’appelle-t-on sacrement de l’Ordre?
1537-1538
Ordre indique un corps d’Église, dans lequel on est intégré au moyen d’une consécration spéciale (Ordination). Par un don particulier du Saint-Esprit, cette consécration permet d’exercer un pouvoir sacré au nom et par l’autorité du Christ pour le service du Peuple de Dieu.
324. Quelle est la place du sacrement de l’Ordre dans le dessein divin du salut?
1539-1546
1590-1591
Dans l’Ancien Testament, il y a des préfigurations de ce sacrement : le service des Lévites, de même que le sacerdoce d’Aaron et l’institution des soixante-dix Anciens (cf. Nb 11,25). Ces préfigurations ont leur accomplissement dans le Christ Jésus qui, par le sacrifice de la croix, est le « seul médiateur entre Dieu et les hommes » (1 Tm 2,5), « grand-prêtre selon le sacerdoce de Melchisédech » (He 5,10). L’unique sacerdoce du Christ se rend présent par le sacerdoce ministériel.
« Aussi le Christ est-il le seul vrai prêtre, les uns et les autres n’étant que ses ministres » (saint Thomas d’Aquin).
325. Quels sont les différents degrés du sacrement de l’Ordre?
1554
1593
Il se compose de trois degrés, qui sont irremplaçables pour la structure organique de l’Église : l’épiscopat, le presbytérat et le diaconat.
326. Quel est l’effet de l’Ordination épiscopale?
1557-1558
1594
L’ordination épiscopale confère la plénitude du sacrement de l’Ordre. Elle fait de l’Évêque le successeur légitime des Apôtres et l’intègre au collège épiscopal, lui faisant partager avec le Pape et les autres Évêques la sollicitude pour toutes les Églises. Elle donne mission d’enseigner, de sanctifier et de gouverner.
327. Quelle est la fonction de l’Évêque dans l’Église particulière qui lui est confiée?
1560-1561
L’Évêque, auquel est confiée une Église particulière, est le principe visible et le fondement de l’unité de cette Église, envers laquelle, comme vicaire du Christ, il remplit la charge pastorale, aidé par ses prêtres et ses diacres.
328. Quel est l’effet de l’Ordination presbytérale?
1562-1567
1595
L’onction de l’Esprit Saint marque le prêtre d’un caractère spirituel indélébile; elle le configure au Christ prêtre et le rend capable d’agir au nom du Christ Tête. Coopérateur de l’Ordre épiscopal, il est consacré pour annoncer l’Évangile, célébrer le culte divin, surtout l’Eucharistie, dont il tire la force pour son ministère, et pour être le pasteur des fidèles.
329. Comment le prêtre exerce-t-il son ministère?
1568
Bien qu’ordonné pour une mission universelle, il l’exerce dans une Église particulière, lié par une fraternité sacerdotale avec les autres prêtres, formant ensemble le « presbytérium » qui, en communion avec l’Évêque et sous sa dépendance, porte la responsabilité de l’Église particulière.
330. Quel est l’effet de l’Ordination diaconale?
1569-1571
1596
Le diacre, configuré au Christ serviteur de tous, est ordonné pour le service de l’Église. Sous l’autorité de son Évêque, il exerce ce service dans le cadre du ministère de la parole, du culte divin, de la charge pastorale et de la charité.
331. Comment se célèbre le sacrement de l’Ordre?
1572-1574
1597
Pour chacun des trois degrés, le sacrement de l’Ordre est conféré par l’imposition des mains sur la tête de l’ordinand par l’Évêque, qui prononce la prière consécratoire solennelle. Par cette prière, l’Évêque prie Dieu d’envoyer sur l’ordinand une effusion spéciale de l’Esprit Saint et de ses dons, en vue du ministère.
332. Qui peut conférer le sacrement?
1575-1576
1600
Il appartient aux Évêques validement ordonnés, en tant que successeurs des Apôtres, de conférer les trois degrés du sacrement de l’Ordre.
333. Qui peut recevoir le sacrement de l’Ordre?
1577-1580
1598
Ne peut recevoir validement le sacrement de l’Ordre qu’un baptisé de sexe masculin. L’Église se reconnaît liée par ce choix fait par le Seigneur lui-même. Personne ne peut exiger de recevoir le sacrement de l’Ordre. Mais il revient à l’autorité de l’Église de considérer l’aptitude des candidats.
334. Le célibat est-il requis de celui qui reçoit le sacrement?
1579-1580
1599
Le célibat est toujours requis pour l’épiscopat. Pour le presbytérat, dans l’Église latine sont choisis de manière ordinaire des hommes croyants qui vivent dans le célibat et qui veulent le garder « à cause du Royaume des cieux » (Mt 19,12). Dans les Églises orientales, on n’accepte pas le mariage après l’ordination. Des hommes déjà mariés peuvent eux aussi accéder au diaconat permanent.
335. Quels sont les effets du sacrement de l’Ordre?
1581-1589
Ce sacrement donne une effusion particulière de l’Esprit Saint, qui configure l’ordinand au Christ dans sa triple fonction de Prêtre, Prophète et Roi, selon les degrés respectifs du sacrement. L’ordination confère un caractère spirituel indélébile, c’est pourquoi il ne peut être répété ni conféré pour un temps limité.
336. Avec quelle autorité est exercé le sacerdoce ministériel?
1547-1553
1592
Dans l’exercice de leur ministère sacré, les prêtres ordonnés parlent et agissent, non pas en vertu d’une autorité propre, ni même par mandat ou délégation de la communauté, mais dans la Personne du Christ Tête et au nom de l’Église. De ce fait, le sacerdoce ministériel se différencie radicalement, et pas seulement par une différence de degré, du sacerdoce commun des fidèles, au service duquel le Christ l’a institué.
LE SACREMENT DE MARIAGE
337. Quel est le dessein de Dieu sur l’homme et sur la femme?
1601-1605
Dieu, qui est amour et qui a créé l’homme par amour, l’a appelé à aimer. En créant l’homme et la femme, il les a appelés, dans le Mariage, à une intime communion de vie et d’amour entre eux, « à cause de cela, ils ne sont plus deux, mais un seul » (Mt 19,6). En les bénissant, Dieu leur a dit : « Soyez féconds et multipliez-vous » (Gn 1,28).
338. Pour quelles fins Dieu a-t-il institué le Mariage?
1659-1660
L’union matrimoniale de l’homme et de la femme, fondée et structurée par les lois du Créateur, est ordonnée par nature à la communion et au bien des conjoints, à la génération et à l’éducation des enfants. Selon le plan originel de Dieu, l’union matrimoniale est indissoluble, comme Jésus Christ l’a affirmé : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » (Mc 10,9).
339. Comment le péché menace-t-il le Mariage?
1606-1608
À cause du premier péché, qui a causé aussi la rupture de la communion, donnée par le Créateur, entre l’homme et la femme, l’union matrimoniale est très souvent menacée par la discorde et l’infidélité. Cependant, dans son infinie miséricorde, Dieu donne à l’homme et à la femme la grâce de réaliser leur union de vie selon son dessein divin originaire.
340. Qu’enseigne l’Ancien Testament sur le Mariage?
1609-1611
Tout particulièrement à travers la pédagogie de la Loi et des prophètes, Dieu aide son peuple à faire mûrir progressivement en lui la conscience de l’unicité et de l’indissolubilité du Mariage. L’alliance nuptiale de Dieu avec Israël prépare et préfigure l’Alliance nouvelle, accomplie par le Fils de Dieu, Jésus Christ, avec l’Église, son épouse.
341. Quelle est la nouveauté apportée au Mariage par le Christ?
1612-1617
1661
Jésus Christ a non seulement restauré l’ordre initial voulu par Dieu, mais il donne la grâce pour vivre le Mariage dans sa dignité nouvelle de sacrement, qui est le signe de son amour sponsal pour l’Église : « Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église » (Ep 5,25).
342. Le mariage est-il une obligation pour tous?
1618-1620
Le mariage n’est pas une obligation pour tous. En particulier, Dieu appelle certains hommes et certaines femmes à suivre le Seigneur Jésus dans la voie de la virginité et du célibat pour le Royaume des cieux, les faisant renoncer au grand bien du mariage pour se soucier des choses du Seigneur et chercher à lui plaire. Ainsi ils deviennent le signe de la primauté absolue de l’amour du Christ et de l’ardente attente de sa venue glorieuse.
343. Comment se célèbre le sacrement de Mariage?
1621-1624
Puisque le mariage établit les conjoints dans un état public de vie dans l’Église, sa célébration liturgique est publique, en présence du prêtre (ou du témoin qualifié de l’Église) et des autres témoins.
344. Qu’est-ce que le consentement matrimonial?
1625-1632
1662-1663
Le consentement matrimonial est la volonté expresse d’un homme et d’une femme de se donner mutuellement et définitivement l’un à l’autre, dans le but de vivre une alliance d’amour fidèle et fécond. Étant donné que le consentement fait le Mariage, il est indispensable et irremplaçable. Pour rendre valide le Mariage, le consentement doit avoir comme objet le véritable Mariage; et il doit être un acte humain, conscient et libre, hors de toute violence et de toute contrainte.
345. Qu’est-il exigé quand l’un des époux n’est pas catholique?
1633-1637
Pour être licites, les mariages mixtes (entre un catholique et un baptisé non catholique) requièrent la permission de l’autorité ecclésiastique. Les mariages avec disparité de culte (entre un catholique et un non-baptisé) ont besoin d’une dispense pour être valides. Dans tous les cas, il est indispensable que les conjoints n’excluent pas la reconnaissance des fins et des propriétés essentielles du mariage, et que la partie catholique accepte les engagements, connus aussi de l’autre conjoint, de garder sa foi et d’assurer le Baptême et l’éducation catholique des enfants.
346. Quels sont les effets du sacrement de Mariage?
1638-1642
Le sacrement de Mariage crée entre les époux un lien perpétuel et exclusif. Dieu lui-même ratifie le consentement des époux. Ainsi, le mariage conclu et consommé entre baptisés ne peut jamais être dissout. D’autre part, le sacrement donne aux époux la grâce nécessaire pour parvenir à la sainteté dans la vie conjugale, et dans l’accueil responsable et l’éducation des enfants.
347. Quels sont les péchés qui sont gravement contre le sacrement de mariage?
1645-1648
Ce sont : l’adultère; la polygamie parce qu’elle s’oppose à l’égale dignité de l’homme et de la femme, à l’unité et l’exclusivité de l’amour conjugal; le refus de la fécondité, qui prive la vie conjugale du don des enfants; et le divorce, qui va contre l’indissolubilité.
348. Quand l’Église admet-elle la séparation physique des époux?
1629
1649
L’Église admet la séparation physique des époux lorsque leur cohabitation est devenue, pour des motifs graves, pratiquement impossible, même si elle souhaite leur réconciliation. Mais aussi longtemps que vit son conjoint, aucun des époux n’est libre de contracter une nouvelle union, à moins que leur mariage ne soit nul et déclaré tel par l’autorité ecclésiastique.
349. Quelle est la position de l’Église à l’égard des divorcés remariés?
1650-1651
1665
Fidèle au Seigneur, l’Église ne peut reconnaître comme Mariage l’union des divorcés remariés civilement. « Celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre est coupable d’adultère envers elle. Si une femme a renvoyé son mari pour en épouser un autre, elle est coupable d’adultère » (Mc 10,11-12). À leur égard, l’Église fait preuve d’une sollicitude attentive, les invitant à une vie de foi, à la prière, aux œuvres de charité et à l’éducation chrétienne de leurs enfants. Mais aussi longtemps que dure leur situation, qui est objectivement contraire à la loi de Dieu, ils ne peuvent recevoir l’absolution sacramentelle, ni accéder à la communion eucharistique, ni exercer certaines responsabilités dans l’Église.
350. Pourquoi la famille chrétienne est-elle aussi appelée Église domestique?
1655-1658
1666
Parce que la famille manifeste et révèle la nature de l’Église comme famille de Dieu, qui est d’être communion et famille. Chacun de ses membres, selon son rôle propre, exerce le sacerdoce baptismal, contribuant à faire de la famille une communauté de grâce et de prière, une école de vertus humaines et chrétiennes, le lieu de la première annonce de la foi aux enfants.
CHAPITRE IV
LES AUTRES CÉLÉBRATIONS LITURGIQUES
LES SACRAMENTAUX
351. Que sont les sacramentaux?
1667-1672
1677-1678
Ce sont des signes sacrés institués par l’Église dans le but de sanctifier certaines circonstances de la vie. Ils comportent une prière accompagnée du signe de la croix et d’autres signes. Parmi les sacramentaux, les bénédictions occupent une place importante. Elles sont une louange à Dieu et une prière pour obtenir ses dons; de même, il y a les consécrations de personnes et la consécration d’objets dont l’usage est réservé au culte divin.
352. Qu’est-ce qu’un exorcisme?
1673
On a affaire à un exorcisme lorsque l’Église demande, avec son autorité, au nom de Jésus, qu’une personne ou un objet soit protégé contre l’emprise du Malin et soustrait à son empire. Sous sa forme simple, il est pratiqué lors de la célébration du Baptême. L’exorcisme solennel, appelé grand exorcisme, ne peut être pratiqué que par un prêtre et avec la permission de l’Évêque.
353. Quelles sont les formes de piété populaire qui accompagnent la vie sacramentelle de l’Église?
1674-1676
1679
Le sens religieux du peuple chrétien a, de tout temps, trouvé son expression dans des formes variées de piété qui entourent la vie sacramentelle de l’Église, telles que la vénération des reliques, les visites aux sanctuaires, les pèlerinages, les processions, le chemin de Croix, le Rosaire. À la lumière de la foi, l’Église éclaire et favorise les formes authentiques de piété populaire.
LES FUNÉRAILLES CHRÉTIENNES
354. Quel rapport y a-t-il entre les sacrements et la mort du chrétien?
1680-1683
Le chrétien qui meurt dans le Christ parvient, au terme de son existence terrestre, à la plénitude de la vie nouvelle commencée au Baptême, renforcée par la Confirmation et nourrie de l’Eucharistie, anticipation du banquet céleste. Le sens de la mort chrétienne se manifeste à la lumière de la Mort et de la Résurrection du Christ, notre unique espérance. Le chrétien qui meurt dans le Christ Jésus part « pour habiter chez le Seigneur » (2 Co 5,8).
355. Qu’expriment les funérailles?
1684-1685
Tout en étant célébrées selon différents rites qui correspondent aux situations et aux traditions locales, les funérailles expriment le caractère pascal de la mort chrétienne dans l’espérance de la résurrection, ainsi que le sens de la communion avec le défunt, surtout par la prière pour la purification de son âme.
356. Quels sont les moments principaux des funérailles?
1686-1690
Habituellement, les obsèques comprennent quatre moments principaux : l’accueil de la dépouille mortelle par la communauté, accompagné de paroles de réconfort et d’espérance, la liturgie de la Parole, le sacrifice eucharistique et l’adieu par lequel l’âme du défunt est confiée à Dieu, source de vie éternelle, tandis que le corps est enseveli dans l’attente de la résurrection.
TROISIÈME PARTIE
PREMIÈRE SECTION
LA VOCATION DE L’HOMME:
LA VIE DANS L’ESPRIT
357. Comment la vie morale du chrétien est-elle liée à la foi et aux sacrements?
1691-1698
Ce que professe le Symbole de la foi, les sacrements le communiquent. Par eux en effet, les fidèles reçoivent la grâce du Christ et les dons de l’Esprit Saint, qui les rendent capables de vivre la vie nouvelle de fils de Dieu dans le Christ accueilli avec la foi.
« Chrétien, reconnais ta dignité » (saint Léon le grand).
CHAPITRE I
LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE
L’HOMME, IMAGE DE DIEU
358. Quelle est le fondement de la dignité de l’homme?
1699-1715
La dignité de la personne humaine s’enracine dans sa création à l’image et à la ressemblance de Dieu. Dotée d’une âme spirituelle et immortelle, d’intelligence et de volonté libre, la personne humaine est ordonnée à Dieu et appelée, en son âme et en son corps, à la béatitude éternelle.
NOTRE VOCATION AU BONHEUR
359. Comment l’homme parvient-il à la béatitude?
1716
L’homme parvient à la béatitude en raison de la grâce du Christ, qui le rend participant de sa vie divine. Dans l’Évangile, le Christ montre aux siens la route qui conduit au bonheur sans fin : les Béatitudes. La grâce du Christ agit aussi en tout homme qui, suivant sa conscience droite, recherche et aime le vrai et le bien, et évite le mal.
360. Les Béatitudes sont-elles importantes pour nous?
1716-1717
1725-1726
Les Béatitudes sont au centre de la prédication de Jésus; elles reprennent et portent à leur perfection les promesses de Dieu, faites depuis Abraham. Elles expriment le visage même de Jésus, elles caractérisent l’authentique vie chrétienne et elles révèlent à l’homme la fin ultime de sa conduite : la béatitude éternelle.
361. Quel est, pour l’homme, le rapport entre les Béatitudes et le désir de bonheur?
1718-1719
Les Béatitudes répondent au désir inné de bonheur que Dieu a déposé dans le cœur de l’homme pour l’attirer à lui et que lui seul peut combler.
362. Qu’est ce que la béatitude éternelle?
1720-1724
1727-1729
Elle est la vision de Dieu dans la vie éternelle, où nous serons pleinement « participants de la nature divine » (2 P 1,4), de la gloire du Christ et de la jouissance de la vie trinitaire. La béatitude dépasse les capacités humaines. Elle est un don surnaturel et gratuit de Dieu, comme la grâce qui y conduit. La béatitude promise nous place devant des choix moraux décisifs concernant les biens terrestres, nous incitant à aimer Dieu par-dessus tout.
LA LIBERTÉ DE L’HOMME
363. Qu’est-ce que la liberté?
1730-1733
1743-1744
C’est le pouvoir donné par Dieu à l’homme d’agir ou de ne pas agir, de faire ceci ou cela, de poser ainsi soi-même des actions délibérées. La liberté caractérise les actes proprement humains. Plus on fait le bien, et plus on devient libre. La liberté tend à sa perfection quand elle est ordonnée à Dieu, notre bien suprême et notre béatitude. La liberté implique aussi la possibilité de choisir entre le bien et le mal. Le choix du mal est un abus de notre liberté, qui conduit à l’esclavage du péché.
364. Quel rapport existe-t-il entre liberté et responsabilité?
1734-1737
1745-1746
La liberté rend l’homme responsable de ses actes dans la mesure où ils sont volontaires, même si l’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées et parfois supprimées, en raison de l’ignorance, de l’inadvertance, de la violence subie, de la crainte, des affections immodérées, des habitudes.
365. Pourquoi tout homme a-t-il le droit d’exercer sa liberté?
1738
1747
À tout homme appartient le droit d’exercer sa liberté, car celle-ci est inséparable de sa dignité de personne humaine. Un tel droit doit donc toujours être respecté, notamment en matière morale et religieuse. Il doit être civilement reconnu et protégé, dans les limites du bien commun et de l’ordre public juste.
366. Quelle place tient la liberté humaine dans l’ordre du salut?
1739-1742
1748
Notre liberté est fragile à cause du premier péché. Cette fragilité devient plus aiguë avec les péchés ultérieurs. Mais le Christ « nous a libérés, pour que nous soyons vraiment libres » (Ga 5,1). Par sa grâce, l’Esprit Saint nous conduit à la liberté spirituelle, pour faire de nous ses libres collaborateurs, dans l’Église et dans le monde.
367. Quelles sont les sources de la moralité des actes humains?
1749-1754
1757-1758
La moralité des actes humains dépend de trois sources : l’objet choisi, c’est-à-dire un bien véritable ou apparent, l’intention du sujet qui agit, c’est-à-dire la fin qui motive l’acte, les circonstances de l’acte, y compris les conséquences.
368. Quand l’acte est-il moralement bon?
1755-1756
1759-1760
L’acte est moralement bon quand il y a en même temps la bonté de l’objet, de la fin et des circonstances. L’objet du choix peut à lui seul vicier toute une action, même si l’intention est bonne. Il n’est pas permis de faire le mal pour qu’en résulte un bien. Une fin mauvaise peut corrompre l’acte, même si son objet en soi est bon. À l’inverse, une fin bonne ne rend pas bonne une conduite qui est mauvaise en raison de son objet, car la fin ne justifie pas les moyens. Les circonstances peuvent atténuer ou augmenter la responsabilité de l’auteur, mais elles ne peuvent modifier la qualité morale des actes eux-mêmes. Elles ne rendent jamais bonne une action mauvaise en soi.
369. Y a-t-il des actes toujours illicites?
1756, 1761
Il y a des actes dont le choix est toujours illicite en raison de leur objet (par exemple le blasphème, l’homicide, l’adultère). Leur choix comporte un désordre de la volonté, à savoir un mal moral qui ne peut être justifié par la considération des biens qui pourraient éventuellement en résulter.
LA MORALITÉ DES PASSIONS
370. Que sont les passions?
1762-1766
1771-1772
Les passions sont les affections, les émotions ou les mouvements de la sensibilité – composantes naturelles du psychisme humain –, qui poussent à agir ou à ne pas agir en vue de ce qui est ressenti comme bon ou comme mauvais. Les principales passions sont l’amour et la haine, le désir et la crainte, la joie, la tristesse, la colère. La passion primordiale est l’amour, provoqué par l’attirance du bien. On n’aime que le bien, réel ou apparent.
371. Les passions sont-elles moralement bonnes ou mauvaises?
1767-1770
1773-1775
Parce qu’elles sont des mouvements de la sensibilité, les passions ne sont, en elles-mêmes, ni bonnes, ni mauvaises. Elle sont bonnes lorsqu’elles contribuent à une action bonne, et mauvaises dans le cas contraire. Elles peuvent être assumées dans les vertus ou perverties dans les vices.
LA CONSCIENCE MORALE
372. Qu’est-ce que la conscience morale?
1776-1780
1795-1797
Présente au plus intime de la personne, la conscience morale est un jugement de la raison qui, au moment opportun, enjoint à l’homme d’accomplir le bien et d’éviter le mal. Grâce à elle, la personne humaine perçoit la qualité morale d’un acte à accomplir ou déjà accompli, permettant d’en assumer la responsabilité. Quand il écoute sa conscience morale, l’homme prudent peut entendre la voix de Dieu qui lui parle.
373. Qu’implique la dignité de la personne en ce qui concerne la conscience morale?
1780-1782
1798
La dignité de la personne humaine implique la rectitude de la conscience morale, c’est-à-dire qu’elle soit en accord avec ce qui est juste et bon au regard de la raison et de la Loi divine. Au titre de cette dignité personnelle, l’homme ne doit pas être contraint d’agir contre sa conscience, et on ne doit même pas l’empêcher, dans les limites du bien commun, d’agir en conformité avec sa conscience, surtout en matière religieuse.
374. Comment se forme la conscience morale pour qu’elle soit droite et véridique?
1783-1788
1799-1800
La conscience morale droite et véridique se forme par l’éducation, l’intégration de la Parole de Dieu et de l’enseignement de l’Église. Elle est soutenue par les dons du Saint-Esprit et aidée par les conseils de personnes sages. En outre, la prière et l’examen de conscience contribuent beaucoup à la formation morale.
375. Quelles normes la conscience doit-elle toujours suivre?
1789
Les trois règles principales sont : 1) Il n’est jamais permis de faire le mal pour qu’il en résulte un bien; 2 ) La Règle d’or : « Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux, vous aussi » (Mt 7,12); 3) La charité passe toujours par le respect du prochain et de sa conscience, même si cela ne signifie pas accepter comme un bien ce qui est objectivement un mal.
376. La conscience morale peut-elle porter des jugements erronés?
1790-1794
1801-1802
La personne doit toujours obéir au jugement certain de sa conscience; mais elle peut émettre aussi des jugements erronés, pour des raisons qui ne sont pas toujours exemptes de culpabilité personnelle. On ne peut cependant imputer à la personne le mal accompli par ignorance involontaire, même s’il reste objectivement un mal. C’est pourquoi il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour corriger la conscience morale de ses erreurs.
LES VERTUS
377. Qu’est-ce que la vertu?
1803, 1833
La vertu est une disposition habituelle et ferme à faire le bien. « Le but d’une vie vertueuse consiste à devenir semblable à Dieu » (saint Grégoire de Nysse). Il existe des vertus humaines et des vertus théologales.
378. Qu’est-ce que les vertus humaines?
1804
1810-1811
1834, 1839
Les vertus humaines sont des dispositions habituelles et stables de l’intelligence et de la volonté, qui règlent nos actes, ordonnent nos passions et guident notre conduite selon la raison et la foi. Acquises et renforcées par les actes moralement bons et répétés, elles sont purifiées et élevées par la grâce divine.
379. Quelles sont les principales vertus humaines?
1805
1834
Ce sont les vertus appelées cardinales. Toutes les autres se regroupent autour d’elles et elles constituent les fondements de la vie vertueuse. Ce sont : la prudence, la justice, la force et la tempérance.
380. Qu’est-ce que la prudence?
1806
1835
La prudence dispose la raison à discerner en toute circonstance notre véritable bien et à choisir les moyens appropriés pour l’atteindre. Elle guide les autres vertus, en leur indiquant leur règle et leur mesure.
381. Qu’est-ce que la justice?
1807
1836
La justice consiste dans la volonté constante et ferme de donner à autrui ce qui lui est dû. La justice envers Dieu est appelée « vertu de religion ».
382. Qu’est-ce que la force?
1808
1837
La force assure la fermeté dans les difficultés et la constance dans la recherche du bien; elle peut aller jusqu’à la capacité de faire éventuellement le sacrifice de sa vie pour défendre une juste cause.
383. Qu’est-ce que la tempérance?
1809
1838
La tempérance modère l’attrait des plaisirs, assure la maîtrise de la volonté sur les instincts et rend capable d’équilibre dans l’usage des biens créés.
384. Qu’est-ce que les vertus théologales?
1812-1813
1840-1841
Ce sont les vertus qui ont Dieu lui-même pour origine, pour motif et pour objet immédiat. Infuses en l’homme avec la grâce sanctifiante, elles rendent capables de vivre en relation avec la Trinité; elles fondent et animent l’agir moral du chrétien, en vivifiant les vertus humaines. Elles sont le gage de la présence et de l’action de l’Esprit Saint dans les facultés humaines.
385. Quelles sont les vertus théologales?
1813
Ce sont la foi, l’espérance et la charité.
386. Qu’est-ce que la foi?
1814-1816
1842
La foi est la vertu théologale par laquelle nous croyons en Dieu et à tout ce qu’il nous a révélé, et que l’Église nous propose de croire, parce que Dieu est la vérité même. Par la foi, l’homme s’en remet librement à Dieu. C’est pourquoi le croyant cherche à connaître et à faire sa volonté, car la foi « agit par la charité » (Ga 5,6).
387. Qu’est-ce que l’espérance?
1817-1821
1843
L’espérance est la vertu théologale par laquelle nous désirons et attendons de Dieu la vie éternelle comme notre bonheur, mettant notre confiance dans les promesses du Christ et comptant sur l’appui de la grâce du Saint-Esprit pour mériter la vie éternelle et pour persévérer jusqu’à la fin de notre vie sur la terre.
388. Qu’est-ce que la charité?
1822-1829
1844
La charité est la vertu théologale par laquelle nous aimons Dieu par-dessus tout et notre prochain comme nous-mêmes, par amour de Dieu. Jésus en a fait le commandement nouveau, la plénitude de la Loi. Elle est le « lien de la perfection » (Col 3,14), le fondement des autres vertus, qu’elle anime, inspire et ordonne. Sans elle, « je ne suis rien et… rien ne me sert » (1 Co 13,1-3).
389. Qu’est-ce que les dons du Saint-Esprit?
1830-1831
1845
Les dons du Saint-Esprit sont des dispositions permanentes qui rendent l’homme docile à suivre les inspirations divines. Ils sont au nombre de sept : la sagesse, l’intelligence, le conseil, la force, la science, la piété et la crainte de Dieu.
390. Qu’est-ce que les fruits de l’Esprit Saint?
1832
Les fruits de l’Esprit Saint sont des perfections formées en nous comme des prémices de la gloire éternelle. La tradition de l’Église en donne douze : « la charité, la joie, la paix, la patience, la longanimité, la bonté, la bénignité, la mansuétude, la fidélité, la modestie, la continence, la chasteté » (Ga 5,22-23 vulg.).
LE PÉCHÉ
391. Qu’implique pour nous l’accueil de la miséricorde de Dieu?
1846-1848
1870
Elle implique la reconnaissance de nos fautes et le repentir de nos péchés. Dieu lui-même, par sa Parole et son Esprit, éclaire nos péchés, nous assure la vérité de notre conscience et l’espérance du pardon.
392. Qu’est-ce que le péché?
1849-1851
1871-1872
Le péché est « une parole, un acte ou un désir contraires à la Loi éternelle » (saint Augustin). Il est une offense à Dieu, par désobéissance à son amour. Il blesse la nature de l’homme et porte atteinte à la solidarité humaine. Le Christ, dans sa Passion, éclaire pleinement la gravité du péché et il le vainc par sa miséricorde.
393. Y a-t-il plusieurs sortes de péchés?
1852-1853
1873
La variété des péchés est grande. On peut les distinguer selon leur objet, ou selon les vertus ou les commandements auxquels ils s’opposent. On peut les ranger aussi selon qu’ils concernent directement Dieu, le prochain ou nous-mêmes. En outre, on peut distinguer les péchés en pensée, en paroles, par action ou par omission.
394. Comment se distinguent les péchés en fonction de leur gravité?
1854
On distingue le péché mortel et le péché véniel.
395. Quand commet-on le péché mortel?
1855-1861
1874
On commet le péché mortel quand il y a à la fois matière grave, pleine conscience et propos délibéré. Le péché mortel détruit en nous la charité, nous prive de la grâce sanctifiante et conduit à la mort éternelle de l’enfer s’il n’y a pas de repentir. Il est pardonné ordinairement par les sacrements du Baptême, de la Pénitence ou Réconciliation.
396. Quand commet-on le péché véniel?
1862-1864
1875
Le péché véniel, qui est radicalement différent du péché mortel, est commis quand sa matière est légère, ou même si elle est grave mais sans qu’il y ait pleine conscience ou total consentement. Il ne rompt pas l’alliance avec Dieu, mais il affaiblit la charité. Il traduit un attrait désordonné pour les biens créés. Il empêche les progrès de l’âme dans l’exercice des vertus et dans la pratique du bien moral. Il mérite des peines temporelles purificatoires.
397. Comment le péché prolifère-t-il en nous?
1865, 1876
Le péché crée un entraînement au péché, et, par sa répétition, il engendre le vice.
398. Qu’est-ce que les vices?
1866-1867
Étant contraires aux vertus, les vices sont des habitudes perverses qui obscurcissent la conscience et inclinent au mal. Ils peuvent être rattachés aux sept péchés que l’on appelle les péchés capitaux : l’orgueil, l’avarice, l’envie, la colère, la luxure, la gourmandise, la paresse ou acédie.
399. Avons-nous une responsabilité dans les péchés commis par autrui?
1868
Nous avons une responsabilité lorsqu’il y a de notre part une coopération coupable.
400. Qu’est ce que les structures de péché?
1869
Ce sont des situations sociales ou des institutions contraires à la loi divine; elles sont la manifestation et le résultat de péchés personnels.
CHAPITRE II
LA PERSONNE ET LA SOCIÉTÉ
401. En quoi consiste la dimension sociale de l’homme ?
1877-1880
1890-1891
En même temps qu’il est appelé personnellement à la béatitude, l’homme a une dimension sociale, qui est une composante essentielle de sa nature et de sa vocation. Tous les hommes sont en effet appelés à la même fin, Dieu lui-même. Il existe une certaine ressemblance entre la communion des Personnes divines et la fraternité que les hommes doivent instaurer entre eux, dans la vérité et dans la charité. L’amour du prochain est inséparable de l’amour pour Dieu.
402. Quel est le rapport entre la personne et la société?
1881-1882
1892-1893
Le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions sociales sont et doivent être la personne. Certaines sociétés, telles que la famille et la cité, lui sont nécessaires. D’autres associations lui sont aussi utiles, tant à l’intérieur de la société politique que sur le plan international, dans le respect du principe de subsidiarité.
403. Que signifie le principe de subsidiarité?
1883-1885
1894
Ce principe signifie qu’une société d’ordre supérieur ne doit pas assumer des fonctions qui reviennent à une société d’ordre inférieur, la privant de ses compétences. Elle doit plutôt la soutenir en cas de nécessité.
404. Que requiert d’autre un authentique vivre ensemble humain?
1886-1889
1895-1896
Il requiert le respect de la justice, une juste hiérarchie des valeurs, la subordination des dimensions physiques et instinctives aux dimensions intérieures et spirituelles; En particulier, là où le péché pervertit le climat social, il faut faire appel à la conversion des cœurs et à la grâce de Dieu, afin d’obtenir des changements sociaux qui soient réellement au service de toute personne et de toute la personne. La charité, qui exige la justice et rend capable de la pratiquer, est le plus grand commandement social.
LA PARTICIPATION A LA VIE SOCIALE
405. Quel est le fondement de l’autorité dans la société?
1897-1902
1918-1920
Toute communauté humaine a besoin d’une autorité légitime qui assure l’ordre et contribue à la réalisation du bien commun. Cette autorité trouve son fondement dans la nature humaine, parce qu’elle correspond à l’ordre établi par Dieu.
406. Quand l’autorité s’exerce-t-elle de manière légitime?
1901
1903-1904
1921-1922
L’autorité s’exerce de manière légitime quand elle agit pour le bien commun et qu’elle utilise pour l’atteindre des moyens moralement licites. C’est pourquoi les régimes politiques doivent être déterminés par la libre décision des citoyens et ils doivent respecter le principe de l’« état de droit », dans lequel est souveraine la loi et non pas la volonté arbitraire des hommes. Les lois injustes et les mesures contraires à l’ordre moral n’obligent pas les consciences.
407. Qu’est-ce que le bien commun?
1905-1906
1924
Par bien commun, on entend l’ensemble des conditions de la vie sociale qui permettent aux groupes et aux personnes d’atteindre leur perfection.
408. Que comporte le bien commun?
1907-1909
1925
Le bien commun comporte le respect et la promotion des droits fondamentaux de la personne; le développement des biens spirituels et temporels des personnes et de la société; la paix et la sécurité de tous.
409. Où se réalise d’une façon plus complète le bien commun?
1910-1912
1927
La réalisation la plus complète du bien commun se trouve dans la communauté politique, qui défend et promeut le bien des citoyens et des corps intermédiaires, sans négliger le bien universel de la famille humaine.
410. Comment l’homme prend-il part à la réalisation du bien commun?
1913-1917
1926
Tout homme, selon la place qu’il occupe et le rôle qu’il joue, a sa part dans la promotion du bien commun : par le respect des lois justes et dans la prise en charge des domaines dont il assume la responsabilité personnelle, tels le soin de sa famille et l’engagement dans son travail. Les citoyens doivent aussi, dans la mesure du possible, prendre une part active à la vie publique.
LA JUSTICE SOCIALE
411. Comment la société assure-t-elle la justice sociale?
1928-1933
1943-1944
La société assure la justice sociale quand elle respecte la dignité et les droits de la personne, qui constituent la fin propre de la société. D’autre part, la société recherche la justice sociale, qui est liée au bien commun et à l’exercice de l’autorité, quand elle accomplit les conditions qui permettent aux associations et aux individus d’obtenir ce à quoi ils ont droit.
412. Quel est le fondement de l’égalité entre les hommes?
1934-1935
1945
Tous les hommes jouissent d’une égale dignité et des mêmes droits fondamentaux, en tant qu’ils sont créés à l’image du Dieu unique et qu’ils sont dotés d’une âme raisonnable; ils ont même nature et même origine, et ils sont appelés, dans le Christ, unique Sauveur, à la même béatitude divine.
413. Comment évaluer les inégalités entre les hommes?
1936-1938
1946-1947
Il y a des inégalités iniques sur les plans économique et social, qui frappent des millions d’êtres humains. Elles sont en contradiction ouverte avec l’Évangile et sont contraires à la justice, à la dignité des personnes, à la paix. Mais il y a aussi des différences entre les hommes, causées par divers facteurs, qui appartiennent au plan de Dieu. Il veut en effet que chacun reçoive d’autrui ce dont il a besoin et que ceux qui ont des « talents » particuliers les partagent avec les autres. Ces différences encouragent et souvent obligent les personnes à la magnanimité, à la bienveillance et au partage. Elles incitent les cultures à s’enrichir les unes les autres.
414. Comment s’exprime la solidarité humaine?
1939-1942
1948
La solidarité, qui découle de la fraternité humaine et chrétienne, se manifeste en premier lieu dans la juste répartition des biens, dans la rémunération équitable du travail et dans l’engagement pour un ordre social plus juste. La vertu de solidarité pratique aussi le partage des biens spirituels de la foi, encore plus importants que les biens matériels.
CHAPITRE III
LE SALUT DE DIEU : LA LOI ET LA GRÂCE
LA LOI MORALE
415. Qu’est-ce que la loi morale?
1950-1953
1975-1978
La loi morale est l’œuvre de la Sagesse divine. Elle prescrit à l’homme les voies et les règles de conduite qui mènent à la béatitude promise et qui proscrivent les chemins qui éloignent de Dieu.
416. En quoi consiste la loi morale naturelle?
1954-1960
1978-1979
La loi naturelle, inscrite par le Créateur dans le cœur de tout homme, consiste en une participation à la sagesse et à la bonté de Dieu. Elle exprime le sens moral originel, qui permet à l’homme de discerner, par la raison, le bien et le mal. Elle est universelle et immuable, et elle pose les bases des devoirs et des droits fondamentaux de la personne, ainsi que de la communauté humaine et de la loi civile elle-même.
417. Cette loi est-elle accessible à tous?
1960
À cause du péché, la loi naturelle n’est pas toujours perçue par tous avec une clarté égale et immédiate.
C’est pourquoi « Dieu a écrit sur les tables de la Loi ce que les hommes ne lisaient pas dans leurs cœurs » (saint Augustin).
418. Quel est le rapport entre la loi naturelle et la Loi ancienne?
1961-1962
1980
La Loi ancienne est le premier état de la Loi révélée. Elle exprime de nombreuses vérités qui sont naturellement accessibles à la raison et qui se trouvent ainsi confirmées et authentifiées dans les Alliances du salut. Ses prescriptions morales, qui sont résumées dans les Dix Commandements du Décalogue, posent les fondements de la vocation de l’homme. Elles proscrivent ce qui est contraire à l’amour de Dieu et du prochain, et elles commandent ce qui leur est essentiel.
419. Comment se situe la Loi ancienne dans le plan du salut?
1963-1964
1982
La Loi ancienne permet de connaître bon nombre de vérités accessibles à la raison. Elle montre ce que l’on doit faire ou ne pas faire, et surtout, à la manière d’un sage pédagogue, elle prépare et dispose à la conversion et à l’accueil de l’Évangile. Cependant, tout en étant sainte, spirituelle et bonne, la Loi ancienne est encore imparfaite, car elle ne donne pas par elle même la force et la grâce de l’Esprit pour être observée.
420. Qu’est-ce que la Loi nouvelle ou Loi évangélique?
1965-1972
1983-1985
La Loi nouvelle ou Loi évangélique, proclamée et réalisée par le Christ, est la plénitude et l’accomplissement de la Loi divine, naturelle et révélée. Elle se résume dans le commandement de l’amour de Dieu et du prochain, et de l’amour des uns envers les autres comme le Christ nous a aimés. Elle est aussi une réalité intérieure à l’homme : la grâce du Saint-Esprit, qui rend possible un tel amour. Elle est « la loi de liberté » (Ga 1, 25), car elle incline à agir spontanément sous l’impulsion de la charité.
« La Loi nouvelle est d’abord la grâce même de l’Esprit Saint, qui est donnée aux croyants dans le Christ » (saint Thomas d’Aquin).
421. Où se trouve la Loi nouvelle?
1971-1974
1986
La Loi nouvelle se trouve dans toute la vie et la prédication du Christ, et dans la catéchèse morale des Apôtres. Le Discours sur la Montagne en est la principale expression.
GRÂCE ET JUSTIFICATION
422. Qu’est-ce que la justification?
1987-1995
2017-2020
La justification est l’œuvre la plus excellente de l’amour de Dieu. Elle est l’action miséricordieuse et gratuite de Dieu qui nous remet nos péchés et qui nous rend justes et saints dans tout notre être. Cela se réalise par la grâce de l’Esprit Saint, qui nous a été méritée par la passion du Christ et qui nous est donnée par le Baptême. La justification ouvre la voie à la libre réponse de l’homme, c’est-à-dire à la foi au Christ et à la collaboration avec la grâce de l’Esprit Saint.
423. Qu’est-ce que la grâce qui justifie?
1996-1998,
2005
2021
La grâce est le don gratuit que Dieu nous donne afin de nous rendre participants de sa vie trinitaire et capables d’agir par amour pour lui. Elle est appelée grâce habituelle, ou sanctifiante ou déifiante, parce qu’elle sanctifie et divinise. Elle est surnaturelle, parce qu’elle dépend entièrement de l’initiative gratuite de Dieu et qu’elle dépasse les capacités de l’intelligence et des forces humaines. Elle échappe donc à notre expérience.
424. Quelles sont les autres sortes de grâce?
1999-2000
2003-2004
2023-2024
Hormis la grâce habituelle, il y a les grâces actuelles (dons circonstanciés), les grâces sacramentelles (dons propres à chaque sacrement), les grâces spéciales ou charismes (qui ont comme finalité le bien commun de l’Église), parmi lesquels il y a les grâces d’état, qui accompagnent l’exercice des ministères ecclésiaux et des responsabilités de l’existence.
425. Quel rapport y a-t-il entre la grâce et la liberté humaine?
2001-2002
La grâce prévient, prépare et suscite la libre réponse de l’homme. Elle répond aux profondes aspirations de la liberté humaine, l’invite à coopérer et la mène à la perfection.
426. Qu’est-ce que le mérite?
2006-2010
2025-2026
Le mérite est ce qui donne droit à la récompense pour une action bonne. Dans ses rapports avec Dieu, l’homme, de lui-même, ne peut rien mériter, ayant tout reçu gratuitement de Dieu. Néanmoins, Dieu lui donne la possibilité d’acquérir des mérites par son union à la charité du Christ, source de nos mérites devant Dieu. Les mérites des bonnes œuvres doivent donc être attribués avant tout à la grâce divine, et ensuite à la volonté libre de l’homme.
427. Quels biens pouvons-nous mériter?
2010-2011
2027
Sous la motion de l’Esprit Saint, nous pouvons mériter, pour nous mêmes et pour autrui, les grâces utiles pour nous sanctifier et pour parvenir à la vie éternelle, ainsi que les biens temporels qui nous sont nécessaires, selon le dessein de Dieu. Nul ne peut mériter la grâce première, qui est à l’origine de la conversion et de la justification.
428. Sommes-nous tous appelés à la sainteté chrétienne?
2012-2016
2028-2029
Tous les fidèles sont appelés à la sainteté chrétienne. Elle est la plénitude de la vie chrétienne et la perfection de la charité; elle se réalise dans l’union intime avec le Christ et, en lui, avec la Sainte Trinité. Le chemin de sanctification du chrétien, après être passé par la croix, aura son achèvement dans la résurrection finale des justes, dans laquelle Dieu sera tout en tous.
L’ÉGLISE, MÈRE ET ÉDUCATRICE
429. Comment l’Église nourrit-elle la vie morale du chrétien?
2030-2031
2047
L’Église est la communauté où le chrétien accueille la Parole de Dieu et les enseignements de la « Loi du Christ » (Ga 6,2). Il y reçoit la grâce des sacrements. Il s’y unit à l’offrande eucharistique du Christ, en sorte que sa vie morale soit un culte spirituel. Il y apprend l’exemple de sainteté de la Vierge Marie et des saints.
430. Pourquoi le Magistère de l’Église intervient-il dans le domaine moral?
2032-2040
2049-2051
Il revient au Magistère de l’Église d’annoncer la foi à croire et à appliquer dans la vie concrète. Cette tâche s’étend aussi aux préceptes spécifiques de la loi naturelle, parce que leur observance est nécessaire pour le salut.
431. Quelle est la finalité des préceptes de l’Église?
2041
2048
Les cinq préceptes de l’Église ont pour but de garantir aux fidèles le minimum indispensable en ce qui concerne l’esprit de prière, la vie sacramentelle, l’engagement moral, et la croissance de l’amour de Dieu et du prochain.
432. Quels sont les préceptes de l’Église?
2042-2043
Ce sont les suivants : 1) participer à la Messe le dimanche et les autres fêtes de précepte, et se libérer des travaux et des activités qui pourraient empêcher la sanctification de ces jours-là; 2) confesser ses fautes en recevant le sacrement de la Réconciliation au moins une fois par an; 3) recevoir le sacrement de l’Eucharistie au moins à Pâques; 4) s’abstenir de manger de la viande et jeûner aux jours fixés pas l’Église; 5) subvenir aux besoins matériels de l’Église, chacun selon ses possibilités.
433. Pourquoi la vie morale des chrétiens est-elle indispensable pour l’annonce de l’Évangile?
2044-2046
Par leur vie conforme au Seigneur Jésus, les chrétiens attirent les hommes à la foi au vrai Dieu; ils édifient l’Église; ils pénètrent le monde de l’esprit de l’Évangile et préparent la venue du Royaume de Dieu.
DEUXIÈME SECTION
Exode 20,2-17
« Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. Tu n’auras pas d’autres dieux que moi. Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces images, pour leur rendre un culte. Car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux : chez ceux qui me haïssent, je punis la faute des pères sur les fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération; mais ceux qui m’aiment et observent mes commandements, je leur garde ma fidélité jusqu’à la millième génération. Tu n’invoqueras pas le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque son nom pour le mal.
Deutéronome 5,6-21
« Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. Tu n’auras pas d’autres dieux que moi... Tu n’invoqueras pas le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal.
Formule catéchétique
Un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement. Son saint nom tu respecteras, fuyant blasphème et faux serment. Tu feras du sabbat un mémorial, un jour sacré. Pendant six jours tu travailleras, et tu feras tout ton ouvrage; mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui réside dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a consacré. Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu. Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d’adultère. Tu ne commettras pas de vol. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient». Observe le jour du sabbat comme un jour sacré. Honore ton père et ta mère. Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d’adultère. Tu ne commettras pas de vol. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, tu ne désireras rien de ce qui appartient à ton prochain. Le jour du Seigneur garderas, en servant Dieu dévotement. Honore ton père et ta mère. Tu ne tueras pas. Tu ne commettras pas d’adultère. Tu ne voleras pas. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain. Tu ne désireras rien de ce qui est à ton prochain.
434. «Maître, que faut-il faire pour obtenir la vie éternelle? » (Mt 19,16)
2052-2054
2075-2076
Au jeune homme qui l’interroge, Jésus répond : « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements», puis il ajoute : « Viens et suis moi » (Mt 19,16-21). Suivre Jésus implique d’observer les commandements. La Loi n’est pas abolie; mais l’homme est invité à la retrouver dans la personne du Divin Maître, qui la réalise parfaitement en lui-même, qui en révèle la pleine signification et qui en atteste la pérennité.
435. Comment Jésus interprète-t-il la Loi?
2055
Jésus l’interprète à la lumière du double et unique commandement de la charité, qui est la plénitude de la Loi : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. C’est le plus grand et le premier des commandements. Et le second lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Ces deux commandements contiennent toute la Loi et les Prophètes » (Mt 22,37-40).
436. Que signifie «Décalogue »?
2056-2057
Décalogue signifie « Dix paroles » (Ex 34,28). Ces paroles résument la Loi donnée par Dieu au peuple d’Israël dans le contexte de l’Alliance avec Moïse. Présentant les commandements de l’amour de Dieu (dans les trois premiers commandements) et de l’amour du prochain (dans les sept autres), elles tracent pour le peuple élu et pour toute personne le chemin d’une vie libérée de l’esclavage du péché.
437. Quel est le lien du Décalogue avec l’Alliance?
2058-2063
2077
Le Décalogue se comprend à la lumière de l’Alliance, dans laquelle Dieu se révèle, faisant connaître sa volonté. En observant les commandements, le peuple exprime son appartenance à Dieu et répond avec gratitude à son initiative d’amour.
438. Quelle importance l’Église donne-t-elle au Décalogue?
2064-2068
Fidèle à l’Écriture et à l’exemple du Christ, l’Église reconnaît au Décalogue une importance et une signification primordiales. Les chrétiens sont tenus de l’observer.
439. Pourquoi le Décalogue constitue-t-il une unité organique?
2069
2079
Les Dix Commandements constituent un ensemble organique et indissociable, parce que chaque commandement renvoie aux autres et à tout le Décalogue. Transgresser un commandement, c’est donc enfreindre toute la Loi.
440. Pourquoi le Décalogue oblige-t-il gravement?
2072-2073,
2081
Parce que le Décalogue énonce les devoirs fondamentaux de l’homme envers Dieu et envers le prochain.
441. Est-il possible d’observer le Décalogue?
2074
2082
Oui, parce que le Christ, sans lequel nous ne pouvons rien faire, nous rend capables de l’observer par le don de son Esprit et de sa grâce.
CHAPITRE I
« TU AIMERAS LE SEIGNEUR TON DIEU
DE TOUT TON CŒUR,
DE TOUTE TON ÂME ET DE TOUT TON ESPRIT»
LE PREMIER COMMANDEMENT : JE SUIS LE SEIGNEUR TON DIEU.
TU N’AURAS PAS D’AUTRE DIEU
442. Qu’implique la déclaration divine : « Je suis le Seigneur ton Dieu » (Ex 20,2)?
2083-2094
2133-2134
Pour le fidèle, elle implique de garder et d’exercer les trois vertus théologales, et d’éviter les péchés qui s’y opposent. La foi croit en Dieu et repousse ce qui lui est contraire, comme par exemple le doute volontaire, l’incrédulité, l’hérésie, l’apostasie, le schisme. L’espérance attend avec confiance la vision bienheureuse de Dieu et son aide, évitant le désespoir et la présomption. La charité aime Dieu par-dessus tout: il faut donc repousser l’indifférence, l’ingratitude, la tiédeur, l’acédie ou indolence spirituelle, et la haine de Dieu, qui naît de l’orgueil.
443. Qu’implique la Parole du Seigneur : « Adore le Seigneur ton Dieu, à lui seul tu rendras un culte » (Mt 4,10)?
2095-2105
2135-2136
Elle implique d’adorer Dieu comme le Seigneur de tout ce qui existe; de lui rendre le culte qui lui est dû de façon individuelle et communautaire; de le prier par la louange, l’action de grâces et la supplication; de lui offrir des sacrifices, avant tout le sacrifice spirituel de notre vie, uni au sacrifice parfait du Christ; de garder les promesses et les vœux faits à Dieu.
444. De quelle manière la personne met-elle en œuvre son droit de rendre à Dieu un culte en vérité et en liberté?
2104-2109
2137
Tout homme a le droit et le devoir moral de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Église, et quand il l’a connue, de l’embrasser et de lui être fidèle, en rendant à Dieu un culte authentique. En même temps, la dignité de la personne humaine requiert qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience, ni, dans les limites de l’ordre public, empêché d’agir selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres.
445. Qu’est-ce que Dieu interdit quand il commande : « Tu n’auras pas d’autres dieux devant Moi » (Ex 20,2)?
2110-2128
2138-2140
Ce commandement proscrit :
le polythéisme et l’idolâtrie, qui divinise une créature, le pouvoir, l’argent, même le démon;
la superstition, qui est une déviance du culte dû au vrai Dieu et qui s’exprime encore sous diverses formes de divinisation, de magie, de sorcellerie et de spiritisme;
l’irréligion qui s’exprime par l’action de tenter Dieu, en paroles ou en actes, par le sacrilège, qui profane des personnes ou des choses sacrées, surtout l’Eucharistie, par la simonie, par laquelle on entend acheter ou vendre des réalités spirituelles;
l’athéisme, qui rejette l’existence de Dieu, se fondant souvent sur une fausse conception de l’autonomie humaine;
l’agnosticisme, pour lequel on ne peut rien savoir de Dieu et qui comprend aussi l’indifférentisme et l’athéisme pratique.
446. Le commandement de Dieu : « Tu ne te feras aucune image sculptée » (Ex 20,3) interdit-il le culte des images?
2129-2132
2141
Dans l’Ancien Testament, ce commandement interdisait de représenter Dieu absolument transcendant. À partir de l’incarnation du Fils de Dieu, le culte chrétien des images saintes est justifié (comme l’affirme le deuxième concile de Nicée en 787), parce qu’il se fonde sur le mystère du Fils de Dieu fait homme, en qui le Dieu transcendant se rend visible. Il ne s’agit pas d’une adoration de l’image, mais d’une vénération de celui qui est représenté en elle: le Christ, la Vierge, les Anges et les Saints.
LE DEUXIÈME COMMANDEMENT :
TU NE PRONONCERAS PAS LE NOM DE DIEU EN VAIN
447. Comment respecte-t-on la sainteté du Nom de Dieu?
2142-2149
2160-2162
On respecte le Saint Nom de Dieu en l’invoquant, en le bénissant, en le louant et en le glorifiant. Il faut donc éviter l’abus d’en appeler au Nom de Dieu pour justifier un délit et tout usage inconvenant de son Nom, tels le blasphème, qui par nature est un péché grave, les jurons et l’infidélité aux promesses faites au Nom de Dieu.
448. Pourquoi le faux serment est-il interdit?
2150-2151
2163-2164
Parce qu’il met en cause Dieu, qui est la vérité même, pris à témoin d’un mensonge.
« Ne jurer ni par le Créateur, ni par la créature, si ce n’est avec vérité, nécessité et révérence » (saint Ignace de Loyola).
449. Qu’est ce que le parjure?
2152-2155
Le parjure consiste à faire, sous serment, une promesse avec l’intention de ne pas la tenir, ou de violer la promesse faite sous serment. C’est un péché grave contre Dieu, qui est toujours fidèle à ses promesses.
LE TROISIÈME COMMANDEMENT :
SE SOUVENIR DE SANCTIFIER LES JOURS FESTIFS
450. Pourquoi Dieu a-t-il « béni le jour du sabbat et déclaré saint » (Ex 20,11)?
2168-2172
2189
Le jour du sabbat, on fait mémoire du repos de Dieu le septième jour de la création, comme aussi de la libération d’Israël de l’esclavage de l’Égypte et de l’Alliance établie par Dieu avec son peuple.
451. Comment se comporte Jésus par rapport au sabbat?
2173
Jésus reconnaît la sainteté du sabbat et, avec son autorité divine, il en donne l’interprétation authentique : « Le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat » (Mc 2, 27).
452. Pour quel motif, pour les chrétiens, le dimanche a-t-il été substitué au sabbat?
2174-2176
2190-2191
Le dimanche est le jour de la résurrection du Christ. Comme « premier jour de la semaine » (Mc 16,2), il rappelle la première création; comme « huitième jour », jour qui suit le sabbat, il signifie la nouvelle création inaugurée par la résurrection du Christ. Ainsi, il est devenu pour les chrétiens le premier de tous les jours et de toutes les fêtes : le jour du Seigneur, qui, dans sa Pâque, porte à son achèvement le sabbat juif et annonce le repos éternel de l’homme en Dieu.
453. Comment sanctifie-t-on le dimanche?
2177-2185
2192-2193
Les chrétiens sanctifient le dimanche et les autres fêtes de précepte en participant à l’Eucharistie du Seigneur et en s’abstenant aussi des activités qui empêchent de rendre le culte à Dieu, qui troublent la joie propre au jour du Seigneur et la nécessaire détente de l’esprit et du corps. Peuvent être accomplies ce jour-là les activités liées aux nécessités familiales ou aux services de grande utilité sociale, à condition qu’elles ne constituent pas des habitudes préjudiciables à la sanctification du dimanche, ni à la vie de famille ou à la santé.
454. Pourquoi la reconnaissance civile du dimanche comme jour festif est-elle importante?
2186-2188
2194-2195
Pour que soit donnée à tous la possibilité effective de jouir d’un repos suffisant et d’un temps libre permettant de cultiver la vie religieuse, familiale, culturelle et sociale; de disposer d’un temps propice à la méditation, à la réflexion, au silence et à l’étude; de se consacrer aux bonnes œuvres, en particulier au profit des malades et des personnes âgées.
CHAPITRE II
« TU AIMERAS TON PROCHAIN COMME TOI-MÊME »
LE QUATRIÈME COMMANDEMENT : HONORE TON PÈRE ET TA MÈRE
455. Que commande le quatrième commandement?
2196-2200
2247-2248
Il commande d’honorer et de respecter nos parents et ceux que Dieu, pour notre bien, a revêtus de son autorité.
456. Quel est la nature de la famille dans le plan de Dieu?
2201-2205
2249
Un homme et une femme unis par le mariage forment ensemble, avec leurs enfants, une famille. Dieu a institué la famille et l’a dotée de sa constitution fondamentale. Le mariage et la famille sont ordonnés au bien des époux, à la procréation et à l’éducation des enfants. Entre les membres d’une famille s’établissent des relations personnelles et des responsabilités primordiales. Dans le Christ, la famille devient une église domestique, parce qu’elle est communauté de foi, d’espérance et d’amour.
457. Quelle place tient la famille dans la société?
2207-2208
La famille est la cellule originelle de la société humaine et précède toute reconnaissance de la part de l’autorité publique. Les principes et les valeurs de la famille constituent le fondement de la vie sociale. La vie de famille est une initiation à la vie en société.
458. Quels sont les devoirs de la société dans ses rapports à la famille?
2209-2213
2250
La société a le devoir de soutenir et d’affermir le mariage et la famille, en respectant aussi le principe de subsidiarité. Les pouvoirs publics doivent respecter, protéger et favoriser la vraie nature du mariage et de la famille, la morale publique, les droits des parents et la prospérité des foyers.
459. Quels sont les devoirs des enfants envers leurs parents?
2214-2220
2251
Les enfants doivent respect (piété filiale), reconnaissance, docilité et obéissance envers leurs parents, contribuant ainsi, par les bonnes relations entre frères et sœurs, au progrès de l’harmonie et de la sainteté de toute la vie familiale. Si les parents se trouvent dans une situation d’indigence, de maladie, d’isolement ou de vieillesse, les enfants adultes doivent leur fournir un soutien moral et matériel.
460. Quels sont les devoirs des parents envers leurs enfants?
2221-2231
Participants de la paternité divine, les parents sont les premiers responsables de l’éducation de leurs enfants et les premiers à leur annoncer la foi. Ils ont le devoir d’aimer et de respecter leurs enfants comme personnes et comme fils de Dieu. Ils ont à pourvoir, autant que faire se peut, à leurs besoins matériels et spirituels, choisissant pour eux une école appropriée et leur prodiguant de prudents conseils pour choisir leur profession et leur état de vie. En particulier, ils ont pour mission de les éduquer à la foi chrétienne.
461. Comment les parents éduquent-ils leurs enfants à la foi chrétienne?
2252-2253
Principalement par l’exemple, la prière, la catéchèse familiale et la participation à la vie ecclésiale.
462. Les liens de famille sont-ils un bien absolu?
2232-2233
Les liens de famille, bien qu’ils soient importants, ne sont pas absolus, parce que la première vocation du chrétien est de suivre Jésus en l’aimant : « Qui aime son père et sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi. Qui aime sa fille ou son fils plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10, 37). Les parents doivent aider avec joie leurs enfants à suivre Jésus, dans tous les états de vie, même dans la vie consacrée ou dans le ministère sacerdotal.
463. Comment doit s’exercer l’autorité dans les différents domaines de la société civile?
2234-2237
2254
Elle doit toujours s’exercer comme un service, en respectant les droits fondamentaux de l’homme, une juste hiérarchie des valeurs, les lois, la justice distributive et le principe de subsidiarité. Dans l’exercice de l’autorité, chacun doit rechercher l’intérêt de la communauté au lieu du sien propre. Ses décisions doivent s’inspirer de la vérité sur Dieu, sur l’homme et sur le monde.
464. Quels sont les devoirs des citoyens dans leurs rapports avec les autorités civiles?
2238-2241
2255
Ceux qui sont soumis à l’autorité doivent considérer leurs supérieurs comme des représentants de Dieu, offrant leur collaboration loyale pour le bon fonctionnement de la vie publique et sociale. Cela comporte l’amour et le service de la patrie, le droit et le devoir de voter, le paiement des impôts, la défense du pays et le droit à une critique constructive.
465. Quand le citoyen doit-il ne pas obéir aux autorités civiles?
2242-2243
2256
Le citoyen ne doit pas, en conscience, obéir quand les prescriptions des autorités civiles s’opposent aux exigences de l’ordre moral : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5,29).
LE CINQUIÈME COMMANDEMENT : NE PAS TUER
466. Pourquoi faut-il respecter la vie humaine?
2258-2262
2318-2320
Parce que la vie humaine est sacrée. Dès son origine, elle comporte l’action créatrice de Dieu et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son unique fin. Il n’est permis à personne de détruire directement un être humain innocent, car cela est gravement contraire à la dignité de la personne et à la sainteté du Créateur. « Vous ne ferez pas mourir l’innocent et le juste » (Ex 23,7).
467. Pourquoi la légitime défense des personnes et des sociétés n’est-elle pas contraire à cette règle absolue?
2263-2265
Par la légitime défense, on fait le choix de se défendre et de mettre en valeur le droit à la vie, la sienne propre ou celle d’autrui, et non le choix de tuer. Pour qui a la responsabilité de la vie d’autrui, la légitime défense peut être aussi un devoir grave. Toutefois, elle ne doit pas comporter un usage de la violence plus grande que ce qui est nécessaire.
468. À quoi sert une peine?
2266
Une peine infligée par l’autorité publique légitime a pour but de réparer le désordre introduit par la faute, de défendre l’ordre public et la sécurité des personnes, et de contribuer à l’amendement du coupable.
469. Quelle peine peut-on infliger?
2267
La peine infligée doit être proportionnée à la gravité du délit. Aujourd’hui, étant donné les possibilités dont l’État dispose pour réprimer le crime en rendant inoffensif le coupable, les cas d’absolue nécessité de la peine de mort « sont désormais très rares, sinon même pratiquement inexistants » (Evangelium vitæ). Quand les moyens non sanglants sont suffisants, l’autorité se limitera à ces moyens, parce qu’ils correspondent mieux aux conditions concrètes du bien commun, ils sont plus conformes à la dignité de la personne et n’enlèvent pas définitivement, pour le coupable, la possibilité de se racheter.
470. Qu’interdit le cinquième commandement?
2268-2283
2321-2326
Le cinquième commandement interdit comme gravement contraires à la loi morale :
L’homicide direct et volontaire, ainsi que la coopération à celui-ci;
l’avortement direct, recherché comme fin et comme moyen, ainsi que la coopération à cet acte, avec la peine d’excommunication, parce que l’être humain, dès sa conception, doit être défendu et protégé de manière absolue dans son intégrité;
l’euthanasie directe, qui consiste à mettre fin, par un acte ou par l’omission d’une action requise, à la vie de personnes handicapées, malades ou proches de la mort;
le suicide et la coopération volontaire à celui-ci, parce qu’il est une offense grave au juste amour de Dieu, de soi-même et du prochain; quant à la responsabilité, elle peut être aggravée en raison du scandale ou diminuée par des troubles psychiques particuliers ou par de graves craintes.
471. Quelles procédures médicales sont autorisées quand la mort est considérée comme imminente?
2278-2279
Les soins habituellement dus à une personne malade ne peuvent être légitimement interrompus. Par contre, sont légitimes le recours à des analgésiques n’ayant pas comme finalités la mort, ainsi que le renoncement à « l’acharnement thérapeutique », c’est-à-dire, à l’usage de procédés médicaux disproportionnés et sans espoir raisonnable d’une issue favorable.
472. Pourquoi la société doit-elle protéger tout embryon?
2273-2274
Le droit inaliénable à la vie de tout individu humain, dès sa conception, est un élément constitutif de la société civile et de sa législation. Quand l’État ne met pas sa force au service des droits de tous, et en particulier des plus faibles, parmi lesquels les enfants conçus non encore nés, ce sont les fondements mêmes de l’état de droit qui sont minés.
473. Comment éviter le scandale?
2284-2287
Le scandale, qui consiste à porter autrui à faire le mal, est à éviter en respectant l’âme et le corps de la personne. Si l’on porte délibérément autrui au péché grave, on commet une faute grave.
474. Quels devoirs avons-nous envers le corps?
2288-2291
Nous devons porter une attention raisonnable à la santé physique, la nôtre et celle d’autrui, en évitant le culte du corps et toutes sortes d’excès. Doivent aussi être évités l’usage de stupéfiants, qui causent de graves dommages à la santé et à la vie humaine, et aussi l’abus de nourriture, d’alcool, de tabac et de médicaments.
475. Quand les expérimentations scientifiques, médicales et psychologiques sont-elle moralement légitimes sur les individus ou sur des groupes humains?
2292-2295
Elles sont moralement légitimes si elles sont au service du bien intégral de la personne et de la société, sans risques disproportionnés pour la vie et l’intégrité physique ou psychique des individus, qui doivent être, au préalable, informés et consentants.
476. Avant et après la mort, le prélèvement et le don d’organes sont-ils autorisés?
2296
Le prélèvement d’organes est moralement acceptable avec le consentement du donneur et sans risques excessifs pour lui. Pour que soit réalisé l’acte noble du don d’organes après la mort, on doit être pleinement certain de la mort réelle du donneur.
477. Quelles sont les pratiques contraires au respect de l’intégrité corporelle de la personne humaine?
2297-2298
Ce sont : les enlèvements et les prises d’otages de personnes, le terrorisme, la torture, les violences, la stérilisation directe. Les amputations et les mutilations d’une personne ne sont moralement acceptables qu’à des fins thérapeutiques pour la personne elle-même.
478. Comment doit-on prendre soin des mourants?
2299
Les mourants ont le droit de vivre dans la dignité les derniers moments de leur vie terrestre, et surtout avec le soutien de la prière et des sacrements, qui les préparent à rencontrer le Dieu vivant.
479. Comment doivent être traités les corps des défunts?
2300-2301
Les corps des défunts doivent être traités avec respect et charité. L’incinération est permise à condition qu’elle soit réalisée sans mettre en cause la foi en la résurrection des corps.
480. Que demande le Seigneur à toute personne en ce qui concerne la paix?
2302-2303
Le Seigneur, qui a proclamé « bienheureux les artisans de paix » (Mt 5,9), demande la paix du cœur et dénonce l’immoralité de la colère, qui est un désir de vengeance pour le mal subi, et la haine, qui porte à désirer le mal pour le prochain. Ces comportements, s’ils sont volontaires et consentis dans des matières de grande importance, sont des péchés graves contre la charité.
481. Qu’est-ce que la paix dans le monde?
2304-2305
La paix dans le monde, qui est requise pour le respect et le développement de la vie humaine, n’est pas simplement l’absence de la guerre ou l’équilibre de forces opposées; elle est « tranquillité de l’ordre » (saint Augustin), « fruit de la justice » (Is 32,17) et effet de la charité. La paix terrestre est image et fruit de la paix du Christ.
482. Que réclame la paix dans le monde?
2304;
2307-2308
La paix dans le monde réclame une distribution équitable et la protection des biens des personnes, la libre communication entre les êtres humains, le respect de la dignité des personnes et des peuples, la pratique assidue de la justice et de la fraternité.
483. Quand peut-on moralement consentir à l’usage de la force militaire?
2307-2310
Le recours à la force militaire est moralement justifié par la présence simultanée des conditions suivantes : la certitude d’un dommage subi grave et durable; l’inefficacité de toute solution pacifique; les conditions sérieuses d’un succès; l’absence de maux plus grands, étant bien considérée la puissance actuelle des moyens de destruction.
484. En cas de menace de guerre, à qui appartient-il d’apprécier de manière rigoureuse de telles conditions?
2309
Cela appartient au jugement prudent des Gouvernants, auxquels revient aussi le droit d’imposer aux citoyens l’obligation de la défense nationale, étant sauf le droit personnel à l’objection de conscience, obligation qui peut être réalisée par d’autres formes de service de la communauté humaine.
485. En cas de guerre, que demande la loi morale?
2312-2314
2328
La loi morale demeure toujours valide, même en cas de guerre. Elle demande que soient traités avec humanité les non-combattants, les soldats blessés et les prisonniers. Les actes délibérément contraires au droit des gens et les ordres qui les commandent sont des crimes que l’obéissance aveugle ne suffit pas à excuser. Il faut condamner les destructions massives, ainsi que l’extermination d’un peuple ou d’une minorité ethnique. Ce sont des péchés très graves et on est moralement tenu de résister aux ordres de ceux qui les commandent.
486. Que faut-il faire pour éviter la guerre?
2315-2317
2327-2330
On doit faire ce qui est raisonnablement possible pour éviter à tout prix la guerre, étant donné les maux et les injustices qu’elle provoque. En particulier, il faut éviter l’accumulation et le commerce des armes non dûment réglementées par les pouvoirs légitimes; les injustices, surtout économiques et sociales; les discriminations ethniques et religieuses; l’envie, la défiance, l’orgueil et l’esprit de vengeance. Tout ce qui est fait pour vaincre ces désordres et d’autres encore contribue à édifier la paix et à éviter la guerre.
LE SIXIÈME COMMANDEMENT : TU NE COMMETTRAS PAS D’ADULTÈRE
487. Quel est le devoir de la personne humaine en ce qui concerne son identité sexuelle?
2331-2336
2392-2393
Dieu a créé l’homme, homme et femme, avec la même dignité personnelle. Il a inscrit en chacun la vocation à l’amour et à la communion. Il revient à chacun d’accepter sa propre identité sexuelle, en en reconnaissant l’importance pour toute la personne, la spécificité et la complémentarité.
488. Qu’est-ce que la chasteté?
2337-2338
La chasteté est l’intégration réussie de la sexualité dans la personne. La sexualité devient vraiment humaine quand elle est intégrée de manière juste dans la relation de personne à personne. La chasteté est une vertu morale, un don de Dieu, une grâce, un fruit de l’Esprit.
489. Que comporte la vertu de chasteté?
2339-2341
Elle comporte l’apprentissage de la maîtrise de soi, en tant qu’expression de la liberté humaine orientée au don de soi. Dans ce but, une éducation intégrale et permanente est nécessaire; elle se réalise par étapes graduelles de croissance.
490. De quels moyens dispose-t-on pour aider à vivre la chasteté?
2340-2347
Les moyens à disposition sont nombreux : la grâce de Dieu, le secours des sacrements, la prière, la connaissance de soi, la pratique d’une ascèse adaptée aux diverses situations, l’exercice des vertus morales, en particulier de la vertu de tempérance, qui vise à faire en sorte que les passions soient guidées par la raison.
491. De quelle manière tous les baptisés sont-ils appelés à vivre la chasteté?
2348-2350
2394
Tous les baptisés, suivant le Christ modèle de chasteté, sont appelés à mener une vie chaste, selon leur état de vie : les uns, en vivant dans la virginité ou dans le célibat consacré, manière éminente de se consacrer plus facilement à Dieu d’un cœur sans partage; les autres, s’ils sont mariés, en pratiquant la chasteté conjugale; s’ils ne sont pas mariés, en vivant la chasteté dans la continence.
492. Quels sont les principaux péchés contre la chasteté?
2351-2359
2396
Sont des péchés gravement contraires à la chasteté, chacun selon la nature de son objet : l’adultère, la masturbation, la fornication, la pornographie, la prostitution, le viol, les actes homosexuels. Ces péchés sont l’expression du vice de la luxure. Commis sur des mineurs, de tels actes sont un attentat encore plus grave contre leur intégrité physique et morale.
493. Pourquoi le sixième commandement, bien qu’il dise « Tu ne commettras pas d’adultère », interdit-il tous les péchés contre la chasteté?
2336
Bien que dans le texte biblique du Décalogue on lise « Tu ne commettras pas d’adultère » (Ex, 20,14), la Tradition de l’Église suit intégralement les enseignements moraux de l’Ancien et du Nouveau Testament, et considère le sixième commandement comme englobant tous les péchés contre la chasteté.
494. Quel est le devoir des autorités civiles en ce qui concerne la chasteté?
2354
Parce qu’elles sont tenues de promouvoir le respect de la dignité de la personne, les autorités civiles doivent contribuer à créer un climat favorable à la chasteté, même en empêchant, par des lois appropriées, la diffusion de certaines des graves offenses à la chasteté précédemment évoquées, surtout en vue de protéger les mineurs et les personnes les plus fragiles.
495. Quels sont les biens de l’amour conjugal auquel est ordonnée la sexualité?
2360-2361
2397-2398
Les biens de l’amour conjugal qui, pour les baptisés, est sanctifié par le sacrement de mariage sont : l’unité, la fidélité, l’indissolubilité et l’ouverture à la fécondité.
496. Quelle signification a l’acte conjugal?
2362-2367
L’acte conjugal a une double signification : unitive (la donation réciproque des époux), et procréatrice (l’ouverture à la transmission de la vie). Nul ne doit briser le lien indissociable que Dieu a voulu entre les deux significations de l’acte conjugal, en excluant l’une ou l’autre d’entre elles.
497. Quand la régulation des naissances est-elle morale?
2368-2369
2399
La régulation des naissances, qui représente un des aspects de la paternité et de la maternité responsables, est objectivement conforme à la morale quand elle se vit entre les époux sans contrainte extérieure, ni par égoïsme, mais pour des motifs sérieux et par des méthodes conformes aux critères objectifs de moralité, à savoir par la continence périodique et le recours aux périodes infécondes.
498. Quels sont les moyens de régulation des naissances qui sont immoraux?
2370-2372
Est intrinsèquement immorale toute action – comme, par exemple, la stérilisation directe ou la contraception – qui, en prévision de l’acte conjugal ou dans sa réalisation ou encore dans ses conséquences naturelles, se propose, comme but et comme moyen, d’empêcher la procréation.
499. Pourquoi l’insémination et la fécondation artificielles sont-elles immorales?
2373-2377
Elles sont immorales parce qu’elles dissocient la procréation de l’acte par lequel les époux se donnent l’un à l’autre, instaurant de ce fait une domination de la technique sur l’origine et la destinée de la personne humaine. En outre, l’insémination et la fécondation hétérologues, par le recours à des techniques qui font intervenir une personne étrangère au couple, lèsent le droit de l’enfant à naître d’un père et d’une mère connus de lui et liés entre eux par le mariage et ayant le droit exclusif de ne devenir parents que l’un par l’autre.
500. Comment doit-on considérer un enfant?
2378
L’enfant est un don de Dieu, le don le plus excellent du mariage. Il n’existe pas un droit d’avoir des enfants (l’enfant dû à tout prix). Il existe au contraire le droit pour l’enfant d’être le fruit de l’acte conjugal de ses parents ainsi que le droit d’être respecté comme personne dès le moment de sa conception.
501. Que peuvent faire les époux, lorsqu’ils n’ont pas d’enfants?
2379
Si le don de l’enfant ne leur a pas été fait, les époux, après avoir épuisé les recours légitimes de la médecine, peuvent marquer leur générosité par l’accueil ou par l’adoption, ou encore par l’accomplissement de services exigeants à l’égard d’autrui. Ils réalisent ainsi une précieuse fécondité spirituelle.
502. Quelles sont les offenses à la dignité du mariage?
2380-2391
2400
Ce sont : l’adultère, le divorce, la polygamie, l’inceste, l’union libre (cohabitation, concubinage), l’acte sexuel avant le mariage ou en dehors du mariage.
LE SEPTIÈME COMMANDEMENT : TU NE VOLERAS PAS
503. Que déclare le septième commandement?
2401-2402
Il déclare la destination et la distribution universelles des biens, la propriété privée, le respect des personnes et de leurs biens, et le respect de l’intégrité de la création. Dans ce commandement, l’Église trouve aussi le fondement de sa doctrine sociale, qui comprend la rectitude dans l’action, que ce soit dans le domaine économique, dans la vie sociale et politique, dans le droit et le devoir du travail humain, dans la justice et la solidarité entre les nations, ou dans l’amour pour les pauvres.
504. Quelles sont les conditions du droit à la propriété privée?
2403
Le droit à la propriété privée existe à condition que la propriété soit acquise ou reçue de manière juste et que demeure primordiale la destination universelle des biens afin de satisfaire les besoins fondamentaux de tous les hommes.
505. Quelle est la finalité de la propriété privée?
2404-2406
La propriété privée a pour finalité de garantir la liberté et la dignité des individus, les aidant à satisfaire les besoins fondamentaux de ceux dont ils ont la responsabilité et aussi de ceux qui vivent dans la nécessité.
506. Que prescrit le septième commandement?
2407
2450-2451
Le septième commandement prescrit le respect des biens d’autrui, par la pratique de la justice et de la charité, de la tempérance et de la solidarité. Il exige en particulier : le respect des promesses et des contrats stipulés, la réparation de toute injustice commise et la restitution des biens volés; le respect de l’intégrité de la création, grâce à un usage prudent et modéré des ressources minérales, végétales et animales qui existent dans l’univers, avec une attention spéciale aux espèces menacées d’extinction.
507. Quel comportement doit avoir l’homme envers les animaux?
2416-2418
2457
L’homme doit traiter avec bienveillance les animaux, qui sont des créatures de Dieu, en évitant à leur égard soit un amour excessif, soit un usage aveugle, surtout pour des expérimentations scientifiques effectuées au-delà des limites raisonnables et avec d’inutiles souffrances pour les animaux eux-mêmes.
508. Qu’interdit le septième commandement?
2408-2413
2453-2455
Le septième commandement interdit avant tout le vol, qui consiste en l’usurpation du bien d’autrui contre la volonté raisonnable du propriétaire. Il en va de même dans le fait de payer des salaires injustes, de spéculer sur la valeur des biens pour en tirer des avantages au détriment d’autrui, de contrefaire des chèques ou des factures. Il est interdit en outre de commettre des fraudes fiscales ou commerciales, d’infliger volontairement un dommage aux propriétés privées ou publiques, de pratiquer aussi l’usure, la corruption, l’abus privé des biens sociaux, les travaux mal exécutés de manière consciente, le gaspillage.
509. Quel est le contenu de la doctrine sociale de l’Église?
2419-2423
La doctrine sociale de l’Église, en tant que développement organique de la vérité de l’Évangile sur la dignité de la personne humaine et sa dimension sociale, contient des principes de réflexion, formule des critères de jugement, et présente des normes et des orientations pour l’action.
510. Quand l’Église intervient-elle en matière sociale?
2420
2458
L’Église intervient en portant un jugement moral en matière économique et sociale, quand cela est exigé par les droits primordiaux de la personne, par le bien commun ou par le salut des âmes.
511. Comment doit s’exercer la vie sociale et économique?
2459
La vie sociale et économique doit s’exercer selon ses méthodes propres, dans le cadre de l’ordre moral, pour le service de l’homme dans son intégralité et pour le service de toute la communauté humaine, dans le respect de la justice sociale. Elle doit avoir l’homme comme auteur, centre et fin.
512. Qu’est-ce qui s’oppose à la doctrine sociale de l’Église?
2424-2425
S’opposent à la doctrine sociale de l’Église les systèmes économiques et sociaux qui sacrifient les droits primordiaux des personnes ou qui font du profit leur règle exclusive et leur fin ultime. C’est pourquoi l’Église réfute les idéologies associées au cours de la période moderne au « communisme » ou aux autres formes athées et totalitaires de « socialisme ». En outre, dans la pratique du « capitalisme », elle réfute l’individualisme et le primat absolu de la loi du marché sur le travail humain.
513. Quel est le sens du travail pour l’homme?
2426-2428
2460-2461
Pour l’homme, le travail est un devoir et un droit, grâce auquel il coopère avec Dieu créateur. En effet, en travaillant avec soin et compétence, la personne met en œuvre des capacités inscrites dans sa nature, manifeste les dons du Créateur et les talents qu’il a reçus; elle subvient à ses besoins et à ceux de ses proches; et elle sert la communauté humaine. En outre, avec la grâce de Dieu, le travail peut être un moyen de sanctification et de collaboration avec le Christ pour le salut d’autrui.
514. À quel type de travail toute personne a-t-elle droit?
2429,
2433-2434
L’accès à un travail sûr et honnête doit être ouvert à tous, sans discrimination injuste, dans le respect de la libre initiative économique et d’une rétribution équitable.
515. Quelle est la responsabilité de l’État en ce qui concerne le travail?
2431
Il revient à l’État d’assurer la sécurité concernant la garantie des libertés des individus et de la propriété, ainsi qu’une monnaie stable et des services publics efficaces; de surveiller et de conduire l’application des droits humains dans le secteur économique. En fonction des circonstances, la société doit aider les citoyens à trouver du travail.
516. Quelle est la tâche des dirigeants des entreprises?
2432
Les dirigeants des entreprises ont la responsabilité économique et écologique de leurs opérations. Ils sont tenus de considérer le bien des personnes et pas seulement l’augmentation des profits; ceux-ci sont cependant nécessaires pour réaliser les investissements, l’avenir des entreprises, l’emploi et la bonne marche de la vie économique.
517. Quels sont les devoirs des travailleurs?
2435
Ils doivent s’acquitter de leur travail avec conscience, compétence et dévouement, cherchant à résoudre les conflits éventuels par le dialogue. Le recours à la grève non violente est moralement légitime quand il se présente comme un élément nécessaire en vue d’un bénéfice proportionné, tout en tenant compte du bien commun.
518. Comment s’exercent la justice et la solidarité entre les nations?
2437-2441
Au niveau international, toutes les nations et toutes les institutions doivent agir dans la solidarité et la subsidiarité, dans le but d’éliminer ou au moins de réduire la misère, l’inégalité des ressources et des moyens économiques, les injustices économiques et sociales, l’exploitation des hommes, l’accroissement de la dette des pays pauvres, les mécanismes pervers qui font obstacle au développement des pays les moins avancés.
519. Comment les chrétiens participent-ils à la vie politique et sociale?
2442
Les fidèles laïcs interviennent directement dans la vie politique et sociale en animant avec un esprit chrétien les réalités temporelles et en collaborant avec tous, comme authentiques témoins de l’Évangile et artisans de paix et de justice.
520. De quoi s’inspire l’amour pour les pauvres?
2443-2449
2462-2463
L’amour envers les pauvres s’inspire de l’Évangile des béatitudes et de l’exemple de Jésus dans son attention constante envers les pauvres. Jésus a dit : « Ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40). L’amour envers les pauvres passe par l’engagement contre la pauvreté matérielle et contre les multiples formes de pauvreté culturelle, morale et religieuse. Les œuvres de miséricorde, spirituelles et corporelles, et les nombreuses institutions de bienfaisance nées au long des siècles sont un témoignage concret de l’amour préférentiel pour les pauvres qui caractérise les disciples de Jésus.
LE HUITIÈME COMMANDEMENT : TU NE FERAS PAS DE FAUX TÉMOIGNAGES
521. Quel est le devoir de l’homme à l’égard de la vérité?
2464-2470
2504
Toute personne est appelée à la sincérité et à la véracité dans sa conduite et dans ses paroles. Chacun a l’obligation de chercher la vérité et d’y adhérer, ordonnant toute sa vie selon les exigences de la vérité. En Jésus Christ la vérité de Dieu s’est manifestée tout entière. Il est la Vérité. Qui le suit vit dans l’Esprit de vérité et fuit la duplicité, la simulation et l’hypocrisie.
522. Comment rend-on témoignage à la vérité?
2471-2474
2505-2506
Le chrétien doit témoigner de la vérité évangélique dans tous les domaines de son activité publique et privée, même au prix du sacrifice de sa vie, si cela est nécessaire. Le martyre est le témoignage suprême rendu à la vérité de la foi.
523. Qu’interdit le huitième commandement?
2475-2487
2507-2509
Le huitième commandement interdit :
le faux témoignage et le parjure, le mensonge, dont la gravité se mesure à la déformation de la vérité réalisée, aux circonstances, aux intentions du menteur et aux dommages subis pas ses victimes;
le jugement téméraire, la médisance, la diffamation, la calomnie, qui diminuent ou détruisent la bonne réputation et l’honneur auxquels toute personne a droit;
la flatterie, l’adulation et la complaisance, surtout si elles ont pour but des péchés graves ou le consentement à des avantages illicites. Toute faute commise contre la vérité oblige à réparation si elle a causé du tort à autrui.
524. Que demande le huitième commandement?
2488-2492
2510-2511
Le huitième commandement demande le respect de la vérité, accompagné de la discrétion de la charité : dans la communication et l’information, qui doivent évaluer le bien individuel et commun, la défense de la vie privée, le risque de scandale. Le respect des secrets professionnels doit toujours être sauvegardé, sauf cas exceptionnels, et pour des motifs graves et proportionnés. Est aussi requis le respect des confidences faites sous le sceau du secret.
525. Comment doivent être utilisés les moyens de communication sociale?
2493-2499
2512
L’information dans les médias doit être au service du bien commun; dans son contenu, elle doit toujours être vraie et, en sauvegardant la justice et la charité, intégrale. D’autre part, elle doit s’exprimer d’une manière honnête et opportune, respectant scrupuleusement les lois morales, les droits légitimes et la dignité de la personne.
526. Quelle relation y a-t-il entre vérité, beauté et art sacré?
2500-2503
2513
La vérité est belle en elle-même. Elle comporte la splendeur de la beauté spirituelle. Outre la parole, il existe de nombreuses formes d’expression de la vérité, en particulier les œuvres d’art. Elles sont le fruit d’un talent donné par Dieu et de l’effort de l’homme. L’Art sacré, pour être vrai et beau, doit évoquer et glorifier le mystère du Dieu révélé dans le Christ et conduire à l’adoration et à l’amour du Dieu créateur et sauveur, Beauté suréminente de Vérité et d’Amour.
LE NEUVIÈME COMMANDEMENT :
TU NE DÉSIRERAS PAS LA FEMME DE TON PROCHAIN
527. Que demande le neuvième commandement?
2514-2516
2528-2530
Le neuvième commandement requiert de vaincre la concupiscence charnelle dans les pensées et les désirs. Le combat contre la concupiscence passe par la purification du cœur et par la pratique de la vertu de tempérance.
528. Qu’interdit le neuvième commandement?
2517-2519
2531-2532
Le neuvième commandement interdit de cultiver des pensées et les désirs concernant les actes défendus par le sixième commandement.
529. Comment parvient-on à la pureté du cœur?
2520
Avec la grâce de Dieu et en luttant contres les désirs désordonnés, le baptisé parvient à la pureté du cœur par la vertu et le don de chasteté, la pureté d’intention, la transparence du regard, extérieur et intérieur, la discipline des sentiments et de l’imagination, la prière.
530. Quelles sont les autres exigences de la pureté?
2521-2527
2533
La pureté exige la pudeur; elle protège l’intimité de la personne, exprime la délicatesse de la chasteté, règle les regards et les gestes pour qu’ils soient conformes à la dignité des personnes et de leur union. Elle libère de l’érotisme ambiant et tient à l’écart de tout ce qui favorise la curiosité malsaine. Elle requiert encore une purification du climat social, par un combat soutenu contre la permissivité des mœurs, qui repose sur une conception erronée de la liberté humaine.
LE DIXIÈME COMMANDEMENT :
TU NE CONVOITERAS PAS LE BIEN DU PROCHAIN
531. Que commande et que défend le dixième commandement?
2534-2540
2551-2554
Ce commandement complète le précédent. Il demande une attitude intérieure de respect dans les rapports avec la propriété d’autrui. Il interdit l’avidité, la convoitise effrénée des biens d’autrui, l’envie, qui traduit la tristesse éprouvée devant les biens d’autrui et le désir immodéré de se les approprier.
532. Que demande Jésus par la pauvreté du cœur?
2544-2547
2556
Jésus demande à ses disciples de le préférer, Lui, à tout et à tous. Le détachement des richesses dans un esprit de pauvreté évangélique et l’abandon à la providence de Dieu, qui nous libère de l’inquiétude du lendemain, disposent à la béatitude des « pauvres en esprit, parce que le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5,3).
533. Quel est le plus grand désir de l’homme?
2548-2550
2557
Le plus grand désir de l’homme, c’est de voir Dieu. C’est le cri de tout son être : « Je veux voir Dieu ». En effet, l’homme réalise son bonheur vrai et total dans la vision et la béatitude de celui qui l’a créé par amour et qui l’attire à lui dans son amour infini.
« Celui qui voit Dieu a obtenu tous les biens que l’on peut concevoir » (saint Grégoire de Nysse).
QUATRIÈME PARTIE
PREMIÈRE SECTION
LA PRIÈRE DANS LA
VIE CHRÉTIENNE
534. Qu’est-ce que la prière?
2558-2565
2590
La prière est l’élévation de l’âme vers Dieu ou la demande faite à Dieu des biens conformes à sa volonté. Elle est toujours un don de Dieu qui vient à la rencontre de l’homme. La prière chrétienne est une relation personnelle et vivante des fils de Dieu avec leur Père infiniment bon, avec son Fils Jésus Christ, avec le Saint-Esprit qui habite en leur cœur.
CHAPITRE I
535. Pourquoi y a-t-il un appel universel à la prière?
2566-2567
Parce que Dieu, en tout premier lieu par la création, appelle tout être du néant. Et même après la chute, l’homme continue d’être capable de reconnaître son Créateur, gardant en lui le désir de celui qui l’a appelé à l’existence. Toutes les religions, et particulièrement toute l’histoire du salut, témoignent de ce désir de Dieu chez l’homme. Mais c’est Dieu le premier qui attire inlassablement chaque personne à la rencontre mystérieuse de la prière.
LA RÉVÉLATION DE LA PRIÈRE
DANS L’ANCIEN TESTAMENT
536. En quoi Abraham est-il un modèle de prière?
2570-2573
2592
Abraham est un modèle de prière parce qu’il marche en présence de Dieu, qu’il l’écoute et qu’il lui obéit. Sa prière est un combat de la foi parce que, même dans les moments d’épreuve, il continue de croire en la fidélité de Dieu. En outre, après avoir reçu sous sa tente la visite du Seigneur qui lui confie ses desseins, Abraham ose intercéder pour les pécheurs avec une confiance audacieuse.
537. Comment Moïse priait-il?
2574-2577
2593
La prière de Moïse est typique de la prière contemplative. Dieu, qui, du Buisson ardent, a appelé Moïse, s’entretient avec lui souvent et longuement, « face à face, comme un homme parle à son ami » (Ex 33,11). Dans cette intimité avec Dieu, Moïse puise la force d’intercéder avec insistance en faveur de son peuple : sa prière préfigure ainsi l’intercession de l’unique médiateur, Jésus Christ.
538. Dans l’Ancien Testament, quels sont les rapports du temple et du roi avec la prière?
2578-2580
2594
À l’ombre de la demeure de Dieu – l’Arche de l’Alliance, puis le temple –, s’épanouit la prière du peuple de Dieu, sous la conduite de ses pasteurs. Parmi eux, il y a David, le roi « selon le cœur de Dieu », le pasteur qui prie pour son peuple. Sa prière est un modèle pour la prière du peuple, parce qu’elle est adhésion à la promesse divine et confiance remplie d’amour pour Celui qui est le seul Roi et le seul Seigneur.
539. Quelle est le rôle de la prière dans la mission des Prophètes?
2581-2584
Les Prophètes puisent dans la prière lumière et force pour exhorter le peuple à la foi et à la conversion du cœur. Ils entrent dans une grande intimité avec Dieu et ils intercèdent pour leurs frères, auxquels ils annoncent ce qu’ils ont vu et entendu de la part du Seigneur. Élie est le père des Prophètes, c’est-à-dire de ceux qui cherchent le Visage de Dieu. Sur le Mont Carmel, il obtient le retour du peuple à la foi, grâce à l’intervention de Dieu qu’il supplie ainsi : « Réponds-moi, Seigneur, réponds-moi » (1 R 18,37).
540. Quelle est l’importance des Psaumes dans la prière?
2579
2585-2589
2596-2597
Les Psaumes sont le sommet de la prière dans l’Ancien Testament : la parole de Dieu y devient prière de l’homme. Tout à la fois personnelle et communautaire, cette prière, inspirée par l’Esprit Saint, chante les merveilles de Dieu dans la création et dans l’histoire du salut. Le Christ a prié les Psaumes et les a portés à leur accomplissement. C’est pourquoi ils demeurent un élément essentiel et permanent de la prière de l’Église, adapté aux hommes de toute condition et de tous les temps.
LA PRIÈRE EST PLEINEMENT RÉVÉLÉE ET RÉALISÉE EN JÉSUS
541. De qui Jésus a-t-il appris à prier?
2599
2620
Selon son cœur d’homme, Jésus a appris à prier de sa mère et de la tradition juive. Mais sa prière jaillit d’une source plus secrète, parce qu’il est le Fils éternel de Dieu qui, dans sa sainte humanité, adresse à son Père la prière filiale parfaite.
542. Quand Jésus priait-il?
2600-2604
2620
L’Évangile montre souvent Jésus en prière. Nous le voyons retiré dans la solitude, même la nuit. Il prie avant les moments décisifs de sa mission ou de celle des Apôtres. De fait, toute sa vie est prière, parce qu’il est en constante communion d’amour avec son Père.
543. Comment Jésus a-t-il prié durant sa passion?
2605-2606
2620
Pendant l’agonie au Jardin de Gethsémani, ainsi que par les dernières paroles sur la Croix, la prière de Jésus révèle la profondeur de sa prière filiale. Jésus porte à son achèvement le dessein d’amour du Père et prend sur lui toutes les angoisses de l’humanité, toutes les demandes et les intercessions de l’histoire du salut. Il les présente au Père qui les accueille et les exauce au-delà de toute espérance, en le ressuscitant des morts.
544. Comment Jésus nous enseigne-t-il à prier?
2608-2614
2621
Jésus nous enseigne à prier non seulement avec la prière du Notre Père, mais aussi quand il est en prière. De cette manière, en plus du contenu de la prière, il nous enseigne les dispositions requises pour une prière vraie : la pureté du cœur qui cherche le Royaume et qui pardonne à ses ennemis, la confiance audacieuse et filiale qui va au-delà de ce que nous ressentons et comprenons, la vigilance qui protège le disciple de la tentation. C’est la prière au Nom de Jésus, notre Médiateur auprès du Père.
545. Pourquoi notre prière est-elle efficace?
2615-2616
Notre prière est efficace parce qu’elle est unie dans la foi à celle de Jésus. En lui, la prière chrétienne devient communion d’amour avec le Père. Nous pouvons alors présenter nos demandes à Dieu et être exaucés : « Demandez et vous recevrez, et votre joie sera parfaite » (Jn 16,24).
546. Comment priait la Vierge Marie?
2617; 2618
2622; 2674
2679
La prière de Marie se caractérise par sa foi et par l’offrande généreuse de tout son être à Dieu. La Mère de Jésus est aussi la Nouvelle Ève, la «Mère des vivants ». Elle prie Jésus, son Fils, pour les besoins des hommes.
547. Y a-t-il une prière de Marie dans l’Évangile?
2619
Hormis l’intercession de Marie à Cana en Galilée, l’Évangile nous mentionne le Magnificat (Lc 1,46-55), qui est le cantique de la Mère de Dieu et celui de l’Église; c’est le remerciement joyeux qui jaillit du cœur des pauvres parce que leur espérance est réalisée par l’accomplissement des promesses divines.
LA PRIÈRE DANS LE TEMPS DE L’ÉGLISE
548. Comment priait la première communauté chrétienne de Jérusalem?
2623-2624
Au début des Actes des Apôtres, il est écrit que, dans la première communauté de Jérusalem, formée par l’Esprit Saint à la vie de prière, les croyants « étaient assidus à l’enseignement des Apôtres, à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2,42).
549. Comment l’Esprit Saint intervient-il dans la prière de l’Église?
2623; 2625
Le Saint-Esprit, Maître intérieur de la prière chrétienne, forme l’Église à la vie de prière et il la fait entrer toujours plus profondément dans la contemplation et dans l’union avec l’insondable mystère du Christ. Les formes de prière, telles que les révèlent les Écrits apostoliques et canoniques, resteront normatives pour la prière chrétienne.
550. Quelles sont les formes essentielles de la prière chrétienne?
2643-2644
Ce sont la bénédiction et l’adoration, la prière de demande et d’intercession, l’action de grâce et la louange. L’Eucharistie contient et exprime toutes les formes de prière.
551. Qu’est-ce que la bénédiction?
2626-2627
2645
La bénédiction est la réponse de l’homme aux dons de Dieu. Nous bénissons le Tout-Puissant qui nous a bénis le premier et qui nous comble de ses dons.
552. Comment définir l’adoration?
2628
L’adoration est le prosternement de l’homme, qui se reconnaît créature devant son Créateur trois fois saint.
553. Quelles sont les diverses formes de la prière de demande?
2629-2633
2646
Il peut s’agir d’une demande de pardon ou encore d’une demande humble et confiante pour tous nos besoins, tant spirituels que matériels. Mais la première réalité à désirer, c’est la venue du Royaume.
554. En quoi consiste l’intercession?
2634-2636
2647
L’intercession consiste à demander en faveur d’un autre. Elle nous conforme et nous unit à la prière de Jésus, qui intercède auprès du Père pour tous les hommes, en particulier pour les pécheurs. L’intercession doit s’étendre même à nos ennemis.
555. Quand rend-on à Dieu l’action de grâce?
2637-2638
2648
L’Église rend sans cesse grâce à Dieu, surtout en célébrant l’Eucharistie dans laquelle le Christ la fait participer à son action de grâce au Père. Pour le chrétien, tout événement devient matière à action de grâce.
556. Qu’est-ce que la prière de louange?
2639-2643
2649
La louange est la forme de prière qui reconnaît le plus immédiatement que Dieu est Dieu. Elle est totalement désintéressée : elle chante Dieu pour lui-même et lui rend gloire parce qu’il est.
CHAPITRE II
557. Quelle est l’importance de la Tradition en relation avec la prière?
2650-2651
Dans l’Église, c’est à travers la Tradition vivante que l’Esprit Saint apprend à prier aux enfants de Dieu. En effet, la prière ne se réduit pas au jaillissement spontané d’une impulsion intérieure, mais elle implique la contemplation, l’étude et la pénétration profonde des réalités spirituelles dont on fait l’expérience.
AUX SOURCES DE LA PRIÈRE
558. Quelles sont les sources de la prière chrétienne?
2652-2662
Ce sont : la Parole de Dieu, qui nous donne la « sublime science » du Christ (Ph 3,8); la Liturgie de l’Église, qui annonce, actualise et communique le mystère du salut; les vertus théologales; les situations quotidiennes, parce qu’elles nous permettent de rencontrer Dieu.
« Je Vous aime, Seigneur, et la seule grâce que je Vous demande, c’est de Vous aimer éternellement […]. Mon Dieu, si ma langue ne peut dire à tous moments que je Vous aime, je veux que mon cœur Vous le répète autant de fois que je respire » (saint Jean Marie Vianney).
LE CHEMIN DE LA PRIÈRE
559. Existe-t-il dans l’Église différents chemins de prière?
2663
Dans l’Église, il existe divers chemins de prière, liés aux différents contextes d’ordre historique, social et culturel. Il appartient au Magistère de discerner leur fidélité à la tradition de la foi apostolique, et aux pasteurs et aux catéchètes d’en expliquer le sens, qui est toujours en relation avec Jésus Christ.
560. Quel est le chemin de notre prière?
2664
2680-2681
Le chemin de notre prière est le Christ, car elle s’adresse à Dieu notre Père, mais ne parvient jusqu’à lui que si, au moins de façon implicite, nous prions au Nom de Jésus. Son humanité est en effet la seule voie par laquelle l’Esprit Saint nous enseigne à prier le Notre Père. C’est pourquoi les prières liturgiques s’achèvent par la formule « Par Jésus, le Christ, notre Seigneur ».
561. Quel est le rôle de l’Esprit Saint dans la prière?
2670-2672
2680-2681
Parce que le Saint-Esprit est le Maître intérieur de la prière chrétienne et que « nous ne savons pas ce que nous devons demander » (Rm 8,26), l’Église nous exhorte à l’invoquer et à l’implorer en toute occasion : « Viens Esprit Saint! »
562. En quoi la prière chrétienne est-elle mariale?
2673-2679
2682
En raison de la coopération singulière de Marie à l’action de l’Esprit Saint, l’Église aime la prier et prier avec elle, l’Orante parfaite, pour magnifier et invoquer le Seigneur avec elle. En effet, Marie nous « montre le chemin », qui est son Fils, l’unique Médiateur.
563. Comment l’Église prie-t-elle Marie?
2676-2678
2682
Avant tout avec l’Ave Maria (Je vous salue, Marie), prière par laquelle l’Église demande l’intercession de la Vierge. Parmi les autres prières mariales, il y a le Rosaire, l’hymne acathiste, la Paraclèse, les hymnes et les cantiques des diverses traditions chrétiennes.
DES GUIDES POUR LA PRIÈRE
564. Comment les saints sont-ils des guides pour la prière?
2683-2684
2692-2693
Les saints sont nos modèles de prière et nous leur demandons aussi d’intercéder pour nous et pour le monde entier auprès de la Sainte Trinité. Leur intercession est leur plus haut service du dessein de Dieu. Tout au long de l’histoire de l’Église, se sont développés, dans la communion des saints, différents types de spiritualité, qui apprennent à vivre et à pratiquer la prière.
565. Qui peut éduquer à la prière?
2685-2690
2694-2695
La famille chrétienne est le premier foyer de l’éducation à la prière. La prière quotidienne en famille est particulièrement recommandée, parce qu’elle est le premier témoignage de la vie de prière de l’Église. La catéchèse, les groupes de prière, la « direction spirituelle », constituent une école et une aide à la prière.
566. Quels sont les lieux favorables à la prière?
2691
2696
On peut prier n’importe où, mais le choix d’un lieu approprié n’est pas indifférent pour la prière. L’église est le lieu propre de la prière liturgique et de l’adoration eucharistique. D’autres lieux peuvent aussi aider à prier, comme un « coin de prière » à la maison, un monastère, un sanctuaire.
CHAPITRE III
567. Quels sont les moments les plus indiqués pour la prière?
2697-2698
2720
Tous les moments sont favorables à la prière. Mais l’Église propose aux fidèles des rythmes destinés à nourrir la prière continuelle : prières du matin et du soir, avant et après les repas, liturgie des Heures, Eucharistie dominicale, chapelet, fêtes de l’année liturgique.
« Il faut se souvenir de Dieu plus souvent qu’on ne respire » (saint Grégoire de Nazianze).
568. Quelles sont les expressions de la vie de prière?
2697-2699
La tradition chrétienne a conservé trois expressions majeures pour exprimer et vivre la prière : la prière vocale, la méditation et la prière contemplative. Leur trait commun est le recueillement du cœur.
LES EXPRESSIONS DE LA PRIÈRE
569. Comment se caractérise la prière vocale?
2700-2704
2722
La prière vocale associe le corps à la prière intérieure du cœur. Même la plus intérieure des prières ne saurait négliger la prière vocale. Dans tous les cas, elle doit toujours provenir d’une foi personnelle. Avec le Notre Père, Jésus nous a enseigné une formule parfaite de la prière vocale.
570. Qu’est-ce que la méditation?
2705-2708
2723
La méditation est une réflexion priante, qui part surtout de la Parole de Dieu dans la Bible. Elle met en œuvre l’intelligence, l’imagination, l’émotion, le désir, dans le but d’approfondir sa foi, de convertir son cœur et d’affermir sa volonté de suivre le Christ. Elle est une étape préliminaire vers l’union d’amour avec le Seigneur;
571. Qu’est-ce que la prière contemplative?
2709-2719
2724
2739-2741
La prière contemplative est un simple regard sur Dieu, dans le silence et dans l’amour. Elle est un don de Dieu, un moment de foi pure durant lequel celui qui prie cherche le Christ, s’en remet à la volonté d’amour du Père et se recueille sous l’action de l’Esprit Saint. Sainte Thérèse d’Avila la définit comme « un commerce intime d’amitié, où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé ».
LE COMBAT DE LA PRIÈRE
572. Pourquoi la prière est-elle un combat?
2725
La prière est un don de la grâce, mais elle suppose toujours une réponse décidée de notre part parce que celui qui prie combat contre lui-même, contre la mentalité environnante et surtout contre le Tentateur, qui fait tout pour détourner de la prière. Le combat de la prière est inséparable du progrès de la vie spirituelle. On prie comme on vit, parce que l’on vit comme on prie.
573. Y a-t-il des objections à la prière?
2726-2728
2752-2753
En plus des conceptions erronées, beaucoup pensent qu’ils n’ont pas le temps de prier ou qu’il est inutile de prier. Ceux qui prient peuvent se décourager face aux difficultés et aux insuccès apparents. Pour vaincre ces obstacles, sont nécessaires l’humilité, la confiance et la persévérance.
574. Quelles sont les difficultés de la prière?
2729-2733
2754-2755
La distraction est la difficulté habituelle de notre prière. Elle détache de l’attention à Dieu et elle peut aussi révéler ce à quoi nous sommes attachés. Notre cœur doit alors se tourner humblement vers le Seigneur. La prière est souvent envahie par la sécheresse, dont le dépassement permet, dans la foi, d’adhérer au Seigneur, même sans consolation sensible. L’acédie est une forme de paresse spirituelle due au relâchement de la vigilance et à la négligence du cœur.
575. Comment fortifier notre confiance filiale?
2734-2741
2756
La confiance filiale est éprouvée quand nous avons le sentiment de n’être pas toujours exaucés. Nous devons alors nous demander si Dieu est pour nous un Père dont nous cherchons à faire la volonté, ou s’il est un moyen pour obtenir ce que nous voulons. Si notre prière s’unit à celle de Jésus, nous savons qu’il nous accorde bien davantage que tel ou tel don : nous recevons l’Esprit Saint qui change notre cœur.
576. Est-il possible de prier à tout moment?
2742-2745
2757
Prier est toujours possible, parce que le temps du chrétien est le temps du Christ ressuscité, qui est « avec nous tous les jours » (Mt 28,20). Prière et vie chrétienne sont donc inséparables.
« Il est possible, même au marché ou dans une promenade solitaire, de faire une fréquente et fervente prière. Assis dans votre boutique, soit en train d’acheter ou de vendre, ou même de faire la cuisine » (saint Jean Chrysostome).
577. Qu’est la prière de l’Heure de Jésus?
2604
2746-2751
2758
On désigne ainsi la prière sacerdotale de Jésus au cours de la dernière Cène. Jésus, Grand-Prêtre de la Nouvelle Alliance, se tourne vers son Père quand vient l’Heure de son « passage » à Lui, l’Heure de son sacrifice.
DEUXIÈME SECTION
LA PRIÈRE DU SEIGNEUR :
LE NOTRE PÈRE
Notre Père
Notre Père, qui es aux cieux, que ton Nom soit sanctifié, que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour, pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés,et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal.
Pater Noster
Pater noster qui es in cælis: sanctifícetur Nomen Tuum; advéniat Regnum Tuum; fiat volúntas Tua, sicut in cælo, et in terra.Panem nostrum cotidiánum da nobis hódie; et dimítte nobis débita nostra, sicut et nos dimíttimus debitóribus nostris; et ne nos indúcas in tentatiónem; sed líbera nos a Malo.
578. Quelle est l’origine du Notre Père?
2759-2760
2773
Jésus nous a enseigné cette prière chrétienne irremplaçable, le Notre Père, un jour où un disciple, le voyant prier, lui demanda : « Apprends-nous à prier » (Lc 11,1). La tradition liturgique a toujours utilisé le texte de Matthieu (6,9-13).
« LA SYNTHÈSE DE TOUT L’ÉVANGILE »
579. Quelle est la place du Notre Père dans les Écritures?
2761-2764
2774
Le Notre Père est le « résumé de tout l’Évangile » (Tertullien), « la plus parfaite des prières » (saint Thomas d’Aquin). Placé au centre du Sermon sur la Montagne (Mt 5-7), il reprend sous forme de prière le contenu essentiel de l’Évangile.
580. Pourquoi est-il appelé « la prière du Seigneur »?
2765-2766
2775
Le Notre Père est appelé « Oraison dominicale », c’est-à-dire « la prière du Seigneur », parce qu’il a été enseigné par le Seigneur lui-même.
581. Quelle place tient le Notre Père dans la prière de l’Église?
2767-2772
2776
Prière par excellence de l’Église, le Notre Père est « remis » au Baptême et à la Confirmation pour manifester la nouvelle naissance à la vie divine des fils de Dieu. L’Eucharistie en révèle le sens plénier, puisque ses demandes, s’appuyant sur le mystère du salut déjà réalisé, seront pleinement exaucées lors de la venue du Seigneur. Le Notre Père fait partie intégrante de la liturgie des Heures.
« NOTRE PÈRE QUI ES AUX CIEUX »
582. Pourquoi pouvons-nous « oser nous approcher en toute confiance » de notre Père?
2777-2778
2797
Parce que Jésus, notre Rédempteur, nous introduit devant la Face du Père, et que son Esprit fait de nous des fils. Ainsi, nous pouvons prier le Notre Père avec une confiance simple et filiale, avec une joyeuse assurance et une humble audace, dans la certitude d’être aimés et exaucés.
583. Comment est-il possible d’invoquer Dieu comme « Père »?
2779-2785
2789
2798-2800
Nous pouvons invoquer le « Père » parce que le Fils de Dieu fait homme nous l’a révélé et que son Esprit nous le fait connaître. L’invocation du Père nous fait entrer dans son mystère, avec un émerveillement toujours nouveau, et elle suscite en nous le désir de nous conduire de manière filiale. Avec la prière du Seigneur, nous prenons donc conscience d’être nous mêmes des fils du Père, dans le Fils.
584. Pourquoi disons-nous « Notre » Père?
2786-2790
2801
« Notre » exprime une relation complètement nouvelle avec Dieu. Quand nous prions le Père, nous l’adorons et nous le glorifions avec le Fils et l’Esprit. Dans le Christ, nous sommes « son » peuple, et lui, il est « notre » Dieu, dès maintenant et pour l’éternité. En effet, nous disons « notre » Père parce que l’Église du Christ est la communion d’une multitude de frères, qui ne font qu’« un seul cœur et une seule âme » (Ac 4,32).
585. Avec quel esprit de communion et de mission prions-nous « notre » Père?
2791-2793
2801
Étant donné que prier « notre » Père est le bien commun des baptisés, ces derniers ressentent l’urgent appel à prendre part à la prière de Jésus pour l’unité de ses disciples. Prier le « Notre Père », c’est prier avec et pour tous les hommes, afin qu’ils connaissent le seul et vrai Dieu, et qu’ils soient rassemblés dans l’unité.
586. Que signifie l’expression « qui es aux cieux »?
2794-2796
2802
Cette expression biblique ne désigne pas un lieu, mais une manière d’être : Dieu est au-delà et au- dessus de tout. Elle désigne la majesté, la sainteté de Dieu, et aussi sa présence dans le cœur des justes. Le Ciel, ou la Maison du Père, constitue la vraie patrie vers laquelle nous tendons dans l’espérance, alors que nous sommes encore sur la terre. Nous vivons déjà en elle, « cachés en Dieu avec le Christ » (Col 3,3).
LES SEPT DEMANDES
587. Comment se compose la prière du Seigneur?
2803-2806
2857
Elle contient sept demandes à Dieu le Père. Les trois premières, plus théologales, nous tournent vers lui, pour sa gloire : c’est le propre de l’amour de penser avant tout à celui qui nous aime. Elles indiquent ce que nous avons tout particulièrement à demander : la sanctification du Saint Nom, la venue du Royaume, l’accomplissement de Sa volonté. Les quatre dernières demandes présentent au Père de miséricorde nos misères et nos attentes. Elles lui demandent notre nourriture, le pardon, le secours dans les tentations et la délivrance du Malin.
588. Que signifie : « Que ton Nom soit sanctifié »?
2807-2812
2858
Sanctifier le Nom de Dieu, c’est avant tout une louange qui reconnaît Dieu comme Saint. Dieu a en effet révélé son Nom à Moïse et il a voulu que son peuple lui soit consacré comme une nation sainte chez qui il habite.
589. Comment le Nom de Dieu est-il sanctifié en nous et dans le monde?
2813-2815
Sanctifier le Nom de Dieu qui nous appelle « à la sanctification » (1 Th 4,7), c’est désirer que la consécration baptismale vivifie toute notre vie. C’est aussi demander que, par notre vie et notre prière, le Nom de Dieu soit connu et béni par tout homme.
590. Que demande l’Église lorsqu’elle prie en disant : « Que ton Règne vienne »?
2816-2821
2859
L’Église implore la venue finale du Royaume de Dieu par le retour du Christ dans sa gloire. Mais l’Église prie aussi pour que le Règne de Dieu grandisse dès aujourd’hui par la sanctification des hommes dans l’Esprit et grâce à leurs efforts au service de la justice et de la paix, selon les Béatitudes. Cette demande est le cri de l’Esprit et de l’Épouse : « Viens Seigneur Jésus » (Ap 22,20).
591. Pourquoi demander : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel »?
2822-2827
2860
La volonté de notre Père est que « tous les hommes soient sauvés » (1 Tm 2,3). C’est pourquoi Jésus est venu pour accomplir parfaitement la volonté salvifique du Père. Nous prions Dieu le Père d’unir notre volonté à celle de son Fils, à l’exemple de la Vierge Très Sainte et des Saints. Nous demandons que son dessein d’amour bienveillant se réalise pleinement sur la terre comme c’est déjà le cas au ciel. C’est par la prière que nous pouvons « discerner la volonté de Dieu » (Rm 12,2) et obtenir la « constance pour l’accomplir » (He 10,36).
592. Quel est le sens de la demande : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour »?
2828-2834
2861
En demandant à Dieu, avec l’abandon confiant des fils, la nourriture de tous les jours nécessaire à tous pour leur subsistance, nous reconnaissons combien Dieu notre Père est bon au-delà de toute bonté. Nous demandons aussi la grâce de savoir agir pour que la justice et le partage permettent à ceux qui possèdent en abondance de venir en aide aux besoins des autres.
593. Quel est le sens spécifique de cette demande pour le chrétien?
2835-2837
2861
Puisque « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4), cette demande concerne également la faim de la Parole de Dieu et du Corps du Christ reçu dans l’Eucharistie, ainsi que la faim de l’Esprit Saint. Nous demandons cela avec une confiance absolue, pour aujourd’hui, l’aujourd’hui de Dieu, et cela nous est donné surtout dans l’Eucharistie, avant-goût du banquet du Royaume qui vient.
594. Pourquoi disons-nous : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés »?
2838-2839
2862
En demandant à Dieu notre Père de nous pardonner, nous nous reconnaissons pécheurs devant lui. Mais nous confessons en même temps sa miséricorde parce que, en son Fils et par les sacrements, « nous recevons la rédemption et la rémission de nos péchés » (Col 1,14). Notre demande ne sera cependant exaucée qu’à condition que, de notre côté, nous ayons d’abord pardonné.
595. Comment le pardon est-il possible?
2840-2845
2862
La miséricorde ne pénètre notre cœur que si nous savons, nous aussi, pardonner, même à nos ennemis. Désormais, même si, pour l’homme, il semble impossible de satisfaire à cette exigence, le cœur qui s’offre à l’Esprit Saint peut, comme le Christ, aimer jusqu’à l’extrême de l’amour, transformer la blessure en compassion, et l’offense en intercession. Le pardon participe de la miséricorde de Dieu et est un des sommets de la prière chrétienne.
596. Que veut dire : « Ne nous soumets pas à la tentation »?
2846-2849
2863
Nous demandons à Dieu notre Père de ne pas nous laisser seuls au pouvoir de la tentation. Nous demandons à l’Esprit de savoir discerner d’une part entre l’épreuve qui nous fait grandir dans le bien et la tentation qui mène au péché et à la mort, et, d’autre part, entre être tenté et consentir à la tentation. Cette demande nous unit à Jésus qui a vaincu la tentation par sa prière. Elle sollicite la grâce de la vigilance et de la persévérance finale.
597. Pourquoi finissons-nous en demandant : « Délivre-nous du Mal »?
2850-2854
2864
Le Mal désigne la personne de Satan, qui s’oppose à Dieu et qui est « le séducteur de toute la terre » (Ap 12,9). La victoire sur le diable a déjà été acquise par le Christ. Mais nous prions afin que la famille humaine soit libérée de Satan et de ses œuvres. Nous demandons aussi le don précieux de la paix et la grâce d’attendre avec persévérance la venue du Christ, qui nous libérera définitivement du Malin.
598. Que signifie l’Amen de la fin?
2855-2856
2865
« Puis, la prière achevée, tu dis Amen, contresignant par cet Amen, qui signifie “Que cela se fasse”, ce que contient la prière que Dieu nous a enseignée » (saint Cyrille de Jérusalem).
A) PRIÈRES COMMUNES
B) FORMULES DE LA DOCTRINE CATHOLIQUE
SIGNE DE LA CROIX
Au nom du Père,
et du Fils,
et du Saint-Esprit. Amen.
DOXOLOGIE
Gloire au Père,
au Fils,
et au Saint-Esprit.
Comme il était au commencement,
maintenant et toujours
et dans les siècles des siècles. Amen.
JE VOUS SALUE, MARIE
Je vous salue, Marie, pleine de grâce;
Le Seigneur est avec vous;
Vous êtes bénie entre toutes les femmes;
Et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu,
Priez pour nous, pauvres pécheurs
Maintenant et à l’heure de notre mort.
Amen.
ANGE DE DIEU
Ange de Dieu,
qui es mon gardien,
et à qui j’ai été confié par la Bonté divine,
éclaire-moi, défends-moi,
conduis-moi et dirige-moi. Amen.
LE REPOS ÉTERNEL
Donne-leur, Seigneur, le repos éternel
Et que brille sur eux la lumière de ta face.
Qu’ils reposent en paix. Amen.
SIGNUM CRUCIS
In nómine Patris
et Fílii
et Spíritus Sancti. Amen.
GLORIA PATRI
Glória Patri
et Fílio
et Spirítui Sancto.
Sicut erat in princípio,
et nunc et semper
et in sæ´cula sæculórum. Amen.
AVE MARIA
Ave, María, grátia plena,
Dóminus tecum.
Benedícta tu in muliéribus,
et benedíctus fructus ventris tui, Iesus.
Sancta María, Mater Dei,
ora pro nobis peccatóribus,
nunc et in hora mortis nostræ.
Amen.
ANGELE DEI
Ángele Dei,
qui custos es mei,
me, tibi commíssum pietáte supérna,
illúmina, custódi,
rege et gubérna. Amen.
REQUIEM ÆTERNAM
Réquiem ætérnam dona eis Dómine,
et lux perpétua lúceat eis.
Requiéscant in pace. Amen.
ANGELUS
D. L’ange du Seigneur apporta
l’annonce à Marie.
C. Et elle a conçu
du Saint-Esprit.
Je vous salue, Marie …
D. Voici la servante du Seigneur.
C. Qu’il me soit fait
selon ta parole.
Je vous salue, Marie …
D. Et le Verbe s’est fait chair.
C. Et il a habité parmi nous.
Je vous salue, Marie …
D. Prie pour nous, Sainte Mère de Dieu.
C. Afin que nous soyons rendus dignes
des promesses du Christ.
Prions
Que ta grâce, Seigneur notre Père,
se répande en nos cœurs :
par le message de l’ange,
tu nous as fait connaître l’incarnation
de ton Fils bien-aimé,
conduis-nous, par sa passion et
par sa croix,
jusqu’à la gloire de la Résurrection
Par Jésus, le Christ,
notre Seigneur. Amen.
Gloire au Père...
REGINA CÆLI
(au temps pascal)
Reine du ciel, réjouis-toi,
alleluia.
Car celui qu’il te fut donné de porter,
alleluia,
Est ressuscité comme il l’avait dit.
alleluia.
Prie Dieu pour nous,
alleluia.
D. Sois heureuse et réjouis-toi,
Vierge Marie, alleluia,
C. Car le Seigneur est vraiment ressuscité,
alleluia.
Prions. Dieu qui, par la résurrection de ton
Fils notre Seigneur Jésus Christ, as bien
voulu réjouir le monde, fais, nous t’en
prions, que par la Vierge Marie, sa mère,
nous arrivions aux joies de la vie éternelle.
Par le Christ notre Seigneur.
Amen.
ANGELUS DOMINI
D. Ángelus Dómini
nuntiávit Maríæ.
C. Et concépit
de Spíritu Sancto.
Ave, María...
D. Ecce ancílla Dómini.
C. Fiat mihi secúndum
verbum tuum.
Ave, María...
D. Et Verbum caro factum est.
C. Et habitávit in nobis.
Ave, María...
D. Ora pro nobis, sancta Dei génetrix.
C. Ut digni efficiámur
promissiónibus Christi.
Orémus.
Grátiam tuam, quæ´sumus,
Dómine, méntibus nostris infúnde;
ut qui, Ángelo nuntiánte,
Christi Fílii tui incarnatiónem
cognóvimus,
per passiónem eius et crucem,
ad resurrectiónis glóriam perducámur.
Per eúmdem Christum
Dóminum nostrum. Amen.
Glória Patri...
REGINA CÆLI
(tempus paschale)
Regína cæli lætáre,
allelúia.
Quia quem meruísti portáre,
allelúia.
Resurréxit, sicut dixit,
allelúia.
Ora pro nobis Deum,
allelúia.
D. Gaude et lætáre, Virgo María,
allelúia,
C. Quia surréxit Dóminus vere,
allelúia.
Orémus. Deus, qui per resurrectiónem
Fílii tui Dómini nostri Iesu Christi
mundum lætificáre dignátus es, præsta,
quæ´sumus, ut per eius Genetrícem
Vírginem Maríam perpétuæ
capiámus gáudia vitæ.
Per Christum Dóminum nostrum. Amen.
SALVE REGINA
Salut, ô Reine,
Mère de miséricorde,
notre vie, notre douceur, notre espérance, salut!
Nous crions vers toi,
enfants d’Ève exilés.
Vers toi nous soupirons, gémissant
et pleurant
dans cette vallée de larmes.
Ô toi, notre avocate
tourne vers nous ton regard miséricordieux.
Et, après cet exil,
montre-nous Jésus,
le fruit béni de tes entrailles.
Ô clémente, ô miséricordieuse, ô douce
Vierge Marie
MAGNIFICAT
Mon âme exalte le Seigneur,
exulte mon esprit
en Dieu, mon Sauveur!
Il s’est penché
sur son humble servante;
désormais, tous les âges
me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles;
Saint est son nom!
Son amour s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras,
il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes,
il élève les humbles.
Il comble de bien les affamés,
renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël, son serviteur,
il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères,
en faveur d’Abraham et de sa race,
à jamais.
Gloire au Père, et au Fils,
et au Saint-Esprit
au Dieu qui est, qui était et qui vient,
pour les siècles des siècles.
Amen.
SALVE, REGINA
Salve, Regína,
Mater misericórdiæ,
vita, dulcédo et spes nostra, salve.
Ad te clamámus,
éxsules fílii Evæ.
Ad te suspirámus geméntes et flentes
in hac lacrimárum valle.
Eia ergo, advocáta nostra,
illos tuos misericórdes óculos
ad nos convérte.
Et Iesum benedíctum fructum
ventris tui,
nobis, post hoc exsílium, osténde.
O clemens, o pia, o dulcis Virgo María!
MAGNIFICAT
Magníficat ánima mea Dóminum,
et exsultávit spíritus meus
in Deo salutári meo.
Quia respéxit humilitátem
ancíllæ suæ,
ecce enim ex hoc beátam
me dicent omnes generatiónes.
Quia fecit mihi magna
qui potens est,
et sanctum nomen eius.
Et misericórdia eius a progénie
in progénies
timéntibus eum.
Fecit poténtiam in bráchio suo,
dispérsit supérbos mente cordis sui.
Depósuit poténtes de sede
et exaltávit húmiles.
Esuriéntes implévit bonis,
et dívites dimísit inánes.
Suscépit Ísrael púerum suum,
recordátus misericórdiæ suæ,
sicut locútus est ad patres nostros,
Ábraham et sémini eius in sæ´cula.
Glória Patri et Fílio
et Spirítui Sancto.
Sicut erat in princípio et nunc et semper,
et in sæcula sæculórum.
Amen.
SUB TUUM
Sous l’abri de ta miséricorde, nous nous
réfugions,
Sainte Mère de Dieu.
Ne méprise pas nos prières
quand nous sommes dans l’épreuve,
mais de tous les dangers
délivre-nous toujours,
Vierge glorieuse, Vierge bienheureuse.
BENEDICTUS
Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël,
qui visite
et rachète son peuple.
Il a fait surgir la force qui nous sauve
dans la maison de David, son serviteur,
comme il l’avait par la bouche des saints,
par ses prophètes, depuis les temps
anciens :
salut qui nous arrache à l’ennemi,
à la main de tous nos oppresseurs,
amour qu’il montre envers nos pères,
mémoire de son alliance sainte,
serment juré à notre père Abraham
de nous rendre sans crainte,
afin que délivrés de la main des ennemis,
nous le servions, dans la justice et la
sainteté,
en sa présence, tout au long de nos jours.
Et toi, petit enfant
tu seras appelé prophète du Très-Haut :
tu marcheras devant, à la face du Seigneur,
et tu prépareras ses chemins
pour donner à son peuple
de connaître le salut
par la rémission de ses péchés,
grâce à la tendresse, à l’amour de
notre Dieu,
quand nous visite l’astre d’en haut,
pour illuminer ceux qui habitent
les ténèbres
et l’ombre de la mort,
pour conduire nos pas
au chemin de la paix.
Gloire au Père, et au Fils,
et au Saint-Esprit
au Dieu qui est,
qui était et qui vient,
pour les siècles des siècles.
Amen.
SUB TUUM
Sub tuum præsídium confúgimus,
Sancta Dei Génetrix.
Nostras deprecatiónes ne despícias
in necessitátibus,
sed a perículis cunctis
líbera nos semper,
Virgo gloriósa et benedícta.
BENEDICTUS
Benedíctus Dóminus, Deus Ísrael,
quia visitávit
et fecit redemptiónem plebis suæ,
et eréxit cornu salútis nobis
in domo David púeri sui,
sicut locútus est per os sanctórum,
qui a sæ´ culo sunt, prophetárum eius,
salútem ex inimícis nostris
et de manu ómnium,
qui odérunt nos,
ad faciéndam misericórdiam
cum pátribus nostris,
et memorári testaménti sui sancti,
iusiurándum, quod iurávit
ad Ábraham patrem nostrum,
datúrum se nobis,
ut sine timóre, de manu inimicórum
nostrórum liberáti,
serviámus illi,
in sanctitáte et iustítia coram ipso
ómnibus diébus nostris.
Et tu, puer,
prophéta Altíssimi vocáberis:
præíbis enim ante fáciem Dómini
paráre vias eius,
ad dandam sciéntiam salútis
plebi eius
in remissiónem peccatórum eórum,
per víscera misericórdiæ Dei nostri,
in quibus visitábit nos óriens ex alto,
illumináre his, qui in ténebris
et in umbra mortis sedent,
ad dirigéndos pedes nostros
in viam pacis.
Glória Patri et Fílio
et Spirítui Sancto.
Sicut erat in princípio
et nunc et semper,
et in sæ´cula sæculórum.
Amen.
TE DEUM
À Dieu, notre louange!
Seigneur, nous te glorifions
À toi, Père éternel,
la terre entière te vénère.
À toi les anges
Et toutes les puissance d’en haut
À toi tous les esprits bienheureux
Redisent sans cesse :
Saint! Saint! Saint!
Le Seigneur, Dieu de l’univers;
le ciel et la terre
sont remplis de ta gloire.
Le chœur glorieux des Apôtres,
les prophètes,
l’armée des martyrs chante ta gloire;
Par toute la terre,
la Sainte Église confesse,
Ô Père, ton infinie majesté;
Ton adorable et unique vrai Fils;
Avec le Saint-Esprit Consolateur.
Ô Christ, tu es le Roi de gloire.
Tu es le Fils éternel du Père.
Pour libérer l’humanité,
tu t’es fait homme,
ne dédaignant pas le corps de la Vierge.
Toi, Vainqueur de la mort,
tu ouvres aux croyants le Royaume
des cieux;
Tu sièges à la droite de Dieu,
Dans la gloire du Père.
Nous croyons que tu es le juge qui
doit venir.
Daigne alors secourir
tes serviteurs que tu as rachetés
par ton précieux sang.
Fais qu’ils soient au nombre de tes saints,
dans la gloire éternelle.
Sauve ton peuple, Seigneur, et bénis
ton héritage.
Sois leur guide et conduis-les sur le chemin
d’éternité.
Chaque jour, nous te bénissons
Nous louons ton nom
à jamais, et dans les siècles des siècles.
Daigne, Seigneur,
veiller sur nous et nous garder de
tout péché.
Aie pitié de nous, Seigneur,
aie pitié de nous.
Que ta miséricorde,
Seigneur, soit sur nous,
puisque tu es notre espoir.
Tu es, Seigneur, mon espérance;
jamais je ne serai déçu.
TE DEUM
Te Deum laudámus,
te Dóminum confitémur.
Te ætérnum Patrem,
omnis terra venerátur.
Tibi omnes ángeli,
tibi cæli et univérsæ potestátes:
Tibi chérubim et séraphim
incessábili voce proclámant:
Sanctus, Sanctus, Sanctus,
Dóminus Deus Sábaoth.
Pleni sunt cæli et terra
maiestátis glóriæ tuæ.
Te gloriósus apostolórum chorus,
te prophetárum laudábilis númerus,
te mártyrum candidátus
laudat exércitus.
Te per orbem terrárum
sancta confitétur Ecclésia,
Patrem imménsæ maiestátis;
venerándum tuum verum
et únicum Fílium;
Sanctum quoque Paráclitum Spíritum.
Tu rex glóriæ, Christe.
Tu Patris sempitérnus es Fílius.
Tu, ad liberándum susceptúrus
hóminem,
non horruísti Vírginis úterum.
Tu, devícto mortis acúleo,
aperuísti credéntibus regna cælórum.
Tu ad déxteram Dei sedes,
in glória Patris.
Iudex créderis esse ventúrus.
Te ergo quæ´sumus,
tuis fámulis súbveni,
quos pretióso sánguine redemísti.
Ætérna fac cum sanctis tuis
in glória numerári.
Salvum fac pópulum tuum, Dómine, et
bénedic hereditáti tuæ.
Et rege eos, et extólle
illos usque in ætérnum.
Per síngulos dies benedícimus te;
et laudámus nomen tuum
in sæ´culum, et in sæ´culum sæ´ culi.
Dignáre, Dómine,
die isto sine peccáto nos custodíre.
Miserére nostri, Dómine,
miserére nostri.
Fiat misericórdia tua,
Dómine, super nos,
quemádmodum sperávimus in te.
In te, Dómine, sperávi:
non confúndar in ætérnum.
VENI CREATOR
Viens, Esprit Créateur,
Visite l’âme de tes fidèles,
Emplis de la grâce d’En-Haut
Les cœurs que tu as créés.
Toi qu’on nomme le Conseiller,
Don du Dieu Très-Haut,
Source vive, feu, charité,
Invisible consécration.
Tu es l’Esprit aux sept dons,
Le doigt de la main du Père,
L’Esprit de vérité promis par le Père,
C’est toi qui inspires nos paroles.
Allume en nous ta lumière,
Emplis d’amour nos cœurs,
Affermis toujours de ta force
La faiblesse de notre corps.
Repousse l’ennemi loin de nous,
Donne-nous ta paix sans retard,
Pour que, sous ta conduite et ton conseil,
Nous évitions tout mal et toute erreur.
Fais-nous connaître le Père,
Révèle-nous le Fils,
Et toi, leur commun Esprit,
Fais-nous toujours croire en toi.
Gloire soit à Dieu le Père,
au Fils ressuscité des morts,
à l’Esprit Saint Consolateur,
maintenant et dans tous les siècles. Amen.
VENI CREATOR SPIRITUS
Veni, creátor Spíritus,
Mentes tuórum vísita,
Imple supérna grátia
Quæ tu creásti péctora.
Qui díceris Paráclitus,
Altíssimi donum Dei,
Fons vivus, ignis, cáritas,
Et spiritális únctio.
Tu septifórmis múnere,
Dígitus patérnæ déxteræ,
Tu rite promíssum Patris,
Sermóne ditans gúttura.
Accénde lumen sénsibus,
Infúnde amórem córdibus,
Infírma nostri córporis
Virtúte firmans pérpeti.
Hostem repéllas lóngius,
Pacémque dones prótinus,
Ductóre sic te præ´vio
Vitémus omne nóxium.
Per Te sciámus da Patrem,
Noscámus atque Fílium,
Teque utriúsque Spíritum
Credámus omni témpore.
Deo Patri sit glória,
Et Fílio, qui a mórtuis
Surréxit, ac Paráclito,
In sæculórum sæ´cula. Amen.
VENI, SANCTE SPIRITUS
Viens, Esprit Saint,
et envoie du haut du ciel
un rayon de ta lumière.
Viens, Père des pauvres,
viens, dispensateur des dons,
viens, lumière de nos cœurs.
Consolateur souverain,
hôte très doux de nos âmes,
adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos;
dans la fièvre, la fraîcheur;
dans les pleurs, le réconfort.
Ô lumière bienheureuse,
viens remplir jusqu’à l’intime
le cœur de tous tes fidèles.
Sans ta puissance divine,
il n’est rien en aucun homme,
rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé,
baigne ce qui est aride,
guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide,
réchauffe ce qui est froid,
rends droit ce qui est faussé.
À tous ceux qui ont la foi
et qui en toi se confient
donne tes sept dons sacrés.
Donne mérite et vertu,
donne le salut final,
donne la joie éternelle. Amen.
ÂME DU CHRIST
Âme du Christ,
sanctifie-moi.
Corps du Christ,
sauve-moi.
Sang du Christ,
enivre-moi.
Eau du côté du Christ, lave-moi.
Passion du Christ, fortifie-moi.
Ô bon Jésus, exauce-moi.
Dans tes blessures, cache-moi.
Ne permets pas que je sois séparé de toi.
De l’ennemi perfide, défends-moi.
À l’heure de ma mort, appelle-moi. Ordonne-moi de venir à toi, pour qu’avec tes Saints je te loue, toi, dans les siècles des siècles. Amen.
VENI, SANCTE SPIRITUS
Veni, Sancte Spíritus, Et emítte cæ´ litus Lucis tuæ rádium. Veni, Pater páuperum, Veni, Dator múnerum, Veni, Lumen córdium. Consolátor óptime, Dulcis hospes ánimæ, Dulce refrigérium. In labóre réquies, In æstu tempéries, In fletu solátium. O lux beatíssima, Reple cordis íntima Tuórum fidélium. Sine tuo númine, Nihil est in hómine, Nihil est innóxium. Lava quod est sórdidum, Riga quod est áridum, Sana quod est sáucium. Flecte quod est rígidum, Fove quod est frígidum, Rege quod est dévium. Da tuis fidélibus In te confidéntibus Sacrum septenárium. Da virtútis méritum, Da salútis éxitum, Da perénne gáudium. Amen.
ANIMA CHRISTI
Ánima Christi, sanctífica me.
Corpus Christi, salva me.
Sanguis Christi, inébria me.
Aqua láteris Christi, lava me.
Pássio Christi, confórta me.
O bone Iesu, exáudi me.
Intra tua vúlnera abscónde me.
Ne permíttas me separári a te.
Ab hoste malígno defénde me.
In hora mortis meæ voca me.
Et iube me veníre ad te,
ut cum Sanctis tuis laudem te
in sæ´cula sæculórum. Amen.
SOUVENEZ-VOUS
Souvenez-vous, ô très miséricordieuse
Vierge Marie, qu’on n’a jamais entendu dire
qu’aucun de ceux qui avaient eu recours à
votre protection, imploré votre assistance,
réclamé votre secours, ait été abandonné.
Animé d’une pareille confiance, ô Vierge
des vierges, ô ma Mère, je cours vers vous
et, gémissant sous le poids de mes péchés, je
me prosterne à vos pieds. Ô Mère du Verbe,
ne méprisez pas mes prières, mais accueillez-
les favorablement et daignez les exaucer.
Amen.
ROSAIRE
Mystères joyeux.
(à réciter le lundi et le samedi)
L’Annonciation.
La Visitation.
La Nativité.
La Présentation de Jésus au Temple.
Recouvrement de Jésus au Temple.
Mystère lumineux
(à réciter le jeudi)
Le baptême de Jésus dans le Jourdain.
Les noces de Cana.
L’annonce du Royaume de Dieu.
La Transfiguration.
L’Institution de l’Eucharistie.
Mystères douloureux
(à réciter le mardi et le vendredi)
L’agonie de Jésus au Jardin des Oliviers.
La flagellation.
Le couronnement d’épines.
Jésus porte sa croix.
La mort de Jésus en croix.
Mystères glorieux
(à réciter le mercredi et le dimanche)
La Résurrection.
L’Ascension.
La Pentecôte.
L’Assomption.
Le couronnement de Marie.
Prière à la fin du Rosaire
D. Prie pour nous, Sainte Mère de Dieu.
C. Afin que nous soyons rendus dignes
des promesses du Christ.
Prions.
Ô Dieu, dont le Fils unique, par sa vie, sa
mort et sa résurrection, nous a acquis les
récompenses de la vie éternelle, fais, nous
t’en supplions, qu’en méditant ces mystères
du Rosaire de la Bienheureuse Vierge Marie,
nous puissions imiter ce qu’ils contiennent
et obtenir ce qu’ils promettent. Par Jésus
Christ, notre Seigneur. Amen.
MEMORARE
Memoráre, O piíssima Virgo María, non
esse audítum a sæ´ culo, quemquam ad tua
curréntem præsídia, tua implorántem
auxília, tua peténtem suffrágia, esse
derelíctum. Ego tali animátus confidéntia,
ad te, Virgo Vírginum, Mater, curro, ad te
vénio, coram te gemens peccátor assisto.
Noli, Mater Verbi, verba mea despícere;
sed áudi propítia et exáudi. Amen.
ROSARIUM
Mystéria gaudiósa
(in feria secunda et sabbato)
Annuntiátio.
Visitátio.
Natívitas.
Præsentátio.
Invéntio in Templo.
Mystéria luminósa
(in feria quinta)
Baptísma apud Iordánem.
Autorevelátio apud Cananénse matrimónium.
Regni Dei proclamátio coniúncta cum invitaménto ad conversiónem.
Transfigurátio.
Eucharistíæ Institútio.
Mystéria dolorosa
(in feria tertia et feria sexta)
Agonía in Hortu.
Flagellátio.
Coronátio Spinis.
Baiulátio Crucis.
Crucifíxio et Mors.
Mysteria gloriosa
(in feria quarta et Dominica)
Resurréctio.
Ascénsio.
Descénsus Spíritus Sancti.
Assúmptio.
Coronátio in Cælo.
Oratio ad finem Rosarii dicenda
D. Ora pro nobis, sancta Dei génetrix.
C. Ut digni efficiámur
promissiónibus Christi.
Orémus.
Deus, cuius Unigénitus per vitam, mortem
et resurrectiónem suam nobis salútis
ætérnæ præ´mia comparávit, concéde,
quæ´sumus: ut hæc mystéria sacratíssimo
beátæ Maríæ Vírginis Rosário recoléntes,
et imitémur quod cóntinent, et quod
promíttunt assequámur. Per eúmdem
Christum Dóminum nostrum. Amen.
PRIÈRE DE L’ENCENS
(Tradition copte)
Ô Roi de la paix, donne-nous ta paix et
pardonne nos péchés. Éloigne les ennemis
de l’Église et garde-la, afin qu’elle ne
défaille pas.
L’Emmanuel notre Dieu est au milieu
de nous dans la gloire du Père et de l’Esprit
Saint.Qu’il nous bénisse, qu’il purifie notre coeur
et qu’il guérisse les maladies de l’âme et du
corps.
Nous t’adorons, ô Christ, avec ton Père de
bonté et avec l’Esprit Saint, parce que tu es
venu et parce que tu nous as sauvés.
PRIÈRE DE « L’ADIEU À l’AUTEL »
AVANT DE QUITTER L’ÉGLISE
APRÈS LA LITURGIE
(Tradition Syro-Maronite)
Sois en paix, Autel de Dieu. Puisse l’oblation
que je t’ai prise servir à la rémission des
dettes et au pardon des péchés. Qu’elle
m’obtienne de me tenir devant le tribunal du
Christ sans damnation et sans confusion. Je
ne sais pas s’il me sera donné de revenir
offrir sur toi un autre Sacrifice. Protège-moi,
Seigneur, et garde ton Église, qui est chemin
de vérité et de salut. Amen.
PRIÈRE POUR LES DÉFUNTS
(Tradition Byzantine)
Dieu des esprits et de toute chair, qui a foulé
au pied la mort, qui a réduit le diable à néant
et qui a donné ta vie au monde; Donne toi-même,
Seigneur, à l’âme de ton serviteur
défunt N. le repos dans un lieu lumineux,
verdoyant et frais, loin de la souffrance, de la
douleur et des gémissements. Que le Dieu
bon et miséricordieux lui pardonne tous ses
péchés commis en parole, par action et
en pensée. Parce qu’il n’existe pas d’homme
qui vive et qui ne pèche pas; toi seul es sans
péché, ta justice est justice pour les siècles et
ta parole est vérité.
Ô Christ notre Dieu, puisque tu es la Résurrection,
la vie et le repos de ton serviteur
défunt N., nous te rendons grâce
avec ton Père incréé et avec ton Esprit très
saint, bon et vivifiant, aujourd’hui et pour les
siècles des siècles. Amen.
Qu’ils reposent en paix. Amen.
ACTE DE FOI
Mon Dieu, je crois fermement toutes les
vérités que vous m’avez révélées et que vous
nous enseignez par votre sainte Église, parce
que vous ne pouvez ni vous tromper, ni nous
tromper.
Dans cette foi, puis-je vivre et mourir.
Amen.
ACTE D’ESPÉRANCE
Mon Dieu, j’espère avec une ferme confiance
que vous me donnerez, par les mérites
de Jésus-Christ, votre grâce en ce monde et
le bonheur éternel dans l’autre, parce que
vous l’avez promis et que vous tenez
toujours vos promesses.
Dans cette foi, puis-je vivre et mourir.
Amen.
ACTE DE CHARITÉ
Mon Dieu, je vous aime de tout mon coeur et
plus que tout, parce que vous êtes infiniment
bon, et j’aime mon prochain comme moimême
pour l’amour de vous.
ACTE DE CONTRITION
Mon Dieu, j’ai un très grand regret de vous
avoir offensé parce que vous êtes infiniment
bon et que le péché vous déplaît. Je prends la
ferme résolution, avec le secours de votre
sainte grâce, de ne plus vous offenser et de
faire pénitence.
ACTUS FIDEI
Dómine Deus, firma fide credo et confíteor
ómnia et síngula quæ sancta
Ecclésia Cathólica propónit, quia tu,
Deus, ea ómnia revelásti, qui es ætérna
véritas et sapiéntia quæ nec fállere nec
falli potest.
In hac fide vívere et mori státuo. Amen.
ACTUS SPEI
Dómine Deus, spero per grátiam tuam
remissiónem ómnium peccatórum, et post
hanc vitam ætérnam felicitátem me esse
consecutúrum: quia tu promisísti, qui es
infiníte potens, fidélis, benígnus, et
miséricors.
In hac spe vívere et mori státuo.
Amen.
ACTUS CARITATIS
Dómine Deus, amo te super ómnia et próximum
meum propter te, quia tu es summum,
infinítum, et perfectíssimum
bonum, omni dilectióne dignum. In hac
caritáte vívere et mori státuo. Amen.
ACTUS CONTRITIONIS
Deus meus, ex toto corde pæ´nitet me
ómnium meórum peccatórum, eáque detéstor,
quia peccándo, non solum poenas a
te iuste statútas proméritus sum, sed præsértim
quia offéndi te, summum bonum,
ac dignum qui super ómnia diligáris. Ídeo
fírmiter propóno, adiuvánte grátia tua, de
cétero me non peccatúrum peccandíque
occasiónes próximas fugitúrum. Amen.
B) FORMULES DE LA DOCTRINE CATHOLIQUE
Les deux commandement de la charité :
1. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit.
2. Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
La règle d’or (Mt 7,12)
Tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux.
Les Béatitudes (Mt 5,3-12)
Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux! Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise! Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés! Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés! Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde! Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu! Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu! Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux! Heureux serez- vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux!
Les trois vertus théologales :
1. Foi.
2. Espérance.
3. Charité.
Les quatre vertus cardinales :
1. Prudence.
2. Justice.
3. Force.
4. Tempérance.
Le sept dons du Saint-Esprit :
1. Sagesse.
2. Intelligence.
3. Conseil.
4. Force.
5. Science.
6. Piété.
7. Crainte de Dieu.
Les douze fruits du Saint-Esprit :
1. Charité.
2. Joie.
3. Paix.
4. Patience.
5. Longanimité.
7. Bonté.
8. Bénignité.
9. Mansuétude.
10. Modestie.
11. Continence.
12. Chasteté.
Les cinq préceptes de l’Église :
1. Participer à l’Eucharistie dominicale et aux autres fêtes d’obligation et s’abstenir des travaux et des activités qui pourraient empêcher la sanctification de tels jours.2. Confesser ses péchés au moins une fois par an.
3. Recevoir le Sacrement de l’Eucharistie au moins à Pâques.4. S’abstenir de manger de la viande et observer le jeûne durant les jours établis par l’Église.
5. Subvenir aux besoins matériels de l’Église, selon ses possibilités.
Les sept œuvres de miséricorde corporelle :
1. Donner à manger à ceux qui ont faim.
2. Donner à boire à ceux qui ont soif.
3. Vêtir ceux qui sont nus.
4. Loger les pèlerins.
5. Visiter les malades.
6. Visiter les prisonniers.
7. Ensevelir les morts.
Les sept œuvres de miséricorde spirituelle :
1. Conseiller ceux qui doutent.
2. Enseigner ceux qui sont ignorants.
3. Réprimander les pécheurs.
4. Consoler les affligés.
5. Pardonner les offenses.
6. Supporter patiemment les
personnes importunes.
7. Prier Dieu pour les vivants et
pour les morts.
Le sept péchés capitaux :
1. Orgueil.
2. Avarice.
3. Envie.
4. Colère.
5. Impureté.
6. Gourmandise.
7. Paresse ou acédie.
Les quatre fins de l’homme :
1. Mort.
2. Jugement.
3. Enfer.
4. Paradis.
ABRÉVIATIONS BIBLIQUES
Ac | Actes des Apôtres |
Ap | Apocalypse |
Col | Lettre aux Colossiens |
1 Co | 1ère lettre aux Corinthiens |
2 Co | 2e lettre aux Corinthiens |
Dt | Deutéronome |
He | Lettre aux Hébreux |
Ep | Lettre aux Éphésiens |
Ex | Exode |
Ez | Ézéchiel |
Ph | Lettre aux Philippiens |
Ga | Lettre aux Galates |
Jc | Lettre de Jacques |
Gn | Genèse |
Jn | Évangile de Jean |
1 Jn | 1ère lettre de Jean |
Is | Isaïe |
Lc | Évangile de Luc |
2 M | 2e livre des Maccabées |
Mc | Évangile de Marc |
Mt | Évangile de Matthieu |
1 P | 1ère lettre de Pierre |
2 P | 2e lettre de Pierre |
1 R | 1er livre des Rois |
Rm | Lettre aux Romains |
Ps | Psaumes |
1 Th | 1ère lettre aux Thessaloniciens |
2 Tm | 2e lettre à Timothée |
Tt | Lettre à Tite |
CONGRÉGATION POUR LE CULTE DIVIN
ET LA DISCIPLINE DES SACREMENTS
DIRECTOIRE
SUR LA PIÉTÉ POPULAIRE ET LA LITURGIE
Abréviations et sigles
Extraits du "Message" de Sa Sainteté Jean-Paul II
Décret
***
INTRODUCTION (1-21)
Nature et structure (4)
Les destinataires (5)
La terminologie (6-10)
Quelques principes (11-13)
Le langage de la piété populaire (14-20)
Responsabilités et compétences (21)
CARACTÉRES PRINCIPAUX
DÉTERMINÉS PAR L’HISTOIRE, LE MAGISTÈRE, LA THÉOLOGIE (22-92)
Chap. I. LITURGIE ET PIÉTÉ POPULAIRE À LA LUMIÈRE DE L’HISTOIRE (22-59)
La liturgie et la piété populaire au cours des siècles (22-46)
Les premiers siècles chrétiens (23-27)
Le Moyen Âge (28-33)
L’époque moderne (34-43)
L’époque contemporaine (44-46)
Liturgie et piété populaire: la problématique actuelle (47-59)
Les indications de l’histoire: les causes de déséquilibre (48-49)
À la lumière de la Constitution liturgique (50-58)
L’importance de la formation (59)
Chap. II. LITURGIE ET PIÉTÉ POPULAIRE DANS LE MAGISTÈRE DE L’ÉGLISE (60-75)
Les valeurs de la piété populaire (61-64)
Quelques dangers qui peuvent faire dévier la piété populaire (65-66)
Le sujet de la piété populaire (67-69)
Les pieux exercices (70-72)
Liturgie et pieux exercices (73-74)
Critères généraux pour le renouveau des pieux exercices (75)
Chap. III. PRINCIPES THÉOLOGIQUES EN VUE DE L’ÉVALUATION ET DU RENOUVEAU DE LA PIÉTÉ POPULAIRE (76-92)
La vie cultuelle: la communion avec le Père, par le Christ dans l’Esprit Saint (76-80)
L’Église, communauté cultuelle (81-84)
Sacerdoce commun et piété populaire (85-86)
Parole de Dieu et piété populaire (87-89)
Piété populaire et révélations privées (90)
Inculturation et piété populaire (91-92)
ORIENTATIONS
EN VUE DE L’HARMONISATION DE LA PIÉTÉ POPULAIRE AVEC LA LITURGIE (93-287)
Avant-propos (93)
Chap. IV. ANNÉE LITURGIQUE ET PIÉTÉ POPULAIRE (94-182)
Le dimanche (95)
Le temps de l’Avent
La Couronne de l’Avent (98)
Les Processions de l’Avent (99)
Les "Quatre-Temps d’hiver" (100)
La Vierge Marie dans le temps de l’Avent (101-102)
La Neuvaine de Noël (103)
La Crèche (104)
La piété populaire et l’esprit de l’Avent (105)
Le temps de Noël (106-123)
La Nuit de Noël (109-111)
La fête de la Sainte Famille (112)
La fête des Saints Innocents (113)
Le 31 décembre (114)
La solennité de la sainte Mère de Dieu (115-117)
La solennité de l’Épiphanie du Seigneur (118)
La fête du Baptême du Seigneur (119)
La fête de la Présentation du Seigneur (120-123)
Le temps du Carême (124-137)
La vénération de Jésus crucifié (127-129)
La lecture de la Passion du Seigneur (130)
La Via Crucis (131-134)
La Via Matris (136-137)
La Semaine Sainte (138-139)
Le dimanche des Rameaux
Les palmes et les rameaux d’olivier ou d’autres arbres (139)
Le Triduum pascal (140-151)
Le Jeudi Saint
La visite au reposoir (141)
Le Vendredi Saint
La procession du Vendredi Saint (142-143)
La représentation de la Passion du Christ (144)
L’évocation de la Vierge des Douleurs (145)
Le Samedi Saint
"L’Heure de la Mère" (147)
Le Dimanche de Pâques
La rencontre de Jésus Ressuscité avec sa Mère (149)
La bénédiction de la table familiale (150)
Le salut pascal à la Mère du Ressuscité (151)
Le temps pascal (152-156)
La bénédiction annuelle des familles dans leurs maisons (152)
La "Via Lucis" (153)
La dévotion à la divine miséricorde (154)
la neuvaine de la Pentecôte (155)
le dimanche de la Pentecôte (156)
Le temps ordinaire (157-182)
La solennité de la Très Sainte Trinité (157-159)
La solennité du Corps et du Sang du Seigneur (la Fête-Dieu) (160-163)
L’adoration du Saint-Sacrement (164-165)
Le Sacré-Cœur de Jésus-Christ (166-173)
Le Cœur Immaculé de Marie (174)
Le Très Précieux Sang de Jésus-Christ (175-179)
La solennité de l’Assomption (180-181)
La Semaine de prières pour l’unité des chrétiens (182)
Chap. V. LA VÉNÉRATION ENVERS LA SAINTE MÈRE DU SEIGNEUR (183-207)
Quelques principes
Les temps des pieux exercices mariaux (187-189)
La célébration de la fête (187)
Le samedi (188)
Triduums, septénaires, neuvaines (189)
Les "mois de Marie" (190-191)
Quelques pieux exercices recommandés par le Magistère (192-207)
La méditation de la Parole de Dieu (193-194)
L’Angelus (195)
Le "Regina cæli" (196)
Le Rosaire (197-202)
Les Litanies de la Sainte Vierge (203)
La consécration à la Vierge Marie (204)
Le scapulaire du Carmel et les autres scapulaires (205)
Les médailles de la Vierge Marie (206)
L’hymne "Akathistos" (207)
Chap. VI. LA VÉNÉRATION DES SAINTS ET DES BIENHEUREUX (208-247)
Quelques principes (208-212)
Les Saints Anges (213-217)
Saint Joseph (218-223)
Saint Jean Baptiste (224-225)
Le culte des Saints et des Bienheureux (226-247)
La célébration des Saints (227-229)
Le jour de la fête (230-233)
Au cours de la célébration de l’Eucharistie (234)
Dans les Litanies des Saints (235)
Les reliques des Saints (236-237)
Les saintes images (238-244)
Les processions (245-247)
Chap. VII. LES SUFFRAGES POUR LES DÉFUNTS (248-260)
La foi dans la résurrection des morts (248-250)
La signification des suffrages (251)
Les obsèques chrétiennes (252-254)
Les autres suffrages (255)
La mémoire des défunts dans la piété populaire (256-260)
Chap. VIII. LES SANCTUAIRES ET LES PÈLERINAGES (261-287)
Le Sanctuaire (262-279)
Quelques principes (262-263)
La reconnaissance canonique (264)
Le sanctuaire, lieu des célébrations cultuelles (265-273)
La valeur exemplaire du sanctuaire (266)
La célébration de la Pénitence (267)
La célébration de l’Eucharistie (268)
La célébration de l’Onction des malades (269)
La célébration des autres sacrements (270)
La célébration de la Liturgie des Heures (271)
La célébration des sacramentaux (272-273)
Le sanctuaire, lieu d’évangélisation (274)
Le sanctuaire, lieu de la charité (275)
Le sanctuaire, lieu culturel (276)
Le sanctuaire, lieu de l’engagement œcuménique (277-278)
Le Pèlerinage (279-287)
Les pèlerinages bibliques (280)
Le pèlerinage chrétien (281-285)
La spiritualité du pèlerinage (286)
Le déroulement du pèlerinage (287)
CONCLUSION (288)
AAS Acta Apostolicae Sedis
CEC Catéchisme de l’Église Catholique
CCL Corpus Christianorum (Series Latina)
Cf. comparez
CIC Codex Iuris Canonici
CSEL Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum
DS H. DENZINGER - A. SCHÖNMETZGER, Enchiridion Symbolorum definitionum et declarationum de rebus fidei et morum
EI Enchiridion Indulgentiarum. Normae et concessiones (1999)
Ibid Ibidem
LG CONCILE ŒCUMÉNIQUE VATICAN II, Constitution Lumen gentium
PG Patrologia graeca (I.P. MIGNE)
PL Patrologia latina (I.P. MIGNE)
SC CONCILE ŒCUMÉNIQUE VATICAN II, Constitution Sacrosanctum Concilium
SCh Sources chrétiennes
Extrait du "MESSAGE" de Sa Sainteté JEAN-PAUL II
à l’Assemblée Plénière de la Congrégation
pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements
(21 septembre 2001)
2. La Sainte liturgie, que la Constitution Sacrosanctum Concilium qualifie de sommet de la vie ecclésiale, ne peut jamais être réduite à une simple réalité esthétique, ni être considérée comme un outil aux finalités purement pédagogiques ou œcuméniques. La célébration des saints mystères est avant tout un acte de louange à la souveraine majesté de Dieu, Un et Trine, et c’est une expression voulue par Dieu Lui-même. Avec elle l’homme, de façon personnelle ou communautaire, se présente devant Lui pour lui rendre grâce, conscient que son être ne peut trouver sa plénitude sans Le louer et sans accomplir Sa volonté, dans la recherche constante du Règne qui est déjà présent, mais qui arrivera définitivement au jour de la Parousie du Seigneur Jésus. La liturgie et la vie sont des réalités indissociables. Une liturgie qui ne se refléterait pas dans la vie deviendrait vide, et ne serait certainement pas agréée par Dieu.
3. La célébration liturgique est un acte de la vertu de religion qui, de façon cohérente avec sa nature, doit se caractériser par un sens profond du sacré. En elle l’homme et la communauté doivent être conscients de se trouver d’une façon particulière devant Celui qui est trois fois saint et transcendant. Par conséquent, l’attitude requise ne peut qu’être pénétrée de respect, de ce sens de stupeur qui provient du fait de se savoir en présence de la majesté de Dieu. Peut-être était-ce ce que Dieu voulait exprimer, en commandant à Moïse d’enlever ses sandales devant le buisson ardent ? L’attitude de Moïse et d’Élie ne naissait-elle pas de cette conscience, quand ils n’osèrent pas regarder Dieu facie ad faciem ?
Le Peuple de Dieu a besoin de voir dans les prêtres et les diacres un comportement plein de révérence et de dignité, capable de l’aider à pénétrer les choses invisibles, même avec peu de paroles et d’explications. Dans le Missel Romain, dit de Saint Pie V, comme dans diverses liturgies orientales, on trouve de très belles prières avec lesquelles le prêtre exprime le plus profond sens d’humilité et de révérence face aux saints mystères: celles-ci révèlent la substance même de toute liturgie.
La célébration liturgique présidée par le prêtre est une assemblée priante, rassemblée dans la foi et attentive à la Parole de Dieu. Son premier but est de présenter à la divine Majesté le Sacrifice vivant, pur et saint, offert sur le Calvaire une fois pour toutes par le Seigneur Jésus, qui se rend présent chaque fois que l’Église célèbre la Sainte Messe pour exprimer le culte dû à Dieu en esprit et en vérité.
Je connais l’engagement de cette Congrégation pour promouvoir, avec les Évêques, l’approfondissement de la vie liturgique dans l’Église. En vous exprimant ma satisfaction, je souhaite que cette œuvre précieuse contribue à rendre les célébrations toujours plus dignes et fructueuses.
4. Votre assemblée plénière, en vue également de préparer un directoire approprié, a choisi comme thème central celui de la religiosité populaire. Celle-ci constitue une expression de la foi qui bénéficie d’éléments culturels d’un milieu déterminé, en interprétant et en interpellant la sensibilité des participants de façon vive et efficace.
La religiosité populaire, qui s’exprime dans des formes diversifiées et diffuses, quand elle est sincère, a comme source la foi et doit être, par conséquent, favorisée. Dans ses manifestations les plus authentiques, elle ne s’oppose pas au caractère central de la Sainte Liturgie, mais, en favorisant la foi du peuple qui la considère comme une expression religieuse connaturelle, elle prédispose à la célébration des mystères sacrés.
5. Une juste notion du rapport entre ces deux expressions de foi doit maintenir fermement certains points et, parmi ceux-ci, essentiellement que la liturgie est le centre de la vie de l’Église et qu’aucune autre expression religieuse ne peut s’y substituer ou être considérée au même niveau.
Il est important de répéter, en outre, que la religiosité populaire a son couronnement naturel dans la célébration liturgique, vers laquelle elle doit s’orienter idéalement, bien qu’habituellement elle en reste distincte, et cela doit être expliqué par une catéchèse appropriée.
Les expressions de la religiosité populaire apparaissent parfois corrompues par des éléments incompatibles avec la doctrine catholique. Dans ce cas il faut les purifier avec prudence et patience, à travers des contacts avec les responsables et par une catéchèse attentive et respectueuse, à moins que des incohérences radicales ne rendent nécessaires des mesures claires et immédiates.
Une telle évaluation est avant tout de la compétence de l’Évêque diocésain ou des Évêques concernés par de telles formes de religiosité sur un territoire. Dans ce cas, il est opportun que les Pasteurs confrontent leurx expériences pour offrir des orientations pastorales communes, en évitant les contradictions dommageables au peuple chrétien. Toutefois, que les Évêques aient à l’égard de la religiosité populaire une attitude positive et encourageante, à moins de motifs contraires évidents.
***
CONGRÉGATION POUR LE CULTE DIVIN
ET LA DISCIPLINE DES SACREMENTS
Prot. N. 1532/00/L
En affirmant la primauté de la Liturgie, "sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps, la source d’où découle toute sa certu" (Sacrosanctum Concilium 10), le Concile Œcuménique Vatican II rappelle, toutefois, que "la vie spirituelle n’est pas enfermée dans la participation à la seule liturgie" (ibidem 12). En effet, la vie spirituelle des fidèles est aussi alimentée par "les pieux exercices du peuple chrétien", et en particulier par ceux qui sont préconisés par le Siège Apostolique et pratiqués dans les Églises particulières sur mandat de l’Évêque, et avec son approbation. En rappelant qu’il est important que de telles expressions cultuelles soient conformes aux lois et aux normes de l’Église, les Pères conciliaires ont délimité le domaine de leur signification sur les plans théologique et pastoral: "les pieux exercices doivent être réglés de façon à s’harmoniser avec la liturgie, à en découler d’une certaine manière, et à y introduire le peuple parce que, de sa nature, elle leur est de loin supérieure" (ibidem 13).
À la lumière d’un tel enseignement autorisé et aussi d’autres règlements du Magistère de l’Église concernant les pratiques de piété du peuple chrétien, et après avoir recueilli les demandes qui ont été adressées ces dernières années par les pasteurs, l’Assemblée plénière de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, qui s’est déroulée du 26 au 28 septembre 2001, a approuvé le présent Directoire. Ce dernier présente, selon une forme organique, les liens existant entre la Liturgie et la piété populaire, tout en rappelant les principes qui régissent ces relations et en donnant des orientations destinées à leur application fructueuse dans le cadre des Églises particulières, selon la tradition particulière de chacune d’entre elles. Ainsi, il revient aux Évêques, à un titre spécial, de favoriser la piété populaire, qui a contribué dans le passé et contribue toujours à maintenir la foi du peuple chrétien, en entretenant une attitude pastorale positive à son égard et en l’encourageant.
Le Souverain Pontife Jean-Paul II ayant approuvé le projet de publication du "Directoire sur la piété populaire et la Liturgie. Principes et orientations" (Lettre de la Secrétairerie d’État du 14 décembre 2001, Prot. N. 497.514), la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements est heureuse de le rendre public, en souhaitant que, par ce moyen, les Pasteurs et les fidèles puissent bénéficier d’un renouveau qui leur permette de croître dans le Christ, par Lui et avec Lui, dans l’unité du Saint esprit, à la louange du Père des cieux.
Nonobstant toutes choses contraires.
Du siège de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, le 17 décembre 2001.
Jorge A. Card. Medina Estévez
Préfet
Francesco Pio Tamburrino
Archevêque Secrétaire
1. Afin d’assurer la croissance et la promotion de la Liturgie, "sommet auquel tend l’action de l’Église et la source d’où découle toute sa vertu" , cette Congrégation est attentive à ce qu’on ne néglige pas les autres formes de piété du peuple chrétien, dont l’apport fructueux est l’union de la vie des fidèles à celle du Christ, dans l’Église, selon l’enseignement du Concile Vatican II.
Au cours de cette période consécutive au renouveau conciliaire, la situation de la piété populaire chrétienne se présente de manières diverses en fonction des pays et des traditions locales. On note des attitudes contrastées, parmi lesquelles, il convient de citer: l’abandon manifeste et hâtif de formes de piété héritées du passé, qui a pour effet de laisser des vides qu’il est souvent impossible de combler; l’attachement à des formes imparfaites ou erronées de dévotion, qui éloignent les fidèles de la révélation biblique authentique et qui entrent en concurrence avec l’économie sacramentelle; des critiques injustifiées à l’encontre de la piété du peuple des humbles au nom d’une prétendue "pureté" de la foi; l’exigence de sauvegarder les richesses de la piété populaire, qui est l’expression d’un sentiment religieux profond et mûr des croyants dans un espace et à une époque déterminés; le besoin d’une purification des équivoques et la nécessité de se prémunir contre les dangers du syncrétisme; la vitalité renouvelée de la religiosité populaire, qui exprime une résistance et une réaction envers une certaine culture technologico-pragmatique et l’utilitarisme économique; un manque d’intérêt envers la piété populaire, qui n’a cessé de croître, et qui est dû aux idéologies de la sécularisation et à l’agression des "sectes" qui lui sont hostiles.
Cette question requiert l’attention constante des Évêques, des prêtres et des diacres, ainsi que des fidèles qui sont engagés dans la vie pastorale, et aussi des chercheurs, qui ont à cœur d’assurer la promotion de la vie liturgique auprès des fidèles, autant que le développement de la piété populaire.
2. Les relations existant entre la Liturgie et les pieux exercices ont été exprimées explicitement par le Concile Vatican II dans la Constitution sur la sainte Liturgie. En diverses circonstances, le Siège Apostolique et les Conférences des Évêques ont traité plus amplement de ce sujet de la piété populaire, et elle fut de nouveau présentée par Jean-Paul II lui-même, parmi les tâches à accomplir dans le cadre du renouveau liturgique, dans la Lettre apostolique Vicesimus Quintus Annus: la "piété populaire ne peut être ni ignorée, ni traitée avec indifférence ou mépris, car elle est riche de valeurs et déjà par elle-même elle exprime le fond religieux de l’homme devant Dieu. Mais elle a besoin sans cesse d’être évangélisée, pour que la foi qui l’inspire s’exprime par un acte toujours plus réfléchi et authentique. Les "pieux exercices" du peuple chrétien, comme aussi les autres formes de dévotion, sont accueillis et recommandés, pourvu qu’ils ne se substituent pas et qu’ils ne se mélangent pas aux célébrations liturgiques. Une authentique pastorale liturgique saura s’appuyer sur les richesses de la piété populaire, les purifier et les orienter vers la liturgie comme offrande des peuples".
3. Ainsi, dans le but d’aider "les Évêques afin que, outre le culte liturgique, soient favorisées et tenues en honneur les prières et les pratiques de piété du peuple chrétien qui sont pleinement en accord avec les normes de l’Église", il a semblé opportun à ce Dicastère de rédiger le présent Directoire, qui contient un exposé aussi complet que possible des relations entre la Liturgie et la piété populaire, ainsi que certains principes et des indications concernant leur application pratique.
Nature et structure
4. Le Directoire est constitué de deux parties. La première partie, intitulée Caractères principaux, fournit des éléments destinés à harmoniser le culte liturgique et la piété populaire. Il est tout d’abord question de l’expérience mûrie tout au long de l’histoire et de la description de la situation complexe propre à notre temps (chap. I); puis, le Directoire présente l’ensemble des enseignements du Magistère, qui constituent les bases indispensables pour réaliser la communion ecclésiale et mener une action pastorale bénéfique (chap. II); enfin, le document expose les principes théologiques, à la lumière desquels il est possible d’affronter et de résoudre les problèmes concernant les rapports entre la Liturgie et la piété populaire (chap. III). Le développement d’une harmonie vraie et féconde entre ces deux réalités dépend du respect effectif et sage de ces présupposés. Au contraire, leur non-respect a pour conséquences une ignorance mutuelle, qui est stérile, une confusion dommageable ou une opposition polémique.
La seconde partie, intitulée Orientations, présente un ensemble de propositions concrètes, sans oublier néanmoins de mentionner les usages et les pratiques de piété de certains lieux particuliers. Il reste qu’en mentionnant les différentes expressions de la piété populaire, on n’a pas voulu pour autant encourager leur adoption là où elles n’existent pas. La présentation est réalisée en se référant à la célébration de l’Année liturgique (chap. IV), à la vénération particulière que l’Église porte à la Mère du Seigneur (chap. V), à la dévotion envers les Anges, les Saints et les Bienheureux (chap. VI), aux suffrages destinés aux frères et sœurs défunts (chap. VII), à l’accomplissement des pèlerinages et aux manifestations de piété dans les sanctuaires (chap. VIII).
L’ensemble de ce Directoire, qui a pour but d’orienter et aussi, dans certains cas, de prévenir de possibles abus et déviations, se distingue en outre par son caractère constructif et son ton positif. Dans cette perspective, les Orientations comprennent, au sujet des dévotions particulières, de brèves notices historiques, suivies du rappel des divers pieux exercices, auxquels elles donnent lieu, et elles exposent les raisons théologiques qui constituent leur fondement, en donnant des suggestions pratiques concernant le temps, le lieu, le langage et les autres éléments qui sont nécessaires pour réaliser l’harmonie indispensable entre les actions liturgiques et les pieux exercices.
Les destinataires
5. Les propositions concrètes, qui concernent seulement l’Église latine et en premier lieu le Rite Romain, sont adressées avant tout aux Évêques, à qui il appartient de présider la communauté cultuelle de leur diocèse, de faire progresser la vie liturgique et de coordonner cette dernière avec les autres formes cultuelles; les destinataires de ces propositions sont aussi les collaborateurs directs des Évêques, c’est-à-dire leurs Vicaires, les prêtres et les diacres, et, à un titre particulier, les recteurs des sanctuaires. Enfin, elles sont adressées aux Supérieurs majeurs des instituts de vie consacrée, masculins et féminins, parce qu’un grand nombre de manifestations de la piété populaire se sont développées à leur contact, et que, de cette collaboration des religieux, des religieuses et des membres des instituts séculiers, on peut attendre beaucoup de résultats positifs pour une juste harmonisation entre la Liturgie et la piété populaire.
La terminologie
6. Au cours des siècles, les Églises d’Occident se sont distinguées par leur capacité de développer et d’enraciner, dans le peuple chrétien, avec et à côté des célébrations liturgiques, des formes à la fois multiples et variées pour exprimer, avec simplicité et ferveur, la foi en Dieu, l’amour envers le Christ Rédempteur, l’invocation de l’Esprit Saint, la dévotion envers la Vierge Marie, la vénération des Saints, le devoir de la conversion et la charité fraternelle. Il reste que, dans ce domaine si complexe, désigné communément par les expressions de "religiosité populaire" ou de "piété populaire", la terminologie employée n’est pas univoque, et c’est pourquoi il est indispensable d’apporter quelques précisions. Tout en n’ayant pas la prétention de trancher définitivement chacune des questions, il a paru important de présenter la définition usuelle des locutions employées dans ce document.
Les pieux exercices
7. Dans le Directoire, la locution "pieux exercice" désigne les expressions publiques ou privées de la piété chrétienne qui, bien que ne faisant pas partie de la Liturgie, sont en harmonie avec cette dernière, c’est-à-dire conformes à son esprit, à ses normes et à ses rythmes; de plus, ces expressions tirent d’une certaine manière leur inspiration de la Liturgie, et elles doivent y conduire le peuple chrétien. Certains pieux exercices sont accomplis sur l’ordre du Siège Apostolique, d’autres sur l’ordre des Évêques; beaucoup appartiennent aux traditions cultuelles des Églises particulières et des familles religieuses. Les pieux exercices ont toujours une référence dans la révélation divine publique, et un fondement ecclésial: ils concernent, en effet, les réalités de la grâce révélées par Dieu en Jésus Christ; de plus, ils doivent se conformer "aux lois et aux normes de l’Église", et ils sont célébrés "selon les coutumes ou les livres légitimement approuvés".
Les dévotions
8. Dans ce document, le terme "dévotions" est employé pour désigner les diverses pratiques extérieures (par exemple, les prières ou les chants; le respect de certains temps et la visite de lieux particuliers, les insignes, les médailles, les habitudes et les normes), qui, animées de l’intérieur par la foi, mettent un accent particulier sur la relation entre, d’une part, le fidèle et, d’autre part, les Divines Personnes de la Très Sainte Trinité, ou la bienheureuse Vierge Marie en se référant à ses privilèges de grâce ou aux titres qu’ils expriment, ou encore les Saints, considérés dans leur configuration au Christ ou dans le rôle qu’ils ont exercé dans la vie de l’Église.
La piété populaire
9. La locution "piété populaire" désigne ici les diverses manifestations cultuelles de nature privée ou communautaire qui, dans le cadre de la foi chrétienne, s’expriment d’abord, non pas selon les formes de la sainte Liturgie, mais en empruntant des aspects particuliers appartenant en propre au génie d’un peuple ou d’une ethnie, et donc à leur culture.
La piété populaire, définie très justement comme un "vrai trésor du Peuple de Dieu", "traduit une soif de Dieu que seuls les simples et les pauvres peuvent connaître. Elle rend capable de générosité et de sacrifice jusqu’à l’héroïsme, lorsqu’il s’agit de manifester la foi. Elle comporte un sens aigu d’attributs profonds de Dieu: la paternité, la providence, la présence amoureuse et constante. Elle engendre des attitudes intérieures rarement observées ailleurs au même degré: patience, sens de la croix dans la vie quotidienne, détachement, ouverture aux autres dévotions".
La religiosité populaire
10. Les réalités désignées par la locution "religiosité populaire" renvoient à une expérience universelle: une certaine dimension religieuse est toujours présente dans le cœur de chaque personne, comme dans la culture de chaque peuple, en particulier dans le cadre de ses manifestations collectives. De fait, chaque peuple tend à exprimer sa propre vision totalisante de la transcendance, ainsi que sa conception de la nature, de la société et de l’histoire en se servant des médiations cultuelles, et il réalise ainsi une synthèse particulière qui a une dimension humaine et spirituelle de grande valeur.
La religiosité populaire ne concerne pas uniquement la révélation chrétienne. En effet, en de nombreuses régions, où vivent des sociétés imprégnées d’éléments chrétiens selon des modes différents et variables, jaillit une sorte de "catholicisme populaire", où coexistent, d’une manière plus ou moins harmonieuse, divers éléments provenant du sens religieux de la vie, de la culture propre du peuple et de la révélation chrétienne.
Quelques principes
Afin d’avoir une vision d’ensemble de la question, il est indispensable d’exposer succinctement différents éléments qui seront ensuite développés et expliqués dans le présent Directoire.
Le primat de la Liturgie
11. L’histoire enseigne que, à certaines époques, la foi a été soutenue par des formes et des pratiques de piété, qui, dans la majorité des cas, ont été souvent considérées par les fidèles comme des événements particulièrement marquants et indissociables des célébrations liturgiques. En vérité, "toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence, dont nulle action de l’Église ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré". Cependant, il faut surmonter l’équivoque qui consiste à soutenir que la Liturgie ne serait pas "populaire": le renouveau conciliaire s’est fixé comme objectif de promouvoir la participation du peuple à la célébration de la Liturgie, en favorisant des moyens et des éléments (les chants, la participation active, les ministères dévolus aux laïcs...) qui, en d’autres temps, avaient suscité l’élaboration de prières qui alternaient avec l’action liturgique ou se substituaient à elle.
La primauté de la Liturgie sur les autres formes de prières chrétiennes, qui sont possibles et légitimes, doit trouver un écho dans la conscience des fidèles: si les sacrements sont indispensables pour pouvoir vivre unis au Christ, les diverses formes de la piété populaire ont, en revanche, un caractère facultatif. On peut citer, à titre d’illustration particulièrement importante et vénérable, le précepte de la participation à la Messe dominicale; de leur côté, les pieux exercices, qui, pourtant, peuvent être recommandés et répandus parmi les fidèles d’une manière habituelle, ne font jamais l’objet d’une obligation, même si certaines communautés ou des fidèles, à titre personnel, ont toujours la possibilité de considérer qu’ils ont un caractère impératif.
Ce principe doit être enseigné aux prêtres et aux fidèles dans le cadre de leur formation respective; en effet, il faut affirmer sans ambiguïté la primauté de la prière liturgique et de l’année liturgique sur toutes les autres pratiques de dévotion. Il est vrai, toutefois, que cette même primauté ne peut en aucun cas être synonyme d’exclusion, d’opposition et de marginalisation.
Valorisation et renouveau
12. Le caractère facultatif des pieux exercices ne peut en aucun cas signifier une quelconque méconnaissance, ni même le mépris à leur égard. L’attitude juste qu’il convient d’adopter est, au contraire, celle qui consiste à valoriser d’une manière adéquate et avec sagesse, les richesses non négligeables de la piété populaire, avec ses potentialités et la qualité de la vie chrétienne qu’elle est capable de susciter.
Puisque l’Évangile est la mesure et le critère de toute forme, ancienne et nouvelle, de la piété chrétienne, la valorisation des pieux exercices et des pratiques de dévotion doit aller de pair avec un travail de purification, en vue de les harmoniser avec le mystère chrétien. Cette remarque vaut particulièrement pour les éléments de la piété populaire assumés par la Liturgie chrétienne, car cette dernière "ne peut absolument pas accueillir des rites de magie, de superstition, de spiritisme, de vengeance ou à connotation sexuelle".
Ainsi, on comprend que le renouveau liturgique voulu par le Concile Vatican II doive aussi, en quelque sorte, inspirer l’évaluation et le renouveau des pieux exercices et des pratiques de dévotion. La piété populaire doit faire apparaître les éléments suivants: l’inspiration biblique, car on ne peut concevoir une prière chrétienne sans référence directe ou indirecte à un passage de la Bible; l’inspiration liturgique, puisque la piété populaire met en relief ou du moins se fait l’écho des mystères célébrés dans les actions liturgiques; l’inspiration œcuménique, c’est-à-dire la prise en compte des sensibilités et des traditions chrétiennes diverses, tout en évitant de se prêter à des expériences inopportunes; l’inspiration anthropologique, qui s’exprime, soit dans l’accueil de symboles et d’expressions propres à un peuple, en évitant, toutefois, un archaïsme qui serait privé de toute signification, soit dans l’effort qui vise à engager un dialogue avec les sensibilités contemporaines. Un tel renouveau ne sera fructueux que s’il est réalisé graduellement et avec pédagogie, en tenant compte des lieux et des circonstances.
Distinction et harmonie avec la Liturgie
13. La différence objective entre, d’une part, les pieux exercices et les pratiques de dévotion, et, d’autre part, la Liturgie, doit apparaître clairement dans les expressions du culte chrétien. Cela signifie, d’une part, que les formes particulières des pieux exercices ne peuvent pas se mêler aux actions liturgiques, et, d’autre part, que les actes de piété et de dévotion ont une place qui leur est propre, en dehors de la célébration de l’Eucharistie et des autres sacrements.
De plus, il faut éviter le phénomène de la superposition, afin que le langage, le rythme, la configuration, les accents théologiques de la piété populaire se différencient bien des éléments correspondants dans les actions liturgiques. De même, si cela est nécessaire, il convient de remédier à une éventuelle concurrence ou opposition avec les actions liturgiques, en garantissant en particulier le caractère primordial du dimanche, des solennités, des temps et des jours liturgiques.
Enfin, il faut éviter de qualifier les pieux exercices de "célébrations liturgiques", car ils doivent conserver leur propre style, leur simplicité et leur langage particulier.
Le langage de la piété populaire
14. Le langage verbal et gestuel de la piété populaire, tout en conservant sa simplicité et sa spontanéité d’expression, doit néanmoins toujours être particulièrement soigné, afin de laisser apparaître, dans tous les cas et en même temps, la vérité de la foi et la grandeur des mystères chrétiens.
Les gestes
15. La piété populaire se caractérise par une variété très riche d’expressions corporelles, de gestes et de symboles. On peut citer, par exemple, l’usage d’embrasser ou de toucher avec la main les images et les lieux saints, les reliques ou les objets sacrés; le fait d’entreprendre des pèlerinages ou d’organiser des processions, de parcourir des tronçons de route ou certains parcours "spéciaux" à pieds ou à genoux; la présentation d’offrandes, de cierges et d’ex-voto; le port d’habits particuliers; le fait de s’agenouiller et de se prosterner, de porter des médailles et des insignes... De telles expressions, qui se transmettent depuis des siècles de père en fils, constituent des moyens directs et simples destinés à manifester extérieurement les sentiments présents dans le cœur des fidèles, et aussi leur volonté de vivre d’une manière authentiquement chrétienne. Sans cette dimension d’intériorité, les gestes symboliques risquent de devenir des coutumes vides de sens et, dans le pire des cas, de dégénérer en superstition.
Les textes et les formules
16. Bien que les énoncés des prières et les formules de dévotion soient rédigés en employant un langage que l’on pourrait qualifier de moins rigoureux, si on les compare aux prières de la Liturgie, ils doivent néanmoins s’inspirer des textes de la Sainte Écriture, de la Liturgie, des Pères et du Magistère, tout en étant conformes à la foi de l’Église. L’emploi des textes des prières et des actes de piété, qui ont un caractère stable et public, requiert l’approbation de l’Ordinaire du lieu.
Le chant et la musique
17. De même, le chant, qui est l’expression naturelle de l’âme d’un peuple, occupe une place de choix dans le cadre de la piété populaire. Le soin apporté à conserver les chants traditionnels transmis par les générations précédentes, doit être associé au sens biblique et ecclésial, et, par conséquent, doit se conjuguer avec la nécessité de révisions successives ou de nouvelles compositions.
Certains peuples ont coutume d’associer le chant avec le battement des mains, le mouvement rythmique du corps et la danse. Ces manières particulières d’exprimer les sentiments intérieurs font partie des traditions populaires, spécialement à l’occasion des fêtes des saints Patrons; elles sont recevables dans la mesure où elles constituent les expressions d’une vraie prière commune, et non pas simplement un spectacle. Le fait qu’elles aient cours habituellement dans des lieux bien déterminés ne signifie pas pour autant qu’on doive encourager leur extension à d’autres lieux, dans lesquels leur usage ne conviendrait pas par manque de connaturalité.
Les images
18. Une autre expression très importante de la piété populaire est le recours aux images sacrées; celles-ci sont réalisées en tenant compte des règles de la culture ambiante et en fonction de la grande diversité des artistes, et elles aident les fidèles à accéder aux mystères de la foi chrétienne. Il convient d’affirmer que la vénération envers les images sacrées appartient, par nature, à la piété catholique: le signe tangible de cet attachement est constitué par le grand patrimoine artistique, présent dans les églises et les sanctuaires, à la constitution duquel la dévotion populaire a souvent contribué.
Il convient de rappeler le principe relatif à l’emploi liturgique des images du Christ, de la Vierge Marie et des Saints, qui est traditionnellement affirmé et défendu par l’Église, consciente que "l’honneur rendu à l’image est adressé à la personne qui est représentée". Les directives qui s’imposent aux images sacrées présentées dans les églises - concernant la vérité de la foi qu’elles expriment, ainsi que leur hiérarchie, leur beauté et leur qualité - doivent s’appliquer aussi aux images et aux objets destinés à la dévotion privée et personnelle.
Puisque l’iconographie, qui a sa place dans les édifices sacrés, n’est pas laissée à l’initiative privée, les responsables des églises et des oratoires doivent exercer la vigilance nécessaire, afin de garantir la dignité, la beauté et la qualité des images présentées à la vénération publique des fidèles, en veillant en particulier à ce que des tableaux ou des statues inspirés par les dévotions privées de quelques personnes, ne soient pas imposés de facto à la vénération commune.
Les Évêques, de même que les recteurs des sanctuaires, doivent s’assurer que les images sacrées destinées à l’usage des fidèles, qui sont réalisées de manières diverses, pour être exposées dans les maisons, ou portées en pendentif, ou encore conservées personnellement, ne dégénèrent ni dans la banalité, ni dans l’erreur.
Les lieux
19. En plus de l’église, la piété populaire a comme espace privilégié le sanctuaire - il ne s’agit pas toujours d’une église -, qui se distingue par des formes et des pratiques particulières de dévotion, dont la plus notable est le pélerinage. À côté de ces lieux de culte, qui sont explicitement réservés à la prière communautaire et privée, il en existe d’autres, non moins importants, à savoir la maison, les lieux de vie et de travail, et, en certaines circonstances, les rues et les places, qui, ainsi, sont appelées à devenir elles aussi des lieux de manifestation de la foi.
Les temps
20. L’alternance des jours et des nuits, la succession des mois et le changement des saisons sont accompagnés par des expressions variées de la piété populaire. De même, cette dernière est associée à des jours particuliers, où sont célébrés des événements joyeux et tristes de la vie personnelle, familiale et communautaire. Surtout, la "fête", avec ses journées de préparation, est destinée à donner du relief aux manifestations religieuses qui ont contribué à forger la tradition particulière d’une communauté déterminée.
Responsabilité et compétence
21. Les manifestations de la piété populaire sont placées sous la responsabilité de l’Ordinaire du lieu: c’est à lui qu’il appartient de les réglementer, de les encourager dans le cadre de sa fonction propre qui consiste à stimuler la vie chrétienne des fidèles, de les purifier là où cela s’avère nécessaire, et de les évangéliser. Il revient aussi à l’Ordinaire du lieu de veiller à ce que les manifestations de la piété populaire ne se substituent pas et ne se mélangent pas aux célébrations liturgiques; de même, il lui revient d’approuver les textes des prières et des formules, qui sont employés durant les actes publics de piété et dans le cadre des pratiques de dévotion. Les dispositions prises par un Ordinaire, qui sont destinées à son propre territoire de juridiction, concernent l’Église particulière qui lui est confiée.
Il reste que des fidèles, à titre personnel - qu’ils soient clercs ou laïcs - ainsi que des groupes particuliers doivent éviter de proposer publiquement et de propager des prières, des formules et des initiatives, sans le consentement de l’Ordinaire.
Selon la norme de la Constitution apostolique Pastor Bonus précitée (n. 70), cette Congrégation est compétente pour aider les Évêques dans la détermination des prières et des pratiques de piété du peuple chrétien, pour émettre des dispositions qui s’appliquent à des cas dépassant le cadre territorial d’une Église particulière, et pour imposer des mesures complémentaires, si cela s’avère nécessaire.
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CARACTÈRES PRINCIPAUX
DÉTERMINÉS PAR L’HISTOIRE, LE MAGISTÈRE, LA THÉOLOGIE
LITURGIE ET PIÉTÉ POPULAIRE
À LA LUMIÈRE DE L’HISTOIRE
La liturgie et la piété populaire au cours des siècles
22. Les rapports entre la Liturgie et la piété populaire sont très anciens. Dans un premier temps, il est nécessaire de présenter succinctement comment ces relations ont été vécues tout au long des siècles. Sur ces fondements, il sera ensuite possible d’émettre des idées ou d’énoncer des suggestions, dans le but de contribuer, dans un nombre non négligeable de cas, à résoudre certaines questions qui se posent à notre époque.
Les premiers siècles chrétiens
23. La période apostolique et post-apostolique a été marquée par une interpénétration profonde entre les diverses expressions liturgiques, qui sont qualifiées de nos jours respectivement de "Liturgie" et de "piété populaire". Dans les communautés chrétiennes les plus anciennes, la seule réalité qui est prise en considération est le Christ (cf. Col 2, 16), avec ses paroles de vie (cf. Jn 6, 63), son commandement de l’amour réciproque (cf. Jn 13, 34), et les actions rituelles qu’il a commandées d’accomplir en mémoire de lui (cf. 1 Cor 11, 24-26). Tout le reste - les jours et les mois, les saisons et les années, les fêtes et les nouvelles lunes, la nourriture et les boissons... (cf. Gal 4, 10; Col 2, 16-19) - est secondaire.
Dès les premières générations chrétiennes, il est possible de relever l’existence de signes et de gestes se rapportant à la piété personnelle; ceux-ci, en tout premier lieu, provenaient de la tradition judaïque; de plus, tout en se conformant à l’exemple donné par Jésus et saint Paul, ces initiatives des chrétiens s’inspiraient de leurs conseils au sujet de la prière incessante (cf. Lc 18, 1; Rm 12, 12; 1 Th 5, 17), qui doit être adressée à Dieu pour obtenir ou commencer toute chose dans l’action de grâce (cf. 1 Co 10, 31; 1 Th 2, 13; Col 3, 17). Le pieux Israëlite commençait la journée en louant et en rendant grâce à Dieu, et il accomplissait chaque action dans cet esprit tout au long du jour; ainsi, chaque moment, qu’il fût joyeux ou triste, était l’occasion d’exprimer une prière de louange, de demande ou de pardon. Les Évangiles et les autres écrits du Nouveau Testament contiennent des invocations adressées à Jésus, qui, répétées par les fidèles en dehors du contexte liturgique, étaient devenues en quelque sorte des prières jaculatoires, par lesquelles ils exprimaient leur dévotion centrée sur le Christ. On peut penser que les fidèles avaient l’habitude de répéter des locutions bibliques telles que: "Jésus, Fils de David, aie pitié de moi" (Lc 18, 38); "Seigneur, si tu le veux, tu peux me guérir" (Mt 8, 1); "Jésus, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton royaume" (Lc 23, 42); "Mon Seigneur et mon Dieu" (Jn 20, 28); "Seigneur Jésus, reçois mon esprit" (Ac 7, 59). Cette forme de piété constituera le modèle à partir duquel se développeront d’innombrables prières adressées au Christ par les fidèles de tous les temps.
On a pu remarquer que, jusqu’à la fin du II siècle, diverses formes et expressions de la piété populaire, qui étaient d’origine judaïque, ou qui étaient basées sur des éléments appartenant à la culture gréco-romaine, ou à d’autres cultures, avaient pénétré spontanément dans la Liturgie. Ainsi, par exemple, il a été souligné que le document connu sous le nom de Traditio apostolica comprend un certain nombre d’éléments qui proviennent de la culture populaire de cette époque.
De même, le culte des martyrs, si important dans les Églises locales, contient des éléments qui proviennent d’usages populaires concernant la mémoire des défunts. De tels éléments de la piété populaire se retrouvent aussi dans certaines expressions de vénération à l’égard de la bienheureuse Vierge Marie, parmi lesquelles on peut citer la prière du Sub tuum praesidium, et l’iconographie mariale présente dans les catacombes de Priscille, à Rome.
Il est vrai que l’Église fait preuve de beaucoup de rigueur pour exiger les dispositions personnelles requises de la part des fidèles, et pour imposer les conditions indispensables en vue d’une célébration des mystères divins qui soit empreinte de dignité (cf. 1 Cor 11, 17-32); pourtant, elle n’hésite pas à incorporer elle-même dans les rites liturgiques des formes et des expressions de la piété individuelle, familiale et communautaire.
À cette époque, la Liturgie et la piété ne s’opposent pas, aussi bien sur le plan doctrinal que pastoral: de fait, elles concourent toutes les deux d’une manière harmonieuse à la célébration de l’unique mystère du Christ, considéré dans son unité, et au soutien de la vie surnaturelle et morale des disciples du Seigneur.
24. À partir du IV siècle, le nouveau contexte politique et social dans lequel se trouve l’Église, encourage cette dernière à poser la question des rapports entre les expressions liturgiques et celles de la piété populaire en des termes, non seulement de convergence spontanée, mais aussi d’adaptation volontaire et d’inculturation.
Les diverses Église locales, mues par des intentions intensément missionnaires et pastorales, acceptaient volontiers d’accueillir dans la Liturgie, tout en les purifiant, des formes cultuelles solennelles et festives, appréciées par le peuple, qui, tout en provenant de l’univers du paganisme, étaient capables d’émouvoir les âmes et de toucher l’imagination. Ces formes, mises au service du culte, ne paraissaient pas contraires à la Vérité de l’Évangile, ni à l’authenticité du vrai culte chrétien. Ainsi, il s’avérait que les multiples expressions cultuelles ancrées dans les sentiments religieux les plus profonds de la personne humaine, qui s’adressaient habituellement à des faux dieux et à des faux sauveurs, trouvaient leur juste et véritable place dans le seul culte rendu au Christ, vrai Dieu et vrai Sauveur.
25. Au cours des IV et V siècles, le sens du sacré marque de plus en plus explicitement le temps et les lieux. De fait, en ce qui concerne tout d’abord le temps, les Églises locales, qui se référaient déjà aux événements du Nouveau Testament relatifs au "jour du Seigneur", aux festivités pascales et aux périodes réservées au jeûne (cf. Mc 2, 18-22), établirent en outre des jours bien déterminés en vue de la célébration de certains mystères du Christ Sauveur, dont, en particulier, l’Épiphanie, Noël et l’Ascension. Elles fixèrent aussi certains jours pour honorer les mémoires des martyrs, le jour de leur dies natali, pour évoquer l’entrée dans la vie éternelle de leurs pasteurs en l’anniversaire de leur dies depositionis, enfin, pour célébrer certains sacrements ou des engagements solennels. La sacralisation d’un lieu a pour origine la convocation, à cet endroit, de la communauté en vue de la célébration des mystères divins et de la louange du Seigneur; ce lieu, qui est alors soustrait au culte païen ou tout simplement à l’usage profane, est exclusivement dédié au culte divin, et devient, du fait de la disposition même de son espace architectonique, un reflet du mystère du Christ et une image de l’Église célébrante.
26. C’est de cette époque que date le processus de formation, et, par la suite, de différenciation des diverses familles liturgiques. En effet, les plus importantes Églises métropolitaines, pour des motifs tenant à la langue, à la tradition théologique, à la sensibilité spirituelle et au contexte social, célèbrent l’unique culte du Seigneur en se référant à leurs propres usages culturels et populaires. Cette démarche conduit progressivement à la création de familles liturgiques qui possèdent chacune leur propre style de célébration et un ensemble complexe de textes et de rites. Il convient de relever la présence, dans ces diverses Liturgies, de nombreux éléments d’origine populaire, y compris durant ces périodes, qui sont généralement considérées comme particulièrement brillantes.
De plus, les Évêques et les synodes régionaux interviennent dans l’organisation du culte, en promulguant des normes, en vérifiant la rectitude doctrinale des textes et en veillant sur leur beauté formelle, enfin en évaluant l’ordonnancement des rites. Ces interventions contribuent à fixer les formes liturgiques, ce qui a pour conséquence d’affaiblir la créativité, dépourvue de tout caractère arbitraire, qui prévalait à l’origine. L’analyse de ce phénomène a permis à certains spécialistes de mettre en évidence l’une des causes de la future prolifération des textes destinés à la piété privée et populaire.
27. Le pontificat de saint Grégoire le Grand (590-604), éminent pasteur et liturgiste, est généralement considéré comme une référence exemplaire dans le domaine de la fécondité des rapports entre la Liturgie et la piété populaire. De fait, ce Pontife entreprit de réaliser une importante œuvre liturgique destinée à offrir au peuple romain, par l’organisation des processions, des stations et des rogations, des formes liturgiques qui, tout en correspondant à la sensibilité populaire, étaient solidement ancrées dans la célébration même des mystères divins; il promulgua de sages directives afin d’éviter que la conversion des nouveaux peuples à l’Évangile ne se fasse au détriment de leurs propres traditions culturelles, mais, que, au contraire, la Liturgie puisse être enrichie de nouvelles expressions cultuelles légitimes; il harmonisa les nobles expressions du génie artistique avec celles, plus simples, de la sensibilité populaire; il renforça l’unité du culte chrétien en le centrant d’une manière intangible sur la célébration de Pâques, de telle sorte que les divers événements de l’unique mystère du salut - comme, par exemple, Noël, l’Épiphanie et l’Ascension... - soient célébrés d’une manière particulière; enfin, il favorisa l’extension du culte des Saints par la multiplication des mémoires.
Le Moyen Âge
28. Dans l’Orient chrétien, spécialement byzantin, la période médiévale est marquée par la lutte contre l’hérésie iconoclaste, qui s’est déroulée en deux phases (725-787 et 815-843); cette époque est considérée comme une ligne de partage en ce qui concerne le développement de la Liturgie; celle-ci est bien visible autant dans les commentaires classiques sur la Liturgie eucharistique que dans l’iconographie intéressant les édifices du culte.
Dans le domaine de la Liturgie, on assiste à la fois à un accroissement considérable du patrimoine iconographique, et à la fixation définitive des formes rituelles. La Liturgie reflète la vision symbolique de l’univers, et la conception hiérarchique et sacrale du monde. En elle convergent des éléments aussi divers que les traits dominants de la société chrétienne, les idéaux et les structures du monachisme, les aspirations populaires, les intuitions des mystiques et les règles des ascètes.
Après la fin de la crise iconoclaste due au décret De sacris imaginibus du Concile œcuménique de Nicée II (787) - une victoire qui fut consolidée dans le "Triomphe de l’Orthodoxie" (843) - l’iconographie se développe, s’organise d’une manière définitive et se dote d’une légitimation doctrinale. L’icône, hiératique, d’une grande qualité symbolique, constitue elle-même un élément de la célébration liturgique: elle est un reflet du mystère qui est célébré, elle en constitue même une forme de présence permanente, et elle le propose au peuple fidèle.
29. En Occident, la rencontre, qui remonte au V siècle, entre, d’une part, le christianisme et, d’autre part, les nouveaux peuples, spécialement les Celtes, les Wisigoths, les Anglo-saxons, les Francs et les Germains, donne lieu, durant le haut Moyen Âge , à un processus de formation de nouvelles cultures et de nouvelles institutions politiques et sociales.
Durant la longue période qui s’étend du VII siècle à la moitié du XV siècle, la différenciation entre la Liturgie et la piété populaire commence, dans un premier temps, à s’affirmer, puis elle ne cesse de s’accentuer, dans un deuxième temps, jusqu’à la constatation de l’existence d’un véritable dualisme dans les célébrations: à côté de la Liturgie, célébrée en langue latine, on assiste au développement d’une piété populaire communautaire, qui est exprimée en langue vernaculaire.
30. Parmi les causes qui, durant cette période, ont déterminé un tel dualisme, on peut citer essentiellement:
- l’idée selon laquelle la Liturgie relève plutôt de la compétence des clercs, les laïcs devant se contenter d’en être en quelque sorte les spectateurs;
- la différenciation particulièrement accentuée entre les diverses composantes de la société chrétienne - c’est-à-dire entre les clercs, les moines et les laïcs - donne naissance à des formes et à des styles très divers de prières;
- l’attention, à la fois distincte et approfondie, portée aux divers aspects de l’unique mystère du Christ, dans les domaines liturgique et iconographique; si, d’un côté, cet intérêt particulièrement vif peut être considéré comme l’expression d’un attachement ardent à la vie et à l’œuvre du Seigneur, d’un autre côté, il ne facilite pas la perception claire de l’importance centrale de Pâques, et il favorise même la multiplication des moments et des formes de célébration de caractère populaire;
- la connaissance insuffisante des Écritures de la part, non seulement des fidèles laïcs, mais aussi de celle de nombreux clercs et religieux, rend difficile l’accès à la clef indispensable qui permet d’ouvrir le cœur à la compréhension de la structure et du langage symbolique de la Liturgie;
- en revanche, la diffusion de la littérature apocryphe, riche de récits miraculeux et d’épisodes anecdotiques, exerce une influence considérable sur l’iconographie et attire l’attention des fidèles en touchant leur imagination;
- la rareté des homélies, la disparition presque complète de la mystagogie et l’insuffisance de la formation catéchétique, qui ont pour effet de fermer la célébration liturgique à l’intelligence et à la participation active des fidèles, encouragent ces derniers à adopter des formes et des moments cultuels de substitution;
- la tendance à l’allégorisme qui, en exerçant une trop grande influence sur l’interprétation des textes et des rites, détourne les fidèles de la compréhension de la vraie nature de la Liturgie;
- l’adoption de formes et de structures d’origine populaire peut être considérée en quelque sorte comme une revanche inconsciente contre une Liturgie qui, à divers titres, s’est éloignée du peuple, tout en devenant pour beaucoup incompréhensible.
31. Durant le Moyen Âge, on vit surgir un grand nombre de mouvements spirituels et d’associations, au profil juridique et ecclésial très divers, dont la vie et les activités influèrent sur la mise en place des rapports entre la Liturgie et la piété populaire.
Ainsi, par exemple, les nouveaux ordres religieux de vie apostolique et évangélique, dédiés à la prédication, adoptèrent des formes de célébration plus simples que celles qui avaient cours dans les monastères, et aussi plus proches du peuple et de ses manières de s’exprimer. De plus, ils contribuèrent à la création d’un certain nombre de pieux exercices, dans lesquels ils exprimaient leur propre charisme, ce qui leur permit ainsi de le transmettre aux fidèles.
Les confréries religieuses de toutes sortes, de nature cultuelle ou caritative, et les corporations laïques, constituées à des fins professionnelles, furent à l’origine d’une activité liturgique importante de caractère populaire: elles érigèrent des chapelles pour leurs rassemblements cultuels, elles choisirent un Patron, dont elles célébrèrent la fête, et elles composèrent assez souvent, pour leur propre usage, des petits offices et des formulaires de prières, dans lesquels transparaissaient à la fois l’influence de la Liturgie et la présence d’éléments appartenant à la piété populaire.
De leur côté, les écoles de spiritualité constituaient alors des points de référence importants dans la vie de l’Église; elles inspiraient des attitudes et des modes de vie ancrés dans le Christ et dans l’Esprit Saint, qui, tout en exerçant une influence non négligeable sur le choix de certaines célébrations (par exemple, l’évocation des épisodes de la Passion du Christ), étaient aussi à l’origine de nombreux pieux exercices.
De même encore, la société civile, qui se définissait elle-même volontiers comme une societas christiana, modelait certaines de ses structures sur celles de l’Église, allant jusqu’à fixer ses propres points de repère sur les rythmes liturgiques; ainsi, par exemple, lorsque, le soir venu, le son des cloches se faisait entendre, les paysans, qui travaillaient dans les champs, savaient que le temps était venu de rentrer au village, et cette sonnerie des cloches les invitait en même temps à adresser une salutation à la Vierge Marie.
32. Ainsi, le Moyen Âge a vu naître et se développer de nombreuses expressions de la piété populaire, dont beaucoup, parmi elles, sont parvenues jusqu’à notre époque. Citons notamment:
- l’organisation de représentations sacrées, ayant pour objet les mystères célébrés durant l’année liturgique, en particulier les événements du salut que sont la Nativité du Christ, sa Passion, sa Mort et sa Résurrection;
- la naissance de la poésie en langue vernaculaire qui, en trouvant une application large dans le domaine de la piété populaire, favorise la participation des fidèles;
- l’apparition, auprès ou à la place de certaines expressions liturgiques, de formes alternatives ou parallèles, comme, par exemple, les diverses modalités d’adoration du Saint-Sacrement destinées à compenser la rareté de la communion eucharistique; la prière du Rosaire qui, vers la fin du Moyen Âge, tend à se substituer à celle des Psaumes; et la tendance à remplacer la Liturgie du Vendredi Saint par de pieux exercices en l’honneur de la Passion du Seigneur.
- la multiplication des formes populaires du culte adressé à la bienheureuse Vierge Marie et aux Saints: pèlerinages aux lieux saints de la Palestine, et aux tombes des Apôtres et des martyrs, vénération des reliques, suppliques litaniques, suffrages pour les défunts;
- le développement considérable des rites de bénédiction, constitués à la fois d’éléments exprimant une foi chrétienne authentique, et d’autres qui relèvent plutôt d’une sensibilité naturaliste, de croyances et de pratiques populaires pré-chrétiennes;
- la constitution de certains ensembles de "temps sacrés" , d’origine populaire, qui se forment en marge de l’année liturgique: jours de fêtes à la fois sacrées et profanes, triduums, septénaires, octaves, neuvaines et mois dédiés à des dévotions particulières.
33. Au Moyen Âge, les relations entre la Liturgie et la piété populaire sont à la fois permanentes et complexes. De fait, durant toute cette période, il est possible d’observer le double mouvement suivant: si, d’une part, la liturgie inspire et produit certaines expressions de la piété populaire, d’autre part, et en sens contraire, des formes de la piété populaire sont accueillies et intégrées dans la Liturgie. Ce double phénomène se produit surtout en ce qui concerne les rites de consécration des personnes ou qui ont pour objet des engagements personnels, les rites qui ont trait à la dédicace des lieux sacrés, dans le domaine de l’institution d’un certain nombre de fêtes, et, enfin, dans celui, ample et varié, des bénédictions.
Toutefois, on note, à cette époque, un certain dualisme dans les rapports entre la Liturgie et la piété populaire. Vers la fin du Moyen Âge, ces deux réalités traversent une période de crise: dans la Liturgie, à cause de la rupture de l’unité cultuelle, il arrive que des éléments secondaires acquièrent une importance excessive au détriments des éléments principaux; dans le domaine de la piété populaire, par manque d’une catéchèse approfondie, des déviations et des exagérations altèrent l’expression appropriée du culte chrétien.
L’époque moderne
34. Il ne semble pas que l’époque moderne, du moins à ses débuts, ait été une période très favorable pour l’élaboration d’une solution équilibrée dans le domaine des relations entre la liturgie et la piété populaire. Dans la seconde moitié du XV siècle, la devotio moderna, qu’illustrèrent d’éminents maîtres de la vie spirituelle, et qui connut une diffusion importante parmi les clercs et les laïcs érudits, favorisa le développement d’un certain nombre de pieux exercices, marqués par un style méditatif et un ton affectif, qui se référaient essentiellement à l’humanité du Christ - c’est-à-dire, en l’occurrence, les mystères de son enfance, de sa vie cachée, de sa Passion et de sa Mort -. Toutefois, la primauté accordée à la contemplation et la valorisation de la subjectivité, elles-mêmes unies à un certain pragmatisme ascétique, qui exaltait le devoir à accomplir, avaient pour conséquence que la Liturgie, en tant que source primordiale de la vie chrétienne, n’exerçait pas une grande ascendance spirituelle sur les hommes et les femmes de cette époque.
35. Parmi les expressions les plus typiques de la devotio moderna, il convient de citer l’ouvrage De imitatione Christi; ce livre a exercé une influence extraordinaire et salutaire sur de nombreux disciples du Seigneur, qui désiraient parvenir à la perfection chrétienne. L’œuvre De imitatione Christi oriente les fidèles vers un type de piété plutôt individuelle, en mettant l’accent sur le détachement du monde et l’invitation à écouter la voix du Maître intérieur; en revanche, il semble que, dans ce même ouvrage, la place dévolue aux aspects communautaires et ecclésiaux de la prière, ainsi qu’aux éléments de la spiritualité liturgique, soit trop restreinte.
Les milieux qui pratiquent la devotio moderna mettent en valeur un certain nombre de pieux exercices de qualité, qui, certes, manifestent sur le plan cultuel la dévotion de personnes sincérement dévotes, mais qui, néanmoins, ont pour limite de ne pas toujours contribuer à la valorisation pleine et entière de la célébration liturgique.
36. Entre la fin du XV siècle et le début du XVI siècle, les grandes découvertes géographiques - en Afrique, en Amérique, et ensuite dans l’Extrême-Orient - ont pour effet de présenter la question des rapports entre la Liturgie et la piété populaire d’une manière complètement nouvelle.
L’œuvre d’évangélisation et de catéchèse, qui se déploie dans des pays éloignés du centre, à la fois culturel et cultuel, du rite romain, est accomplie non seulement grâce l’annonce de la Parole et à la célébration des sacrements (cf. Mt 28,19), mais aussi au moyen des pieux exercices propagés par les missionnaires.
Les pieux exercices deviennent, par conséquent, un moyen de transmission de l’annonce de l’Évangile, et, ils contribuent ensuite à maintenir la ferveur de la foi chrétienne. Il reste que l’influence réciproque entre la Liturgie et la culture autochtone demeure rare à cause des normes qui régissaient alors la liturgie romaine (à l’exception, toutefois, de ce qui s’est passé d’une certaine manière dans les Reducciones du Paraguay). En revanche, dans le domaine de la piété populaire, la rencontre avec cette culture locale n’a pas rencontré de difficulté majeure.
37. Dans les premières années du XVI siècle, parmi les hommes les plus convaincus de la nécessité d’une réforme appropriée de l’Église, on peut citer les moines camaldules Paul Giustiniani et Pierre Querini, auteurs d’un Libellus ad Leonem X, qui contient d’importantes indications en vue de revitaliser la Liturgie et d’en ouvrir les trésors à tout le peuple de Dieu: il convient de citer, notamment, la nécessité de l’instruction du clergé et des religieux, qui doit surtout être un enseignement biblique; l’adoption de la langue vernaculaire dans la célébration des mystères divins; la réorganisation des livres liturgiques; l’élimination des éléments illégitimes et altérés de certaines formes erronées de la piété populaire; et la nécessité d’une catéchèse destinée, en particulier, à transmettre aux fidèles la valeur de la Liturgie.
38. Peu de temps après la clôture du Concile œcuménique de Latran V (16 mars 1517), qui édicta quelques règles concernant l’éducation des jeunes à la Liturgie, débuta la crise due à l’apparition du protestantisme, dont les protagonistes soulevèrent de nombreuses objections sur des points essentiels de la doctrine catholique à propos des sacrements et du culte promu par l’Église, y compris la piété populaire.
Au cours de ses trois phases, le Concile œcuménique de Trente (1545-1563), convoqué pour faire face à la situation résultant de la propagation du mouvement protestant parmi les membres du peuple de Dieu, s’attacha à étudier les questions touchant la Liturgie et la piété populaire sous le double aspect de la doctrine et du culte. Toutefois, étant donné le contexte historique et le caractère dogmatique des thèmes qu’il était appelé à traiter, le Concile aborda principalement les questions d’ordre liturgique et sacramentel d’un point de vue doctrinal: il réalisa cette étude en adoptant une attitude où se mêlaient la dénonciation des erreurs et la condamnation des abus, ainsi que la défense de la foi et de la tradition liturgique de l’Église; il se montra aussi très attentif aux problèmes concernant l’instruction liturgique du peuple, en proposant, dans le décret De reformatione generali , un programme pastoral, dont la réalisation était confiée au Saint-Siège et aux Évêques.
39. Conformément aux dispositions émises par le Concile, de nombreuses provinces ecclésiastiques tinrent des synodes, au cours desquels se manifesta la préoccupation de conduire les fidèles à une participation active durant la célébration des mystères divins. De leur côté, les Pontifes Romains entreprirent une réforme liturgique de grande ampleur: en effet, en un temps relativement bref, c’est-à-dire exactement entre 1568 et 1614, le Calendrier et les livres liturgiques du Rite romain furent révisés; de plus, en 1588, la Sacrée Congrégation des Rites fut créée dans le but de veiller au bon ordonnancement des célébrations liturgiques de l’Église romaine. Enfin, le Catechismus ad parochos était destiné à remplir un rôle de formation pastorale et liturgique.
40. La Liturgie tira de nombreux avantages de la réforme opérée à la suite du Concile de Trente: de nombreux rites furent renouvelés en tenant compte des "normes vénérables et antiques des Pères", dans les limites des connaissances scientifiques de l’époque; des éléments et des ajouts étrangers à la Liturgie, trop liés à la sensibilité populaire, furent supprimés; le contrôle du contenu doctrinal des textes fut institué, afin que ces derniers soient le reflet exact de la pureté de la foi; une unité rituelle remarquable fut restituée à la Liturgie romaine, qui retrouva sa dignité et sa beauté.
Toutefois, il convient de noter que cette réforme eut aussi, indirectement, quelques effets négatifs: le caractère invariable, dont était revêtue la Liturgie, semblait provenir des indications fournies par les rubriques, plus que de sa propre nature; de plus, le fait que la Liturgie paraissait résulter de l’action de la seule hiérarchie contribuait à renforcer le dualisme, qui existait déjà entre cette dernière et la piété populaire.
41. La Réforme catholique, dans le cadre de son entreprise positive de rénovation doctrinale, morale et institutionnelle de l’Église, unie à une intention manifeste d’arrêter la propagation du protestantisme, favorisa en un certain sens le développement de la culture baroque aux contours si complexes. Et cette dernière, de son côté, exerça une influence considérable sur les expressions littéraires, artistiques et musicales de la piété catholique. Durant la période post-tridentine, le rapport entre la Liturgie et la piété populaire se présente sous un apect quelque peu différent: de fait, la Liturgie entre dans une période d’uniformité substantielle et de statisme constant; à l’inverse, la piété populaire connaît un développement sans précédent.
Sans franchir certaines limites, dues à la nécessité d’empêcher l’apparition de formes exubérantes et fantaisistes, la Réforme catholique encouragea la création et la diffusion des pieux exercices, qui, de fait, constituèrent un moyen important pour la défense de la foi catholique et l’entretien de la piété des fidèles. Ce fut le cas, par exemple, des confréries vouées aux mystères de la Passion du Seigneur, à la Vierge Marie et aux Saints, qui se multiplièrent, ayant pour triple finalité la pénitence, la formation des laïcs et les œuvres de charité. Cette piété populaire a laissé derrière elle de très belles images, pleines d’émotion, dont la contemplation continue à alimenter la foi et l’expérience religieuse des fidèles.
Les "missions populaires", qui datent de cette époque, contribuent elles aussi à la diffusion des pieux exercices. Celles-ci font apparaître la coexistence entre la Liturgie et la piété populaire, tout en manifestant un certain déséquilibre entre les deux composantes de cette même réalité: en effet, les missions, dont le but est essentiellement de conduire les fidèles à s’approcher du sacrement de la réconciliation et à recevoir la communion eucharistique, recourent abondamment aux pieux exercices; ceux-ci constituent donc le moyen le plus sûr pour inciter ces mêmes fidèles à la conversion dans le cadre d’une action de type cultuel, elle-même marquée par une participation populaire qui ne fait jamais défaut.
Les pieux exercices étaient souvent recueillis et consignés dans des livres de prières qui, munis de l’approbation ecclésiastique, constituaient de véritables manuels destinés au culte; ils étaient utilisés aussi bien durant les divers moments de la journée, du mois et de l’année, que dans les circonstances innombrables de la vie.
À l’époque de la Réforme catholique, les relations entre la Liturgie et la piété populaire ne se présentent pas seulement dans les termes contraires de statisme et de développement, mais elles recouvrent aussi des réalités que l’on peut qualifier d’anormales: ainsi, il arrive parfois que les pieux exercices se déroulent à l’intérieur de l’action liturgique elle-même, en se superposant à cette dernière, et que, sur le plan pastoral, ils occupent une place primordiale par rapport à la Liturgie. Ces attitudes ont pour effet d’accentuer l’éloignement des fidèles par rapport à la Sainte Écriture; elles ont aussi pour conséquence de ne pas mettre suffisamment l’accent sur le caractère central du mystère pascal du Christ, qui s’exprime d’une manière privilégiée dans la célébration dominicale.
42. À l’époque de l’Illuminisme, la différence s’accentue entre la "religion des érudits", qui est potentiellement proche de la Liturgie, et la "religion des simples", qui, par nature, s’apparente à la piété populaire. Il reste que si, de fait, les personnes instruites et le peuple sont habitués à recourir aux mêmes pratiques religieuses, les gens "doctes" font néanmoins preuve d’une pratique religieuse éclairée par l’intelligence et le savoir, tout en affirmant leur volonté de se démarquer des formes de la piété populaire qui, à leurs yeux, se nourrissent de superstition et de fanatisme.
La Liturgie est alors influencée par de nombreux facteurs, dont, en particulier, le caractère aristocratique qui imprègne de multiples éléments de la culture de cette époque, la méthode de l’encyclopédie qui permet de rassembler tous les éléments de la connaissance, l’esprit critique et de recherche qui conduit à la publication des antiques sources liturgiques, et le caractère ascétique de certains mouvements qui, bien qu’influencés par le jansénisme, incitent au retour à la pureté de la Liturgie des premiers siècles chrétiens. Tout en répercutant des éléments de la culture ambiante de cette époque, l’intérêt renouvelé pour la Liturgie est animé par des considérations de nature pastorale, qui concernent aussi bien les clercs que les laïcs, comme on peut le constater en France, à partir du XVII siècle.
L’Église ne manque pas de prêter attention à la piété populaire dans les divers secteurs, très vastes, de son action pastorale. De fait, elle n’hésite pas à promouvoir un type d’action apostolique qui, dans une certaine mesure, tend à une intégration réciproque de la Liturgie et de la piété populaire. Ainsi, par exemple, la prédication est intégrée dans des temps liturgiques significatifs, tels que le Carême et les dimanches consacrés à la catéchèse des adultes; elle est destinée à la conversion des âmes et des mœurs des fidèles, qui sont incités à s’approcher du sacrement de la réconciliation, et à revenir à la pratique de la Messe dominicale, tout en rappelant la valeur du sacrement de l’Onction des malades et du Viatique.
La piété populaire, qui, dans le passé, s’était révélée efficace pour endiguer les effets négatifs du protestantisme, se révèle capable de contrer les idées corrosives du rationalisme et, à l’intérieur de l’Église, de remédier aux conséquences néfastes du jansénisme. Cette double confrontation, ainsi que le développement ultérieur des missions populaires, ont pour conséquence d’enrichir encore la piété populaire: certains aspects du Mystère de la foi sont ainsi mis en valeur d’une manière toute nouvelle; tel est le cas, par exemple, du Cœur du Christ, et des nouveaux "jours" qui polarisent la piété des fidèles, comme les neuf "premiers vendredis" du mois.
Au XVIII siècle, il convient de souligner, en particulier, l’activité de Louis Antoine Muratori qui sut conjuguer l’érudition avec la nécessité de s’adapter aux nouvelles situations pastorales, en proposant dans son ouvrage demeuré célèbre: Della regolata devozione dei cristiani, une religiosité capable de tirer sa substance de la Liturgie et de l’Écriture Sainte, tout en demeurant étrangère à toute superstition et à toute activité relevant de la magie. De même, il est important de faire référence à l’œuvre accomplie par le pape Benoît XIV (Prospero Lambertini), à qui l’on doit l’initiative de premier plan consistant à permettre l’usage de la Bible dans les langues vernaculaires.
43. La Réforme catholique avait renforcé les structures et l’unité du rite de l’Église romaine. Durant le XVIII siècle, qui fut marqué par une grande expansion missionnaire, l’Église avait introduit sa propre Liturgie et ses structures institutionnelles au milieu des peuples à qui le message évangélique était annoncé.
Au XVIII siècle, dans les territoires de mission, les rapports entre la Liturgie et la piété populaire se définissent en des termes semblables à ceux qui étaient déjà observés aux XVI et XVII siècles, tout en les accentuant:
- Dans le domaine de la Liturgie, par crainte d’éventuelles conséquences négatives dans le domaine de la foi, le problème de l’inculturation ne se pose pratiquement pas à cette époque - même s’il convient pourtant de mentionner les louables efforts de Matteo Ricci dans la question des Rites chinois, et ceux de Roberto de’ Nobili à propos des Rites indiens - ce qui a pour effet de maintenir intacte sa physionomie romaine, tout en lui conférant un aspect qui demeure, au moins en partie, étranger à la culture autochtone.
- Quant à la piété populaire, elle est, d’une part, soumise au danger du syncrétisme religieux, surtout là où l’évangélisation demeure superficielle; et, d’autre part, elle acquiert progressivement une autonomie plus grande et une maturité plus profonde, du fait qu’elle ne se limite pas aux seuls pieux exercices diffusés par les évangélisateurs, mais qu’elle en crée d’autres, qui s’enracinent dans la culture locale.
L’époque contemporaine
44. Au XIX siècle, après la crise provoquée par la Révolution française, dont l’intention était d’éradiquer la foi catholique en s’attaquant notamment au culte chrétien, on assiste à un renouveau très significatif de la Liturgie.
Cette renaissance fut précédée et préparée par un développement vigoureux de l’ecclésiologie, qui présentait l’Église, non seulement comme une société hiérarchique, mais aussi comme le Peuple de Dieu et comme une communauté réunie pour la célébration du culte. Parallèlement à ce réveil de l’ecclésiologie, il convient de relever, comme prémices du renouveau liturgique, la floraison des études bibliques et patristiques, et le dynamisme ecclésial et œcuménique de certains hommes tels que Antonio Rosmini († 1855) et John Henry Newman († 1890).
Dans le processus de renouveau du culte liturgique, il convient de mentionner particulièrement l’œuvre de l’abbé bénédictin Prosper Guéranger († 1875), restaurateur du monachisme en France et fondateur de l’abbaye de Solesmes: sa conception de la Liturgie est empreinte d’amour de l’Église et de la tradition; toutefois, la vénération dont il fait preuve envers la Liturgie romaine, considérée par lui comme un élément indispensable de l’unité de l’Église, l’incite à adopter une attitude d’opposition à l’égard des expressions liturgiques autochtones. Le renouveau liturgique promu par Dom Guéranger a le mérite de ne pas constituer seulement un mouvement de type académique, mais il a a surtout comme objectif de faire de la Liturgie l’expression cultuelle, intériorisée et active de tout le Peuple de Dieu.
45. Le XIX siècle n’est pas seulement marqué par le renouveau de la Liturgie mais il est caractérisé aussi par un développement de la piété populaire, qui s’effectue d’une manière autonome. Ainsi, la renaissance du chant liturgique coïncide avec la création de nouveaux chants populaires; de même, la diffusion de certains ouvrages liturgiques, tels que les missels bilingues à l’usage des fidèles, s’accompagne de la prolifération des livrets de dévotion.
Le mouvement culturel connu sous le nom de romantisme, qui met en valeur les sentiments humains et religieux de l’homme, favorise la recherche, la compréhension et la valorisation de la dimension populaire, y compris dans le domaine cultuel.
Durant ce siècle, on assiste aussi à un phénomène qui a une portée considérable: des expressions cultuelles promues localement sur la base d’initiatives venant du peuple, et se référant à des événements exceptionnels de caractère surnaturel - miracles, apparitions...-, obtiennent successivement une reconnaissance officielle, puis la faveur, et enfin la protection de l’autorité ecclésiale, et elles sont insérées dans la Liturgie elle-même. À titre d’illustration, on peut évoquer les divers sanctuaires, édifiés pour accueillir des pèlerinages, qui constituent à la fois des centres importants pour la Liturgie pénitentielle et eucharistique, et aussi des lieux où s’exprime la piété mariale du peuple.
Il reste qu’au XIX siècle les relations entre, d’une part, la Liturgie, qui se situe dans une phase de réveil, et, d’autre part, la piété populaire, qui traverse une période d’expansion, sont perturbées par un élément négatif: l’accentuation de la superposition des pieux exercices aux actions liturgiques, qui était un phénomène déjà présent à l’époque de la Réforme catholique.
46. Au début du XX siècle, le pape saint Pie X (1903-1914) manifeste sa volonté de rapprocher les fidèles de la Liturgie, c’est-à-dire de la rendre "populaire". De fait, le Souverain Pontife souligne que les fidèles ne peuvent acquérir le "vrai esprit chrétien" qu’en se tournant vers "sa première et indispensable source, qui est la participation active aux saints mystères, et à la prière publique et solennelle de l’Église". Par ces paroles, saint Pie X affirmait avec autorité la supériorité objective de la Liturgie sur toutes les autres formes de piété; de plus, il interdisait toute espèce de confusion entre la piété populaire et la Liturgie et, indirectement, il promouvait au contraire l’idée d’une claire distinction entre ces deux domaines, ouvrant ainsi la voie qui devait conduire à une compréhension plus juste de leurs rapports.
Ainsi, le mouvement liturgique prit naissance et se développa grâce à l’apport d’hommes éminents pour leur science, leur piété et leur attachement passionné à l’Église; il occupa une place remarquable dans la vie de l’Église du XX siècle, et les Souverains Pontifes virent en lui une manifestation de l’Esprit Saint. Le but ultime des protagonistes du mouvement liturgique était de nature pastorale: il s’agissait d’accroître chez les fidèles l’intelligence et donc aussi l’amour envers la célébration des mystères divins, et de les aider à prendre conscience de leur appartenance commune à un peuple sacerdotal (cf. 1 P 2,5).
On peut comprendre les réactions de certains représentants particulièrement exigeants du mouvement liturgique, qui se défiaient des manifestations de la piété populaire, en les considérant comme un motif de décadence de la Liturgie. En effet, ils étaient en présence de nombreux abus provoqués, soit par la superposition de certains pieux exercices à la Liturgie, soit, tout simplement, par la substitution de la Liturgie elle-même par des expressions cultuelles d’origine populaire. En outre, dans l’intention de restaurer le culte dans toute sa pureté, ces mêmes personnes considéraient la Liturgie des premiers siècles de l’Église comme un modèle insurpassable, et, par conséquent, ils rejetaient d’une manière catégorique toutes les expressions de la piété populaire d’origine médiévale, ou qui dataient de la période postérieure au Concile de Trente.
Toutefois, un tel refus ne tenait pas suffisamment compte du fait que les expressions de la piété populaire, qui, généralement, avaient été approuvées et recommandées par l’Église, avaient soutenu la vie spirituelle d’une multitude de fidèles, et qu’elles avaient engendré des fruits incomparables de sainteté, tout en contribuant très largement à la sauvegarde de la foi et à la diffusion du message chrétien. Cela explique pourquoi Pie XII, dans l’encyclique Mediator Dei du 21 novembre 1947, dont le contenu exhaustif manifestait l’intention de son auteur de prendre la tête du mouvement liturgique, opposa à ce refus la défense de ces pieux exercices, avec lesquels s’était identifiée, en quelque sorte, la piété catholique durant les derniers siècles.
Il revient au Concile œcuménique Vatican II, dans la Constitution Sacrosanctum Concilium, d’avoir défini d’une manière juste et équilibrée les relations entre la Liturgie et la piété populaire, en proclamant la primauté indiscutable de la sainte Liturgie et la subordination des pieux exercices par rapport à cette dernière, tout en réitérant leur caractère valide et légitime.
Liturgie et piété populaire: la problématique actuelle
47. Le parcours historique, qui a été retracé, met en évidence le fait que la question des rapports entre la Liturgie et la piété populaire ne se posent pas seulement à l’époque contemporaine: tout au long des siècles, elle s’est présentée de nombreuses fois, sous des dénominations et des formes différentes, et il lui a été donné diverses solutions. Il est donc nécessaire de tirer de l’expérience de l’histoire quelques indications permettant de répondre aux exigences pastorales qui se posent fréquemment et de façon urgente.
Les indications de l’histoire: les causes de déséquilibre
48. L’histoire montre tout d’abord que les relations entre la Liturgie et la piété populaire se détériorent durant les périodes où la conscience des valeurs essentielles de la Liturgie s’atténue dans l’esprit des fidèles. On peut citer les trois causes suivantes d’un tel affaiblissement:
- la conscience insuffisante ou sans cesse plus faible de la signification de Pâques et du rôle central que cette célébration occupe dans l’histoire du salut, et dont la Liturgie chrétienne est l’actualisation. Les fidèles font alors preuve de la tendance, presqu’inévitable, d’orienter leur piété vers d’autres épisodes salvifiques de la vie du Christ, et aussi vers la bienheureuse Vierge Marie, les Anges et les Saints, sans tenir compte de la "hiérarchie des valeurs";
- l’affaiblissement du sens du sacerdoce commun, en vertu duquel les fidèles sont habilités à "offrir des sacrifices spirituels agréables à Dieu, par Jésus Christ" (1 P. 2, 5; cf. Rm 12, 1), et à participer pleinement, selon leur condition, au culte de l’Église; un tel affaiblissement, qui va souvent de pair avec une Liturgie célébrée par des clercs qui interviennent même dans certaines parties de la célébration, qui ne relèvent pas de leurs fonctions propres de ministres sacrés, a pour conséquence d’orienter les fidèles vers la pratique des pieux exercices, dont ils se sentent pour leur part les participants actifs.
- la méconnaissance du langage propre à la Liturgie - c’est-à-dire la langue, les signes, les symboles et les gestes rituels - , a pour conséquence que le sens profond de la célébration échappe en grande partie aux fidèles. Cette ignorance peut même produire en eux l’impression qu’ils sont étrangers à l’action liturgique; c’est pourquoi ils marquent volontiers leur préférence pour les pieux exercices, dont le langage correspond mieux à leur formation culturelle, ou bien encore ils ont tendance à opter pour les dévotions particulières, qui répondent d’une manière plus satisfaisante aux exigences et aux situations de la vie quotidienne.
49. Chacun de ces éléments, qu’il n’est pas rare de rencontrer ensemble dans un même lieu, engendre un déséquilibre dans les rapports entre la Liturgie et la piété populaire, au détriment de la première et pour l’appauvrissement de la seconde. Pourtant, ces difficultés doivent être surmontées en recourant à une action catéchétique et pastorale bien menée et persévérante.
Au contraire, les diverses composantes du renouveau liturgique, ainsi que le développement du sens liturgique chez les fidèles, permettent à la piété populaire de trouver une nouvelle dimension par rapport à la Liturgie. Il convient de relever ce fait positif, qui est conforme à l’orientation la plus profonde de la piété chrétienne.
À la lumière de la Constitution liturgique
50. À notre époque, ce thème des rapports entre la Liturgie et la piété populaire est considéré avant tout à la lumière des directives contenues dans la Constitution Sacrosanctum Concilium; celles-ci cherchent à définir des relations harmonieuses entre ces deux expressions de la piété, à partir du double postulat suivant: la piété populaire est objectivement subordonnée à la Liturgie, et elle trouve en même temps dans cette dernière sa finalité.
Par conséquent, il faut avant tout éviter de poser la question des rapports entre la Liturgie et la piété populaire en termes d’opposition, ou même d’équivalence ou de substitution. De fait, la conscience de l’importance primordiale de la Liturgie et la recherche de ses expressions les plus justes ne doivent pas conduire à obscurcir la nature profonde de la piété populaire, et tout autant à la mépriser ou à la considérer comme superflue ou, tout simplement, à estimer qu’elle serait préjudiciable à la vie cultuelle de l’Église.
Il est vrai qu’une méconnaissance plus ou moins importante de la piété populaire, ou des manifestations d’hostilité à l’égard de celle-ci, révèlent chez leurs auteurs une évaluation inadéquate de certains éléments qui constituent la vie de l’Église, et semblent plus provenir de préjugés idéologiques que de la doctrine de la foi. De telles attitudes ont les conséquences suivantes:
- elles ne tiennent pas compte du fait que la piété populaire est elle aussi une réalité ecclésiale promue et soutenue par l’Esprit Saint,
- elles méconnaissent l’importance des fruits de grâce et de sainteté que la piété populaire a produits et continue de produire dans l’ensemble de l’Église.
- elles sont fréquemment l’expression d’une recherche illusoire de la "Liturgie pure"; de fait, l’expérience séculaire de l’Église montre bien que cette "Liturgie pure" correspond plus à une aspiration illusoire qu’à la réalité historique, à cause du caractère subjectif des critères à partir desquels ladite pureté est établie.
- elle a tendance à confondre une composante noble de l’esprit humain, en l’occurrence les sentiments, qui déterminent légitimement les diverses expressions de la piété liturgique et de la piété populaire, avec sa dégénérescence, c’est-à-dire le sentimentalisme.
51. Toutefois, les rapports entre la Liturgie et la piété populaire font apparaître aussi le phénomène contraire d’une valorisation tellement importante de la piété populaire qu’elle s’exerce au détriment de la Liturgie de l’Église.
Un fait de ce genre est à déplorer tout simplement dans certaines situations concrètes, mais il peut être aussi le fruit d’un choix théorique qui engendre une situation pastorale déviante: la Liturgie ne serait plus dans ce cas "le sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu", mais une expression cultuelle qui serait considérée comme étrangère à la compréhension et à la sensibilité du peuple et qui, ainsi, serait négligée et reléguée à une place secondaire, ou encore qui serait réservée à des groupes particuliers.
52. L’intention louable de rendre plus proche le culte chrétien de l’homme contemporain, surtout de celui qui n’a pas reçu une instruction catéchétique suffisante, et la difficulté constante, de la part de quelques cultures, d’assimiler certains éléments de la Liturgie, ne doivent pas avoir pour effet de dévaluer, autant en théorie qu’en pratique, l’expression primordiale et fondamentale du culte liturgique. En agissant de cette manière, au lieu d’affronter les difficultés concrètes avec prévoyance et persévérance, on aurait tendance à les résoudre d’une manière trop simpliste.
53. Pour justifier le choix qui tend à privilégier les exercices de la piété populaire au détriment des actions liturgiques, on entend fréquemment des affirmations de ce genre:
- la piété populaire est un domaine particulièrement approprié pour célébrer d’une manière à la fois libre et spontanée la "Vie" et ses multiples expressions; en revanche, la Liturgie, centrée sur le "Mystère du Christ" est, par nature, tournée vers le passé, elle inhibe la spontanéité et elle se révèle répétitive et formaliste;
- La Liturgie ne parvient pas à impliquer le fidèle dans la totalité de son être, c’est-à-dire dans l’unité de son corps et de son esprit; en revanche, la piété populaire, en s’adressant directement à l’homme, concerne à la fois son corps, son cœur et son esprit;
- la piété populaire est un domaine bien déterminé, qui, de surcroît, est adapté à la vie de prière: en effet, grâce aux pieux exercices, le fidèle est introduit dans un vrai dialogue avec le Seigneur, qui est constitué d’expressions parfaitement compréhensibles et qu’il fait siennes; en revanche, la Liturgie, en faisant prononcer par le fidèle des mots qui ne sont pas les siens et qui sont souvent étrangers à son contexte culturel, se révèle être, dans sa vie de prière, moins un moyen qu’un empêchement.
- les diverses formes de rites, qui constituent la piété populaire, sont reçues et accueillies par le fidèle, à cause de la correspondance existant entre sa propre culture et le langage des rites; en revanche, les rites propres à la Liturgie ne sont pas compris par ce même fidèle, parce que les formes expressives de ces rites proviennent d’un univers culturel qu’il perçoit comme un monde différent et lointain.
54. De telles affirmations accentuent d’une manière exagérée et dialectique la différence indéniable qu’on peut relever, dans certaines aires culturelles, entre les expressions propres à la Liturgie et celles qui dépendent de la piété populaire.
Toutefois, il est certain que la présence en certains endroits de ces idées est le signe qu’une conception juste de la Liturgie chrétienne est fortement compromise, sinon même complétement vidée de son contenu essentiel.
À l’encontre de telles opinions, il convient de rappeler la parole grave et réfléchie du dernier Concile œcuménique: "toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Église ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré".
55. L’exaltation unilatérale de la piété populaire, qui a pour corollaire la mise à l’écart de la Liturgie, ne concorde pas avec le fait que les éléments essentiels de cette dernière ont été institués par la volonté du Christ lui-même; de plus, cette position a pour conséquence préjudiciable de ne pas souligner, comme elle le devrait, la valeur sotériologique et doxologique irremplaçable de la Liturgie. Après l’Ascension du Seigneur dans la gloire de son Père et à la suite du don de l’Esprit Saint, la glorification parfaite de Dieu et le salut de l’homme sont réalisés avant tout et par excellence par la célébration de la Liturgie; celle-ci requiert l’adhésion de la foi, et par c’est par elle que le croyant est inséré au cœur de l’événement fondamental du salut: la Passion, la Mort et la Résurrection du Christ (cf. Rm 6, 2-6; 1 Co 11, 23-26).
L’Église, consciente de son mystère et de l’efficacité de son action cultuelle et salvifique, ne cesse pas d’affirmer que "c’est par la Liturgie, surtout dans le divin sacrifice de l’Eucharistie, que "s’exerce l’œuvre de notre rédemption" ", ce qui n’exclut pas l’importance d’autres formes de piété.
56. La dévalorisation de la Liturgie comporte un certain nombre de conséquences sur un plan théorique autant que pratique: ainsi, elle conduit inévitablement à obscurcir la vision chrétienne du mystère de Dieu, qui se penche avec miséricorde vers l’homme déchu pour l’attirer à Lui par l’incarnation de son Fils et le don de l’Esprit Saint. Elle a aussi pour effet d’édulcorer le sens de l’histoire du salut et la perception du rapport entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance. De même, elle conduit à sous-estimer la Parole de Dieu, qui est pourtant la seule Parole qui sauve, dont se nourrit et à laquelle se réfère sans discontinuité la Liturgie. Cette dévalorisation a encore pour effet d’atténuer dans l’esprit des fidèles la conscience de la valeur de l’œuvre accomplie par le Christ, le Fils de Dieu et le Fils de la Vierge Marie, le seul Sauveur et l’unique Médiateur (cf. 1 Tm 2, 5; Ac 4, 12). Enfin, elle provoque la perte du sensus Ecclesiae chez les fidèles.
57. L’accent mis exclusivement sur la piété populaire, qui, selon l’affirmation susmentionnée, doit se déployer dans l’orbite de la foi chrétienne, peut comporter les effets négatifs suivants: accélérer le processus de détachement d’une partie des fidèles par rapport à la révélation chrétienne; inclure de nouveau, d’une manière abusive ou déséquilibrée, certains éléments de la religiosité cosmique et naturelle; provoquer l’introduction, dans le culte chrétien, d’un certain nombre d’éléments ambigus provenant de croyances pré-chrétiennes, ou exprimant unilatéralement la culture ou la psychologie d’un peuple ou d’une ethnie; créer l’illusion de pouvoir atteindre la transcendance au moyen d’expériences néfastes; compromettre le sens authentiquement chrétien du salut, qui est le don gratuit de Dieu, en proposant, au contraire, un salut qui proviendrait de la seule conquête de l’homme et serait donc le fruit de ses efforts personnels (de fait, il ne faut jamais oublier le danger potentiel de la déviation pélagienne); enfin, accentuer, dans la mentalité des fidèles, le rôle des médiateurs secondaires, que sont la Bienheureuse Vierge Marie, les Anges, les Saints et parfois, parmi ces derniers, les principaux protagonistes de l’histoire nationale, en leur faisant accomplir une fonction qui n’appartient qu’à l’unique Médiateur, Jésus-Christ.
58. La liturgie et la piété populaire sont deux expressions authentiques, quoique non équivalentes, du culte chrétien. De fait, la Constitution sur la sainte Liturgie montre bien qu’au lieu de vouloir les opposer ou de considérer qu’ils sont deux éléments interchangeables, il convient plutôt de les harmoniser: "Les pieux exercices du peuple chrétien [...] doivent être réglés de façon à s’harmoniser avec la Liturgie, à en découler d’une certaine manière, et à y introduire le peuple parce que, de sa nature, elle leur est de loin supérieure".
La Liturgie et la piété populaire sont donc deux expressions cultuelles qui doivent se situer dans une relation mutuelle et féconde, même si la Liturgie est toujours appelée à constituer un point de référence permettant de "canaliser avec lucidité et prudence les désirs ardents de prière et de vie charismatique" qui se manifestent dans la piété populaire. De son côté, la piété populaire, avec ses valeurs symboliques et expressives, est en mesure d’aider la Liturgie à réussir son travail d’inculturation, et elle peut aussi lui procurer des éléments stimulants en vue d’accroître d’une manière efficace son dynamisme et sa créativité.
L’importance de la formation
59. À la lumière de ce qui vient d’être exposé, la formation, aussi bien des clercs que des laïcs, apparaît bien comme le moyen approprié pour résoudre les causes de déséquilibre ou de tension entre la Liturgie et la piété populaire. En plus de cette nécessaire formation liturgique, qui est une œuvre de longue haleine, toujours à redécouvrir et à approfondir, et en complément de cette dernière, une formation dans le domaine de la piété populaire s’impose dans le but de constituer une spiritualité harmonieuse et de qualité.
De fait, puisque "la vie spirituelle n’est pas enfermée dans la participation à la seule Liturgie", le fait de se limiter exclusivement à l’éducation liturgique est insuffisante pour assurer correctement la croissance spirituelle des fidèles dans toutes ses dimensions. Du reste, l’action liturgique, et en particulier la participation à l’Eucharistie, ne peut produire de fruit dans une vie marquée par l’absence de toute prière individuelle, et dépourvue des valeurs qui sont transmises par les formes traditionnelles de dévotion du peuple chrétien. L’habitude prise à notre époque de se tourner vers des pratiques "religieuses" en provenance de l’orient, qui sont adaptées de façons diverses sur les autres continents, est un indice de la quête spirituelle de nos contemporains, qui touche le sens même de l’existence, en particulier face à la souffrance et aussi dans un but de partage. Les générations post-conciliaires - d’une manière variable selon les pays - n’ont pas fait l’expérience des formes de dévotion que connaissaient bien les générations précédentes: afin que la vie spirituelle de ces fidèles puisse s’épanouir d’une manière vraiment personnelle, il est donc important d’intégrer pleinement, dans la catéchèse et l’éducation, le patrimoine constitué par la piété populaire, et d’une manière toute spéciale les exercices spirituels recommandés par le Magistère.
LITURGIE ET PIÉTÉ POPULAIRE
DANS LE MAGISTÈRE DE L’ÉGLISE
60. Après avoir exposé, dans un premier temps, l’attention portée à la piété populaire par le Magistère du Concile Vatican II, des Pontifes Romains et des Évêques, il a semblé opportun, dans un deuxième temps, de présenter une synthèse organique des enseignements de ce même Magistère dans le double but de faciliter l’élaboration d’orientations doctrinales dans le domaine de la piété populaire, et de favoriser une action pastorale appropriée.
Les valeurs de la piété populaire
61. Selon le Magistère, la piété populaire est une réalité vivante qui se situe dans l’Église, tout en étant indissociable de l’Église: elle trouve sa source dans la présence constante et active de l’Esprit Saint qui anime l’Église tout entière; son point de référence est constitué par le Mystère du Christ Sauveur; sa finalité est la gloire de Dieu et le salut des hommes; enfin, sa conformation dans l’histoire est constituée par "la rencontre fructueuse entre l’œuvre d’évangélisation et la culture". Le Magistère n’a donc pas manqué d’exprimer maintes fois son estime envers la piété populaire et ses diverses manifestations; en revanche, il n’a pas hésité à faire connaître sa réprobation à tous ceux qui l’ignorent, la négligent ou la méprisent, en leur enjoignant d’adopter envers elle une attitude plus positive qui tienne compte de ses valeurs. Enfin, le Magistère n’a pas hésité à présenter la piété populaire comme le "vrai trésor du peuple de Dieu".
Le grand intérêt manifesté par le Magistère envers la piété populaire est dû essentiellement aux valeurs que cette dernière incarne à ses yeux.
La piété populaire a un sens presqu’inné du sacré et de la transcendance. Elle manifeste une soif de Dieu authentique et "un sens aigu des attributs profonds de Dieu: la paternité, la providence, la présence amoureuse et constante", la miséricorde.
Les documents du Magistère se font l’écho des attitudes intérieures et des vertus promues, mises en valeur et entretenues par la piété populaire d’une manière toute particulière: ainsi, la patience et "la résignation chrétienne dans les situations irrémédiables", la confiance en Dieu, la force de supporter les souffrances et de discerner le "sens de la croix dans la vie quotidienne", le désir sincère de plaire au Seigneur, de réparer les offenses commises à son encontre, et de faire pénitence, enfin, le détachement envers les choses matérielles, la solidarité et l’ouverture aux autres, c’est-à-dire "le sens de l’amitié, de la charité et de l’union familiale."
62. La piété populaire se réfère volontiers au mystère du Fils de Dieu qui, par amour pour les hommes, s’est fait petit enfant et notre frère, en naissant, dans la pauvreté, d’une Femme elle-même humble et pauvre, et elle évoque aussi avec un intérêt très vif le Mystère de la Passion et de la Mort du Christ.
La piété populaire offre une large place à l’évocation de l’au-delà, au désir de communion avec ceux qui demeurent dans le ciel, la bienheureuse Vierge Marie, les Anges et les Saints, et donc à la prière de suffrages pour les âmes des défunts.
63. La fusion harmonieuse entre le message du Christ et la culture d’un peuple, dont les manifestations de la piété populaire constituent bien souvent une bonne illustration, est un motif qui suscite l’estime du Magistère à l’égard de celle-ci.
De fait, les manifestations les plus appropriées de la piété populaire montrent que, d’une part, le message chrétien parvient bien à assimiler les éléments les plus caractéristiques de la culture d’un peuple, et que, d’autre part, il réussit à rendre cette même culture perméable au message évangélique en exerçant une influence bénéfique sur sa conception de la vie, de la liberté, de la mission et du destin de l’homme.
Ainsi, la transmission des expressions propres à une culture, qui s’effectue des parents à leurs enfants,et donc d’une génération à une autre, comporte en même temps la transmission des principes chrétiens. Dans certains cas, la fusion est tellement étroite que les éléments de la foi chrétienne sont devenus en même temps des éléments intégrants de l’identité culturelle d’un peuple. Il en est ainsi, par exemple, de la piété qui s’exprime à l’égard de la Mère du Seigneur.
64. Le Magistère souligne encore l’importance de la piété populaire pour la vie et la conservation de la foi du peuple de Dieu et pour la promotion de nouvelles initiatives dans le domaine de l’évangélisation.
Au sujet des différents apports positifs de la piété populaire, il convient de noter, tout d’abord, qu’il n’est pas possible de ne pas tenir compte de "ces dévotions qui sont pratiquées en certaines régions par le peuple fidèle avec une ferveur et une pureté d’intention émouvantes". De même, on peut affirmer que la saine religiosité populaire, "peut être, grâce à ses racines éminemment catholiques, une antidote contre les sectes et une garantie de fidélité au message du salut". La piété populaire montre aussi qu’elle constitue un instrument providentiel pour la sauvegarde de la foi, dans les régions où les chrétiens sont dépourvus d’assistance pastorale; de plus, là où l’évangélisation s’avère insuffisante, "la population exprime en grande partie sa propre foi en recourant surtout à la piété populaire". Enfin, la piété populaire constitue un "point de départ" approprié et irremplaçable "permettant au peuple de parvenir à une foi plus mûre et plus profonde".
Quelques dangers qui peuvent faire dévier la piété populaire
65. Le Magistère, qui tient à mettre en évidence les valeurs propres de la piété populaire, ne cesse, toutefois, de signaler certains dangers qui peuvent la menacer: ainsi, la présence insuffisante de certains éléments essentiels de la foi chrétienne, parmi lesquels la signification de la Résurrection du Christ pour le salut de l’humanité, le sens de l’appartenance à l’Église et la personne et l’action du Saint Esprit; la disproportion entre, d’une part, l’attachement envers le culte des Saints et, d’autre part, l’affirmation de la souveraineté absolue de Jésus-Christ et de son mystère; le contact direct trop rare avec la Sainte Écriture; l’éloignement de la vie sacramentelle de l’Église; la tendance à séparer le culte des obligations de la vie chrétienne; la conception utilitariste de certaines formes de piété; l’emploi de "signes, de gestes et de formules, qui, parfois, prennent une importance excessive, jusqu’à la recherche du spectaculaire"; le risque, dans des cas extrêmes, de "favoriser la pénétration des sectes et même en arriver à la superstition, à la magie, au fatalisme ou à l’oppression".
66. En vue de remédier à ces carences et à ces défauts éventuels de la piété populaire, le Magistère de notre temps rappelle avec insistance qu’il faut l’"évangéliser", en établissant un contact fécond entre cette dernière et la parole de l’Évangile. Cette relation privilégiée contribuera à "la libérer progressivement de ses défauts, en la purifiant et en la consolidant, et donc en faisant en sorte que ses éléments ambigus acquièrent une physionomie plus claire dans ses contenus de foi, d’espérance et de charité".
Toutefois, cette œuvre d’ "évangélisation" de la piété populaire doit être accomplie en tenant compte des réalités pastorales; celles-ci devraient inciter ses protagonistes à adopter une attitude marquée par une grande patience et un sens prudent de la tolérance, en s’inspirant de la méthodologie suivie par l’Église au cours des siècles face aux problèmes liés à l’inculturation de la foi chrétienne et de la Liturgie, et aux questions inhérentes aux dévotions populaires.
Le sujet de la piété populaire
67. En rappelant que "la vie spirituelle n’est pas enfermée dans la participation à la seule Liturgie" et que le chrétien "doit aussi entrer dans sa chambre pour prier le Père dans le secret", et qu’ainsi, "enseigne l’Apôtre, il doit prier sans relâche", le Magistère de l’Église rappelle que chaque chrétien - qu’il soit clerc, religieux ou laïc - est le sujet des diverses formes de prières, soit quand il prie en privé, sous l’inspiration de l’Esprit Saint, soit quand il prie de façon communautaire dans des groupes d’origines et de physionomies diverses.
68. Le Saint-Père Jean-Paul II a tenu à souligner que la famille est particulièrement concernée par la piété populaire. De fait, l’Exhortation apostolique Familiaris consortio, après avoir exalté la famille en tant que sanctuaire domestique de l’Église, affirme que "pour préparer et prolonger à la maison le culte célébré à l’église, la famille chrétienne recourt à la prière privée, qui présente une grande variété de formes: cette variété, tout en témoignant de l’extraordinaire richesse de la prière chrétienne animée par l’Esprit Saint, répond aux diverses exigences et situations concrètes de celui qui se tourne vers le Seigneur". Le même document ajoute que "outre les prières du matin et du soir, sont à conseiller expressément [...]: la lecture et la méditation de la Parole de Dieu, la préparation aux sacrements, la dévotion et la consécration au Cœur de Jésus, différentes formes de piété envers la Vierge Marie, la bénédiction de la table, les pratiques de dévotion populaire".
69. Les confréries et les autres pieuses associations sont aussi des sujets importants de la piété populaire. Outre l’exercice de la charité et l’engagement social, la promotion du culte chrétien constitue l’une des finalités de ces institutions: il s’agit du culte envers la Très Sainte Trinité, le Christ et ses mystères, la bienheureuse Vierge Marie, les Anges, les Saints et les Bienheureux, de même que les prières pour les âmes des fidèles défunts.
Les confréries disposent souvent, en plus du calendrier liturgique, d’une sorte de calendrier propre, dans lequel sont indiqués les fêtes particulières, les offices, les neuvaines, les septénaires, les triduums qui doivent être célébrés, de même que les jours pénitentiels qu’il faut observer, et enfin les jours où doivent être organisées des processions, accomplis certains pèlerinages ou encore réalisées des œuvres de charité bien déterminées. Les confréries disposent aussi de livres de dévotions propres, et d’insignes distinctifs, comme des scapulaires, des médailles, des costumes et des ceintures, et parfois aussi des lieux de culte et des cimetières particuliers.
L’Église reconnaît les confréries et leur accorde la personnalité juridique, elle approuve leurs statuts et considère favorablement leurs finalités et leurs activités cultuelles. Elle veille toutefois à ce que les confréries soient bien insérées dans la vie de la paroisse et du diocèse, en se gardant de toute attitude d’opposition ou d’isolement.
Les pieux exercices
70. Les pieux exercices constituent une expression typique de la piété populaire. Ils sont très divers par leur origine historique et leur contenu, par leur langage et leur style, par leur usage et leurs destinataires. Leur importance a été soulignée par le Concile Vatican II, qui les a vivement recommandés, tout en prenant le soin de mentionner les conditions de leur légitimité et de leur validité.
71. La nature du culte chrétien, ainsi que les caractéristiques qui lui sont propres, exigent que les pieux exercices soient avant tout conformes à la saine doctrine, ainsi qu’aux lois et aux normes de l’Église. Ils doivent aussi être en harmonie avec la sainte Liturgie, tenir compte autant que possible des temps de l’année liturgique et donc favoriser "une participation consciente active à la prière commune de l’Église".
72. Les pieux exercices font partie intégrante du culte chrétien, ce qui explique l’attention constante de l’Église à leur égard, afin que, par leur entremise, Dieu soit glorifié d’une manière qui soit digne de Lui, et que l’homme reçoive les fruits spirituels et l’aide lui permettant de mener une vie chrétienne cohérente.
L’attitude des Pasteurs à l’égard des exercices spirituels a revêtu divers aspects complémentaires: elle a été faite d’incitation et d’encouragement, d’orientation et, parfois, de correction. La vaste gamme des pieux exercices comprend: tout d’abord, les pieux exercices qui sont célébrés avec l’approbation du Siège Apostolique et ceux que ce dernier a recommandés tout au long des siècles; puis, les pieux exercices des Églises particulières "qui sont célébrés sur l’ordre des Évêques, selon les coutumes ou les livres légitimement approuvés" ; puis, les autres pieux exercices prévus par le droit particulier ou les coutumes propres aux familles religieuses ou aux confréries et aux autres pieuses associations de fidèles; ceux-ci ont souvent reçu l’approbation explicite de l’Église; enfin, les pieux exercices qui sont célébrés dans le cadre de la vie familiale ou personnelle.
Certains pieux exercices, introduits de façon coutumière par la communauté des fidèles, et qui sont approuvés par le Magistère, jouissent de la concession d’indulgences.
Liturgie et pieux exercices
73. L’enseignement de l’Église relatif aux rapports entre la Liturgie et les pieux exercices peut être exprimé d’une manière concise de la façon suivante: d’une part, la Liturgie étant, par nature, de loin supérieure aux pieux exercices, il est nécessaire de lui conférer, dans la vie pastorale, "la place primordiale qui lui revient face aux pieux exercices"; d’autre part, la Liturgie et les pieux exercices doivent coexister en tenant compte du respect de la hiérarchie des valeurs et de la nature spécifique de chacune de ces deux expressions cultuelles.
74. Le respect attentif de ces principes doit permettre de consentir un réel effort visant à harmoniser, si possible, les pieux exercices avec les rythmes et les exigences de la Liturgie; ainsi il sera possible, "sans mêler ou confondre les deux formes de piété", d’éviter la confusion ou le mélange hybride entre la Liturgie et les pieux exercices. Le respect de ces mêmes principes doit conduire à ne pas opposer la Liturgie et les pieux exercices ou, contre l’avis même de l’Église, à ne pas éliminer ces derniers, ce qui, dans le cas contraire, aurait pour effet de laisser un vide que, dans la plupart des cas, rien d’autre ne pourrait combler au grand détriment des fidèles.
Critères généraux pour le renouveau des pieux exercices
75. Le Siège Apostolique s’est efforcé d’indiquer les critères théologiques et pastoraux, historiques et littéraires qui doivent être employés, le cas échéant, en vue de restaurer les pieux exercices. Il s’est attaché à préciser de quelle manière les pieux exercices peuvent accentuer leur référence à la Bible et à la Liturgie, dont ils doivent s’inspirer, et quelle place ils doivent laisser à la dimension œcuménique. De même le Siège Apostolique a donné des indications visant à mettre en valeur le noyau essentiel des pieux exercices, identifié grâce à la recherche historique, tout en tenant compte, dans cette œuvre de restauration, de certains aspects de la spiritualité contemporaine, des acquis d’une saine anthropologie et de la culture ainsi que du style expressif du peuple à qui ils sont destinés, sans pour autant rejeter les éléments traditionnels ancrés dans les coutumes populaires.
PRINCIPES THÉOLOGIQUES
EN VUE DE L’ÉVALUATION ET DU RENOUVEAU
DE LA PIÉTÉ POPULAIRE
La vie cultuelle: la communion avec le Père, par le Christ dans l’Esprit Saint
76. Dans l’histoire de la révélation, le salut de l’homme est constamment présenté comme un don de Dieu, provenant de sa miséricorde, et accordé d’une manière souveraine et totalement gratuite. L’ensemble des événements et des paroles, par lesquels se manifeste et se réalise le plan du salut, se présente sous la forme d’un dialogue continu entre Dieu et l’homme. Ce dialogue, dont Dieu prend l’initiative, exige de la part de l’homme une attitude d’écoute ancrée dans la foi ainsi qu’une réponse d’ "obéissance de la foi" (Rm 1, 5; 16, 26).
L’importance particulière de ce dialogue de salut se manifeste dans l’Alliance scellée sur le Sinaï entre Dieu et le peuple élu (cf. Ex 19-24), qui fait de ce dernier la "propriété" du Seigneur, un "royaume de prêtres et une nation sainte" (Ex 19, 6). Depuis lors Israël, qui, pourtant, ne fut pas toujours fidèle à l’Alliance, trouva néanmoins en cette dernière une inspiration et une force pour modeler son comportement sur celui de Dieu lui-même (cf. Lv 11, 44-45; 19, 2) et sur sa Parole.
Le culte et la prière d’Israël ont avant tout pour objet la mémoire des mirabilia Dei, c’est-à-dire les interventions salvifiques de Dieu dans l’histoire, ce qui a pour effet de maintenir vive la vénération du peuple à l’égard des événements par lesquels se sont accomplies les promesses de Dieu; celles-ci, dès lors, constituent le point de référence constant pour la réflexion de la foi et la vie de prière d’Israël.
77. Conformément à son dessein éternel de salut, "Dieu, qui avait souvent parlé, dans le passé, à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées, nous a parlé par le Fils qu’il a établi héritier de toutes choses, et par qui aussi il a créé le monde" (He 1, 1-2). Le mystère du Christ, et surtout sa Pâque, c’est-à-dire son passage de la Mort à la Résurrection, est, de fait, la révélation pleine et définitive, et l’accomplissement des promesses du salut. Puisque c’est par Jésus, "le Fils unique de Dieu" (Jn 3, 18) que le Père nous a tout donné, sans rien garder pour lui-même (cf. Rm 8, 32; Jn 3, 16), il est évident que le point de référence essentiel pour la foi et la vie de prière du peuple de Dieu se trouve dans la personne et l’œuvre du Christ: en lui, nous avons le Maître de la vérité (cf. Mt 22, 16), le Témoin fidèle (cf. Ap. 1, 5), le souverain Prêtre (cf. He 4, 14), le Pasteur de nos âmes (cf. 1 P 2, 25), le Médiateur unique et parfait (cf. 1 Tm 2, 5; He 8, 6; 9, 15; 12, 24): c’est par lui que l’homme va vers le Père (cf. Jn 14, 6), que montent vers Dieu la louange et la supplication de l’Église et que descend sur l’humanité tout don de Dieu.
Mis au tombeau avec le Christ et ressuscités avec lui dans le baptême (cf. Col. 2, 12; Rm 6, 4), soustraits à la domination de la chair et introduits dans celle de l’Esprit Saint (cf. Rm 8, 9), nous sommes appelés à la perfection, c’est-à-dire à la plénitude de la stature du Christ (cf Ep 4, 13); dans le Christ, nous avons le modèle d’une existence dont chaque moment reflète une attitude d’écoute de la parole du Père et d’accueil de ses commandements, et qui exprime un consentement sans partage du Fils à la volonté de son Père: "Ma nourriture est d’accomplir la volonté de celui qui m’a envoyé" (Jn 4, 34).
Le Christ est donc le modèle parfait de la piété filiale et du dialogue continuel avec le Père, c’est-à-dire l’exemple parfait d’une recherche ininterrompue de la relation vivante, intime et confiante avec Dieu, qui illumine, soutient et guide l’homme durant toute son existence.
78. L’Esprit Saint, qui a été donné aux fidèles pour les transformer progressivement dans le Christ, les guide dans leur vie de communion avec le Père (cf. Rm 8, 14); il répand en eux "l’esprit des fils adoptifs", par lequel ils adoptent l’attitude filiale du Christ (cf. Rm 8, 15-17) et ses propres sentiments (cf. Ph 2, 5). L’Esprit Saint rend présent l’enseignement du Christ (cf. Jn 14, 26; 16, 13-25), afin que les fidèles soient en mesure d’interpréter à la lumière de cet enseignement les divers événements de la vie et de l’histoire; il les conduit à la connaissance des profondeurs de Dieu (cf. 1 Co 2, 10) et il leur permet de faire de leur propre vie un "culte spirituel" (cf. Rm 12, 1); il les soutient au milieu des contradictions et des épreuves auxquelles ils sont confontés, au cours de leur itinéraire laborieux de transformation dans le Christ; enfin, il suscite, alimente et guide leur prière: "l’Esprit de Dieu vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons que demander pour prier comme il faut, mais l’Esprit lui-même intercède pour nous, en des gémissements ineffables; et Celui qui voit le fond des cœurs sait quels sont les désirs de l’Esprit: Il sait qu’en intervenant pour les fidèles, l’Esprit veut ce que Dieu veut" (Rm 8, 26-27).
Le culte chrétien doit à l’Esprit Saint à la fois son origine et son développement, et c’est dans ce même Esprit qu’il s’accomplit et trouve son achèvement. Ainsi, il convient d’affirmer que, sans la présence de l’Esprit du Christ, il n’existe ni culte liturgique digne de ce nom, ni piété populaire authentique.
79. À la lumière des principes qui viennent d’être exposés, il paraît nécessaire d’affirmer que la piété populaire constitue vraiment un élément du dialogue entre Dieu et l’homme par le Christ et dans l’Esprit Saint. Il ne fait aucun doute qu’elle porte en elle une empreinte trinitaire, nonobstant certaines carences qu’on peut parfois déplorer, comme, par exemple, la confusion entre Dieu le Père et Jésus.
La piété populaire est, de fait, très sensible au mystère de la paternité de Dieu: elle s’émeut face à sa bonté, elle admire sa puissance et sa sagesse; elle se réjouit de la beauté de la création et loue son auteur, le Créateur; elle proclame que Dieu ordonne de faire le bien et félicite ceux qui vivent honnêtement et qui cheminent dans la droiture, tandis qu’elle réprouve le mal et fuit ceux qui s’obstinent à suivre la voie de la haine et de la violence, de l’injustice et du mensonge.
La piété populaire concentre particulièrement son attention sur la figure du Christ, Fils de Dieu et Sauveur de l’homme: elle traduit les sentiments ressentis en présence du mystère de sa naissance, en évoquant l’amour infini qui habite cet Enfant, vrai Dieu et en même temps notre frère, pauvre et persécuté depuis le début de son existence. La piété populaire aime aussi évoquer les nombreuses scènes de la vie publique du Seigneur Jésus, dans la figure du Bon Pasteur qui se porte à la rencontre des publicains et les pécheurs, ou du Thaumaturge qui guérit les malades et secourt les pauvres, ou encore du Maître qui dit la vérité. Surtout, la piété populaire aime contempler les mystères de la Passion du Christ, en tant qu’expression d’un amour sans limites envers les hommes et de solidarité absolue avec leurs souffrances: Jésus trahi et abandonné, flagellé et couronné d’épines, crucifié entre deux criminels, détaché de la croix et déposé en terre, pleuré par ses amis et ses disciples.
La piété populaire considère aussi, dans le mystère de Dieu, la personne du Saint-Esprit. Elle proclame, en effet, que "par l’Esprit Saint" le Fils de Dieu "a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme" et qu’à la naissance de l’Église, l’Esprit Saint fut donné aux Apôtres (cf. Ac 2, 1-3). De même, la piété populaire met en valeur la puissance de l’Esprit Saint et sa présence dans les sacrements de l’Église, en particulier dans celui de la confirmation dont le caractère, tel un sceau, imprime particulièrement l’âme du chrétien. Elle est aussi consciente que c’est "au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit" que débute la célébration de l’Eucharistie, qu’est conféré le baptême et qu’est accordé le pardon des péchés. Enfin, elle sait que c’est en ce même nom des trois Personnes Divines que s’accomplit la prière de la communauté chrétienne et qu’est invoquée la bénédiction divine sur l’homme et toutes les autres créatures.
80. Il convient donc de renforcer chez les fidèles la conscience de la présence de la Très Sainte Trinité, que la piété populaire porte déjà en elle, ne serait-ce qu’en germe. C’est dans ce but que les indications suivantes sont données:
- Il est nécessaire d’éclairer les fidèles au sujet du caractère particulier de la prière chrétienne, qui est adressée au Père, par la médiation du Christ Jésus et dans la puissance de l’Esprit Saint.
- De même, il est nécessaire que les expressions de la piété populaire mettent plus clairement en lumière la personne et l’action de l’Esprit Saint. L’absence d’un "nom" attribué à l’Esprit Saint, de même que l’habitude de ne pas le représenter en employant des images anthropomorphiques ont eu pour conséquence une certaine absence, au moins partielle, de l’Esprit Saint aussi bien au niveau des textes que dans les autres formes d’expression de la piété populaire, sans oublier le rôle que la musique et les gestes du corps peuvent jouer pour manifester la présence de cette personne de la Très Sainte Trinité. Une telle lacune peut être comblée en recourant à l’évangélisation de la piété populaire, au sujet de laquelle le Magistère de l’Église s’est maintes fois prononcé.
- Il est nécessaire aussi que les expressions de la piété populaire mettent en valeur le caractère primordial et fondateur de la Résurrection du Christ. De fait, la proximité du Sauveur envers l’humanité souffrante, qui est traduite d’une manière si intense dans le cadre de la piété populaire, doit toujours être jointe à la réalité future de sa glorification. Une telle attitude est nécessaire pour exposer intégralement le projet de salut de Dieu dans le Christ, et pour percevoir l’unité inséparable du Mystère pascal du Christ. C’est seulement ainsi que peut apparaître le visage authentique de la révélation chrétienne, qui est la réalisation de la victoire de la vie sur la mort dans la célébration de Celui qui "n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants" (Mt 22, 32), c’est-à-dire du Christ, le Vivant, qui était mort et qui, maintenant, vit pour les siècles des siècles (cf. Ap 1, 18) et de l’Esprit Saint "qui est Seigneur et donne la vie".
- Enfin, il est nécessaire que la dévotion à la Passion du Christ conduise les fidèles à une participation pleine et consciente à l’Eucharistie, dans laquelle le corps du Christ offert en sacrifice pour chacun de nous est donné en nourriture (cf. 1 Co 11, 24), et le sang de Jésus versé sur la croix pour la nouvelle et éternelle Alliance et pour la rémission des péchés, est donné comme boisson. Le moment le plus intense et le plus significatif de cette participation se situe dans la célébration du Triduum pascal, qui est le sommet de l’Année liturgique, et dans la célébration dominicale des saints Mystères.
L’Église, communauté cultuelle
81. L’Église, ce "peuple réuni dans l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit", peut être définie comme une communauté cultuelle. De fait, selon la volonté de son Seigneur et Fondateur, les nombreux rites qu’elle célèbre ont pour finalité la gloire de Dieu et la sanctification de l’homme; ceux-ci se rapportent tous, selon des manières différentes et à des degrés divers, à la célébration du Mystère pascal du Christ, et ils contribuent à la réalisation de la volonté de Dieu, qui est de réunir ses enfants dispersés dans l’unité d’un seul peuple.
L’Église, en célébrant les divers rites, annonce l’Évangile du salut et proclame la Mort et la Résurrection du Christ, et elle accomplit ainsi, par ces signes sensibles, son œuvre de salut. Ainsi, dans l’Eucharistie, elle célèbre le mémorial de la bienheureuse Passion, de la glorieuse Résurrection et de l’admirable Ascension du Christ, et, dans les autres sacrements, elle reçoit les autres dons de l’Esprit Saint, qui proviennent de la Croix du Sauveur. L’Église glorifie le Père, avec des psaumes et des hymnes, pour toutes les merveilles qu’il a accomplies dans la Mort et l’Exaltation du Christ, son Fils, et elle le supplie d’accorder le salut à tous les hommes, c’est-à-dire les bienfaits du mystère pascal. Dans les sacramentaux, institués pour venir en aide aux fidèles dans les situations et les nécessités les plus variées, l’Église supplie le Seigneur, afin que toutes leurs activités soient soutenues et illuminées par l’Esprit de Pâques.
82. L’activité cultuelle de l’Église ne se limite pourtant pas à la célébration de la Liturgie. De fait, les disciples du Christ, conformément à l’exemple et à l’enseignement du Maître, prient aussi dans le secret de leur maison (cf. Mt 6, 6). De même, ces derniers participent à des réunions de prières organisées par des hommes et des femmes réputés pour leur grande expérience religieuse, qui ont répondu à certaines attentes spirituelles des fidèles en orientant leur piété vers des aspects particuliers du mystère du Christ. Enfin, les disciples du Christ prient dans des structures, qui sont issues de la conscience collective de la communauté chrétienne d’une manière presqu’anonyme, et dans lesquelles les exigences de la culture populaire se mêlent harmonieusement aux données essentielles du message évangélique.
83. Les vraies formes de la piété populaire sont elles aussi les fruits de l’action de l’Esprit Saint, et elles peuvent être considérées comme des expressions de la piété de l’Église: en effet, elles sont mises en œuvre par des fidèles qui vivent en communion avec l’Église, qui professent sa foi et respectent les normes qui régissent son culte; de plus, un grand nombre d’entre elles ont été explicitement approuvées et recommandées par l’Église elle-même.
84. La piété populaire, en tant qu’expression de la piété de l’Église, est soumise aux lois générales du culte chrétien et à l’autorité pastorale de l’Église, qui exerce par rapport à elle une action de discernement, de reconnaissance de son authenticité, et de rénovation en la mettant en relation avec la Parole révélée, la tradition et la Liturgie elle-même.
De plus, il est toujours nécessaire d’éclairer les expressions de la piété populaire en recourant au "principe ecclésiologique" du culte chrétien. L’application de ce principe, au niveau de la piété populaire, a pour effet:
- de se faire une conception plus adéquate des rapports entre l’Église particulière et l’Église universelle. La piété populaire a tendance, en effet, à concentrer son attention sur les valeurs et les centres d’intérêt locaux et immédiats, et elle risque alors de se fermer aux valeurs universelles et à la réflexion ecclésiologique.
- de réintégrer la vénération de la bienheureuse Vierge Marie, des Anges, des Saints et des Bienheureux, ainsi que les prières pour les défunts dans le domaine très large de la Communion des Saints et dans le cadre des rapports réciproques entre l’Église du ciel et l’Église encore en pèlerinage sur cette terre.
- de comprendre d’une manière à la fois correcte et féconde les relations entre les ministères et les charismes; de fait, les premiers sont nécessaires à l’expression du culte liturgique, tandis que les seconds sont souvent présents dans les manifestations de la piété populaire.
Sacerdoce commun et piété populaire
85. Les sacrements de l’initiation chrétienne introduisent le fidèle dans l’Église, peuple prophétique, sacerdotal et royal, à qui il appartient de rendre à Dieu le culte en esprit et en vérité (cf Jn 4, 23). Le fidèle exerce donc ce sacerdoce par le Christ et dans l’Esprit Saint, non seulement dans le cadre de la Liturgie, et spécialement au cours de la célébration de l’Eucharistie, mais aussi par de nombreuses autres expressions de la vie chrétienne, dont celles qui font partie des manifestations de la piété populaire. De fait, l’Esprit Saint lui confère la capacité d’offrir à Dieu des sacrifices de louange, d’élever vers lui des prières et des supplications, et, en premier lieu, de faire de sa propre vie un "sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu" (Rm 12, 1; cf. He 12, 28).
86. En se basant sur ce sacerdoce commun des fidèles, la piété populaire aide ces derniers à persévérer dans la prière et la louange de Dieu le Père, à rendre témoignage au Christ (cf. Ac 2, 42-47) et, en soutenant leur vigilance dans l’attente de sa venue dans la gloire, elle rend raison de l’espérance de la vie éternelle (cf. 1 P 3, 15). De plus, tout en conservant des éléments spécifiques appartenant à un contexte culturel particulier, la piété populaire exprime les valeurs ecclésiales qui caractérisent, selon des manières différentes et à des degrés divers, tout ce qui naît et se développe à l’intérieur du Corps mystique du Christ.
Parole de Dieu et piété populaire
87. La Parole de Dieu, contenue dans la Sainte Écriture, gardée et proposée par le Magistère de l’Église, et célébrée dans la Liturgie, constitue un élément privilégié et irremplaçable de l’action de l’Esprit Saint dans la vie cultuelle des fidèles.
Puisque l’écoute de la Parole de Dieu permet à l’Église de s’édifier et de croître, le peuple chrétien doit acquérir une grande familiarité avec la Sainte Écriture et s’imprégner de son esprit, afin de pouvoir traduire, d’une manière adéquate et conforme à la foi, les sentiments de piété et de dévotion qui jaillissent au contact de Dieu qui sauve, regénère et sanctifie.
La piété populaire trouve dans la Sainte Écriture une source inépuisable d’inspiration, des modèles de prière inégalables et des propositions de thèmes particulièrement fécondes. En outre, la référence constante à la Sainte Écriture constitue à la fois une référence et un critère pour ceux qui ont la charge de tempérer l’exhubérance avec laquelle le sentiment religieux populaire se manifeste en de nombreux cas, donnant lieu à des expressions ambiguës et par conséquent inadéquates de la piété populaire.
88. Toutefois "la prière doit aller de pair avec la lecture de la Sainte Écriture, pour que s’établisse le dialogue entre Dieu et l’homme; c’est pourquoi il convient de prévoir, en principe, dans les diverses formes de la piété populaire, l’insertion de textes de l’Écriture Sainte, opportunément choisis et correctement commentés.
89. Pour atteindre ce but, on prendra modèle sur les célébrations liturgiques, qui comportent, comme éléments constitutifs, des textes de la Sainte Écriture présentés selon des modes différents en fonction des divers types de célébrations. Toutefois, puisqu’une diversité légitime de projets et de présentations est laissée aux différentes expressions de la piété populaire, il n’est sans doute pas nécessaire de leur appliquer les mêmes dispositions que celles qui sont prévues, en ce qui concerne la proclamation de la Parole de Dieu, dans les rites qui font partie de la Liturgie.
On peut affirmer que, dans les tous les cas, le modèle offert par la Liturgie constitue, pour la piété populaire, une sorte de sauvegarde, qui lui permet de maintenir une échelle correcte des valeurs, dont fait partie, en premier lieu, l’attitude consistant à écouter avec attention Dieu qui parle. De même, ce modèle permet à la fois de découvrir l’harmonie existant entre l’Ancien et le Nouveau Testament, et d’interpréter l’un des deux à la lumière de l’autre; de plus, en tirant parti d’une expérience séculaire, ce même modèle apporte des solutions qui ont pour objet, d’une part, une actualisation appropriée du message biblique, et, d’autre part, la mise en valeur d’un critère valide permettant d’évaluer l’authenticité de la prière.
En ce qui concerne le choix des textes, il est souhaitable de recourir à de brefs passages, facilement mémorisables, incisifs et faciles à comprendre, même s’ils sont difficiles à mettre en pratique. Il est vrai aussi que quelques exercices de piété comme la Via Crucis et le Rosaire facilitent une meilleure compréhension de la Sainte Écriture: de fait, l’assimilation par la mémoire de ces gestes et de ces prières permettent de se souvenir plus facilement des épisodes évangéliques se rapportant à la vie de Jésus.
Piété populaire et révélations privées
90. Depuis toujours et en tous lieux, la religion populaire s’est intéressée aux phénomènes et aux faits extraordinaires, qui sont souvent liés à des révélations privées. Celles-ci concernent particulièrement la piété mariale, du fait des "apparitions" et de leurs "messages" respectifs, même si elles débordent ce cadre. À ce propos, il convient de rappeler ce que déclare le Catéchisme de l’Église Catholique: "Au fil des siècles il y a eu des révélations dites "privées" dont certaines ont été reconnues par l’autorité de l’Église. Elles n’appartiennent cependant pas au dépôt de la foi. Leur rôle n’est pas d’ "améliorer" ou de "compléter" la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire. Guidé par le Magistère de l’Église, le sens des fidèles sait discerner et accueillir ce qui dans ces révélations constitue un appel authentique du Christ ou de ses saints à l’Église" (n. 67).
Inculturation et piété populaire
91. La piété populaire est naturellement marquée par le contexte historique et culturel dans lequel elle se développe. Ce caractère particulier se traduit par la variété de ses expressions, qui ont prospéré et se sont affermies dans les diverses Églises particulières tout au long des siècles, et qui constituent autant de signes d’un véritable enracinement de la foi dans des peuples particuliers et de son intégration dans la vie quotidienne des fidèles. De fait, "la religiosité populaire est la forme première et fondamentale d’ "inculturation" de la foi; tout en se conformant sans cesse aux orientations de la Liturgie, elle est appelée à son tour à illuminer la foi à partir du cœur". La piété populaire résulte donc de la rencontre entre le dynamisme novateur du message de l’Évangile et les diverses composantes d’une culture particulière.
92. Le processus d’adaptation ou d’inculturation d’un pieux exercice ne devrait pas présenter de difficultés particulières dans le domaine du langage, dans celui des expressions musicales et artistiques, et en ce qui concerne les gestes et les attitudes corporelles qui doivent être adoptés. Il est vrai que, d’une part, les pieux exercices ne touchent pas des aspects essentiels de la vie sacramentelle, et que, d’autre part, ils sont très souvent d’origine populaire, c’est-à-dire que, venant du peuple, ils ont été formulés par ce dernier dans son propre langage avant d’être assumés par la foi catholique.
Toutefois, le fait que les pieux exercices et les pratiques de dévotion se réfèrent à l’expression des sentiments populaires, ne signifie pas pour autant qu’il faille les considérer sous un angle purement sujectif. Étant sauve la compétence particulière de l’Ordinaire du lieu et des Supérieurs Majeurs - s’il s’agit de dévotions liées à des Ordres religieux -, il convient que la Conférence des Évêques se prononce à propos des pieux exercices qui intéressent l’ensemble d’une nation ou une partie importante du territoire.
Une attention soutenue et un grand discernement sont donc nécessaires afin d’empêcher que ne s’insinuent dans les pieux exercices, par le biais des différentes formes de langages, des concepts contraires à la foi chrétienne, ou que ne soient introduites des expressions cultuelles viciées par le syncrétisme.
Il est nécessaire, en particulier, que le pieux exercice, qui fait l’objet d’un processus d’adaptation ou d’inculturation, conserve son identité profonde et sa physionomie propre. Cela requiert de maintenir très explicitement les références à son origine historique, ainsi que les éléments doctrinaux et culturels qui le caractérisent.
En ce qui concerne la question particulière de l’adoption de certaines formes de la piété populaire dans le processus d’inculturation de la Liturgie, il faut se conformer à l’Instruction qui a été promulguée par le Dicastère sur ce sujet.
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ORIENTATIONS
EN VUE DE L’HARMONISATION DE LA PIÉTÉ POPULAIRE
AVEC LA LITURGIE
Avant-propos
93. Dans l’intention d’aider ceux qui doivent appliquer les principes qui viennent d’être exposés dans l’action pastorale concrète, il a paru souhaitable de présenter certaines orientations sur le rapport nécessaire entre la piété populaire et la Liturgie, en vue de susciter une vie pastorale à la fois harmonieuse et profitable aux fidèles. Cette présentation des exercices et des pratiques de piété les plus répandus ne prétend donc pas être exhaustive, et elle ignore en particulier ceux qui ont un caractère local. Étant donné qu’il est difficile de tracer des limites rigoureuses entre des domaines qui ont tant d’affinités, les orientations en question seront émaillées çà et là de certaines indications concernant plus particulièrement la pastorale liturgique.
La présentation des exercices et des pratiques de piété est répartie en quatre chapitres:
- Le quatrième concerne l’Année liturgique avec l’intention de réaliser au mieux une harmonisation de ses célébrations avec les manifestations de la piété populaire;
- le cinquième a trait à la vénération de la sainte Mère du Seigneur, qui occupe une place particulière aussi bien dans le domaine de la sainte Liturgie que dans celui de la piété populaire;
- Le sixième est sur le culte des Saints et des Bienheureux, qui occupe aussi un espace important dans la Liturgie et dans la dévotion des fidèles;
- Le septième concerne la prière pour les défunts, qui fait appel aux différentes expressions de la vie cultuelle de l’Église;
- Le huitième regarde enfin les sanctuaires et les pèlerinages, qui sont des lieux significatifs et des expressions caractéristiques de la piété populaire comportant de nombreuses implications dans le domaine liturgique.
Puisqu’il se réfère à des pieux exercices de nature et de caractère différents, qui sont destinés à être appliqués dans des situations très diverses, le texte formule des propositions en respectant constamment un certain nombre de présupposés fondamentaux: la supériorité de la Liturgie sur les autres expressions cultuelles; la dignité et la légitimité de la piété populaire; la nécessité pastorale d’éviter toute forme d’opposition entre la Liturgie et la piété populaire, ou au contraire la confusion entre ces deux domaines, ce qui donnerait lieu à ces célébrations de caractère hybride.
ANNÉE LITURGIQUE ET PIÉTÉ POPULAIRE
94. L’Année liturgique est la structure temporelle à l’intérieur de laquelle l’Église célèbre l’ensemble des mystères du Christ: "de l’Incarnation et la Nativité jusqu’à l’Ascension, jusqu’au jour de la Pentecôte, et jusqu’à l’attente de la bienheureuse espérance et de l’avènement du Seigneur".
Au cours de l’Année Liturgique "la célébration du mystère pascal constitue l’essentiel du culte chrétien dans son déploiement quotidien, hebdomadaire et annuel". Il s’ensuit que, dans le cadre des relations entre la Liturgie et la piété populaire, la priorité donnée à la célébration de l’Année liturgique sur toutes les autres formes d’expressions et de pratiques de dévotions, doit être considérée comme un principe fondamental.
Le dimanche
95. Le "jour du Seigneur", en tant que "jour de fête primordial" et "fondement et noyau de toute l’Année liturgique", ne doit pas être subordonné aux manifestations de la piété populaire. Il est évident que les pieux exercices sont célébrés en prenant le dimanche comme point de référence chronologique.
Pour le bien pastoral des fidèles, il est licite de reporter au dimanche "per annum" les célébrations du Seigneur, ou en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie ou des Saints dont la date coïncide avec un jour de semaine, dans la mesure où les fidèles font preuve d’une piété particulière à leur égard et à condition qu’elles aient la primauté sur le dimanche lui-même.
Puisque les traditions populaires et culturelles risquent de prendre le pas sur la célébration du dimanche, ce qui aurait pour effet de nuire à l’esprit chrétien qui caractérise cette dernière, "dans ces cas, il faut parler clairement, dans la catéchèse et des interventions pastorales opportunes, en écartant ce qui est inconciliable avec l’Évangile du Christ. Mais il ne faut pas oublier que de telles traditions - et cela vaut analogiquement pour de nouvelles propositions culturelles de la société civile - ne sont souvent pas dépourvues de valeurs qui s’harmonisent sans difficulté avec les exigences de la foi. Il appartient aux Pasteurs d’opérer un discernement qui sauvegarde les valeurs présentes dans la culture d’un contexte social déterminé, et surtout dans la religiosité populaire, faisant en sorte que la célébration liturgique, notamment celle des dimanches et des fêtes, n’en souffre pas mais en tire plutôt avantage".
Le temps de l’Avent
96. L’Avent est un temps d’attente, de conversion et d’espérance:
- l’attente, qui consiste à faire mémoire de la première et humble venue du Sauveur dans notre chair mortelle; attente aussi de l’ultime et glorieuse venue du Christ, Seigneur de l’histoire et Juge universel;
- la conversion, à laquelle la Liturgie de ce temps invite souvent par la voix des prophètes, spécialement par celle de Jean-Baptiste: "convertissez-vous, parce que le Royaume des cieux est tout proche" (Mt 3, 2);
- l’espérance joyeuse que le salut opéré par le Christ (cf. Rm 8, 24-25) et les fruits de la grâce déjà présents dans le monde parviennent à leur maturité et à leur plénitude, de telle sorte que la promesse soit transformée en possession, la foi en vision, et qu’ainsi "nous lui soyons semblables parce que nous le verrons tel qu’il est". (1 Jn 3, 2).
97. Le temps liturgique de l’Avent transparaît volontiers dans les formes de la piété populaire, spécialement lorsqu’il s’agit de faire mémoire de la préparation de la venue du Messie. La longue attente qui a précédé la naissance du Sauveur est solidement ancrée dans la conscience du peuple chrétien. Les fidèles savent que Dieu soutenait l’espérance d’Israël dans la venue du Messie au moyen des prophéties.
La piété populaire n’élude pas l’événement extraordinaire de la révélation de ce Dieu de gloire qui s’est fait petit enfant dans le sein d’une vierge, humble et pauvre, mais elle contribue au contraire à en souligner le caractère stupéfiant. Les fidèles sont particulièrement sensibles aux difficultés que la Vierge Marie a dû affronter tandis qu’elle attendait la naissance de son fils, et ils s’émeuvent à la pensée qu’il n’y avait plus de place dans la salle commune pour Joseph et Marie, qui s’apprêtait à donner le jour à son fils premier-né (cf. Lc 2, 7).
L’Avent donne lieu à des expressions variées de la piété populaire, qui soutiennent la foi du peuple et transmettent de génération en génération un certain nombre de valeurs, qui font partie de ce temps liturgique.
La Couronne de l’Avent
98. La disposition de quatre cierges sur une couronne constituée de rameaux toujours verts, qui est en usage spécialement dans les pays germaniques et en Amérique du Nord, est devenue le symbole de l’Avent dans les maisons des chrétiens.
La couronne de l’Avent, qui consiste à allumer successivement, d’un dimanche à l’autre, les quatre cierges, jusqu’à Noël, contribue à raviver la mémoire des différentes étapes de l’histoire du salut antérieure au Christ, et elle symbolise la lumière des prophéties qui tout au long de l’histoire illuminèrent la nuit de l’attente du peuple de Dieu, jusqu’à l’apparition du Soleil de justice (cf. Ml 3, 20; Lc, 1, 78).
Les processions de l’Avent
99. Durant le temps de l’Avent, différentes sortes de processions sont organisées traditionnellement dans diverses régions; elles illustrent tantôt l’annonce de la prochaine naissance du Sauveur, en parcourant les rues de la ville (ainsi, la "chiara stella" de certaines contrées d’Italie), tantôt l’évocation du chemin accompli par Joseph et Marie vers Bethléem, et leur recherche d’un lieu hospitalier prêt à accueillir la naissance de Jésus (le "posadas" de la tradition hispanique et latino-américaine).
Les "Quatre-Temps d’hiver"
100. Dans l’hémisphère nord, le temps de l’Avent est marqué par la célébration des "Quatre-Temps d’hiver". Ceux-ci signalent à la fois l’entrée dans une saison nouvelle et aussi une suspension des activités dans certains secteurs de la société. La piété populaire est très attentive au déroulement du cycle vital de la nature: tandis que se célèbrent les "Quatre-temps d’hiver", la semence est enfouie dans le sol en attendant que, par sa lumière et sa chaleur, le soleil la fasse germer, en reprenant son cycle à partir du solstice d’hiver.
Dans les régions où la piété populaire a suscité des formes de célébrations s’inspirant du changement des saisons, il faudra les conserver et les valoriser pour qu’elles constituent vraiment des moments privilégiés de supplications adressées au Seigneur, et qu’elles permettent aux fidèles de réfléchir sur les différents sens du travail humain: la collaboration de l’homme à l’œuvre créatrice de Dieu, l’autoréalisation de la personne, le service du bien commun et l’actualisation du projet de la rédemption.
La Vierge Marie dans le temps de l’Avent
101. Durant le temps de l’Avent, la Liturgie célèbre fréquemment et d’une manière particulière la bienheureuse Vierge Marie: elle évoque certaines femmes de l’Ancien Testament, qui furent les figures annonciatrices de sa mission; elle exalte l’attitude de foi et d’humilité dont Marie de Nazareth fit preuve en adhérant totalement et avec empressement au plan de salut de Dieu; enfin, elle met en évidence sa présence dans les événements de grâce qui précédèrent la naissance du Sauveur. Durant le temps de l’Avent, la piété populaire prête aussi une attention particulière à la Sainte Vierge Marie, comme l’atteste incontestablement la variété considérable des pieux exercices, parmi lesquels il convient de citer avant tout la neuvaine de préparation à la solennité de l’Immaculée Conception et celle qui précède la Nativité du Seigneur.
Il reste que la valorisation de l’Avent, qui est "un moment particulièrement adapté au culte de la Mère du Seigneur" ne signifie pas pour autant que ce temps liturgique doive être présenté comme un "mois de Marie".
Dans les calendriers liturgiques de l’Orient chrétien, la période de préparation au mystère de la manifestation (Avent) du salut divin (Téophanie) dans les mystères de la Nativité-Épiphanie du Fils unique de Dieu le Père apparaît comme un temps éminemment marial. L’attention se concentre sur la préparation à la venue du Seigneur dans le mystère de la maternité divine. Pour l’Orient, tous les mystères qui se rapportent à la Vierge Marie sont des mystères christologiques, c’est-à-dire qu’ils se réfèrent au mystère de notre salut dans le Christ. Ainsi, dans le rite copte, on chante, durant cette période, les louanges de Marie dans les Theotokia; dans l’Orient syrien, ce temps est appelé Subbara, c’est-à-dire Annonciation pour souligner son caractère marial. Dans le rite byzantin, la préparation de Noël est marquée par une série croissante de fêtes mariales et de refrains chantés en l’honneur de la Vierge Marie.
102. La solennité de l’Immaculée Conception (8 décembre), profondément ancrée dans la vie spirituelle des fidèles, donne lieu à de multiples manifestations de la piété populaire, dont la principale est la Neuvaine de préparation à cette solennité. Il ne fait aucun doute que le contenu de la fête de la Conception pure et sans tâche de Marie, en tant que préparation prochaine à la naissance de Jésus, s’harmonise bien avec quelques thèmes primordiaux de l’Avent: comme la Liturgie de l’Avent, la solennité de l’Immaculée Conception évoque aussi la longue attente messianique, et elle fait référence aux prophéties et aux symboles de l’Ancien Testament.
Dans les lieux où la Neuvaine préparatoire à la solennité de l’Immaculée Conception est célébrée, il faudra mettre en lumière les textes prophétiques qui, en partant de la prophétie de Genèse 3, 15 aboutissent au salut de Gabriel à celle qui est "comblée de grâce" (lc 1, 28) et à l’annonce de la naissance du Sauveur (cf. Lc 1, 31-33).
À l’approche de Noël, les fidèles du continent américain célèbrent Notre-Dame de Guadalupe, le 12 décembre, en accompagnant cette fête de multiples manifestations populaires. Par cette célébration, ils se préparent donc à bien accueillir le Sauveur: Marie "unie intimement à la naissance de l’Église en Amérique, fut l’Étoile radieuse qui illumina l’annonce du Christ Sauveur aux fils de ces peuples".
La Neuvaine de Noël
103. La Neuvaine de préparation à Noël a pour origine le besoin de communiquer aux fidèles les richesses d’une Liturgie à laquelle ils n’avaient pas facilement accès. La Neuvaine de la Nativité s’est, de fait, révélée très utile, et elle peut encore continuer à remplir cette fonction salutaire. Toutefois, étant donné qu’à notre époque l’accès du peuple à la participation aux célébrations liturgiques a été facilité, il est souhaitable qu’entre le 17 et le 23 décembre, les fidèles soient invités à participer aux Vêpres, qui sont solennisées par la proclamation des "Grandes Antiennes O". Une telle célébration pourrait être associée à certains éléments particulièrement chers à la piété populaire, qui pourraient être mis en valeur avant ou après les vêpres. Elle constituerait ainsi une excellente "Neuvaine de Noël" à la fois pleinement liturgique et attentive aux exigences de la piété populaire. Au cours de la célébration des Vêpres, il est possible de mettre en évidence certains éléments déjà prévus par la Liturgie (par exemple, l’homélie, l’usage de l’encens, l’adaptation des intercessions).
La Crèche
104. Outre les représentations de la crèche de Béthléem, qui existent depuis les premiers siècles dans les églises, la coutume s’est répandue, à partir du XIII siècle, d’installer de petites crèches dans les maisons, en prenant exemple sur celle qui, en 1223, avait été aménagée à Greccio par saint François d’Assise. Leur préparation - à laquelle les enfants sont tout particulièrement associés - permet de rendre présent le mystère de Noël auprès des différents membres de la famille, qui, parfois, se recueillent pour un moment de prière ou pour lire les passages de l’Écriture Sainte, qui concernent la naissance de Jésus.
La piété populaire et l’esprit de l’Avent
105. La piété populaire, du fait de sa compréhension intuitive du mystère chrétien, peut contribuer efficacement à sauvegarder certaines valeurs présentes dans le temps liturgique de l’Avent, qui sont menacées par les mœurs actuelles de la société de consommation; en effet, de nos jours, la préparation de Noël se réduit à l’organisation d’une "opération commerciale", qui est faite de multiples propositions vides de sens.
La piété populaire permet, en revanche, de mieux comprendre que la célébration de la Nativité du Seigneur va de pair avec un climat de sobriété et de joie simple, et qu’elle implique aussi une attitude de solidarité envers les pauvres et les exclus; de plus, l’attente de la naissance du Sauveur rend les fidèles plus sensibles à la valeur de la vie, c’est-à-dire au devoir de respecter cette dernière et de la protéger depuis la conception. Enfin, la piété populaire permet de percevoir qu’il n’est pas possible de célébrer d’une manière convenable la naissance de celui "qui sauvera son peuple de ses péchés" (Mt 1, 21) sans consentir un effort pour renoncer au péché, en vivant dans l’attente vigilante de Celui qui reviendra à la fin des temps.
Le temps de Noël
106. Durant le temps de Noël, l’Église célèbre le mystère de la manifestation du Seigneur: son humble naissance à Béthléem, annoncée aux bergers, qui constitue les prémices de cet Israël qui est appelé à accueillir le Sauveur; l’Épiphanie des Mages "venus d’Orient" (Mt 2, 1), figures de tous ces païens qui, dans le nouveau-né Jésus, reconnaîtront et adoreront le Christ Messie; la théophanie du Jourdain, où Jésus est désigné par le Père comme son "fils bien-aimé" (Mt 3, 17) et qui marque publiquement le début de son ministère messianique; enfin, le miracle accompli à Cana par lequel Jésus "manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui" (Jn 2, 11).
107. La période de Noël comprend, en plus des célébrations qui expriment la signification primordiale de ce temps liturgique, un certain nombre d’autres célébrations qui ont un rapport étroit avec le mystère de la manifestation du Seigneur: le martyre des Saints Innocents (28 décembre), dont le sang fut versé à cause de la haine des hommes contre Jésus, et aussi à cause du refus d’Hérode de reconnaître sa seigneurie; la mémoire du Saint Nom de Jésus, le 3 janvier; la fête de la Sainte Famille (dimanche dans l’octave de Noël), qui permet d’évoquer cette famille, dans laquelle "Jésus croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes" (Lc 2, 52); la solennité du 1 janvier, qui est la mémoire importante de la maternité divine, virginale et salvifique de Marie; et, même si elle est située hors du temps liturgique de Noël, la fête de la Présentation du Seigneur (2 février), qui est la célébration de la rencontre du Messie avec son peuple, représenté par Siméon et Anne, durant laquelle est évoquée la prophétie messianique de Siméon.
108. La piété populaire se fait l’écho, à travers des expressions qui lui sont propres, d’une grande partie du mystère riche et complexe de la manifestation du Seigneur. Elle est particulièrement attentive aux événements de l’enfance du Sauveur, par lesquels celui-ci a manifesté son amour pour nous. De fait, la piété populaire évoque d’une manière intuitive:
- la valeur de la "spiritualité du don de soi", qui est propre à Noël: "un enfant nous est né, un fils nous a été donné" (cf. Is 9, 5), un don qui est l’expression de l’amour infini de Dieu, qui "a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique" (Jn 3, 16);
- le message de solidarité qui est apporté par l’événement de Noël: solidarité avec l’homme pécheur, manifestée en Jésus, qui est Dieu fait homme "pour nous et pour notre salut"; solidarité avec les pauvres, puisque le Fils de Dieu "de riche qu’il était s’est fait pauvre" pour nous enrichir "par sa pauvreté" (2 Co 8, 9);
- Le caractère sacré de la vie et l’événement merveilleux qui s’accomplit à chaque fois qu’une femme donne naissance à un enfant, parce que par l’enfantement de Marie, le Verbe de Vie est venu parmi les hommes et s’est donc rendu visible à nos yeux (cf. Jn 1, 2).
- Les valeurs de la joie et de la paix messianique, auxquelles aspirent profondément les hommes de notre temps: les Anges annoncent aux bergers la naissance du Sauveur du monde, le "Prince de la paix" (Is 9, 5), et expriment leurs souhaits de "paix sur la terre aux hommes que Dieu aime" (Lc 2, 14);
- l’atmosphère de simplicité et de pauvreté, d’humilité et de confiance en Dieu, qui entoure la naissance de l’enfant Jésus.
Grâce à sa compréhension intuitive des valeurs propres au mystère de Noël, la piété populaire est appelée à défendre la mémoire de la manifestation du Seigneur, de telle sorte que la forte tradition religieuse liée à cette solennité ne devienne pas une cible pour les opérations mercantiles de la société consommation, et qu’elle ne subisse pas les tentatives d’infiltration du néopaganisme.
La Nuit de Noël
109. Entre les premières Vêpres de Noël et la célébration de la Messe de minuit, les nombreuses expressions de la piété populaire, diverses selon les pays, comprennent en particulier la tradition des chants de Noël, qui contribuent à transmettre le message de joie et de paix propre à cette solennité. Or, il est opportun de valoriser ces différentes expressions et, le cas échéant, de les harmoniser avec les célébrations de la Liturgie. Il convient de citer, par exemple:
- la représentation des "crèches vivantes"; l’inauguration de la crèche familiale qui peut donner lieu à un moment de prière réunissant tous les membres de la famille. Cette prière peut comporter la lecture du récit de la naissance de Jésus dans l’Évangile selon Saint Luc, avec des chants typiques de Noël, auxquels se mêlent la supplication et la louange; il convient que ce moment de prière soit surtout animé par les enfants, qui sont les principaux participants de cette rencontre familiale;
- l’inauguration de l’arbre de Noël, qui se prête bien à l’organisation d’un moment de prière réunissant toute la famille. De fait, en faisant abstraction de ses origines historiques, l’arbre de Noël est devenu à notre époque un symbole dont la signification est très importante et cette coutume s’est répandue assez largement dans les milieux chrétiens; il évoque soit l’arbre de vie planté au centre du jardin d’Éden (cf. Gn 2, 9), soit l’arbre de la croix, et il a donc un sens christologique: le Christ, le vrai arbre de vie, est de notre lignée; cet arbre toujours vert et portant de nombreux fruits a surgi de Marie, comme d’une terre à la fois vierge et féconde. Les évangélisateurs des pays nordiques ont introduit une ornementation chrétienne de l’arbre de Noël, où figurent surtout des symboles évoquant des pommes et des hosties, qui sont suspendues à ses branches. Il ne faut pas non plus oublier les "cadeaux"; parmi ceux qui sont déposés aux pieds de l’arbre de Noël, certains sont destinés aux pauvres, qui doivent faire partie intégrante de toute famille chrétienne;
- le repas du soir de Noël. La famille chrétienne qui, chaque jour, selon la tradition, demande au Seigneur de bénir la table et rend grâce à Dieu pour la nourriture qu’elle reçoit de lui, accomplira ce geste avec une intensité particulière et une grande attention au cours de ce repas du soir de Noël, au cours duquel se manifestent la solidité des liens familiaux ainsi que la joie qui en découle.
110. L’Église souhaite que, la nuit du 24 décembre, les fidèles participent si possible à l’Office des lectures comme préparation immédiate à la célébration de la Messe de minuit. Lorsque l’Office des lectures n’est pas célébré, il convient d’organiser une veillée qui, en s’inspirant de cet Office, peut être composée de chants, de lectures et d’autres éléments de la piété populaire.
111. Durant la Messe de minuit, dont la signification liturgique, particulièrement intense, exerce une grande influence sur le peuple, il est possible de mettre en valeur les éléments suivants:
- au début de la Messe, le chant de l’annonce de la naissance du Seigneur, selon la formule du Martyrologe Romain;
- la prière des fidèles devra avoir un caractère vraiment universel dans le choix des intentions et, si cela s’avère possible et opportun, par l’emploi de diverses langues; à l’offertoire, la présentation des dons comportera toujours un élément qui évoquera ceux qui vivent dans des situations marquées par la pauvreté.
- à la fin de la célébration, il sera possible de proposer aux fidèles de venir embrasser une image ou une statue représentant l’Enfant Jésus, avant de la déposer dans la crèche, qui doit être elle-même située dans l’église ou dans l’une de ses annexes.
La fête de la Sainte Famille
112. La fête de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph (le dimanche dans l’octave de la Nativité) offre aux familles chrétiennes des possibilités très amples pour accomplir certains rites, ou pour organiser des moments de prières adaptés à cette célébration liturgique.
L’évocation de Joseph, de Marie et de l’Enfant Jésus qui se rendent à Jérusalem, comme toute famille juive fidèle à la Loi, en vue d’accomplir les rites de la Pâque (cf. Lc 2, 41-42), favorisera l’accueil de la proposition pastorale consistant à encourager tous les membres de la famille à participer ensemble, en ce jour, à la célébration de l’Eucharistie. De même, cette fête constitue un cadre très approprié pour le renouvellement de la consécration des différents membres de la famille à la Sainte Famille de Nazareth, ainsi que la bénédiction des enfants, prévue dans le Rituel, et, si l’occasion se présente, le renouvellement des engagements des époux, devenus des parents, prononcés le jour de leur mariage, de même que l’échange des promesses par lesquelles des fiancés rendent public leur projet de fonder une nouvelle famille.
Toutefois, en dehors du jour même de cette fête, les fidèles se confient volontiers à la Sainte Famille de Nazareth dans de nombreuses circonstances de leur vie: ainsi, beaucoup font partie de l’Association de la Sainte Famille dans le but de mieux conformer la vie de leur propre famille au modèle de la Famille de Nazareth; de même, nombreux sont les fidèles qui adressent de fréquentes prières à la Sainte Famille pour se placer sous sa protection et demander son aide à l’heure de la mort.
La fête des Saints Innocents
113. Le 28 décembre, l’Église célèbre, depuis le VI siècle, la mémoire des enfants victimes de la fureur aveugle d’Hérode, qui désirait tuer Jésus (cf. Mt 2, 16-17). La tradition liturgique les appelle les "Saints Innocents" et elle les considère comme des martyrs. Tout au long des siècles, l’art, la poésie et la piété populaire ont exprimé les sentiments de tendresse et de sympathie des fidèles envers ce "tendre troupeau d’agneaux immolés"; de tels sentiments ont toujours été accompagnés d’un mouvement d’indignation due à la violence avec laquelle ces enfants ont été arrachés des bras de leurs mères d’avant d’être assassinés.
De nos jours les enfants subissent ancore d’innombrables formes de violence, qui attentent à leur vie et constituent des attaques contre leur dignité, leur vie morale et leur droit de recevoir une éducation digne de ce nom. Il faut toujours avoir présent à l’esprit la foule innombrable des enfants vivant encore dans le sein de leurs mères et qui sont tués avant même de voir le jour, à cause des lois qui autorisent l’avortement, ce crime abominable. Attentive aux problèmes concrets, la piété populaire a suscité, en de nombreux endroits, des initiatives d’ordre cultuel mettant en valeur le respect du caractère sacré de la vie, ainsi que des gestes de charité dans des domaines aussi divers que l’assistance aux mères qui attendent un enfant, l’adoption des enfants et le développement de leur instruction.
Le 31 décembre
114. Quelques pieux exercices, qui marquent la date du 31 décembre, ont la piété populaire pour origine. Dans la plus grande partie des pays occidentaux ce jour coïncide avec la fin de l’année civile. Cette fête conduit les fidèles à méditer sur le "mystère du temps" qui passe à la fois rapidement et inexorablement. Cette réflexion suscite en eux les deux réactions suivantes: tout d’abord, un sentiment mêlé de repentir et de regret pour les fautes qui ont été commises, et pour toutes les occasions de vivre dans la grâce de Dieu, qui ont été perdues durant l’année qui s’achève; ensuite, le désir de remercier Dieu pour tous les bienfaits reçus de lui.
Cette double attitude a donné naissance respectivement à deux pieux exercices: d’une part, l’exposition prolongée du Saint-Sacrement qui permet aux communautés religieuses et aux fidèles de bénéficier de longs moments de prière, surtout silencieuse; d’autre part, le chant du Te Deum, qui exprime la louange et l’action de grâces des fidèles pour tous les bienfaits obtenus de Dieu durant l’année qui va s’achever.
Dans certains lieux, surtout dans les communautés monastiques et dans les associations de laïcs, dont la spiritualité accorde une place importante à la dévotion eucharistique, la nuit du 31 décembre est marquée par une veillée de prières, qui s’achève par la célébration de la Sainte Messe. Il convient d’encourager l’organisation de telles veillées; toutefois, celles-ci doivent être célébrées en tenant compte des éléments liturgiques de l’Octave de Noël; de plus, elles doivent être conçues non seulement comme un acte de réparation tout à fait juste face à l’insouciance et à la débauche, qui marquent le passage d’une année à l’autre, mais encore comme une veillée offerte au Seigneur pour les prémices du nouvel an.
La solennité de la sainte Mère de Dieu
115. Le 1 janvier, dans l’Octave de Noël, l’Église célèbre la solennité de la bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu. La maternité divine et virginale de Marie constitue un événement unique dans l’ordre du salut: de fait, pour la Vierge Marie, elle fut la promesse et la cause de sa gloire extraordinaire, et elle est pour nous la source de toutes les grâces et du salut, puisque Marie est "celle qui nous permit d’accueillir l’Auteur de la vie".
La solennité du 1 janvier, qui est éminemment mariale, offre un espace particulièrement adapté pour une rencontre fructueuse entre la Liturgie et les expressions de la piété populaire: d’un côté, la Liturgie de la solennité doit être célébrée selon les formes qui lui sont propres; la piété populaire des fidèles, pour sa part, et à condition qu’elle soit éduquée, donne souvent lieu à des expressions de louanges et de remerciements adressés à la Vierge Marie pour le don de son divin Fils, et elle contribue ainsi à approfondir le contenu de nombreuses formules de prières, à commencer par celle-ci, qui est particulièrement appréciée des fidèles: "Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs".
116. En Occident le 1 janvier marque le commencement de l’année civile. Les fidèles, qui sont immergés eux aussi dans l’atmosphère festive si caractéristique du début de l’année, échangent avec tous ceux qu’ils rencontrent les vœux de "bonne année". Toutefois, tout en respectant cette coutume, ils doivent être capables de lui donner une nouvelle dimension en insistant sur sa signification chrétienne et ils peuvent même en faire un acte de piété religieuse. En effet, les fidèles savent que la "nouvelle année" est placée sous le pouvoir souverain du Christ et c’est pourquoi, en échangeant les vœux du nouvel an, ils confient ce dernier, d’une manière plus ou moins explicite, au Seigneur tout-puissant, à qui appartiennent les jours et les siècles pour l’éternité (cf. Ap 1, 8; 22, 13).
Cette volonté des fidèles de conférer au nouvel an une dimension pleinement chrétienne se traduit dans la coutume très répandue de chanter le Veni, creator Spiritus, en ce jour du 1 janvier, pour demander à l’Esprit Saint d’inspirer, tout au long de l’année, les pensées et les actions de chaque fidèle et des communautés chrétiennes.
117. L’un des principaux vœux de nouvel an, que se souhaitent mutuellement les hommes et les femmes, est celui de la paix. Ce "vœu de la paix" a de profondes racines bibliques et christologiques, qui se rapportent spécialement au mystère de la Nativité. Les hommes de tous les temps ont évoqué unanimement le "bien de la paix", tout en n’hésitant pas à le remettre en cause fréquemment d’une manière violente et destructrice, qui a pour nom: la guerre.
Depuis 1967, le Siège Apostolique, qui a toujours montré sa solidarité avec les aspirations profondes des peuples, a décidé de célébrer, à la date 1 janvier, la "Journée mondiale de la paix".
La piété populaire n’est pas demeurée insensible à cette initiative du Siège Apostolique; c’est pourquoi, dans le contexte de la naissance du Prince de la paix, elle a fait de ce jour un moment intense de prières pour la paix, et d’éducation à la paix et aux valeurs qui lui sont indissolublement liées, parmi lesquelles il convient de citer notamment la liberté, la solidarité et l’esprit fraternel, la dignité de la personne humaine, le respect de la nature, le droit au travail, et le caractère sacré de la vie, ce qui incite les chrétiens à dénoncer les situations marquées par l’injustice, qui ont pour effet de troubler les consciences et de menacer la paix.
La solennité de l’Épiphanie du Seigneur
118. Le contenu très riche de la solennité de l’Épiphanie, dont l’origine remonte aux premiers siècles, a inspiré le développement de multiples traditions et de nombreuses expressions authentiques de la piété populaire. Parmi ces dernières, il convient de citer:
- l’annonce solennelle de la fête de Pâques et des principales fêtes de l’année; il est opportun de favoriser son rétablissement, qui est déjà notable en divers endroits, car elle aide les fidèles à mieux comprendre le lien existant entre l’Épiphanie et Pâques, ainsi que l’orientation de toutes les fêtes vers la solennité chrétienne la plus importante;
- L’échange des "cadeaux de l’Épiphanie"; cette tradition s’inspire du récit évangélique relatant les dons offerts par les Mages à l’enfant Jésus (cf. Mt 2, 11) et, plus profondément, elle évoque le don fait par le Père à l’humanité tout entière en la personne de l’Emmanuel, qui est né parmi nous (cf. Is 7, 14; 9, 6; Mt 1, 23). Toutefois, il est souhaitable que cet échange de cadeaux, à l’occasion de l’Épiphanie, conserve son caractère religieux en reliant cette tradition à l’évocation du récit évangélique: une telle référence explicite contribuera à faire de ces cadeaux un geste de piété chrétienne, et elle les détournera de certaines influences caractérisées par le luxe, le faste et le gaspillage, qui sont étrangères à l’origine de cette tradition;
- La bénédiction des maisons, sur les portes desquelles les fidèles ont placé la croix du Seigneur, le chiffre de l’année qui commence et les initiales des noms traditionnels des saints Mages (C+M+B), qui sont aussi celles de l’expression: "Christus mansionem benedicat", écrites avec de la craie bénite. Ces gestes, qui sont accomplis en présence de nombreux enfants accompagnés par les adultes, expriment le désir des fidèles de recevoir la bénédiction du Christ par l’intercession des saints Mages, et ils sont aussi l’occasion de recueillir des offrandes en faveur des œuvres caritatives et missionnaires;
- Les gestes de solidarité en faveur des hommes et des femmes qui, à l’exemple des Mages, proviennent de pays lointains. Ainsi, la piété populaire suscite chez les fidèles cette attitude d’accueil cordial et de solidarité concrète à l’égard de tous hommes, qu’ils soient chrétiens ou non.
- l’aide consentie à l’évangélisation des peuples. Au niveau de la piété populaire, la connotation missionnaire très forte de l’Épiphanie s’est traduite par la multiplication d’initiatives en faveur des missions, spécialement celles qui sont liées à "l’Œuvre missionnaire de la Sainte Enfance" instituée par le Siège Apostolique;
- La désignation de Saints Patrons. La coutume existe, dans de nombreuses communautés religieuses et confréries, d’assigner à chacun de leurs membres, un Saint, sous le patronage duquel il sera placé durant toute l’année.
La fête du Baptême du Seigneur
119. Les mystères du Baptême de Jésus et de la manifestation de sa mission, lors des noces de Cana, sont étroitement liés à l’événement salvifique de l’Épiphanie du Seigneur.
La fête du Baptême du Seigneur, dont l’importance a été soulignée à une époque récente, clôt le Temps de Noël; cela explique sans doute pourquoi elle ne donne pas lieu à des expressions particulières de la piété populaire. Elle peut néanmoins aider les fidèles à mieux prendre conscience de la signification du baptême et, en particulier, de leur propre naissance à la vie divine comme enfants de Dieu; il est donc recommandé de promouvoir les initiatives suivantes: l’emploi du Rite de l’aspersion d’eau bénite à toutes les messes de ce dimanche, qui se célèbrent avec le concours du peuple; l’évocation des thèmes et des symboles relatifs au baptême, au cours de l’homélie et dans l’enseignement catéchétique.
La fête de la Présentation du Seigneur
120. Jusqu’en 1969, la fête du 2 février, qui est ancienne et d’origine orientale, portait en Occident le nom de "purification de la bienheureuse Vierge Marie", et elle concluait, en ce quarantième jour après la Nativité du Seigneur, le temps liturgique de Noël.
Cette fête a toujours eu un grand retentissement auprès des fidèles; en effet:
- ils participent volontiers à la procession qui évoque l’entrée de Jésus dans le Temple, et en premier lieu la rencontre du Fils avec Dieu le Père, dans la demeure duquel il pénètre pour la première fois, ainsi que sa rencontre avec Siméon et Anne. En Occident, cette procession, dont le caractère pénitentiel s’était substitué à l’immoralité des défilés païens, fut marquée par l’introduction du rite liturgique de la bénédiction des cierges, allumés en l’honneur du Christ "lumière pour éclairer les nations" (Lc 2, 32);
- ils se montrent sensibles au geste accompli par la Vierge Marie, qui présente son Fils dans le Temple et, qui, en obéissant à la Loi de Moïse, se soumet au rite de la purification. La piété populaire a mis en valeur cet épisode de la purification en le présentant comme un témoignage de l’humilité de la Vierge Marie; c’est pourquoi le 2 février fut souvent considéré comme la fête de ceux qui accomplissent d’humbles services dans l’Église.
121. La piété populaire est sensible à l’événement, à la fois délibéré et mystérieux, de la conception et de la naissance d’une vie nouvelle. Les mères chrétiennes, en particulier, établissent sans peine une relation entre, d’une part, la maternité de la Vierge Marie, qui est la toute pure et la mère du Corps mystique, et, d’autre part, leur propre maternité, tout en étant conscientes de certaines différences importantes dues au caractère unique de la conception et de l’enfantement de Marie: de fait, leur maternité s’inscrit aussi dans le plan de Dieu et elles ont enfanté les futurs membres de ce même Corps mystique. Cette intuition des mères chrétiennes, ainsi que leur désir d’imiter le geste accompli par Marie (cf. Lc 2, 22-24), ont inspiré le rite des relevailles, dont quelques éléments reflétaient une vision négative de certains aspects de l’accouchement.
Le Rituale Romanum rénové prévoit la bénédiction d’une mère, soit avant, soit après l’enfantement; il faut toutefois noter que la bénédiction postérieure à l’accouchement ne peut être donnée que dans le cas où la nouvelle mère n’a pas pu être présente à la cérémonie du baptême de son enfant.
Il est néanmoins très important que les mères et leurs proches parents, en demandant de telles bénédictions, se conforment aux intentions de la prière de l’Église, c’est-à-dire qu’elles aient lieu dans une communion de foi et de charité, et dans la prière, afin que l’attente de l’enfant s’effectue dans la joie (bénédiction avant l’enfantement) et avec le désir de rendre grâces à Dieu pour le don reçu de lui (bénédiction après l’enfantement).
122. Dans certaines Églises locales, le 2 février est devenu la fête de ceux qui se consacrent au service du Seigneur et de leurs frères dans les diverses formes de la vie consacrée; cette signification particulière provient de la valorisation de certains éléments du récit évangélique de la fête de la Présentation du Seigneur (Lc 2, 22-40), comme, par exemple, l’obéissance de Joseph et de Marie à la Loi du Seigneur, la pauvreté de ces saints époux et la virginité de la Mère de Jésus.
123. La célébration du 2 février doit conserver son caractère populaire, tout en se conformant pleinement au sens authentique de la fête. Il ne serait donc pas juste qu’en célébrant la Présentation du Seigneur, la piété populaire obscurcisse le sens christologique de cette fête, en insistant presqu’exclusivement sur ses aspects mariologiques. Le fait qu’elle doive "être considérée [...] comme une mémoire conjuguée du Fils et de la Mère" ne peut avoir pour conséquence de favoriser une telle inversion de perspective. Ainsi, le cierge béni, conservé dans les maisons, doit être pour les fidèles le signe du Christ "lumière du monde", et donc un moyen d’exprimer leur foi.
Le Temps du Carême
124. Le Carême est le temps liturgique qui précède Pâques et prépare les fidèles à célébrer cette solennité. C’est un temps d’écoute attentive de la Parole de Dieu et de conversion, de préparation ou de rappel du baptême, de réconciliation avec Dieu et avec les frères, et une occasion de recourir plus fréquemment aux "diverses armes de la pénitence chrétienne": la prière, le jeûne et l’aumône (cf. Mt 6, 1-6. 16-18).
Faute d’avoir pu percevoir facilement les grands mystères de la foi exprimés par le Carême, les expressions de la piété populaire répercutent peu les valeurs et les thèmes principaux de ce temps liturgique: il convient de citer, en particulier, le rapport entre le "signe des quarante jours" et les sacrements de l’initiation chrétienne, ainsi que le mystère de "l’exode" qui est présent tout au long de l’itinéraire du Carême. En revanche, la tendance constante de la piété populaire à évoquer les mystères de l’humanité du Christ, a incité les fidèles à concentrer leur attention sur la Passion et la Mort du Seigneur.
125. Dans le Rite romain, le début des quarante jours de pénitence est marqué par le signe austère des cendres, qui caractérise la Liturgie du Mercredi des Cendres. Ce signe a pour origine le rite antique au cours duquel les pécheurs convertis se soumettaient à la pénitence canonique; de fait, le geste qui consiste à se couvrir de cendres signifie la reconnaissance de la fragilité et de la condition mortelle de l’homme, qui ressent le besoin de se tourner vers la miséricorde de Dieu pour obtenir de lui le salut. Ainsi, loin de le réduire à un geste purement extérieur, l’Église a voulu le conserver pour exprimer cette attitude de pénitence, à laquelle chaque baptisé est appelé durant l’itinéraire du Carême. Il est donc nécessaire d’aider les nombreux fidèles, qui viennent recevoir les cendres, à comprendre le sens profond de ce geste, destiné à ouvrir leurs cœurs à la conversion et au renouveau pascal.
En dépit de la sécularisation de la société contemporaine, il faut expliquer clairement au peuple chrétien que le Carême est un temps privilégié, qui vise à orienter les âmes des fidèles vers les seules réalités qui comptent vraiment. Cette attitude comporte l’engagement à suivre l’Évangile et à lui conformer sa propre vie, ce qui se traduit par l’accomplissement de bonnes œuvres, qui prennent la double forme d’un renoncement à tout ce qui est superflu et luxueux, et de gestes de solidarité envers les pauvres et tous ceux qui souffrent.
Les fidèles qui ne s’approchent que rarement des sacrements de la Pénitence et de l’Eucharistie savent bien que le temps du Carême et de Pâques est lié au commandement de l’Église, issu d’une longue tradition, qui leur impose de confesser au moins une fois par an leurs propres péchés mortels et de recevoir la Sainte Communion, de préférence durant le temps pascal.
126. Les approches différentes de la Liturgie et de la piété populaire concernant le Carême ne doivent pas constituer un obstacle pour considérer le temps des "Quarante jours" comme un moment propice permettant d’établir des relations étroites et fécondes entre ces deux aspects du culte chrétien.
À titre d’exemple destiné à illustrer cette interaction, la piété populaire privilégie des jours et des pieux exercices bien précis, ainsi que des activités apostoliques et caritatives déterminées, que la Liturgie de Carême elle-même prévoit et recommande. La pratique du jeûne, qui caractérise ce temps liturgique depuis les premiers siècles de l’Église, est un "exercice" qui libère volontairement des désirs liés à la vie sur cette terre; il permet donc de redécouvrir la nécessité d’aspirer à la vie qui vient du ciel: "ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu" (cf. Dt 8, 3; Mt 4, 4; Lc 4, 4; antienne de la communion du premier Dimanche de Carême).
La vénération de Jésus crucifié
127. La fin de l’itinéraire du Carême coïncide avec le commencement du Triduum pascal, c’est-à-dire exactement à partir de la célébration de la Messe in Cena Domini. Durant le Triduum pascal, le Vendredi Saint, dédié à la célébration de la Passion du Seigneur, est le jour par excellence de "l’Adoration de la sainte Croix".
Toutefois, la piété populaire aime anticiper la vénération cultuelle de la Croix. De fait, durant tout le temps du Carême, la piété des fidèles s’oriente volontiers vers le mystère de la croix chaque vendredi qui, selon une très antique tradition chrétienne, est le jour consacré à la célébration de la mémoire de la Passion du Christ.
Les fidèles, en contemplant le Sauveur crucifié, saisissent plus facilement la signification de la souffrance illimitée et injuste que Jésus, le Saint et l’Innocent, a subi pour le salut de l’homme, et ils mesurent aussi beaucoup mieux la valeur unique et incomparable de l’amour du Christ qui a manifesté sa proximité à l’égard de chaque homme, ainsi que l’efficacité de son sacrifice rédempteur.
128. Les expressions de dévotion envers le Christ crucifié, qui sont nombreuses et variées, ont une importance particulière dans les églises dédiées au mystère de la Croix, ou dans lesquelles sont vénérées des reliques, considérées comme authentiques, du lignum Crucis. Il est vrai que la "découverte de la sainte Croix", qui remonte selon la tradition à la première moitié du IV siècle, et qui fut suivie de la diffusion de parcelles très vénérées de cette même Croix dans le monde entier, suscita un développement notable du culte de la Croix.
Les manifestations de dévotion, adressées au Christ crucifié, comprennent les éléments habituels de la piété populaire, c’est-à-dire des chants et des prières, ainsi que des gestes comme, par exemple, l’ostension de la croix, sa vénération par un baiser, et aussi la procession et la bénédiction avec la croix. Tous ces éléments s’insérent de manières diverses dans le culte adressé au Christ crucifié, donnant lieu à un certain nombre de pieux exercices, estimables à la fois pour la valeur de leur contenu et de leur forme.
Il reste que la piété envers la Croix a toujours besoin d’être éclairée. Il faut donc montrer aux fidèles que la Croix se réfère avant tout à l’évènement de la Résurrection: la Croix et le tombeau vide, la Mort et la Résurrection du Christ sont inséparables dans le récit évangélique et dans le plan de salut de Dieu. La foi chrétienne proclame que la Croix est l’expression tangible du triomphe du Christ sur le pouvoir des ténèbres; c’est pourquoi elle est souvent représentée couverte de pierres précieuses, et elle est devenue un signe de bénédiction quand elle est tracée sur soi-même ou sur d’autres personnes, et sur des objets.
129. Les fidèles ont volontiers mis en évidence certains aspects de la Passion du Christ, qui sont devenus autant de dévotions particulières. Cette attitude s’explique par la tendance, qui est propre à la piété populaire, de spécifier et de différencier les divers éléments du texte évangélique, qui, en l’occurrence, présente lui-même les différents épisodes du récit de la Passion d’une manière détaillée. Parmi ces dévotions liées à la Passion du Christ, on peut citer: celle qui s’adresse à l’ "Ecce Homo", au Christ méprisé et torturé, "portant la couronne d’épines et le manteau de pourpre" (Jn 19, 5), que Pilate présente au peuple; la dévotion aux saintes plaies du Seigneur, en particulier celle qui s’adresse à la blessure de son Cœur transpercé, et au sang jailli de ce Cœur et qui donne la vie; l’évocation des instruments de la Passion, parmi lesquels la colonne de la flagellation, l’escalier du prétoire, la couronne d’épines, les clous, la lance qui transperça le côté du Christ, de même que le saint suaire et le linceul de l’ensevelissement.
Ces diverses expressions de la piété populaire, qui ont été promues dans certains cas par des personnes réputées pour leur sainteté, sont légitimes. Toutefois, afin d’éviter un morcellement excessif dans la contemplation de l’unique mystère de la Croix, il convient de souligner le caractère complexe de l’événement de la Passion en se basant sur la tradition biblique et patristique.
La lecture de la Passion du Seigneur
130. L’Église exhorte les fidèles à la lecture fréquente, individuelle et communautaire, de la Parole de Dieu. Il ne fait aucun doute que, dans l’ensemble de la Bible, les passages, qui narrent la Passion du Seigneur, ont une valeur pastorale particulière, puisque, par exemple, l’Ordo unctionis infirmorum eorumque pastoralis curae suggère de lire, au moment de l’agonie du chrétien, le récit tout entier, ou du moins quelques extraits, de cette Passion.
Durant le temps du Carême, les communautés chrétiennes marqueront leur attachement au Christ crucifié en témoignant leur prédilection pour la lecture de la Passion du Seigneur, surtout le mercredi et le vendredi.
Une telle lecture, d’une grande portée doctrinale, attire l’attention des fidèles sur le contenu même du récit ou sur sa disposition générale, et elle suscite en eux des sentiments de piété authentique, parmi lesquels il convient de citer: le regret des fautes commises, qui provient de leur perception que le Christ est mort pour la rémission des péchés de tout le genre humain, et donc aussi de leurs propres péchés; la compassion et la solidarité envers l’Innocent injustement persécuté; le sentiment de gratitude envers Jésus pour l’amour infini dont, durant sa Passion, ce Frère aîné a fait preuve envers tous les hommes; l’engagement à suivre les exemples de douceur, de patience, de miséricorde, de pardon des offenses et d’abandon confiant entre les mains du Père, donnés par Jésus d’une manière à la fois abondante et efficace durant sa Passion.
Lorsqu’elle est lue en dehors de la célébration liturgique proprement dite, la Passion pourra être opportunément "dramatisée" en faisant appel à divers lecteurs correspondant aux différents personnages, et en intercalant entre les différentes parties du récit des chants et des moments de méditation silencieuse.
La "Via Crucis"
131. Parmi les pieux exercices destinés à vénérer la Passion du Seigneur, peu sont aussi estimés par les fidèles que la Via Crucis. Ce pieux exercice leur permet de revivre avec une attention particulière cette ultime étape du chemin parcouru par Jésus durant sa vie terrestre: depuis le Mont des Oliviers, où dans "le domaine appelé Gethsémani" (mc 14, 32), le Seigneur "fut saisi par l’angoisse" (Lc 22, 44), jusqu’au Mont du Calvaire où il fut crucifié entre deux bandits (cf. Lc 23, 33), et au jardin où il fut déposé dans un sépulcre neuf, creusé dans le roc (cf. Jn 19, 40-42).
Le témoignage de l’attachement des fidèles chrétiens envers ce pieux exercice est perceptible dans les innombrables Via Crucis qui sont érigées aussi bien dans les églises, les sanctuaires et les cloîtres, qu’à l’extérieur, dans la campagne ou sur les pentes des collines, qui sont autant de lieux auxquels les diverses stations confèrent une physionomie particulière.
132. La Via Crucis peut être considérée comme la synthèse d’un certain nombre de dévotions qui remontent au Moyen Âge: le pèlerinage en Terre Sainte, durant lequel les fidèles se rendent sur les lieux même de la Passion du Seigneur; l’évocation des "chutes du Christ" sous le poids de la Croix et celle du "chemin de croix douloureux du Christ", qui est marqué par une procession accomplie d’église en église en mémoire des étapes parcourues par le Christ durant sa Passion; la dévotion aux "stations du Christ", qui se réfèrent aux différents endroits où le Christ fut contraint de s’arrêter au long du chemin qui le conduisait au Calvaire, soit à cause de l’attitude de ses bourreaux, soit du fait de l’épuisement de ses forces physiques, ou encore, parce qu’il manifestait son amour envers les hommes et les femmes, qui assistaient à sa Passion, en s’efforçant d’établir un dialogue avec eux.
Dans sa forme actuelle, déjà attestée dans la première moitié du XVII siècle, la Via Crucis est constituée de quatorze stations; cette dévotion, qui fut surtout diffusée par saint Leonardo da Porto Maurizio († 1751), est approuvée par le Saint-Siège et enrichie d’indulgences.
133. La Via Crucis est un chemin tracé par l’Esprit Saint, ce feu divin qui brûlait dans le Cœur du Christ (cf. Lc 12, 49-50) et le poussait à marcher vers le Calvaire; elle est aussi un chemin vénéré par l’Église, qui a conservé le souvenir très vif des paroles et des événements qui ont marqué les derniers jours de son Époux et Seigneur.
De plus, des expressions très variées, qui caractérisent la spiritualité chrétienne, sont présentes dans le pieux exercice de la Via Crucis: ainsi, la conception de la vie en tant que chemin ou pèlerinage à accomplir, ou comme un passage, à travers le mystère de la Croix, de l’exil de cette terre vers la patrie céleste; le désir de s’unir profondément à la Passion du Christ; les exigences de la sequela Christi, qui, pour le disciple, consiste à marcher derrière le Maître, en portant chaque jour sa propre croix (cf. Lc 9, 23).
Toutes ces raisons permettent d’afirmer que la Via Crucis est un exercice de piété particulièrement adapté durant le temps du Carême.
134. Les orientations suivantes sont destinées à accomplir le pieux exercice de la Via Crucis d’une manière frutueuse:
- La forme traditionnelle de la Via Crucis, avec ses quatorze stations, doit être considérée comme la forme ordinaire et typique de ce pieux exercice; toutefois, en certaines occasions, il peut être permis de remplacer l’une ou l’autre des "stations" par d’autres, qui évoquent certains épisodes du récit évangélique de ce chemin douloureux accompli par le Christ, et qui ne font pas partie de la forme traditionnelle.
- Il existe aussi d’autres formes de la Via Crucis, qui sont, soit approuvées par le Siège Apostolique, soit employées publiquement par le Pontife Romain: celles-ci peuvent être employées selon l’opportunité.
- La Via Crucis est un pieux exercice qui évoque la Passion du Christ; toutefois, il est opportun que sa conclusion permette aux fidèles d’ouvrir leur cœur à l’attente, pleine de foi et d’espérance, de la résurrection; c’est pourquoi, en prenant exemple sur la station à l’Anastasis à la fin de la Via Crucis à Jérusalem, il est possible de conclure le pieux exercice en évoquant la résurrection du Seigneur.
135. Les textes de la Via Crucis sont innombrables. Ils ont été composés par des pasteurs convaincus des fruits spirituels de ce pieux exercice, auquel ils ont manifesté un sincère attachement; ces textes ont aussi parfois pour auteurs de pieux fidèles laïcs, que leur sainteté, leur doctrine ou leurs dons d’écrivains ont rendu célèbres.
Le choix du texte de la Via Crucis, tout en prenant en considération les indications éventuelles des Évêques, devra être opéré en tenant compte à la fois de la condition de ceux qui participent à ce pieux exercice, et du principe pastoral consistant à associer d’une manière convenable la continuité et l’innovation. Il reste que, dans tous les cas, le choix devra toujours se porter de préférence sur les textes, qui contiennent des citations bibliques judicieusement choisies, et qui sont écrits dans un langage à la fois noble et simple.
Le fait d’accomplir la Via Crucis d’une manière sage et équilibrée en alternant les textes lus, le silence, les chants, la procession entre les stations et les arrêts permettant la méditation, permet à ce pieux exercice de porter tous ses fruits spirituels.
La "Via Matris"
136. L’union du Christ crucifié et de la Vierge des douleurs dans le projet de salut de Dieu (cf. Lc 2, 34-35) a pour effet de les associer dans la Liturgie et la piété populaire.
Tout comme le Christ est "l’homme des douleurs" (Is 53, 3), par lequel il a plu à Dieu "de tout réconcilier par lui et pour lui, sur la terre et dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix" (Col 1, 20), Marie est aussi la "femme douloureuse", que Dieu a voulu associer à son Fils comme une mère unie à sa Passion (socia passionis).
Dès l’enfance du Christ et jusqu’à sa mort, la vie de la Vierge Marie fut associée au rejet que subissait son Fils, et elle fut donc marquée tout entière par le signe de l’épée, annoncée par Siméon (cf. Lc 2, 35). La piété du peuple chrétien a donc distingué dans cette vie douloureuse de la Mère, sept épisodes principaux, auxquels elle a donné le nom des "sept douleurs" de la Vierge Marie.
Le pieux exercice de la Via Matris dolorosa, ou plus simplement de la Via matris, s’est formé sur le modèle de la Via Crucis, et il fut approuvé par le Saint-Siège. Des ébauches de la Via Matris existent depuis le XVI siècle, mais la forme actuelle de ce pieux exercice ne remonte pas au-delà du XIX siècle. L’intuition fondamentale de la Via Matrix est de présenter la vie entière de la Vierge, depuis l’annonce prophétique de Siméon (cf. Lc 2, 34-35) jusqu’à la mort et la sépulture de son Fils, comme un chemin de foi et de souffrances: il s’agit d’un chemin marqué par sept "stations", qui correspondent aux "sept douleurs" de la Mère du Seigneur.
137. Le pieux exercice de la Via Matris s’harmonise bien avec certains thèmes propres à l’itinéraire du Carême. De fait, étant donné que les souffrances de la Vierge Marie ont été causées par le rejet du Christ de la part des hommes, il est inévitable que la Via Matris fasse constamment référence au mystère du Christ en tant que serviteur souffrant du Seigneur (cf. Is 52, 13 - 53, 12), et rejeté par son peuple (cf. Jn 1, 11; Lc 2, 1-7; 2, 34-35; 4, 28-29; Mt 26, 47-56; Ac 12, 1-5). De plus, ce pieux exercice renvoie aussi au mystère de l’Église: les stations de la Via Matris constituent, en effet, les étapes de ce chemin de foi et de souffrances, sur lequel la Vierge Marie a précédé l’Église, et que cette dernière devra suivre jusqu’à la consommation des siècles.
La "Piétà", qui est un thème inépuisable de l’art chrétien depuis le Moyen Âge, peut être considérée comme l’expression majeure de la Via Matris.
La Semaine Sainte
138. "Pendant la Semaine Sainte, l’Église célèbre les mystères du salut accomplis par le Christ les derniers jours de sa vie terreste, à partir de son entrée messianique à Jérusalem".
L’implication du peuple chrétien dans les rites de la Semaine Sainte est très forte; le rôle de la piété populaire dans leur formation est donc tellement importante que certains d’entre eux conservent des traces de leur origine. Toutefois, au cours des siècles, les rites de la Semaine Sainte se sont progressivement présentés sous la forme de deux cycles parallèles: l’un de nature strictement liturgique, et l’autre marqué par un certain nombre de pieux exercices, en particulier des processions.
Une telle différence devrait contribuer à la qualité de l’harmonisation entre les célébrations liturgiques et les pieux exercices. En effet, il est certain que, durant la Semaine Sainte, l’attention particulière manifestée par le peuple envers des pieux exercices, auxquels il est traditionnellement attaché, devrait conduire les fidèles à mieux apprécier les actions liturgiques, grâce à l’apport spécifique des actes de la piété populaire.
Les palmes et les rameaux d’olivier ou d’autres arbres
139. "La Semaine Sainte commence avec le "Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur", qui unit le présage du triomphe du Christ Roi et l’annonce de sa Passion".
La procession qui commémore l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem revêt un caractère festif et populaire. Les fidèles aiment conserver chez eux, ou dans les endroits où ils travaillent, les palmes, ou bien les rameaux d’olivier ou d’autres arbres, qui ont été bénits et portés durant la procession.
Toutefois, il est nécessaire que les fidèles soient correctement instruits au sujet de la véritable signification de cette célébration, afin qu’ils en saisissent toute sa portée. Par exemple, il conviendra de leur redire que le plus important est de participer à la procession elle-même, et qu’il ne suffit donc pas de se procurer la palme ou le rameau d’olivier; de plus, ceux-ci ne doivent pas être conservés en guise d’amulettes, ou dans le seul but d’obtenir une guérison, ou bien encore dans le but d’éloigner les esprits mauvais, c’est-à-dire de protéger les maisons et les champs des dommages que ces esprits pourraient leur causer; de telles attitudes relèveraient sans doute de la superstition.
La palme et le rameau d’olivier doivent avant tout être conservés comme un témoignage de la foi dans le Christ, le roi messianique, et dans sa victoire pascale.
Le Triduum pascal
140. Chaque année, "durant le très saint Triduum de la crucifixion, de l’ensevelissement et de la résurrection du Christ" ou Triduum pascal, qui se situe entre la Messe de la Cène du Seigneur du soir du Jeudi Saint et les Vêpres du Dimanche de la Résurrection, l’Église célèbre, "uni au Christ, son Époux dans une intime communion" les grands mystères de la Rédemption de l’humanité.
La visite au reposoir
141. La piété populaire est particulièrement sensible à l’adoration du Saint-Sacrement, qui suit la célébration de la Messe de la Cène du Seigneur. À la faveur d’un développement historique, dont les diverses phases n’ont pas encore été totalement clarifiées, le lieu du reposoir, où est placé le Saint-Sacrement,a été considéré de plus en plus comme une évocation du "saint-sépulcre"; de fait, les fidèles y venaient en grand nombre pour vénérer le corps de Jésus, qui, après avoir été détaché de la Croix, avait été déposé dans le tombeau, où il devait demeurer durant Quarante heures.
Il est nécessaire d’éclairer les fidèles sur la vraie signification du reposoir: ce geste de déposer le Saint-Sacrement au reposoir, qui doit être accompli avec une austère solennité, est accompli essentiellement dans le but de conserver le Corps du Seigneur en vue de la communion des fidèles, durant l’Action liturgique du Vendredi Saint, ainsi que pour la communion en Viatique des malades; il est aussi une invitation à une adoration silencieuse et prolongée de l’incomparable Sacrement qui a été institué en ce jour.
Il conviendra donc que le lieu du reposoir ne soit pas qualifié de "sépulcre", et il faudra veiller, au moment de sa préparation, à ne pas lui donner l’aspect d’une sépulture: le tabernacle, en particulier, ne doit pas avoir la forme d’un sépulcre ou d’une urne funéraire. Ainsi, le Saint-Sacrement devra être conservé dans un tabernacle fermé, et il ne sera donc jamais exposé dans un ostensoire.
En cette nuit du Jeudi Saint, après minuit, l’adoration se fait sans solennité, puisque le jour de la Passion du Seigneur a déjà commencé.
La procession du Vendredi Saint
142. Le Vendredi Saint, l’Église célèbre la Mort rédemptrice du Christ. Durant la Liturgie de l’après-midi, elle médite donc sur la Passion de son Seigneur, elle intercède pour le salut du monde, elle adore la Croix et elle évoque sa propre origine, en se souvenant qu’elle est issue du Cœur transpercé du Sauveur (cf. Jn 19, 34).
Parmi les manifestations de la piété populaire du Vendredi Saint, outre la Via Crucis, la procession évoquant la "mort du Christ" tient une grande place. Cette dernière représente, avec les accents propres de la piété populaire, le petit groupe des amis et des disciples de Jésus qui, après avoir détaché son corps de la Croix, le portèrent jusqu’au lieu où se trouvait le "sépulcre taillé dans le roc, où personne encore n’avait été déposé" (Lc 23, 53).
L’atmosphère particulière de la procession évoquant la "mort du Christ", qui est caractérisée par l’austérité, le silence et la prière, permet aux nombreux fidèles, qui y participent, de mieux percevoir les diverses significations du mystère de la sépulture de Jésus.
143. Il est nécessaire que de telles manifestations de la piété populaire, tant du point du choix de l’horaire que de la manière de rassembler les fidèles, n’apparaissent pas aux yeux de ces derniers comme des éléments qui viendraient remplacer les célébrations liturgiques du Vendredi Saint.
Dans le projet pastoral du Vendredi Saint, il faudra donc veiller à accorder la première place à la Liturgie solennelle qui doit être célébrée, tout en la mettant particulièrement en valeur; il sera donc nécessaire de montrer aux fidèles qu’aucun pieux exercice ne peut être préféré à cette célébration et se substituer à elle.
Enfin, pour éviter de se trouver en présence de célébrations hybrides, la procession évoquant la "mort du Christ" ne doit pas être insérée dans le cadre solennel de la Liturgie du Vendredi Saint.
La représentation de la Passion du Christ
144. En de nombreux pays, la Semaine Sainte, et surtout le Vendredi Saint, donnent lieu à des représentations de la Passion du Christ. Il s’agit souvent de véritables "représentations sacrées", qu’il est possible de considérer, à bon droit, comme des pieux exercices. De fait, de telles représentations sacrées s’enracinent dans la Liturgie elle-même. Certaines d’entre elles qui, sont nées, pour ainsi dire, dans les sanctuaires monastiques, en suivant un processus de dramatisation progressive, sont parvenues sur les parvis des églises.
En de nombreux endroits, la préparation et l’exécution de la représentation de la Passion du Seigneur est confiée à des confréries, dont les membres assument des obligations particulières de vie chrétienne. Durant les représentations, les acteurs et les spectateurs sont unis dans une même manifestation de foi et de piété authentiques. Il est très souhaitable que les représentations sacrées de la Passion du Seigneur demeurent des manifestations, durant lesquelles s’exprime une piété sincère et gratuite, et qu’elles ne soient donc pas dominées par des éléments folkloriques, qui font moins appel à l’esprit religieux qu’à l’intérêt des touristes.
À l’occasion de ces représentations sacrées, les fidèles doivent être instruits de la différence essentielle qui existe entre, d’une part, la "représentation" qui est une répétition commémorative d’une action passée, et, d’autre part, "l’action liturgique", qui est une anamnèse, c’est-à-dire la présence mystérieuse de l’événement unique de la Passion, durant laquelle s’est accomplie la Rédemption de l’humanité.
De même, il faut rejeter toutes les pratiques pénitentielles consistant à se faire clouer sur une croix.
L’évocation de la Vierge des douleurs
145. À cause de son importance doctrinale et pastorale, il est recommandé de ne pas oublier d’évoquer "la mémoire des douleurs de la Bienheureuse Vierge Marie". La piété populaire, en se référant au récit évangélique, a mis en valeur l’association de la Mère à la Passion rédemptrice du Fils (cf. Jn 19, 25-27; Lc 2, 34 s), et elle a donc suscité différents pieux exercices, parmi lesquels il convient de citer:
- Le Planctus Mariae, exprimé dans des œuvres litteraires et musicales illustres, traduit d’une manière particulièrement intense la douleur ressentie par la Vierge Martie, qui pleure non seulement à cause de la mort de son Fils, innocent et saint, son bien le plus cher, mais aussi à cause de l’égarement de son peuple et du péché de l’humanité.
- L’Heure de la "Desolata", durant laquelle les fidèles, avec des expressions de dévotion intense, "tiennent compagnie" à la Mère du Seigneur, demeurée seule, immergée dans une profonde douleur, après la mort de son Fils unique; en contemplant la Pietà, c’est-à-dire la Vierge serrant son Fils mort sur sa poitrine, ils comprennent qu’en la personne de Marie se concentre la douleur de l’univers due à la mort du Christ. De plus, Marie personnifie aussi toutes les mères qui, tout au long de l’histoire, ont pleuré la mort d’un fils. Ce pieux exercice qui, en certains endroits de l’Amérique latine, est appelé El pésame, ne devra pas se limiter à exprimer des sentiments humains face à la douleur d’une mère, mais, dans la foi en la résurrection, il aidera à mieux comprendre la grandeur de l’amour rédempteur du Christ, auquel sa Mère est associée.
146. "Le Samedi Saint, l’Église demeure auprès du tombeau de son Seigneur, méditant la Passion et la Mort du Christ, ainsi que sa descente aux enfers, et elle attend sa Résurrection dans la prière et le jeûne."
La piété populaire ne doit pas demeurer extérieure au caractère particulier du Samedi Saint; c’est pourquoi les coutumes et les traditions de nature festive qui caractérisaient cette journée, à une époque où la célébration anticipée de la Résurrection était prescrite, doivent être réservées à la nuit et au jour de Pâques.
"L’Heure de la Mère"
147. La tradition enseigne que Marie réunit en quelque sorte en sa personne le corps de l’Église tout entière: elle est la "credentium collectio universa". Ainsi, la Vierge Marie qui se tient près du sépulcre de son Fils, selon les diverses représentations de la tradition ecclésiale, est l’icône de l’Église Vierge, qui veille près du tombeau de son Époux, dans l’attente de la célébration de la Résurrection.
Cette intuition d’une telle relation étroite entre Marie et l’Église provient du pieux exercice appelé "l’Heure de la Mère": tandis que le corps du Fils repose dans le sépulcre et que son âme est descendue aux enfers pour annoncer aux ancêtres dans la foi, qui vivent encore dans l’ombre de la mort, leur libération imminente, la Vierge, anticipant et personnifiant l’Église, attend la victoire de son Fils sur la mort en faisant preuve d’une foi inaltérable.
148. Le dimanche de Pâques, qui est la plus grande solennité de l’année liturgique, est marqué lui aussi par un certain nombre de manifestations de la piété populaire: ce sont toutes des expressions cultuelles, qui exaltent la vie nouvelle et la gloire du Christ ressuscité, ainsi que la toute-puissance de Dieu qui jaillit de sa victoire sur le péché et sur la mort.
La rencontre de Jésus Ressuscité avec sa Mère
147. La piété populaire a eu l’intuition de la communion permanente du Fils avec sa Mère, aussi bien dans la douleur et la mort, que dans la joie, à l’heure de la résurrection.
L’affirmation de la Liturgie, selon laquelle Dieu a comblé de joie la Vierge Marie par la résurrection de son Fils, a été traduite et, en quelque sorte, représentée par la piété populaire dans le pieux exercice de la Rencontre de la Mère avec son Fils ressuscité: le matin de Pâques deux processions, la première se formant autour de l’image de la Mère douloureuse, et la seconde autour de celle du Christ ressuscité, vont à la rencontre l’une de l’autre pour signifier que la Vierge fut la première à participer pleinement au mystère de la résurrection de son Fils.
La remarque déjà faite à propos de la procession, qui évoque "la mort du Christ", vaut aussi pour ce pieux exercice: son déroulement ne doit pas revêtir une solennité équivalente, et encore moins supérieure à celle qui caractérise les célébrations liturgiques du dimanche de Pâques, ni donner lieu à des interférences inappropriées entre cette manifestation de la piété populaire et la Liturgie.
La bénédiction de la table familiale
La liturgie pascale est marquée tout entière par la nouveauté: de fait, nouvelle est alors la nature, puisque, dans l’hémisphère nord, la solennité de Pâques coïncide avec le réveil du printemps; nouveaux sont le feu et l’eau; et nouveaux sont les cœurs des chrétiens, renouvelés par le sacrement de Pénitence, et comme cela est de bonne augure, par les sacrements de l’Initiation chrétienne; nouvelle, en quelque sorte, est aussi l’Eucharistie: tous ces éléments et ces signes sensibles évoquent et transmettent la vie nouvelle inaugurée par le Christ dans sa résurrection.
Parmi les pieux exercices qui sont liés à l’événement pascal, il convient de citer la traditionnelle bénédiction des œufs, qui est un symbole de la vie, et la bénédiction de la table familiale; cette dernière est une coutume traditionnelle et quotidienne dans de nombreuses familles chrétiennes, qu’il convient d’encourager; de plus, le jour de Pâques, elle revêt une signification toute particulière: le chef de famille, ou un autre membre de la communauté domestique, bénit le repas de fête en employant l’eau qui a été bénite durant la Vigile pascale, et que les fidèles ont rapportée dans leurs demeures en louant le Seigneur.
Le salut pascal à la Mère du Ressuscité
151. En certains endroits, la fin de la veillée pascale, ou bien celle des deuxièmes Vêpres de Pâques, sont marquées par un pieux exercice d’une courte durée: des fleurs sont présentées pour être bénites, puis elles sont distribuées aux fidèles comme un signe exprimant la joie pascale, enfin l’image de la Vierge douloureuse est vénérée et couronnée, tandis que les participants chantent le Regina caeli. Les fidèles, qui s’étaient associés aux douleurs de la Vierge Marie durant la Passion, manifestent ainsi, en communion avec elle, la joie de la résurrection.
Ce pieux exercice, qui ne doit pas être intercalé dans la Liturgie, reflète les divers aspects du Mystère pascal, et il constitue une preuve supplémentaire de la manière dont la piété populaire perçoit l’association de la Mère à l’œuvre rédemptrice de son Fils.
Le temps pascal
La bénédiction annuelle des familles dans leurs maisons
152. La bénédiction annuelle des familles, qui a lieu à leur domicile, se déroule ordinairement durant le temps pascal, ou à d’autres moments de l’année. Cette visite traditionnelle très appréciée par les fidèles, que les curés et leurs collaborateurs sont vivement invités à accomplir, constitue une occasion très précieuse pour ces derniers de rappeler aux familles chrétiennes la présence constante de la bénédiction de Dieu, et l’invitation à vivre en se conformant au message de l’Évangile; cette démarche a donc pour but d’exhorter les parents et les enfants à conserver et à développer le mystère de la famille en tant qu’ "Église domestique".
La "Via lucis"
153. À une époque récente, un pieux exercice, dénommé Via lucis, s’est répandu dans certaines régions. En prenant modèle sur la Via Crucis, les fidèles, pendant la Via lucis, sont invités à parcourir un itinéraire en considérant successivement les différentes apparitions, qui permirent à Jésus - depuis sa Résurrection jusqu’à son Ascension, et dans la perspective de la Parousie - de manifester sa gloire à ses disciples, en attendant qu’ils reçoivent l’Esprit Saint qu’il leur avait promis (cf. Jn 14, 26; 16, 13-15; Lc 24, 29), de conforter leur foi, de porter à leur accomplissement ses nombreux enseignements sur le Royaume, et, enfin, de définir la structure sacramentelle et hiérarchique de l’Église.
Le pieux exercice de la Via lucis permet aux fidèles d’évoquer l’événement central de la foi - la Résurrection du Christ - et leur condition de disciples, que le sacrement pascal du baptême a fait passer des ténèbres du péché à la lumière de la grâce (cf. Col 1, 13; Ep 5, 8).
Pendant des siècles, la Via Crucis, en permettant aux fidèles de participer à l’événement initial du mystère pascal - la Passion -, a contribué à fixer les divers aspects de son contenu dans la conscience du peuple. À notre époque, d’une manière équivalente, la Via lucis peut permettre de rendre présent auprès des fidèles le second moment si vital de la Pâque du Seigneur, la Résurrection, à condition que ce pieux exercice se déroule dans une grande fidélité par rapport au texte évangélique.
On dit communément: "per crucem ad lucem"; il est vrai que la Via lucis peut en outre devenir une excellente pédagogie de la foi. De fait, la Via lucis, avec la métaphore du chemin à parcourir, permet aux fidèles de mieux comprendre l’itinéraire spirituel, qui part de la constatation de la réalité de la souffrance, qui, selon le dessein de Dieu, ne constitue pas le point d’ancrage définitif de la vie humaine, et aboutit à l’espérance de rejoindre le vrai but poursuivi par chaque homme: la libération, la joie, la paix, qui sont des valeurs essentiellement pascales.
Enfin, dans une société souvent marquée par l’angoisse et le néant, qui caractérisent la "culture de la mort", la Via lucis constitue au contraire un stimulant efficace permettant d’instaurer une "culture de la vie", c’est-à-dire une culture ouverte aux attentes de l’espérance et aux certitudes de la foi.
La dévotion à la divine miséricorde
154. La dévotion à la divine miséricorde, qui est liée à l’octave pascale, s’est propagée à une époque récente, à partir des messages de la religieuse, Sœur Faustine Kowalska, canonisée le 30 avril 2000; elle est centrée sur la personne du Christ, mort et ressuscité, source de l’Esprit Saint, qui pardonne les péchés et transmet la joie du salut. Puisque la Liturgie du "deuxième Dimanche de Pâques ou de la divine miséricorde"- comme il est désormais appelé - constitue le réceptacle naturel où s’exprime l’accueil de la miséricorde du Rédempteur de l’homme, les fidèles doivent donc être éduqués à comprendre une telle dévotion à la lumière des célébrations liturgiques de ces jours de Pâques. En effet, "le Christ de Pâques est l’incarnation définitive de la miséricorde, son signe vivant: signe du salut à la fois historique et eschatologique. Dans le même esprit, la liturgie du temps pascal met sur nos lèvres les paroles du Psaume: "Je chanterai sans fin les miséricordes du Seigneur" (Ps 89 (89), 2).
La neuvaine de la Pentecôte
155. La Sainte Écriture atteste que, durant les neuf jours qui séparent l’Ascension de la Pentecôte, les apôtres "d’un seul cœur participaient fidèlement à la prière, avec quelques femmes, dont Marie, la Mère de Jésus, et avec ses frères" (Ac 1, 14), en attendant d’être "revêtus d’une force venue d’en haut" (Lc 24, 49). Le pieux exercice de la neuvaine de la Pentecôte est donc issu de la réflexion menée dans la prière concernant ce mystère du salut, et il s’est propagé parmi les fidèles.
Toutefois, il est possible de constater qu’une telle "neuvaine" est déjà présente dans le Missel et la Liturgie des Heures, surtout les Vêpres: les textes bibliques et eucologiques font référence, de diverses manières, à l’attente du Paraclet. C’est pourquoi, lorsque cela est possible, la neuvaine de la Pentecôte peut consister dans la célébration solennelle des Vêpres. Dans les lieux où une telle célébration n’est pas possible, il faut faire en sorte que la neuvaine de la Pentecôte respecte les thèmes liturgiques de chacun des jours, qui séparent l’Ascension de la Vigile de la Pentecôte.
Dans certains endroits, ces jours offrent l’occasion de célébrer la semaine de prières pour l’unité des chrétiens.
Le dimanche de la Pentecôte
156. Le temps pascal se conclut, le cinquantième jour, avec le dimanche de la Pentecôte, qui célèbre la venue de l’Esprit Saint sur les Apôtres (cf. Ac 2, 1-4), les débuts de l’Église et le commencement de sa mission dans toutes les langues auprès des divers peuples et nations. Il convient de noter l’importance de la célébration de la Messe de la Vigile, spécialement dans l’église cathédrale et aussi dans les paroisses; de fait, celle-ci revêt le caractère d’une prière intense et persévérante de la communauté chrétienne tout entière, en s’inspirant de l’exemple des apôtres réunis dans une prière unanime avec la Mère du Seigneur.
En exhortant à la prière et à la mission, le mystère de la Pentecôte concerne aussi la piété populaire, car celle-ci "est une démonstration continuelle de la présence active de l’Esprit Saint dans l’Église. C’est lui qui allume dans les cœurs la foi, l’espérance et l’amour, ces vertus suprêmes qui donnent leur valeur à la piété chrétienne. C’est le même Esprit qui ennoblit les formes si variées et si nombreuses par lesquelles s’exprime le message chrétien, en accord avec la culture et les coutumes propres à chaque lieu, à travers tous les siècles".
En employant des formules bien connues, qui proviennent de la célébration de la Pentecôte (Veni, Creator Spiritus, Veni, Sancte Spiritus) ou à l’aide de supplications brèves (Emitte Spiritum tuum et creabuntur...), les fidèles invoquent volontiers l’Esprit Saint, en particulier lorsqu’ils commencent une activité ou un travail, tout comme dans des situations difficiles à vivre. De même, le troisième mystère glorieux du Rosaire est une invitation à méditer la manifestation de l’Esprit Saint, le jour de la Pentecôte. De plus, les fidèles sont coscients d’avoir reçu ce même Esprit Saint, spécialement le jour de leur Confirmation, Esprit de sagesse et de conseil qui les guide dans leur existence, Esprit de force et de lumière qui les aide à prendre des décisions importantes et à supporter les épreuves de la vie. Ils savent que, le jour de leur baptême, leur corps est devenu le temple de l’Esprit Saint, et qu’il doit donc être respecté et honoré, y compris dans la mort, et que, au dernier jour, il ressuscitera par la puissance de l’Esprit Saint.
L’Esprit Saint, tout en ouvrant nos cœurs à la communion avec Dieu dans la prière, nous incite à nous tourner vers notre prochain avec des sentiments authentiques de rencontre, de réconciliation, de témoignage, de désir de justice et de paix, de renouveau moral, de vrai progrès social et d’élan missionnaire. C’est dans cet esprit que, dans certaines communautés, la Pentecôte est célébrée comme " une journée de la souffrance pour les missions".
Le temps ordinaire
La solennité de la Très Sainte Trinité
157. L’Église célèbre la solennité de la Très Sainte Trinité le dimanche après la Pentecôte. À la fin du Moyen Âge, la dévotion croissante des fidèles à l’égard du mystère de Dieu Un et Trine, qui, depuis l’époque carolingienne, avait occupé une place importante dans le domaine de la piété privée et avait donné naissance à diverses expressions de la piété liturgique, incita Jean XXII à étendre, en 1334, la fête de la Trinité à toute l’Église latine. Cette décision eut à son tour une influence déterminante dans l’apparition et le développement de certains pieux exercices.
En ce qui concerne les diverses formes qu’emprunte la piété populaire pour évoquer l’incomparable Trinité, qui est "le mystère central de la foi et de la vie chrétienne", il est sans doute moins important de présenter tel ou tel pieux exercice en particulier, que de souligner à leur propos que toute forme authentique de piété chrétienne doit avoir pour référence incontournable le seul vrai Dieu Un et Trine, c’est-à-dire "le Père tout-puissant et son Fils unique et l’Esprit Saint". Tel est le mystère de Dieu, qui a été révélé dans le Christ et par le Christ. Telle est sa manifestation dans l’histoire du salut. Celle-ci, en effet, n’est autre que "l’histoire de la voie et des moyens par lesquels le Dieu vrai et unique, Père, Fils et Saint-Esprit, se révèle, se réconcilie et s’unit les hommes qui se détournent du péché".
Il existe effectivement un grand nombre de pieux exercices qui ont un aspect et une dimension trinitaire. La plus grande partie d’entre eux débutent avec le signe de la croix, accompagné des paroles: "au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit"; or c’est cette même forme qui est employée lors du baptême des disciples de Jésus (cf. Mt 28, 19), au moment où commence pour chacun d’entre eux une vie de communion intime avec Dieu, en tant que fils du Père, frères du Fils incarné et temples de l’Esprit Saint. D’autres pieux exercices, qui adoptent des formes semblables à celles de l’actuelle Liturgie des Heures, s’ouvrent en rendant "Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit". D’autres encore s’achèvent par la bénédiction donnée au nom des trois Personnes divines. Et il existe aussi de nombreux exercices qui, en s’inspirant du schéma typique de la prière liturgique, sont adressés "au Père par le Christ et dans l’Esprit", et présentent donc des formules doxologiques inspirées des textes liturgiques.
158. Le culte représente le dialogue de Dieu avec l’homme par le Christ et dans l’Esprit Saint; une telle affirmation est déjà présente dans la première partie de ce Directoire. Il est donc nécessaire que l’orientation trinitaire soit aussi un élément constant de la piété populaire. Ainsi, il convient d’aider les fidèles à prendre conscience que les pieux exercices en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie, des Anges et des Saints ont comme finalité ultime le Père, de qui tout procède et vers qui tout conduit; de même que le Fils, le Verbe incarné, mort et ressuscité, unique médiateur (cf. 1 Tm 2, 5), sans lequel il est impossible d’accéder au Père (cf. Jn 14, 6), et enfin l’Esprit Saint, seule source de grâce et de sanctification. Il est important d’écarter le risque d’entretenir l’idée d’une "divinité" qui fasse abstraction des Personnes Divines.
159. Parmi les pieux exercices qui s’adressent directement à Dieu Un et Trine, il est important de mentionner, en plus de la brève doxologie (Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit) et de la doxologie développée (Gloire à Dieu au plus haut des cieux...), le Trisagion biblique (Saint, Saint, Saint), et liturgique (Dieu Saint, Saint Fort, Saint Immortel, aie pitié de nous), très répandu en Orient et dans certains pays, ordres et congrégations de l’Occident.
Le Trisagion liturgique, qui s’inspire d’autres chants composés à partir du Trisagion biblique - comme, par exemple, le Sanctus de la célébration eucharistique, de l’hymne du Te Deum, et des Impropères du rite de l’adoration de la Croix du Vendredi Saint, qui proviennent eux-mêmes de Isaïe 6, 3 et de Apocalypse 4, 8 -, est un pieux exercice durant lequel les participants prient, unis aux puissances angéliques, en glorifiant de façon réitérée le Dieu Saint, Fort et Immortel, avec des expressions de louange tirées de la divine Écriture et de la Liturgie.
La solennité du Corps et du Sang du Seigneur (la Fête-Dieu)
160. Le jeudi qui suit la solennité de la Très Sainte Trinité, l’Église célèbre la solennité du Très Saint Corps et Sang du Seigneur. La Fête-Dieu, étendue à toute l’Église par le pape Urbain IV, en 1264, constitua, d’une part, une réponse de la foi et du culte aux doctrines hérétiques concernant le mystère de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, et, d’autre part, elle représenta le couronnement d’un mouvement de dévotion ardente envers l’incomparable Sacrement de l’autel.
La piété populaire participa donc activement au processus qui aboutit à l’institution de la fête du Corpus Domini; et cette dernière, à son tour, fut la cause et le motif de l’apparition de nouvelles formes de piété eucharistique dans le peuple de Dieu.
Pendant des siècles, la célébration du Corpus Domini fut le principal point de convergence de la piété populaire avec l’Eucharistie. Aux XVI et XVII siècles, la foi, ravivée par la nécessité de réagir contre les négations du mouvement protestant, et la culture - c’est-à-dire les arts, la littérature et le folklore - ont toutes deux concouru à rendre les multiples expressions de la piété populaire envers le mystère de l’Eucharistie à la fois particulièrement vivantes et significatives.
161. La dévotion eucharistique, qui est tellement enracinée dans le peuple de Dieu, doit toutefois être éduquée, afin de mettre en évidence ces deux réalités fondamentales:
- la Pâque du Seigneur est le point de référence suprême de la piété eucharistique; la Pâque chrétienne, est, de fait, selon l’enseignement des Pères, la fête de l’Eucharistie, tout comme, inversement, l’Eucharistie est avant tout la célébration du mystère pascal, constitué par la Passion, la Mort et la Résurrection de Jésus;
- toute forme de dévotion eucharistique a une relation intrinsèque avec le Sacrifice eucharistique, soit parce qu’elle est une préparation à sa célébration, soit parce qu’elle constitue un prolongement des aspects cultuels et existentiels présents dans cette même célébration.
Le Rituel Romain déclare à ce propos: "Lorsque les fidèles adorent le Christ présent dans le Sacrement, ils doivent se rappeler que cette présence dérive du sacrifice et tend à la communion sacramentelle en même temps que spirituelle".
162. La procession de la solennité du Corps et du Sang du Christ est en quelque sorte la "forme typique" des processions eucharistiques. Elle constitue, en effet, un prolongement de la célébration de l’Eucharistie: aussitôt après la Messe, l’Hostie, qui a été consacrée pendant la célébration, est portée en procession en dehors de l’église afin que le peuple chrétien "rende un témoignage public de foi et de piété envers le Saint-Sacrement".
Les fidèles comprennent et manifestent une grande estime pour les valeurs exprimées dans la procession du Corpus Domini: ils prennent conscience qu’ils font partie de ce "peuple de Dieu", qui chemine avec son Seigneur, et qui proclame sa foi en celui qui est vraiment le "Dieu-avec-nous".
Toutefois, il est nécessaire que les normes qui régissent le déroulement des processions eucharistiques soient observées, en particulier celles qui garantissent la dignité et le respect dû au Saint-Sacrement; de même, il est tout aussi nécessaire que les éléments typiques de la piété populaire, comme l’ornementation des rues et des fenêtres, l’hommage floral, les autels où sera déposé le Saint-Sacrement durant les haltes de la procession, les chants et les prières, "visent à ce que tous manifestent leur foi au Christ et ne s’occupent que du Seigneur", en écartant toutes formes de compétition.
163. Les processions eucharistiques se concluent ordinairement avec la bénédiction du Saint-Sacrement. Dans le cas spécifique de la procession du Corpus Domini, la bénédiction constitue la conclusion solennelle de la procession tout entière: la bénédiction habituelle du prêtre est remplacée par la bénédiction du Saint-Sacrement.
Il est important que les fidèles comprennent que la bénédiction du Saint-Sacrement n’est pas une forme de piété eucharistique qui se suffirait à elle-même, mais qu’elle constitue la conclusion d’une célébration cultuelle suffisamment prolongée. La norme liturgique interdit donc "l’exposition faite uniquement pour donner la bénédiction".
L’adoration du Saint-Sacrement
164. L’adoration du Saint-Sacrement est une expression du culte chrétien envers l’Eucharistie, qui est particulièrement répandue, et que l’Église recommande vivement aux Pasteurs et aux fidèles.
Sa forme primitive peut être reliée à l’adoration qui suit la célébration de la Messe in Cena Domini du Jeudi Saint, devant les saintes Espèces déposées au reposoir. Cette adoration constitue une expression très élevée de la relation qui existe entre la célébration du mémorial du sacrifice du Seigneur et sa présence permanente dans les Espèces consacrées. La conservation des saintes Espèces, qui est motivée avant tout par la nécessité de pouvoir en disposer dans le but d’administrer le Viatique aux malades, a fait naître chez les fidèles l’habitude tout à fait louable de se recueillir devant le tabernacle pour adorer le Christ présent dans le Saint-Sacrement.
En effet, "la foi en la présence réelle conduit connaturellement à la manifestation extérieure et publique de cette même foi. (...) Aussi, la piété qui pousse les fidèles à se rendre près de la sainte Eucharistie les entraîne-t-elle à participer plus profondément au mystère pascal et à répondre avec reconnaissance au don de Celui qui, par son humanité, ne cesse de répandre la vie divine dans les membres de son Corps. Demeurant près du Christ Seigneur, ils jouissent de l’intimité de sa familiarité et, près de lui, ils lui ouvrent leur cœur pour eux-mêmes et pour tous les leurs, prient pour la paix et le salut du monde. Offrant leur vie entière au Père avec le Christ dans l’Esprit Saint, ils puisent à cet admirable échange une augmentation de leur foi, de leur espérance et de leur charité. Ils nourrissent donc ainsi les vraies dispositions leur permettant, avec la dévotion convenable, de célébrer le Mémorial du Seigneur et de recevoir fréquemment ce Pain qui nous est donné par le Père".
165. L’adoration du Saint-Sacrement, vers laquelle convergent des formes liturgiques et des expressions de la piété populaire, dont il est difficile de déterminer les limites, peut revêtir diverses modalités:
- la simple visite du Saint-Sacrement présent dans le tabernacle est une rencontre de courte durée avec le Christ, inspirée par la foi dans sa présence, et caractérisée par la prière silencieuse.
- l’adoration du Saint-Sacrement exposé, selon les normes liturgiques, dans l’ostensoir ou la pyxide, pour une durée brève ou prolongée;
- l’adoration désignée sous le nom d’Adoration perpétuelle, ainsi que celle dite des Quarante Heures, qui mobilisent une communauté religieuse tout entière, ou une association eucharistique, ou encore une communauté paroissiale, et qui sont des occasions de mettre en valeur de nombreuses expressions de la piété eucharistique.
Pendant ces moments d’adoration, il conviendra d’aider les fidèles à recourir à la Sainte Écriture, qui est un livre de prières incomparable, à employer des chants et des prières adaptés, à se familiariser avec quelques éléments simples de la Liturgie des Heures, à suivre le rythme de l’Année liturgique, et à demeurer dans la prière silencieuse. Ils comprendront ainsi progressivement qu’ils ne doivent pas insérer des pratiques de dévotion en l’honneur de la Vierge Marie et des Saints durant l’adoration du Saint-Sacrement. Toutefois, à cause du lien étroit qui unit Marie au Christ, la méditation des mystères de l’Incarnation et de la Rédemption du Rosaire peut contribuer à donner à la prière une orientation profondément christologique.
Le Sacré-Cœur de Jésus-Christ
166. Le vendredi qui suit le deuxième dimanche après la Pentecôte, l’Église célèbre la solennité du Sacré-Cœur de Jésus. De nombreuses expressions de piété, qui s’ajoutent à la célébration liturgique, s’adressent au Cœur du Christ. Il ne fait aucun doute, en effet, que, parmi les expressions de la piété ecclésiale, la dévotion au Cœur du Sauveur a été et demeure l’une des plus répandues et des plus estimées.
L’expression "Cœur de Jésus", entendue dans le sens contenu dans la divine Écriture, désigne le mystère même du Christ, c’est-à-dire la totalité de son être, ou le centre intime et essentiel de sa personne: Fils de Dieu, sagesse incréée; Amour infini, principe du salut et de sanctification pour toute l’humanité. Le "Cœur du Christ" s’identifie au Christ lui-même, Verbe incarné et rédempteur; dans l’Esprit Saint, le Cœur de Jésus est orienté, par nature, avec un amour infini à la fois divin et humain, vers le Père et vers les hommes, ses frères.
167. La dévotion au Cœur du Christ a des fondements solides dans la Sainte Écriture, ainsi que les Pontifes Romains l’ont souvent rappelé.
Jésus, qui ne fait qu’un avec le Père (cf. Jn 10, 30), invite ses disciples à vivre en communion intime avec lui, à accueillir sa personne et ses paroles comme des références normatives qui doivent inspirer leurs propres comportements, et il se révèle comme un maître "doux et humble de cœur" (Mt 11, 29). Il est possible d’affirmer que, en un certain sens, la dévotion au Cœur du Christ est l’expression cultuelle de ce regard que, selon la parole prophétique et évangélique, toutes les générations chrétiennes portent vers Celui qui a été transpercé (cf. Jn 19, 37; Za 12, 10), c’est-à-dire vers le Cœur du Christ, transpercé par la lance, d’où jaillirent le sang et l’eau (cf. Jn 19, 34), qui sont les signes de "l’admirable Sacrement de toute l’Église".
De même, le texte johannique, qui narre la scène où le Christ montre ses mains et son côté à ses disciples (cf. Jn 20, 20), et celle qui présente la demande, que Thomas adresse au Christ, de pouvoir étendre sa main pour la placer dans son côté (cf. Jn 20, 27), a exercé une influence importante sur l’origine et le développement de la piété envers le Sacré-Cœur de la pert des fidèles de l’Église.
168. Ces textes et d’autres encore, qui présentent le Christ comme l’Agneau pascal, certes immolé, mais aussi victorieux (cf. Ap 5, 6), ont fait l’objet d’une méditation assidue de la part des Saints Pères, qui en dévoilèrent les richesses doctrinales, et qui, dès lors, invitèrent les fidèles à approfondir le mystère du Christ en entrant par la porte ouverte de son Cœur. Ainsi, saint Augustin déclare: "l’entrée est accessible grâce au Christ qui en est la porte. Celle-ci s’est ouverte pour toi aussi, quand son Cœur fut ouvert par la lance. Souviens-toi de ce qui en jaillit, et choisis donc par où tu peux entrer. Du côté du Seigneur qui mourait sur la croix, le sang et l’eau jaillirent, au moment où son Cœur fut ouvert par la lance. L’eau te procure la purification et le sang la rédemption".
169. Le Moyen Âge a été une époque particulièrement féconde pour le développement de la dévotion envers le Sacré-Cœur du Sauveur. Des hommes célèbres pour leur sainteté et leur doctrine, comme saint Bernard († 1153) et saint Bonaventure († 1274), et des mystiques comme sainte Lutgarde († 1246), sainte Mathilde de Magdebourg († 1282), les saintes religieuses Mathilde († 1299) et Gertrude († 1302) du monastère de Helfte, Ludolphe de Saxe († 1378), sainte Catherine de Sienne († 1380) approfondirent le mystère du Cœur du Christ, en qui ils virent un "refuge", auprès duquel il est possible de refaire ses forces, le foyer de la miséricorde, le lieu de la rencontre avec Jésus, le Sauveur, la source de l’amour infini du Seigneur, la fontaine d’où surgit l’eau vive du Saint-Esprit, la vraie terre promise et le véritable paradis.
170. À l’époque moderne, le culte rendu au Cœur du Sauveur connut de nouveaux développements. En un temps marqué par le jansénisme, qui insistait sur les rigueurs de la justice divine, la dévotion au Cœur du Christ constitua une antidote efficace, qui contribua à susciter chez les fidèles l’amour du Seigneur et la confiance dans son infinie miséricorde, dont le Cœur est à la fois le gage et le symbole. Parmi les nombreux saints et saintes qui ont été des apôtres insignes de la dévotion du Sacré-Cœur, il convient de citer: saint François de Sales († 1622), qui adopta comme norme de vie et d’apostolat l’attitude fondamentale, qui est celle du Cœur du Christ, caractérisée par l’humilité, la mansuétude (cf. Mt 11, 29), l’amour tendre et miséricordieux; sainte Marguerite-Marie Alacoque († 1690), à qui le Seigneur dévoila à plusieurs reprises les richesses de son Cœur; saint Jean Eudes († 1680), qui promut le culte liturgique du Sacré-Cœur; saint Claude la Colombière († 1682) et saint Jean Bosco († 1888).
171. Les formes de dévotions au Cœur du Sauveur sont très nombreuses; certaines ont été explicitement approuvées et fréquemment recommandées par le Siège Apostolique. Parmi ces dernières, on peut citer:
- la consécration personnelle, qui, selon Pie XI, "parmi toutes les pratiques se référant au culte du Sacré-Cœur, est sans conteste la principale d’entre elles";
- la consécration de la famille, qui permet au foyer familial, tout en étant déjà associé au mystère d’unité et d’amour entre le Christ et l’Église en vertu du sacrement de mariage, de s’offrir sans partage au Seigneur afin qu’il puisse régner dans le cœur de chacun de ses membres;
- les Litanies du Cœur de Jésus, approuvées en 1891 pour toute l’Église, dont l’inspiration est éminemment biblique, et qui ont été enrichies par l’octroi d’indulgences.
- l’acte de réparation est une prière formulée par le fidèle, qui, en se souvenant de la bonté infinie du Christ, désire implorer sa miséricorde et réparer les nombreuses et diverses offenses qui blessent son Cœur rempli de douceur.
- La pratique des neuf premiers vendredis du mois, qui a pour origine la "grande promesse" faite par Jésus à sainte Marguerite-Marie Alacoque. À une époque où la communion sacramentelle des fidèles était très rare, la pratique des neuf premiers vendredis du mois contribua d’une manière significative à la reprise de la pratique plus fréquente des sacrements de la Pénitence et de l’Eucharistie. À notre époque, la dévotion des neuf premiers vendredis du mois, si elle est pratiquée d’une manière adéquate sur le plan pastoral, peut encore apporter des fruits spirituels indéniables. Il reste qu’il est nécessaire que les fidèles soient convenablement instruits sur les points suivants: tout d’abord, il convient de ne pas pratiquer cette dévotion avec une confiance qui ressemblerait plutôt à de la vaine crédulité, car, dans l’ordre du salut, une telle attitude a pour effet de supprimer les exigences incontournables, qui dérivent d’une foi vivante, et de détourner l’attention du fidèle de l’obligation de mener une vie conforme à l’Évangile; ensuite, il faut réaffirmer la place absolument prédominante du dimanche, le "jour de fête primordial", qui doit être marqué par la pleine participation des fidèles à la célébration eucharistique.
172. La dévotion à l’égard du Sacré-Cœur constitue, dans l’histoire, une expression majeure de la piété de l’Église envers le Christ Jésus, son Époux et son Seigneur; elle comporte une attitude fondamentale constituée par la conversion et la réparation, l’amour et la gratitude, l’engagement apostolique et la consécration au Christ et à son œuvre de salut. C’est pourquoi le Siège Apostolique et les Évêques la recommandent et en promeuvent le renouveau dans ses expressions linguistiques et iconographiques, dans la prise de conscience de ses racines bibliques et de sa relation avec les principales vérités de la foi, et dans l’affirmation du primat de l’amour envers Dieu et le prochain, en tant que contenu essentiel de la dévotion elle-même.
173. La piété populaire tend à identifier une dévotion avec sa représentation iconographique. Ce phénomène, qui est normal, a sans doute des aspects positifs, mais il peut aussi donner lieu à quelques inconvénients: un modèle iconographique, qui ne correspond plus au goût des fidèles, peut conduire à une dépréciation de l’objet même de la dévotion, indépendamment de son fondement théologique et des éléments qui constituent son contenu historico-salvifique.
Ce fait a pu être vérifié dans le domaine de la dévotion à l’égard du Sacré-Cœur: certaines images picturales, parfois mièvres, s’avèrent inadaptées pour exprimer la solidité du contenu théologique de cette dévotion, et elles n’encouragent donc pas les fidèles à s’approcher du mystère du Cœur du Sauveur.
À notre époque, la tendance à représenter le Sacré-Cœur au moment de la Crucifixion est bien accueillie, parce que cette image exprime au plus haut degré l’amour du Christ. Le Sacré-Cœur s’identifie au Christ crucifié, dont le côté, ouvert par la lance, laisse jaillir le sang et l’eau (cf. Jn 19, 34).
Le Cœur Immaculé de Marie
174. Le lendemain de la solennité du Sacré-Cœur, l’Église célèbre la mémoire du Cœur Immaculé de Marie. La proximité de ces deux célébrations est déjà en elle-même, au niveau liturgique, un signe de leur connexion étroite: le mysterium du Cœur du Sauveur s’imprime et se reflète dans le Cœur de sa Mère, qui est donc associée à ce mystère tout en demeurant dans sa condition de disciple. De même que la solennité du Sacré-Cœur célèbre l’ensemble des mystères du salut accomplis par le Christ, en les synthétisant et en les ramenant à leur source - qui, de fait, est le Cœur -, ainsi la mémoire du Cœur Immaculé de Marie est la célébration complète de l’union du Cœur de la Mère à l’œuvre de salut de son Fils: depuis l’incarnation jusqu’à la mort et à la résurrection, et au don de l’Esprit Saint.
La dévotion au Cœur Immaculé de Marie s’est beaucoup répandue à la suite des apparitions de la Vierge Marie à Fatima, en 1917. À l’occasion de leur 25ème anniversaire, en 1942, Pie XII consacra l’Église et l’humanité au Cœur Immaculé de Marie, et, en 1944, la fête du Cœur Immaculé de Marie fut étendue à toute l’Église.
Les expressions de la piété populaire envers le Cœur Immaculé de Marie se calquent sur celles qui s’adressent au Sacré-Cœur du Christ, tout en maintenant la distance infranchissable entre le Fils, vrai Dieu, et la Mère, dans sa condition de créature: il convient de citer, en particulier, la consécration personnelle des fidèles, de même que celle des familles, des communautés religieuses et des nations; la réparation, accomplie au moyen de la prière, la mortification et les œuvres de miséricorde; la pratique des Cinq premiers samedis du mois.
Il faut noter que les observations faites à propos des Neuf premiers vendredis s’appliquent à la communion sacramentelle des Cinq premiers samedis consécutifs: il s’agit, en particulier, de la nécessité d’évaluer à sa juste mesure le signe de ces cinq premiers samedis, et de la manière adéquate de s’approcher de la communion dans le contexte de la célébration de l’Eucharistie; ainsi, cette dévotion doit être considérée comme une occasion propice pour vivre intensément, avec une attitude inspirée de celle de la Vierge Marie, le Mystère pascal qui se célèbre dans l’Eucharistie.
Le Très Précieux Sang de Jésus-Christ
175. Dans le contexte de la révélation biblique, c’est-à-dire aussi bien dans les figures de l’Ancien Testament que dans la phase d’accomplissement et de perfectionnement apportés par le Nouveau Testament, le sang est intimement lié à la vie et donc, par antithèse, à la mort, avec les thèmes de l’exode et de la Pâque, du sacerdoce et des sacrifices cultuels, de la rédemption et de l’alliance.
Les figures vétérotestamentaires relatives au sang et à sa valeur dans l’ordre du salut trouvent leur parfait accomplissement dans le Christ, surtout dans sa Pâque, c’est-à-dire dans sa mort et sa résurrection. Le mystère du sang du Christ se situe donc au cœur même de la foi et du salut.
Les principaux passages de la Bible, qui illustrent le mystère du salut exprimé par le sang, sont les suivants:
- l’événement de l’incarnation du Verbe (cf. Jn 1, 14), et le rite de l’insertion du nouveau-né Jésus dans le peuple de l’Ancienne Alliance, au moyen de la circoncision (cf. Lc 2, 21);
- la figure biblique de l’Agneau, particulièrement riche tant du point de vue du contenu que des diverses implications qu’elle comporte: ainsi, la figure de cet "Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde" (Jn 1, 29. 36), sur laquelle se fixe l’image du "Serviteur souffrant" d’Isaïe 53, qui porte sur lui les souffrances et le péché de l’humanité (cf. Is 53, 4-5); c’est aussi la figure de "l’Agneau pascal" (cf. Ex 12, 1; Jn 12, 36), symbole de la rédemption d’Israël (cf. Ac 8, 31-35; 1 Co 5, 7; 1 P 1, 18-20);
- le "calice de la passion", dont parle Jésus, en faisant allusion à l’imminence de sa mort rédemptrice, en particulier lorsqu’il pose la question suivante aux fils de Zébédée: "pouvez-vous boire au calice que je vais boire ?" (Mt 20, 22; cf. Mc 10, 38), et le calice de l’agonie, celui du jardin des oliviers (cf. Lc 22, 42-43), qui est marqué par la sueur de sang (cf. Lc 22, 44);
- le calice de l’Eucharistie qui, sous le signe du vin, contient le sang de la nouvelle et éternelle Alliance, versé pour la rémission des péchés, et qui est à la fois le mémorial de la Pâque du Seigneur (cf. 1 Co 11, 25), et la boisson du salut selon les paroles du Maître: "celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier jour" (Jn 6, 54);
- l’événement de la mort du Christ, car par son sang versé sur la croix, Jésus donne la paix au ciel et sur la terre (cf. 1 Col 1, 20);
- le coup de lance qui transperce l’Agneau immolé, dont le côté ouvert laisse jaillir le sang et l’eau (cf. Jn 19, 34), signe tangible de l’accomplissement de la Rédemption, et expression de la vie sacramentelle de l’Église - l’eau et le sang s’appliquant respectivement au Baptême et à l’Eucharistie -, symbole aussi de l’Église, née du Cœur transpercé du Christ endormi sur la croix.
176. Le mystère du sang versé par Jésus se relie aux titres christologiques suivants: tout d’abord celui de Rédempteur: le Christ, en effet, nous a rachetés de l’esclavage antique avec son sang innocent et précieux (cf. 1 P 1, 19) et "nous purifie de tout péché" (1 Jn 1, 7); puis celui de souverain Prêtre "des biens à venir", parce que le Christ "entra une fois pour toutes dans le sanctuaire, non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux, mais avec son propre sang, nous ayant acquis une rédemption éternelle" (He 9, 11-12); celui de Témoin fidèle (cf. Ap. 1, 5), vengeur du sang des martyrs (cf, Ap 6, 10) qui "furent immolés pour la Parole de Dieu et le témoignage qu’ils avaient rendu" (Ap 6, 9); celui de Roi, qui, étant Dieu, "règne par le bois de la croix", orné de la pourpre de son propre sang; enfin, celui d’Époux et d’Agneau de Dieu, dans le sang duquel les membres de la communauté ecclésiale - c’est-à-dire son Épouse - ont lavé leurs vêtements (cf. Ap 7, 14; Ep 5, 25-27).
177. Du fait de l’importance particulière du sang rédempteur, son évocation occupe une place centrale et essentielle dans la célébration du culte: avant tout, au cœur même de l’assemblée eucharistique, où l’Église adresse à Dieu le Père, en action de grâces, le "calice de bénédiction" (1 Co 10, 16; cf. 115-116, 13) et le présente aux fidèles comme le sacrement de la vraie "communion au sang du Christ" (cf. 1 Co 10, 16), puis,tout au long de l’Année liturgique. En effet, l’Église évoque le mystère du Sang du Christ, non seulement au cours de la solennité du Corps et du Sang du Seigneur (le Jeudi qui suit la solennité de la Très Sainte Trinité), mais aussi à l’occasion de nombreuses autres célébrations, si bien que la célébration cultuelle du Sang versé pour notre rachat (cf. 1 P 1, 18) est présente durant toute l’Année liturgique. Ainsi, par exemple, durant le temps de Noël, durant l’office des Vêpres, l’Église, en se tournant vers le Christ, chante: "Nos quoque, qui sancto tuo / redempti sumus sanguine, / ob diem natalis tui/ hymnum novum concinimus". Toutefois, surtout durant le Triduum pascal, la valeur et l’efficacité rédemptrices du Sang du Christ sont des motifs de célébration et d’adoration constantes de la part des fidèles. Le Vendredi Saint, durant l’adoration de la Croix, l’Église chante: "Mite corpus perforatur, sanguis unde profluit; / terra, pontus, astra, mundus quo lavantur flumine !"; et elle chante le jour même de Pâques: "Cuius corpus sanctissimum/ in ara crucis torridum,/ sed et cruorem roseum/ gustando, deo vivimus".
Dans certains lieux et Calendriers particuliers, la fête du Très Précieux Sang du Christ est encore célébrée le 1 juillet: elle évoque les différents titres du Rédempteur.
178. La dévotion à l’égard du Sang du Christ, présente dans le culte liturgique, est passée dans la piété populaire, où elle a trouvé un large espace et de nombreuses expressions. Parmi ces dernières, on peut citer:
- la Couronne du Précieux Sang du Christ, constituée de lectures bibliques et de prières, permet aux fidèles de méditer sur les "sept effusions du sang" du Christ, qui sont explicitement ou implicitement évoquées dans les Évangiles: le sang versé lors de la circoncision, dans le jardin des oliviers, lors de la flagellation, du couronnement d’épines, de la montée au Calvaire, au moment de la crucifixion, et du coup de lance qui transperça le côté du Christ;
- les Litanies du Sang du Christ: le formulaire actuel a été approuvé par le pape Jean XXIII le 24 février 1960; il contient des éléments historiques se rapportant au mystère du salut, et il est émaillé de nombreuses références bibliques;
- l’Heure d’adoration du précieux Sang du Christ, qui revêt des formes très variées, tout en poursuivant un but unique: la louange et l’adoration du Sang du Christ présent dans l’Eucharistie, l’action de grâces pour les bienfaits de la Rédemption, la prière d’intercession pour obtenir la miséricorde et le pardon, et l’offrande du précieux Sang pour le bien de l’Église;
- La Via Sanguinis: ce pieux exercice, institué récemment, a pour lieu d’origine, pour des raisons d’ordre anthropologique et culturel, l’Afrique, où il est aujourd’hui très répandu dans les communautés chrétiennes. Durant la Via Sanguinis, les fidèles, en se rendant d’un endroit à un autre comme dans la Via Crucis, revivent les différents épisodes de la vie du Seigneur Jésus, durant lesquels ce dernier versa son Sang pour notre rédemption.
179. La dévotion envers le Sang du Seigneur, versé pour notre salut, et la prise de conscience de sa valeur immense, ont favorisé la diffusion de représentations iconographiques, qui ont été bien accueillies par l’Église. Celles-ci sont essentiellement de deux sortes: d’une part, celles qui se réfèrent à la coupe eucharistique contenant le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, et, d’autre part, celles qui montrent le sang rédempteur jaillissant des mains, des pieds et du côté du Christ crucifié. Parfois, le sang inonde abondamment la terre, comme un torrent de grâces qui lave les péchés; parfois, cinq anges, se tenant près de la croix, tendent un calice dans lequel ils recueillent le sang, qui jaillit de chacune des cinq plaies; il arrive que ce même rôle soit rempli par un personnage féminin, qui représente alors l’Église, l’Épouse de l’Agneau.
L’Assomption de la bienheureuse Vierge Marie
180. Durant le Temps ordinaire, la solennité de l’Assomption de la bienheureuse Vierge Marie (15 août) se détache en raison de ses multiples significations d’ordre théologique. Cette célébration de la Mère du Seigneur, qui remonte aux premiers siècles de l’Église, rassemble et unit de nombreuses vérités de la foi. En effet, l’Assomption de la Vierge Marie dans le ciel rappelle que:
- la Vierge Marie apparaît comme "le fruit le plus excellent de la Rédemption", le témoignage suprême de l’amplitude et de l’efficacité de l’œuvre de salut opérée par le Christ (signification sotériologique);
- l’Assomption constitue le gage de la participation future de tous les membres du Corps mystique à la gloire pascale du Ressuscité (aspect christologique);
- l’Assomption est pour tous les hommes "la confirmation consolante que se réalisera l’espérance finale: cette glorification totale est en effet le destin de tous ceux que le Christ a fait frères, ayant avec eux "en commun le sang et la chair" (He 2, 14; cf. Ga 4, 4)" (aspect anthropologique);
- la Vierge Marie est l’icône eschatologique de tout ce que l’Église "désire et espère être tout entière" (aspect ecclésiologique);
- Elle est enfin la preuve vivante de la fidélité du Seigneur à sa promesse: en effet, celui-ci a préparé à son humble Servante une récompense magnifique en réponse à son adhésion fidèle au projet divin, c’est-à-dire une destinée de plénitude et de bonheur éternel, de glorification de son âme immaculée et de son corps virginal, et de parfaite configuration à son Fils ressuscité (aspect mariologique).
181. La piété populaire est très sensible à la fête mariale du 15 août. De fait, en de nombreux endroits, elle est considérée comme la fête par antonomase de la Vierge, car elle est connue sous le nom de "jour de sainte Marie", ou comme l’Immaculée pour l’Espagne ou pour l’Amérique latine.
Dans les pays de culture germanique, la coutume s’est répandue de bénir des herbes aromatiques, le 15 août. Cette bénédiction, qui fut accueillie à une certaine époque dans le Rituale Romanum, constitue un exemple incontestable d’une évangélisation adéquate des rites et des croyances pré-chrétiennes: pour obtenir ce que les païens désiraient en recourant aux rites magiques, en particulier atténuer les dommages dus aux plantes nuisibles et accroître l’efficacité des herbes curatives, il est indispensable de se tourner vers Dieu, puisque, c’est par sa Parole que "la terre produisit l’herbe, les plantes qui portent leurs semences [...] et les arbres qui donnent, selon leur espèce, le fruit qui porte sa semence" (Gn 1, 12).
De même, il est possible de rattacher, pour une part, à cette même démarche d’inculturation, l’usage antique d’attribuer à la Sainte Vierge, en s’inspirant de la Sainte Écriture, des symboles et des titres empruntés au monde végétal, comme ceux de la vigne, de l’épi, du cèdre et du lys, et de voir en elle une fleur odoriférante pour ses vertus et plus encore le "rameau sorti de la souche de Jessé" (Is 11, 1), qui a généré le fruit béni, Jésus.
La Semaine de prières pour l’unité des chrétiens
182. En se conformant à la prière suivante de Jésus: "Que tous ils soient un, comme toi, Père tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé" (Jn 17, 21), l’Église invoque, à chaque Eucharistie, le don de l’unité et de la paix. De plus, dans la partie concernant les Messes célébrées à des intentions et pour des circonstances diverses, le même Missel Romain contient trois formulaires de Messes "pour l’unité des chrétiens". Cette intention particulière est aussi présente dans les intercessions de la Liturgie des Heures.
Afin de respecter les diverses sensibilités de "nos frères séparés", les expressions de la piété populaire doivent elles aussi tenir compte des exigences de l’œcuménisme. En effet, "la conversion des cœurs et la sainteté de vie, unies aux prières publiques et privées pour l’unité des chrétiens, doivent être regardées comme l’âme de tout l’œcuménisme et peuvent à bon droit être appelées œcuménisme spirituel". Ainsi, un autre moment privilégié de rencontre entre les catholiques et les chrétiens appartenant à d’autres Églises ou Communautés ecclésiales, peut être constitué par la prière commune des chrétiens, afin d’obtenir la grâce de l’unité, pour présenter à Dieu les nécessités et les préoccupations communes, ou bien encore pour rendre grâces à Dieu et implorer son aide. "La prière commune est particulièrement recommandée pendant la "Semaine de prières pour l’unité des chrétiens", ou pendant la période qui s’écoule entre l’Ascension et la Pentecôte". La prière pour l’unité des chrétiens est aussi enrichie par des indulgences.
LA VÉNÉRATION ENVERS LA SAINTE MÈRE DU SEIGNEUR
Quelques principes
183. La piété populaire, à la fois variée dans ses expressions et profonde dans ses motivations, qui s’adresse à la Vierge Marie, est un fait ecclésial remarquable et universel. Elle jaillit de la foi et de l’amour du peuple de Dieu envers le Christ, Rédempteur du genre humain, et de la compréhension de la mission que, dans l’ordre du salut, Dieu a confiée à Marie de Nazareth; la Vierge Marie n’est donc pas seulement la Mère du Seigneur et du Sauveur, mais elle est aussi, sur le plan de la grâce, la Mère de tous les hommes.
De fait, "les fidèles comprennent facilement le lien vital qui unit le Fils à la Mère. Ils savent que le Fils est Dieu, et que elle, la Mère, est aussi leur mère. Ils en déduisent la sainteté immaculée de la Vierge et, tout en la vénérant comme une reine glorieuse dans le ciel, ils sont certains que Marie, très miséricordieuse, intercède en leur faveur; ils invoquent donc sa protection avec une grande confiance. Les plus pauvres sentent particulièrement sa proximité. Ils savent qu’elle connut comme eux la pauvreté, qu’elle souffrit beaucoup, et qu’elle fit preuve de patience et de douceur. Ils ressentent à son égard de la compassion pour la douleur qu’elle éprouva au moment de la crucifixion et de la mort de son Fils, et ils se réjouissent avec elle pour la résurrection de Jésus. Ils célèbrent avec joie ses fêtes, ils participent volontiers aux processions organisées en son honneur et ils se rendent en pèlerinage dans les sanctuaires qui lui sont consacrés, ils aiment chanter ses louanges et ils lui offrent leurs hommages en formulant des vœux. Enfin, ils ne tolèrent pas qu’on l’offense et ils prennent spontanément sa défense contre ceux qui refusent de l’honorer".
L’Église elle-même exhorte tous ses fils - les ministres sacrés, les religieux et les fidèles laïcs - à développer leur piété personnelle et communautaire à l’aide des pieux exercices, qu’elle approuve et recommande. En effet, le culte liturgique, nonobstant son importance objective et sa valeur irremplaçable, son efficacité exemplaire et son aspect normatif, n’épuise pas toutes les possibilités mises en œuvre par le peuple de Dieu pour exprimer sa vénération envers la sainte Mère du Seigneur.
184. Les relations entre la Liturgie et la piété populaire mariale doivent être établies à la lumière des principes et des normes, qui ont été énoncés à plusieurs reprises dans le présent document. Il reste que, par rapport à la piété mariale du peuple de Dieu, la liturgie doit toujours apparaître comme une "forme exemplaire", une source d’inspiration, un point de référence constant et un but ultime.
185. Toutefois, il convient de rappeler brièvement quelques dispositions que le Magistère de l’Église a promulguées au sujet des pieux exercices relatifs à la Vierge Marie. Il faut en tenir compte dans le travail de composition de nouveaux pieux exercices, ou lorsqu’il est nécessaire de procéder à la révision de ceux qui existent déjà, ou, simplement, dans le cadre de leur application dans les célébrations cultuelles. L’attention des Pasteurs à l’égard de cette catégorie de pieux exercices doit être proportionnelle à leur importance; de fait, ces derniers sont, d’une part, le fruit et l’expression de la piété mariale d’un peuple ou d’une communauté de fidèles, et, d’autre part, ils constituent à leur tour la cause et un facteur non négligeable dans l’élaboration de la "physionomie mariale" des fidèles, c’est-à-dire de ce "style" particulier qui caractérise la piété des fidèles envers la bienheureuse Vierge Marie.
186. La disposition fondamentale du Magistère au sujet de ces pieux exercices est qu’ils doivent être orientés vers "ce centre du culte unique appelé à bon droit chrétien, car c’est du Christ qu’il trouve son origine et son efficacité, c’est dans le Christ qu’il trouve sa pleine expression et c’est par le Christ que, dans l’Esprit, il conduit au Père". Ainsi, les pieux exercices célébrés en l’honneur de la Vierge Marie doivent comporter les caractéristiques communes suivantes, même si celles-ci peuvent varier en fonction des particularités propres de chacun d’entre eux:
- ils expriment la note trinitaire qui distingue et qualifie le culte rendu à Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, révélé dans le Nouveau Testament, de même que l’élément christologique, qui est une composante essentielle de ce culte et met en lumière la médiation unique et nécessaire du Christ, ainsi que sa dimension pneumatologique, puisque toute forme authentique de piété provient de l’Esprit et qu’elle est accomplie dans l’Esprit; enfin, ils soulignent le caractère ecclésial du culte chrétien: en effet, les baptisés, qui forment le peuple de Dieu, prient ensemble au nom du Seigneur (cf. Mt 18, 20) et ils sont unis dans la Communion des Saints;
- ils se réfèrent constamment à la Sainte Écriture, interprétée dans le cadre de la sainte Tradition; tout en se conformant à la profession de la foi catholique dans son intégralité, ils respectent les exigences du mouvement œcuménique; ils considèrent avec attention les aspects anthropologiques des expressions cultuelles, de telle sorte que ces dernières soient bien le reflet d’une conception juste et vraie de la personne humaine, et qu’elles correspondent à ses exigences; ils mettent en évidence la dimension eschatologique de l’existence, qui est essentielle dans le message de l’Évangile; enfin, ils illustrent le caractère missionnaire de l’Église, et donc l’obligation de témoigner qui incombe aux disciples du Seigneur.
Les temps des pieux exercices mariaux
La célébration de la fête
187. Les pieux exercices célébrés en l’honneur de la Vierge Marie sont presque tous liés à une fête liturgique inscrite dans le Calendrier général du Rite Romain, ou dans les Calendriers particuliers des diocèses ou des familles religieuses.
Il arrive que, parfois, le pieux exercice précède l’institution de la fête (c’est le cas du saint Rosaire), parfois aussi la fête est de loin antérieure au pieux exercice (comme pour l’Angelus Domini). Une telle constatation permet de mettre en évidence le rapport existant entre la Liturgie et les pieux exercices, et aussi le fait que ces derniers atteignent leur point culminant dans la célébration de la fête. La fête, parce qu’elle fait partie de la Liturgie, se rapporte à l’histoire du salut, et elle célèbre un aspect de l’association de la Vierge Marie au mystère du Christ. Elle doit donc être célébrée en observant les normes liturgiques, et en respectant la hiérarchie existant entre les "actes liturgiques" et les "pieux exercices", qui leur sont associés.
De surcroît, une fête de la bienheureuse Vierge Marie, en tant que manifestation populaire, comporte des valeurs de nature anthropologique qui ne doivent pas être négligées.
Le samedi
188. Parmi les jours plus particulièrement dédiés à la Vierge Marie, le samedi occupe une place particulière, puisqu’il a été élevé au rang de mémoire de sainte Marie. Cette mémoire remonte certainement à l’époque carolingienne (IX siècle), mais on ignore les motifs pour lesquels le samedi fut choisi, à cette époque, comme un jour dédié à la Vierge Marie. Il est vrai que de nombreuses explications furent données par la suite, même si ces dernières ne satisfont pas entièrement les spécialistes de l’histoire de la piété populaire.
De nos jours, tout en faisant abstraction de ses origines historiques incertaines, certaines valeurs propres à cette mémoire sont fréquemment mises en évidence avec juste raison: "la spiritualité contemporaine est plus sensible aux différents aspects qui appartiennent à l’être même de cette célébration: la mémoire de la fidélité inébranlable de la "bienheureuse Vierge Marie qui, en tant que mère et disciple, durant le "grand samedi", au moment où le Christ gisait dans le tombeau, demeurait forte uniquement grâce à sa foi et son espérance, seule au milieu des disciples, dans l’attente confiante de la Résurrection du Seigneur"; le prélude et l’introduction à la célébration du dimanche, en tant que fête primordiale et mémoire hebdomadaire de la Résurrection du Christ; le signe, avec son rythme hebdomadaire, que la "Vierge Marie est constamment présente et active dans la vie de l’Église".
De même, la piété populaire est sensible à la valorisation du samedi, ce jour dédié à la sainte Vierge Marie. Il n’est pas rare que les statuts de certaines communautés religieuses et associations de fidèles prévoient de rendre un hommage particulier à la Mère du Seigneur, chaque samedi, en prescrivant quelques pieux exercices composés spécialement pour ce jour précis.
Triduums, septénaires, neuvaines
189. Il est fréquent de préparer et de faire précéder une fête, dont la célébration est un moment culminant, par un triduum, un septénaire ou une neuvaine. Ces "temps et ces modes d’expression propres à la piété populaire" doivent être accomplis en harmonie avec les "temps et les modes d’expression propres à la Liturgie".
Les triduums, les septénaires et les neuvaines peuvent non seulement favoriser l’élaboration de nouveaux pieux exercices en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie, mais ils peuvent aussi aider les fidèles à mieux comprendre la place et le rôle que celle-ci occupe dans le mystère du Christ et de l’Église.
En effet, les pieux exercices, loin de demeurer étrangers aux acquis progressifs, qui proviennent de la recherche biblique et théologique au sujet de la Mère du Sauveur, doivent devenir, sans modifier leur nature propre, des moyens catéchétiques en vue de la présentation et de la diffusion de ces divers éléments doctrinaux.
Les triduums, les septénaires et les neuvaines peuvent être considérés comme une vraie préparation à la fête mariale, s’ils contribuent à stimuler les fidèles dans leur résolution de s’approcher des sacrements de la Pénitence et de l’Eucharistie, et d’approfondir leur vie chrétienne, en suivant l’exemple de la Vierge Marie, qui fut le premier et le plus parfait disciple du Christ.
Dans certaines régions, les apparitions de La Vierge Marie à Fatima inspirent aux fidèles des rencontres de prières mariales, qui ont lieu le 13 de chaque mois.
Les "mois de Marie"
190. Au sujet de la pratique du mois particulièrement dédié à la Vierge Marie, qui est répandue dans de nombreuses Églises, tant de l’Orient que de l’Occident, il est opportun de rappeler des orientations essentielles.
En Occident, les mois dédiés à la Vierge Marie, surgis à une époque, où les références à la Liturgie en tant que forme normative du culte chrétien étaient peu abondantes, se sont développés parallélement au culte liturgique. Cette situation a engendré des problèmes de caractère liturgico-pastoral, qui demeurent encore et qui, du fait de leur importance, méritent d’être évalués très soigneusement.
191. En se limitant à l’évocation de la coutume occidentale de célébrer un "mois marial" en mai (en novembre, dans certains pays de l’hémisphère sud), il est opportun de tenir compte à la fois des exigences de la Liturgie, des diverses attentes des fidèles, et de leur maturation dans la foi, et il convient aussi d’étudier l’ensemble des problèmes, que pose cette pratique des "mois de Marie", dans le cadre de la "pastorale d’ensemble" de l’Église locale; ainsi, il est nécessaire de remédier aux situations, qui sont marquées par des orientations contradictoires au niveau pastoral, et qui ont pour effet de désorienter les fidèles, comme cela pourrait advenir, par exemple, en présence d’initiatives visant à la suppression du "mois de Marie".
Dans la plupart des cas, la solution la plus opportune vise à harmoniser les éléments du "mois marial" avec le temps de l’Année liturgique, dans lequel il se situe. Ainsi, par exemple, durant le mois de mai, qui coïncide en grande partie avec les cinquante jours du temps liturgique de Pâques, les pieux exercices doivent mettre en évidence la participation de la Vierge Marie au mystère pascal (cf. Jn, 19, 25-27) et à l’événement de la Pentecôte (cf. Ac 1, 14), qui inaugure le chemin de l’Église, c’est-à-dire un itinéraire qu’elle-même, en participant à la nouveauté inaugurée par le Ressuscité, parcourt sous la conduite de l’Esprit Saint. Et puisque cette période des "cinquante jours" est le temps liturgique particulièrement consacré à la célébration et à la mystagogie des sacrements de l’initiation chrétienne, les pieux exercices du mois de mai peuvent utilement mettre en évidence la place éminente que la Vierge Marie, glorifiée dans le ciel, occupe sur la terre, "ici et maintenant", dans la célébration des sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie.
Il est nécessaire, dans tous les cas, de se conformer très soigneusement à la directive de la Constitution Sacrosanctum Concilium, selon laquelle "on orientera les esprits des fidèles avant tout vers les fêtes du Seigneur, par lesquelles se célèbrent pendant l’année les mystères du salut", auxquels il est certain que la bienheureuse Vierge Marie a été associée.
Il est sans doute opportun de dispenser un enseignement catéchétique aux fidèles, dans le but de les convaincre que le dimanche, mémoire hebdomadaire de la Pâque, est vraiment "le jour de fête primordial". Enfin, en tenant compte du fait que, dans la Liturgie Romaine, les quatre semaines de l’Avent constituent un temps marial, qui est inséré d’une manière harmonieuse dans l’Année liturgique, il faut aider les fidèles à découvrir et à mettre en évidence, d’une manière convenable, les nombreuses références à la Mère du Seigneur, qui sont proposées durant toute cette période.
Quelques pieux exercices recommandés par le Magistère
192. Le présent document n’a pas pour objet d’énoncer la liste exhaustive des pieux exercices recommandés par le Magistère. Il convient néanmoins de mentionner ceux qui méritent une attention particulière, afin de proposer quelques indications relatives à leur déroulement, et suggérer éventuellement quelques améliorations.
La méditation de la Parole de Dieu
193. La directive conciliaire, selon laquelle il convient de favoriser la "célébration sacrée de la parole de Dieu" à certains moments particulièrement significatifs de l’Année liturgique, peut trouver une application appropriée dans les célébrations cultuelles destinées à honorer la Mère du Verbe incarné. Des initiatives de ce genre correspondent parfaitement à la ligne générale de la piété chrétienne; de plus, elles illustrent la conviction, selon laquelle le fait de se comporter vis-à-vis de la Parole de Dieu, en prenant modèle sur la Vierge Marie, est déjà un excellent hommage qui peut lui est être rendu (cf. Lc 2, 19. 51). Dans le cadre des pieux exercices, comme durant les célébrations liturgiques, les fidèles doivent écouter avec foi la Parole, l’accueillir avec ferveur et la conserver dans leur cœur; ils doivent aussi la méditer et savoir la défendre par leur propre parole; ils sont tenus de la mettre fidèlement en pratique et de lui conformer toute leur vie.
194. "Les célébrations de la Parole, à cause des nombreuses possibilités qui sont offertes sur les plans thématique et structurel, contiennent des éléments multiples qui favorisent l’organisation de ce genre de rencontres; celles-ci constituent à la fois une illustration de la piété authentique des fidèles et un moment approprié en vue de développer une catéchèse systématique sur la Vierge Marie. Toutefois, l’expérience déjà acquise dans ce domaine permet de constater qu’il faut veiller à ne pas considérer les célébrations de la Parole, sous un aspect principalement intellectuel ou exclusivement didactique; elles doivent, en revanche, - par les cantiques, les prières et les autres modes de participation des fidèles - réserver une juste place aux moyens d’expressions, simples et familiers, de la piété populaire, qui s’adressent immédiatement au cœur de l’homme".
L’Angelus
195. En méditant la traditionnelle prière de l’Angelus Domini trois fois par jour, à l’aube, le midi et au crépuscule, les fidèles font mémoire du message de Dieu, transmis à la Vierge Marie par l’archange saint Gabriel. L’Angelus se réfère donc à l’événement central du salut: selon le dessein du Père, le Verbe de Dieu, par l’action de l’Esprit Saint, s’est fait homme dans le sein de la Vierge Marie.
La prière de l’Angelus est profondément enracinée dans la piété du peuple chrétien, et son usage est encouragé par l’exemple que donnent les Pontifes Romains eux-mêmes. Si dans certains endroits, les transformations des conditions de vie ne favorisent pas le maintien ou la diffusion de la prière de l’Angelus, en de nombreux autres lieux, les empêchements sont de mineure importance; ainsi, aucun moyen ne doit être négligé pour maintenir bien vivante cette pieuse coutume, et pour encourager sa diffusion; on peut donc au moins suggérer la prière de trois Ave Maria. La prière de l’Angelus par "sa structure simple, son caractère biblique [...], son rythme quasi liturgique, qui sanctifie divers moments de la journée, son ouverture au mystère pascal [...], font que, à des siècles de distance, elle conserve inaltérée sa valeur et intacte sa fraîcheur".
"Il est donc souhaitable que, en quelques occasions, surtout dans les communautés religieuses, dans les sanctuaires dédiés à la bienheureuse Vierge Marie, au cours de certaines rencontres, l’Angelus Domini [...] soit solennisé, par exemple, par le chant des Ave Maria, et par la proclamation de l’évangile de l’Annonciation", ainsi que la sonnerie des cloches.
Le "Regina cæli"
196. Durant le temps pascal, en se conformant à la disposition du pape Benoît XIV (20 avril 1742), la célèbre antienne du Regina cæli remplace la prière de l’Angelus Domini. Le Regina cæli, dont l’origine date probablement des X-XI siècles, réussit à unir le mystère de l’incarnation du Verbe (le Christ, que tu as porté dans ton sein) et l’événement pascal (il est ressuscité, comme il l’avait promis), tandis que "l’invitation à la joie" (Réjouissez-vous), que la communauté ecclésiale adresse à la Mère de Jésus pour la Résurrection de son Fils, se rattache à "l’invitation à la joie" ("Réjouis-toi, comblée de grâce", Lc 1, 28), que Gabriel adresse à l’humble Servante du Seigneur, appelée à devenir la mère du Messie sauveur.
En se référant aux suggestions énoncées ci-dessus à propos de l’Angelus, il convient parfois de solenniser le Regina cæli, non seulement en chantant l’antienne, mais encore en proclamant l’évangile de la Résurrection.
Le Rosaire
197. Le Rosaire ou Psautier de la Vierge est l’une des plus belles prières qui s’adressent à la Mère du Seigneur. Ainsi, "les Souverains Pontifes ont à maintes reprises exhorté les fidèles à la prière fréquente du Rosaire, qui s’inspire de l’Écriture Sainte et qui est centrée sur la contemplation des événements du salut manifestés dans la vie du Christ, auxquels la Vierge Marie fut étroitement associée. De plus, la valeur et l’efficacité de cette prière sont attestées par les témoignages de nombreux Pasteurs et d’hommes réputés pour la sainteté de leur vie".
Le Rosaire est une prière essentiellement contemplative, car sa méditation "exige que le rythme soit calme et que l’on prenne son temps, afin que la personne qui s’y livre puisse mieux méditer les mystères de la vie du Seigneur". Le Rosaire est expressément recommandé dans la formation et dans la vie spirituelle des clercs et des religieux.
198. L’Église manifeste son estime à l’égard de la prière du saint Rosaire en proposant un rite de la Bénédiction des chapelets. Ce rite met en relief le caractère communautaire de la prière du Rosaire; de fait, à la bénédiction des chapelets est jointe celle des personnes qui méditent les mystères de la vie, de la mort et de la résurrection du Seigneur, afin qu’elles "réussissent à établir une harmonie parfaite entre la prière et leur vie".
De plus, comme le suggère le Livre des Bénédictions, la bénédiction des chapelets peut être accomplie d’une manière avantageuse "en présence du peuple", spécialement à l’occasion des pélerinages dans les sanctuaires dédiés à la Vierge Marie, ou au cours des célébrations des fêtes de la bienheureuse Vierge Marie, en particulier de celle du Rosaire, et au moment de la clôture du mois du Rosaire, à la fin du mois d’octobre.
199. Les suggestions qui sont présentées dans le présent document visent à rendre la prière du Rosaire plus profitable pour les fidèles, tout en respectant ses caractéristiques particulières.
Dans certaines occasions, la prière du Rosaire peut prendre la forme d’une célébration composée de divers éléments: "la proclamation des passages de la Bible relatifs à chacun des mystères, le chant de certaines parties de la prière, une sage répartition des rôles entre les différents participants, la solennisation de l’introduction et de la conclusion de la prière".
200. La méditation du Rosaire peut consister en la récitation d’un chapelet quotidien, qui correspond à l’une des trois séries de mystères. Dans ce cas, et selon une coutume bien établie, des jours de la semaine déterminés sont assignés aux différents mystères: ainsi, les mystères joyeux sont médités le lundi et le jeudi, les mystères douloureux le mardi et le vendredi, et les mystères glorieux le mercredi, le samedi et le dimanche.
Si cette distribution des mystères est observée d’une manière trop rigide, elle peut parfois créer un contraste regrettable entre le contenu des mystères, qui sont médités, et ce que propose la liturgie du jour: c’est le cas, par exemple, lorsque la méditation des mystères douloureux a lieu un vendredi, qui est en même temps le jour de Noël. En présence de tels cas, il semble opportun de rappeler que "la caractérisation liturgique d’un jour déterminé prévaut sur son rang dans la semaine; de même, à certains jours de l’Année liturgique, il est possible de prier le Rosaire en substituant certains mystères par d’autres qui s’harmonisent mieux avec le temps liturgique du moment". Par exemple, le 6 janvier, solennité de l’Épiphanie, les fidèles prennent une bonne initiative en décidant de méditer les mystères joyeux, et de consacrer ainsi le cinquième mystère à l’adoration des Mages plutôt qu’au recouvrement de Jésus, âgé de 12 ans, dans le Temple de Jérusalem. Il reste que de telles substitutions doivent être effectuées avec pondération, et dans un esprit de fidélité à la Sainte Écriture et à la Liturgie.
201. Dans le but de favoriser la contemplation, et afin d’harmoniser l’âme avec la voix de celui qui médite le saint Rosaire, un certain nombre de Pasteurs et d’experts ont maintes fois suggéré de reprendre l’usage de la "clausule", cet élément ancien qui n’a jamais complétement disparu.
La clausule, qui s’harmonise bien avec le caractère répétitif et méditatif du Rosaire, est constituée de quelques mots qui suivent le nom de Jésus, et ont un rapport avec le mystère énoncé. Une clausule appropriée, permanente pour chaque dizaine, brève dans son énoncé et fidèle à la Sainte Écriture et à la Liturgie, peut constituer une aide de qualité en vue de la prière méditée du saint Rosaire.
202. "En présentant aux fidèles la valeur et la beauté de la prière du chapelet, il convient d’éviter d’employer des expressions qui, d’une part, rejetteraient dans l’ombre d’autres formes excellentes de prières et qui, d’autre part, ne tiendraient pas suffisamment compte de l’existence d’autres formes de prières mariales de ce genre, pourtant approuvées elles aussi par l’Église"., ou qui pourraient provoquer un sentiment de culpabilité chez celui qui ne le médite pas habituellement: "Le Rosaire est une prière excellente, au regard de laquelle le fidèle doit pourtant se sentir sereinement libre, invité à le réciter, en toute quiétude, par sa beauté intrinsèque".
Les Litanies de la Sainte Vierge
203. Les Litanies constituent l’une des formes de prières adressées à la Vierge Marie recommandées par le Magistère. Elles sont essentiellement composées d’une série d’invocations adressées à la Vierge Marie, qui se succèdent selon un rythme uniforme, créant ainsi un climat de prière caractérisé par une louange constante et une supplication insistante. De fait, les invocations, qui sont généralement très brèves, comprennent deux parties: la première est une louange ("Virgo clemens"), la seconde est une supplication ("ora pro nobis").
Deux formulaires de litanies sont insérés dans les livres liturgiques du Rite Romain: les litanies de Lorette, à l’égard desquelles les Pontifes Romains ont constamment exprimé leur attachement; les litanies pour le rite du couronnement d’une image de la bienheureuse Vierge Marie, qui, dans certaines occasions, peuvent constituer une alternative appropriée au formulaire des Litanies de Lorette.
Il s’avère qu’une prolifération de formulaires de litanies n’est pas utile du point de vue pastoral; toutefois, dans le même temps, il faut prendre en considération le fait qu’une limitation imposée trop rigoureusement aurait pour effet de ne pas tenir suffisamment compte de la richesse de certaines Églises locales ou familles religieuses. La Congrégation pour le Culte Divin a donc demandé instamment de "retenir certains formulaires anciens ou nouveaux, réputés pour leur rigueur doctrinale et la beauté de leurs invocations, qui sont en usage dans des Églises locales ou des Instituts religieux". Il est évident que cette exhortation concerne surtout des lieux déterminés ou des communautés bien précises.
À la suite de la prescription du pape Léon XIII, demandant que, durant le mois d’octobre, la méditation du Rosaire s’achève avec le chant des Litanies, beaucoup de fidèles ont commis l’erreur de penser que les Litanies constituaient une sorte d’appendice du Rosaire. En réalité, les Litanies sont avant tout un acte cultuel qui se suffit à lui-même: de fait, elles peuvent être employées en guise d’hommage adressé à la Vierge Marie, ou comme chant de procession, ou encore être intégrées dans une célébration de la Parole de Dieu ou bien dans d’autres célébrations.
La consécration à la Vierge Marie
204. En parcourant l’histoire de la piété chrétienne, on note l’existence d’expériences diverses, personnelles et communautaires, de "consécration à la Vierge Marie" (oblatio, servitus, commendatio, dedicatio). Elles apparaissent dans les livres de prières et dans les statuts des associations mariales sous la forme de formules de "consécration", ainsi que de prières composées en vue ou dans le but de renouveler cette consécration.
Les Pontifes Romains ont exprimé à maintes reprises leur attachement à l’égard de cette pieuse pratique de la "consécration à Marie", spécialement en prononçant publiquement eux-mêmes des formules qui sont demeurées célèbres.
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort demeure un maître incontesté et renommé de la spiritualité caractérisée par la pratique de la consécration; en effet, "il proposait aux chrétiens la consécration au Christ par les mains de Marie comme moyen efficace de vivre fidèlement les promesses du baptême".
À la lumière de la dernière volonté exprimée par le Christ sur la croix (cf. Jn 19, 25-27), l’acte de "consécration" est une reconnaissance de la place unique occupée par Marie de Nazareth dans le mystère du Christ et de l’Église, en particulier de la valeur exemplaire et universelle de son témoignage évangélique, de la confiance en son intercession et dans l’efficacité de sa protection, et il permet de mieux prendre conscience des multiples aspects du rôle unique exercé par la Vierge Marie, en tant que vraie Mère dans l’ordre de la grâce, à l’égard de tous et de chacun de ses fils.
Il convient de noter, toutefois, que le mot "consécration" est employé dans un sens large et impropre: "on dit, par exemple, "consacrer les enfants à la Vierge Marie", alors qu’en réalité on entend plutôt les placer sous la protection de la Vierge et solliciter sa protection maternelle". On peut donc mieux comprendre pourquoi un certain nombre de personnes suggèrent d’employer le terme d’ "acte de confiance" plutôt que celui de "consécration". De fait, à notre époque, à la lumière des progrès accomplis par la théologie liturgique, qui requiert l’emploi rigoureux des mots, on aurait tendance à réserver le mot consécration à l’offrande totale et perpétuelle d’une personne à Dieu, elle-même fondée sur les sacrements du Baptême et de la Confirmation, et dont l’Église, par une intervention spécifique, se porte garante.
Il est donc nécessaire d’instruire les fidèles sur la nature d’une telle pratique. Si cette dernière comporte, il est vrai, les caractères d’un don total et perpétuel, il s’agit néanmoins d’une analogie par rapport à la "consécration à Dieu"; de même, elle ne doit pas être le fruit d’une émotion passagère, mais être le résultat d’une décision personnelle, libre et mûrie dans le contexte d’une conception authentique du dynamisme de la grâce; la consécration doit être réalisée d’une manière appropriée, en s’inspirant des formes liturgiques: il s’agira donc d’un acte de consécration au Père par le Christ dans l’Esprit Saint, en implorant l’intercession glorieuse de la Vierge Marie, à laquelle la personne s’offre totalement, afin de demeurer fidèle aux promesses de son Baptême, et en adoptant à son égard une attitude filiale; enfin, la consécration doit être accomplie en dehors de la célébration du Sacrifice eucharistique, car il s’agit d’un geste de dévotion qui ne peut être assimilé à la Liturgie: la consécration à Marie, en effet, se distingue substantiellement des autres formes de consécration liturgique.
Le scapulaire du Carmel et les autres scapulaires
205. L’histoire de la piété mariale comporte la "dévotion" envers divers scapulaires, dont le plus célèbre est celui de la bienheureuse Vierge du Mont Carmel. La diffusion de cette pratique est vraiment universelle, et il n’y a donc aucun doute que les directives conciliaires concernant les pratiques et les pieux exercices "recommandés tout au long des siècles par le Magistère", s’appliquent aussi à elle.
Le scapulaire du Carmel est une forme réduite de l’habit religieux des frères de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel: bien que cette dévotion se soit répandue au-delà du cercle des fidèles, qui sont en relation avec la vie et la spiritualité de la famille carmélitaine, le scapulaire conserve néanmoins de nombreux liens avec cette dernière.
Le scapulaire est le signe extérieur d’une relation spéciale, filiale et confiante entre la Vierge, Mère et Reine du Carmel, et les personnes qui se confient à elle en lui consacrant tout leur être, et qui recourent avec une entière confiance à son intercession maternelle; il est aussi un rappel tangible de la primauté de la vie spirituelle et de la nécessité de la prière d’oraison.
Le scapulaire, qui est imposé au cours de la célébration d’un rite particulier, déterminé par l’Église, "renouvelle le choix fait au baptême de revêtir le Christ, avec le secours de la Vierge Marie qui veut avant tout que nous devenions conformes au Christ, à la louange de la sainte Trinité, jusqu’à ce que nous entrions avec l’habit des noces dans la patrie du ciel".
L’imposition du scapulaire du Carmel, tout comme la remise des autres scapulaires, "doit retrouver l’authenticité de ses origines: il ne doit pas se réduire à un geste plus ou moins improvisé, mais il doit plutôt être le fruit d’une préparation particulièrement soignée, au cours de laquelle le fidèle apprend à connaître la nature et les buts de l’association, à laquelle il adhère, ainsi que les obligations auxquelles il s’engage pour toute sa vie".
Les médailles de la Vierge Marie
206. Les fidèles aiment beaucoup porter sur eux, presque toujours attachées au cou, des médailles portant l’image de la Bienheureuse Vierge Marie. Ce geste de dévotion constitue de leur part un témoignage de foi, un signe de vénération à l’égard de la sainte Mère du Seigneur, et l’expression de leur confiance envers la protection maternelle de la Vierge Marie.
L’Église bénit ces objets de piété, en rappelant qu’ils "ont pour rôle de rappeler aux fidèles l’amour de notre Seigneur et d’augmenter leur confiance dans l’aide de la Vierge Marie", mais elle exhorte aussi les fidèles à ne pas oublier que la dévotion envers la Mère de Jésus exige avant tout "le témoignage d’une vie chrétienne qu’on est en droit d’attendre de leur part".
Parmi les médailles, la plus répandue est celle qui est connue sous le nom de "médaille miraculeuse", qui a bénéficié dans le passé, et bénéficie encore de nos jours d’une diffusion vraiment exceptionnelle. Elle a pour origine les apparitions de la Vierge Marie, en 1830, à une humble novice des Filles de la Charité, la future sainte Catherine Labouré. La médaille, qui a été réalisée en suivant les indications fournies par la Vierge à sainte Catherine, récapitule les mystères de la foi concernant la personne de Marie: en effet, son symbolisme particulièrement riche évoque à la fois le mystère de la Rédemption, l’amour du Cœur du Christ et du Cœur douloureux de Marie, la vocation de la Vierge Marie en tant que médiatrice de toutes grâces, le mystère de l’Église, les relations entre la terre et le ciel, et entre la vie temporelle et la vie éternelle.
La diffusion de la "médaille miraculeuse" a connu une nouvelle impulsion grâce à saint Maximilien-Marie Kolbe (+ 1941) et aux mouvements qu’il a suscités, ou qui se sont inspirés de son apostolat marial. De fait, ce jeune religieux des Tiers Mineurs Conventuels choisit la "médaille miraculeuse" comme le signe distinctif de la Pieuse Union de la Milice de l’Immaculée qu’il fonda, à Rome, en 1917.
La "médaille miraculeuse", comme les autres médailles de la Vierge ou les autres objets de culte, ne doit pas être considérée comme un talisman, ce qui conduirait les fidèles à une vaine crédulité. La promesse de la Vierge Marie, selon laquelle "les personnes qui porteront la médaille recevront de grandes grâces", exige de la part des fidèles une adhésion humble et fidèle au message chrétien, une prière persévérante et confiante, et une conduite morale cohérente.
L’hymne "Akathistos"
207. L’hymne vénérable adressée à la Mère de Dieu, appelée "hymne Akathistos" - dénommée ainsi parce qu’elle se chante debout - est l’une des expressions les plus hautes et les plus célèbres de la piété mariale de la tradition byzantine. Ce chef d’œuvre littéraire et théologique présente, sous la forme d’une prière, la foi commune et universelle de l’Église des premiers siècles au sujet de la Vierge Marie. Les sources qui ont inspiré cette hymne sont les Saintes Écritures, la doctrine définie par les Conciles œcuméniques de Nicée (325), d’Éphèse (431) et de Chalcédoine (451), ainsi que la réflexion des Pères orientaux des IV et V siècles. Durant l’année liturgique, l’hymne acathiste est chantée solennellement le cinquième samedi de Carême, et elle est reprise en de nombreuses autres occasions; son usage est recommandé à la piété du clergé, des moines et des fidèles.
Dans les années récentes, cette hymne s’est répandue aussi dans les communautés de fidèles de rite latin. Certaines célébrations solennelles mariales, qui ont eu lieu à Rome en présence du Saint-Père, ont contribué à la diffusion de l’hymne acathiste, qui a ainsi bénéficié d’un retentissement très important dans toute l’Église. Cette hymne très ancienne, qui est considérée comme un exemple magnifique de la tradition mariale la plus antique de l’Église indivise, est à la fois un appel et une prière d’intercession en faveur de l’unité des chrétiens, qui est appelée à se réaliser sous la conduite de la Mère du Seigneur: une telle richesse de louanges, rassemblée dans les différentes formes de la grande tradition de l’Église, pourrait nous aider à faire en sorte que celle-ci se remette à respirer pleinement de ses "deux poumons", oriental et occidental".
LA VÉNÉRATION DES SAINTS ET DES BIENHEUREUX
Quelques principes
208. Le culte des saints, et spécialement des martyrs, qui s’enracine dans la Sainte Écriture (cf. Ac 7, 54-60; Ap 6, 9-11; 7, 9-17) est un fait très ancien, qui est attesté avec certitude dans l’Église, depuis la première moitié du II siècle. L’Église, tant d’Occident que d’Orient, a toujours vénéré les Saints, et elle n’a pas hésité à défendre vigoureusement ce culte, en particulier à l’époque du protestantisme, face aux objections qui étaient présentées contre certains aspects traditionnels de cette dévotion; elle a aussi mis en évidence les fondements théologiques de cette vénération, de même que son étroite connexion avec la doctrine de la foi; enfin, elle a édicté des normes dans le but de réglementer le culte des saints, autant dans ses expressions liturgiques que populaires, et elle a souligné la valeur exemplaire du témoignage de ces remarquables disciples du Seigneur, hommes et femmes, dans le but d’inciter les fidèles à mener comme eux une vie chrétienne authentique.
209. La Constitution Sacrosanctum Concilium, dans le chapitre consacré à l’Année liturgique, met bien en évidence l’existence ainsi que la signification ecclésiale de la vénération des Saints et des Bienheureux: "L’Église a introduit dans le cycle annuel les mémoires des martyrs et des autres saints qui, élevés à la perfection par la grâce multiforme de Dieu et ayant déjà obtenu possession du salut éternel, chantent à Dieu dans le ciel une louange parfaite et intercèdent pour nous. Dans les anniversaires des saints, l’Église proclame le mystère pascal en ces saints qui ont souffert avec le Christ et sont glorifiés avec lui, et elle propose aux fidèles leurs exemples qui les attirent tous au Père par le Christ, et par leurs mérites elle obtient les bienfaits de Dieu".
210. Une connaissance complète et adéquate de la doctrine de l’Église concernant les Saints n’est possible que dans le cadre plus vaste des articles de foi suivants:
- "l’Église est une, sainte, catholique et apostolique". L’Église est "sainte", par la présence en elle de "Jésus-Christ qui, avec le Père et l’Esprit saint, est célébré comme le "seul saint"", grâce à l’action de l’Esprit de sainteté, et parce qu’elle est dotée des moyens de sanctification. Ainsi, l’Église, bien qu’elle soit composée d’hommes pécheurs, est "parée, déjà sur la terre, d’une sainteté encore imparfaite mais véritable"; elle est "le peuple saint de Dieu", dont les membres, selon le témoignage des Écritures, sont appelés des "saints" (cf. Ap 9, 13; 1 Co 6, 1; 16, 1).
- La "communion des saints": l’Église du ciel, l’Église qui vit dans l’état dit du "Purgatoire", c’est-à-dire dans l’attente de la purification finale, et l’Église qui chemine sur la terre communient "dans la même charité envers Dieu et envers le prochain"; de fait, tous ceux qui appartiennent au Christ, et qui ont reçu le même Esprit Saint, forment une seule Église, et sont tous unis dans le Christ.
- La doctrine de l’unique médiation du Christ (cf. 1 Tm 2, 5): celle-ci n’exclut pas d’autres médiations subordonnées, mais ces dernières s’exercent toutefois à l’intérieur et en référence à la médiation du Christ.
211. La doctrine de l’Église et sa Liturgie présentent les Saints et les Bienheureux qui contemplent déjà "dans la lumière le Dieu Un et Trine". Ils sont donc:
- des témoins historiques de la vocation universelle à la sainteté. La sainteté étant le fruit de la Rédemption accomplie par le Christ, les Saints et les Bienheureux sont donc la preuve vivante que Dieu appelle ses enfants à atteindre la plénitude de la stature du Christ, quels que soient leur époque, le peuple auquel ils appartiennent, les conditions socio-culturelles les plus variées, dans lesquelles ils vivent, et leurs divers états de vie (cf. Ep 4, 13; Col 1, 28);
- des disciples exemplaires du Seigneur et donc des modèles de vie évangélique; ainsi, dans les procès de canonisation, l’Église reconnaît l’héroïcité de leur vertu et elle les propose donc à l’imitation des fidèles;
- des citoyens de la Jérusalem céleste, qui chantent sans fin la gloire et la miséricorde de Dieu. En effet, ils sont déjà passés de ce monde au Père, en suivant le Christ dans sa Pâque;
- des intercesseurs et des amis des fidèles durant leur pélerinage sur la terre: les Saints, tout en connaissant le bonheur éternel auprès de Dieu, ne sont pas indifférents aux peines de leurs frères et sœurs, et ils les accompagnent sur leur chemin par leur prière et leur protection;
- des patrons des Églises locales, dont ils furent souvent les fondateurs (saint Eusèbe de Verceil) ou les Pasteurs illustres (saint Ambroise de Milan); des patrons des différentes nations: c’est-à-dire des apôtres de leur conversion à la foi chrétienne (saint Thomas, saint Barthélemy, pour l’Inde), ou des figures privilégiées de leur identité nationale (saint Patrick, pour l’Irlande); des patrons des corporations et des professions (saint Omobono, pour les tailleurs); des patrons et des protecteurs dans des circonstances particulières, comme au moment de l’enfantement (sainte Anne, saint Raymond Nonat), ou à l’heure de la mort (saint Joseph), et pour obtenir des grâces particulières (ainsi, sainte Lucie pour conserver la vue), etc.
Ce que l’Église confesse, elle en rend grâce à Dieu le Père, en proclamant: "dans la vie des Saints, tu nous procures un modèle, dans leur intercession un appui, et dans la communion avec eux une famille".
212. Enfin, il convient de rappeler que le but ultime de la vénération des Saints est la gloire de Dieu et la sanctification de l’homme, grâce au témoignage de ces vies totalement conformes à la volonté divine, et par l’imitation des vertus de ceux qui furent d’éminents disciples du Seigneur.
De même, tant dans la catéchèse que dans les différentes rencontres organisées en vue de la transmission de la foi, il convient de montrer aux fidèles que la relation avec les Saints, si elle est conçue à la lumière de la foi, bien loin de diminuer "le culte d’adoration rendu à Dieu le Père par le Christ dans l’Esprit, l’enrichit au contraire plus glorieusement", et que "le culte authentique des saints ne consiste pas tant à multiplier les actes extérieurs, mais plutôt à pratiquer un amour fervent et effectif", qui se traduit dans le témoignage d’une vie chrétienne exemplaire.
Les Saints Anges
213. L’Église, dans son enseignement, présente, dans un langage clair et sobre, "l’existence des êtres spirituels et incorporels, que la Sainte Écriture appelle les Anges, comme une vérité de foi. À ce témoignage explicite de l’Écriture correspond l’unanimité de la Tradition".
Selon l’Écriture Sainte, les Anges sont les messagers de Dieu, "invincibles porteurs de ses ordres, attentifs au son de sa parole" (Ps 103, 20), placés au service de son dessein de salut, "envoyés en service pour ceux qui doivent hériter du salut" (He 1, 14).
214. Les fidèles n’ignorent pas généralement les nombreux épisodes de l’Ancienne et de la Nouvelle alliance, dans lesquels les saints Anges manifestent leur présence. Ainsi, ils savent notamment que les Anges gardent les portes du paradis terrestre (cf Gn 3, 24), qu’ils sauvent Agar et son enfant Ismaël (cf. Gn 21, 17), qu’ils retiennent la main d’Abraham qui s’apprête à sacrifier Isaac (cf Gn 22, 11), qu’ils annoncent des naissances prodigieuses (cf. Jg 13, 3-7), qu’ils gardent les pas du juste (cf. Ps 91, 11), qu’ils louent sans cesse le Seigneur (cf. Is 6, 1-4), et qu’ils présentent à Dieu les prières des Saints (cf. Ap 8, 3-4). Ils se souviennent aussi de l’Ange qui intervint en faveur du prophète Elie, en fuite et à bout de forces (cf. 1 R 19, 4-8), d’Azarias et de ses compagnons jetés dans la fournaise (cf. Dn 3, 49-50), de Daniel enfermé dans la fosse aux lions (cf. Dn 6, 23). Enfin, l’histoire de Tobie leur est familière: Raphaël "l’un des sept Anges qui se tiennent devant le Seigneur" (Tb 12, 15), rendit de nombreux services à Tobie, au jeune Tobie, son fils, et à Sara, la femme de ce dernier.
Les fidèles savent aussi que les anges sont présents dans un certain nombre d’épisodes de la vie de Jésus, où ils exercent une fonction particulière: ainsi, l’Ange Gabriel annonce à Marie qu’elle concevra et donnera naissance au Fils du Très-Haut (cf. Lc 1, 26-38), et, de même, un Ange révèle à Joseph l’origine surnaturelle de la maternité de la Vierge (cf. Mt 1, 18-25); les Anges annoncent aux bergers de Béthléem la joyeuse nouvelle de la naissance du Sauveur (cf. Lc 2, 8-14); "l’Ange du Seigneur" protège la vie de l’enfant Jésus menacée par Hérode (cf. Mt 2, 13-20); les Anges assistent Jésus pendant son séjour dans le désert (cf. Mt 4, 11) et ils le réconfortent durant son agonie (cf. Lc 22, 43); enfin, ils annoncent aux femmes, qui se rendent au tombeau du Christ, que celui-ci est "ressuscité" (cf. Mc 16, 1-8), et ils interviennent encore au moment de l’Ascension pour révéler aux disciples le sens de cet événement et pour annoncer que "Jésus... reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel" (Ac 1, 11).
Les fidèles comprennent l’importance de l’avertissement de Jésus de ne pas mépriser un seul des petits qui croient en lui, "parce que leurs Anges dans les cieux contemplent sans cesse la face de mon Père" (Mt 18, 10), ainsi que la parole réconfortante selon laquelle "il y a de la joie chez les Anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit" (lc 15, 10). Enfin, les fidèles savent que "le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les Anges avec lui" (Mt 25, 31) pour juger les vivants et les morts, et mettre un point final à l’histoire.
215. L’Église qui, à ses débuts, fut gardée et défendue par le ministère des Anges (Ac 5, 17-20; 12, 6-11) expérimente constamment la"protection mystérieuse et puissante" de ces esprits célestes, qu’elle vénère et dont elle sollicite l’intercession.
Au cours de l’Année liturgique, l’Église célèbre la participation des Anges aux événements du salut; elle consacre aussi à leur mémoire certains jours particuliers: le 29 septembre (fête des Archanges Michel, Gabriel et Raphaël) et le 2 octobre (mémoire des Anges Gardiens). L’Église célèbre encore en leur honneur une Messe votive, dont la préface proclame que "la gloire de Dieu resplendit dans les Anges"; dans la célébration des mystères divins, elle s’associe au chant des Anges pour proclamer la gloire du Dieu trois fois saint (cf. Is. 6, 3) et elle sollicite leur aide pour porter l’offrande eucharistique "sur l’autel céleste, en présence de la gloire de Dieu"; elle célèbre l’office de louange en leur présence (cf. Ps. 137, 1); elle confie les prières des fidèles au ministère des Anges (cf. ap. 5, 8; 8, 3), ainsi que la douleur des pénitents, et la défense des innocents contre les attaques du Malin; à la fin de chaque journée, elle implore Dieu d’envoyer ses anges pour garder ceux qui prient dans la paix; elle prie les esprits célestes de venir en aide aux agonisants; et, au cours du rite des obsèques, elle supplie les Anges d’accompagner l’âme du défunt jusqu’au paradis et de garder son tombeau.
216. Tout au long des siècles, les fidèles ont exprimé leur foi dans le ministère des Anges en recourant à de nombreuses formes de piété: ainsi, ils ont choisi les Anges comme patrons des villes et protecteurs des corporations; ils ont érigé en leur honneur des sanctuaires célèbres (le Mont-Saint-Michel en Normandie, Saint-Michel de Cluse dans le Piémont, et Saint-Michel du Mont-Gargan dans les Pouilles), et fixé des jours de fête; enfin, ils ont composé des hymnes et des pieux exercices.
La piété populaire a contribué, d’une manière particulière, au développement de la dévotion envers l’Ange Gardien. Saint Basile le Grand (+379) enseignait déjà que "chaque fidèle a, près de lui, un Ange qui le protège et le conduit sur le chemin qui mène à la vie éternelle". Cette doctrine vénérable s’est peu à peu consolidée tout au long des siècles en se rattachant à des fondements bibliques et patristiques, et elle a donné naissance à des expressions variées de la piété populaire, jusqu’à l’œuvre de saint Bernard de Clairvaux (+ 1153), qui est considéré comme le grand docteur et l’apôtre éminent de la dévotion envers les Anges Gardiens. Pour saint Bernard, les Anges Gardiens sont la preuve que "le ciel ne néglige rien de ce qui peut nous être utile", c’est pourquoi il place "à nos côtés ces esprits célestes qui ont pour mission de nous protéger, de nous instruire et de nous guider".
La dévotion envers les Anges Gardiens suscite aussi un style de vie qui est caractérisé par:
- l’action de grâces adressée à Dieu qui accepte de placer des esprits d’une si grande sainteté et dignité au service des hommes;
- une attitude de droiture et de piété, suscitée par la conscience de vivre constamment en présence des saints Anges;
- une confiance sereine dans les situations difficiles, inspirée par la conviction que le Seigneur guide et assiste le fidèle sur le chemin de la justice, en recourant en particulier au ministère des Anges.
Parmi les prières adressées à l’Ange Gardien, celle de l’Angele Dei est particulièrement répandue; dans de nombreuses familles, elle fait partie de la prière du matin et du soir, et, en de nombreux endroits, elle accompagne aussi la prière de l’Angelus Domini.
217. Les expressions de la piété populaire envers les saints Anges sont légitimes et bienfaisantes, mais elles peuvent donner lieu à des déviations, parmi lesquelles il convient de citer:
- l’erreur suivante peut progressivement s’immiscer dans l’âme de certains fidèles: le monde et la vie seraient soumis à des tensions démiurgiques, c’est-à-dire à la lutte incessante entre les bons esprits et les esprits mauvais, ou entre les Anges et les démons; l’homme serait alors terrassé par des puissances supérieures contre lesquelles il ne pourrait rien faire. Une telle conception a pour effet d’affaiblir le sens de la responsabilité personnelle; de plus, elle ne concorde pas avec l’enseignement authentique de l’Évangile à propos de la lutte contre le Malin; l’Évangile exige, en effet, du disciple du Christ la droiture morale, l’engagement pour l’Évangile, l’humilité et la prière;
- certains fidèles peuvent être tentés de considérer les événements de la vie quotidienne d’une manière schématique et simpliste, voire infantile, en rendant le Malin responsable de leurs difficultés, y compris les plus minimes, et, au contraire, en attribuant à l’Ange Gardien leurs succès et leurs réalisations positives; or, de telles interprétations n’ont aucun rapport, ou si peu, avec le véritable progrès spirituel de la personne qui consiste à rejoindre le Christ. Il faut aussi réprouver l’usage de donner aux Anges des noms particuliers, que la Sainte Écriture ignore, hormis ceux de Michel, Gabriel et Raphaël.
Saint Joseph
218. Dans sa sagesse providentielle, Dieu réalisa son plan de salut en assignant à Joseph de Nazareth, "homme juste" (cf. Mt 1, 19), et époux de la Vierge Marie (cf. Ibid.; Lc 1, 27), une mission particulièrement importante: d’une part, introduire légalement Jésus dans la lignée de David de laquelle, selon la promesse des Écritures (cf. 2 S 7, 5-16; 1 Ch 17, 11-14), devait naître le Messie Sauveur, et, d’autre part, assumer la fonction de père et de gardien à l’égard de cet enfant.
En vertu de cette mission, saint Joseph est très présent dans les mystères de l’enfance du Sauveur: il reçut de Dieu la révélation de l’origine divine de la maternité de Marie (cf. Mt 1, 20-21), et il fut le témoin privilégié de la naissance de Jésus à Bethléem (cf. Lc 2, 6-7), de l’adoration des bergers (cf. Lc 2, 15-16) et de celle des Mages venus de l’Orient (cf. Mt 2, 11); il accomplit son devoir religieux à l’égard de l’Enfant en l’introduisant dans l’Alliance d’Abraham, lors de la circoncision (cf. Lc 2, 21), et en lui donnant le nom de Jésus (cf, Mt 1, 21); selon de la Loi, il présenta l’Enfant au Temple et le racheta en offrant le don des pauvres (cf. Lc 2, 22-24; Esd 13, 2.12-13) et, rempli d’étonnement, il entendit le cantique prophétique de Siméon (cf. Lc 2, 25-33); il protégea la Mère et le Fils durant la persécution d’Hérode en fuyant en Égypte (cf. Mt 2, 13-23); il se rendait chaque année à Jérusalem avec la Mère et l’Enfant pour la fête de la Pâque et il assista, avec effroi, à l’événement de la disparition de Jésus, âgé de 12 ans, qui était demeuré dans le Temple (cf. Lc 2, 43-50); il vécut dans la maison familiale de Nazareth, exerçant son autorité paternelle à l’égard de Jésus, qui lui était soumis (cf. Lc 2, 51), et il lui enseigna la Loi et son métier de charpentier.
219. Tout au long des siècles, et surtout à l’époque récente, la réflexion de l’Église a mis en évidence les vertus de saint Joseph, parmi lesquelles: la foi, qui, chez lui, se traduisait par une adhésion entière et courageuse au projet de salut de Dieu; l’obéissance inconditionnelle et silencieuse à la volonté de Dieu; l’amour et le respect fidèle de la Loi, la piété sincère et la force dans les épreuves; l’amour virginal dont il fit preuve à l’égard de la Vierge Marie, l’exercice assidu de ses devoirs de père de famille, et l’attrait pour une vie cachée et laborieuse.
220. La piété populaire met en valeur l’importance et l’universalité du patronage de saint Joseph, "à la vigilance duquel Dieu a voulu confier les débuts de notre rédemption" et "ses trésors les plus précieux". Saint Joseph assume les patronages suivants: l’Église tout entière, que le bienheureux Pie IX a voulu placer sous la protection spéciale du saint Patriarche; les personnes qui se consacrent à Dieu en choisissant le célibat pour le Royaume des cieux (cf. Mt 19, 12): "ils ont en saint Joseph un exemple et un défenseur de leur virginité"; les travailleurs et les artisans, dont le charpentier de Nazareth est le modèle exemplaire; les agonisants, puisque, selon une pieuse tradition, saint Joseph fut assisté, au moment de sa mort, de Jésus et de Marie.
221. La Liturgie fait souvent référence à la figure et au rôle de saint Joseph dans les célébrations des mystères de la vie du Sauveur, en particulier celles qui concernent sa naissance et son enfance, c’est-à-dire durant le temps de l’Avent, celui de Noël, spécialement à l’occasion de la fête de la Sainte Famille, lors de la solennité du 19 mars et à l’occasion de la mémoire du 1 mai.
Le nom de saint Joseph est mentionné dans le Communicantes du Canon Romain et dans les Litanies des Saints. Les Prières pour les mourants suggèrent d’invoquer le saint Patriarche; de même, la communauté prie pour que l’âme du mourant, en quittant ce monde, soit introduite "dans la paix de la Jérusalem céleste avec la Vierge Marie, Mère de Dieu, saint Joseph, tous les Anges et les Saints".
222. La vénération de saint Joseph occupe aussi une place importante dans la piété populaire: par exemple, dans des expressions diverses et nombreuses du folklore de certains peuples; dans la coutume, datant de la fin du XVII siècle, de considérer le mercredi comme un jour dédié à saint Joseph; à ce propos, il convient de noter que certains pieux exercices, comme les Sept mercredis, se rattachent à cette pieuse tradition. La dévotion des fidèles à l’égard de saint Joseph inspire aussi les pieuses invocations, que de nombreuses personnes aiment prononcer spontanément, de même que certaines formules de prières, comme celle qui fut composée par le pape Léon XIII: Ad te, beate Joseph, et qui est dite chaque jour par de nombreux fidèles, et aussi les Litanies de saint Joseph, approuvées par saint Pie X, et, enfin, le pieux exercice du chapelet des Sept angoisses et des sept joies de saint Joseph.
223. Des difficultés d’harmonisation entre la Liturgie et les expressions de la piété populaire peuvent surgir du fait que la solennité de saint Joseph (19 mars) est célébrée durant le Carême, qui est un temps liturgique tout entier consacré à la préparation des baptêmes et à la célébration de la Passion du Seigneur. Il est donc indispensable que les pratiques traditionnelles du "mois de saint Joseph" soient en syntonie avec le temps liturgique qui est célébré. De fait, le renouveau de la Liturgie a permis aux fidèles d’approfondir le véritable sens du temps liturgique du Carême. En adaptant les expressions de la piété populaire à cette exigence, il demeure néanmoins nécessaire de favoriser et de répandre la dévotion à l’égard de saint Joseph, en ayant constamment à l’esprit "l’exemple éminent [...], qui surpasse les états de vie particuliers et qui est proposé à la communauté chrétienne tout entière, quelles que soient les conditions de vie et les obligations des fidèles".
Saint Jean Baptiste
224. À la jonction entre l’Ancien et le Nouveau Testament, se dresse la figure imposante de Jean, fils de Zacharie et d’Elisabeth, qui étaient tous les deux des "justes devant Dieu" (Lc 1, 6); il est l’un des plus grands personnages de l’histoire du salut. Alors qu’il était encore dans le sein de sa mère, Jean reconnut le Sauveur, lui aussi caché dans le sein de la Vierge Marie (cf. Lc 1, 39-45); sa naissance fut marquée par de grands prodiges (cf. Lc 1, 57-66); il grandit dans le désert en menant une vie austère et pénitente (cf. Lc 1, 80; Mt 3, 4); "prophète du Très-Haut" (Lc 1, 76), la parole de Dieu lui fut adressée (cf. Lc 3, 2); "il parcourut toute la région du Jourdain en proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés" (Lc 3, 3); tel un nouvel Élie, humble et fort, il prépara le peuple à recevoir le Seigneur (cf. Lc 1, 17); conformément au dessein de Dieu, il baptisa, dans les eaux du Jourdain, le Sauveur du monde lui-même (cf. Mt 3, 13-16); il présenta Jésus à ses disciples en le désignant comme "l’Agneau de Dieu" (Jn 1, 29), le "Fils de Dieu" (Jn 1, 34) et l’Époux de la nouvelle communauté messianique (cf. Jn 3, 28-30); le témoignage courageux qu’il rendit à la vérité lui valut d’être emprisonné par Hérode, qui le fit décapiter (cf. Mc 6, 14-29); sa mort violente, tout comme auparavant sa naissance miraculeuse et sa prédication prophétique, firent de lui le précurseur du Seigneur. Jésus lui rendit un hommage incomparable en proclamant que "parmi les hommes, aucun n’est plus grand que Jean" (Lc, 7, 28).
225. Depuis les premiers siècles de l’Église, les fidèles célèbrent avec ferveur le culte de saint Jean Baptiste; il s’est même enrichi d’éléments provenant de la culture populaire. Outre la célébration de sa mort (le 29 août), au même titre que tous les autres saints, saint Jean Baptiste est le seul dont on célèbre aussi solennellement la naissance (24 juin), comme pour le Christ et la sainte Vierge Marie.
On peut constater que beaucoup de baptistères sont dédiés à saint Jean Baptiste, ce qui permet de souligner son rôle essentiel lors du baptême de Jésus; de même, de nombreuses fontaines baptismales évoquent sa figure en le représentant en train de baptiser. Son emprisonnement éprouvant et sa mort violente font aussi de lui le patron de ceux qui sont en prison, ainsi que des condamnés à mort, ou de ceux qui subissent de lourdes peines à cause de leur foi.
Il est très probable que la date de naissance de saint Jean Baptiste (24 juin) fut fixée en fonction de celle de la conception du Christ (25 mars), et de sa naissance (25 décembre): selon le signe donné par l’ange Gabriel au moment où Marie conçut le Sauveur, la mère du Précurseur était déjà enceinte depuis six mois (cf. Lc 1, 26. 36). Dans l’hémisphère nord, la solennité du 24 juin est aussi liée au cycle solaire. Elle se célèbre, en effet, au moment où le soleil, en se dirigeant vers le sud du zodiaque, commence à descendre à l’horizon: ce phénomène céleste est devenu le symbole de la figure de Jean Baptiste, qui, à propos du Christ et de lui-même, déclara: "Lui, il faut qu’il grandisse; et moi, que je diminue" (Jn 3, 30)
La mission de Jean, qui était venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité (cf. Jn 1, 7), a donné naissance à la coutume d’allumer des feux dans la nuit du 23 au 24 juin, et, là où cette tradition existait déjà, elle a permis de lui donner une signification chrétienne: de fait, l’Église bénit ces feux en priant pour que les fidèles passent des ténèbres du monde à la Lumière de Dieu qui ne s’éteindra jamais.
Le culte des Saints et des Bienheureux
226. Les rapports mutuels entre la Liturgie et la piété populaire, et leur influence réciproque, sont particulièrement importants dans le domaine spécifique du culte des Saints et des Bienheureux. Il paraît opportun de rappeler brièvement les principales formes de vénération prévues dans la Liturgie de l’Église: ces diverses dispositions sont destinées à éclairer et à guider les expressions de la piété populaire.
La célébration des Saints
227. La célébration d’une fête en l’honneur d’un Saint - et cela vaut aussi à leur propre niveau pour les Bienheureux - est sans aucun doute une expression éminente du culte de la communauté ecclésiale: elle inclut très souvent la célébration de l’Eucharistie. La détermination du "jour de fête" du Saint est une décision très importante sur le plan cultuel, mais elle est souvent complexe, parce qu’elle dépend de nombreux facteurs d’ordre historique, liturgique et culturel, qui ne sont pas faciles à harmoniser.
Dans l’Église de Rome et dans d’autres Églises locales, la célébration la plus ancienne fut celle de la mémoire des martyrs, le jour anniversaire de leur passion, qui marquait à la fois leur suprême identification au Christ et leur naissance au ciel; elle fut suivie par la célébration du conditor Ecclesiae, c’est-à-dire les évêques qui avaient dirigé ces Églises et les autres confesseurs de la foi, ainsi que de la commémoration annuelle de la dédicace de l’église cathédrale. La multiplication de ces diverses célébrations rendirent nécessaire la constitution progressive des calendriers liturgiques locaux, où furent mentionnés la date et le lieu de la mort de chacun des Saints ou groupe de Saints.
Ces calendriers particuliers permirent d’élaborer des calendriers généraux, dont les plus célèbres sont le Martyrologe syriaque (V siècle), le Martyrologium Hieronimianum (VI siècle), celui de saint Bède (VIII siècle), de Lyon (IX siècle), de Usardo (IX siècle) et d’Adone (IX siècle).
Le 14 janvier 1584, Grégoire XIII promulgua l’édition typique du Martyrologium Romanum, destiné à l’usage liturgique. Jean-Paul II a promulgué la première édition typique du Martyrologe Romain, qui a été révisé à la suite du Concile Vatican II; tout en se référant à la tradition romaine et en incorporant les données des différents martyrologes anciens les plus importants, cette édition typique rassemble les noms de très nombreux Saints et Bienheureux, et il constitue un témoignage extrêmement riche des multiples formes de sainteté que l’Esprit du Seigneur suscite dans l’Église à toutes les époques et en tous lieux.
228. Le Calendrier Romain est intimement lié à l’histoire du Martyrologe; il a pour objet de mentionner le jour et le degré des célébrations en l’honneur des Saints. Conformément à la disposition du Concile Vatican II, le Calendrier Romain Général comprend seulement les mémoires des "saints qui présentent véritablement une importance universelle", en laissant aux calendriers particuliers, qu’ils soient nationaux, régionaux, diocésains ou des familles religieuses, le soin d’indiquer les mémoires des autres Saints.
Il est opportun de rappeler la raison pour laquelle le nombre des célébrations des Saints a été réduit, ainsi que la nécessité d’en tenir compte sur le plan pastoral: cette décision a été prise pour que "les fêtes des saints ne l’emportent pas sur les fêtes qui célèbrent les mystères du salut eux-mêmes". Au cours des siècles, en effet, "la multiplication des fêtes, des vigiles et des octaves, ainsi que la complication progressive des diverses parties de l’année liturgique" avaient "souvent poussé les fidèles aux dévotions particulières, de telle sorte que leurs esprits ont été quelque peu détournés des mystères fondamentaux de notre rédemption".
229. À partir de la réflexion sur les faits qui ont marqué l’origine, le développement et les différentes révisions du Calendrier Romain Général, il est possible de présenter les quelques orientations pastorales suivantes:
- il est nécessaire d’instruire les fidèles sur le lien existant entre les fêtes des Saints et la célébration du mystère du Christ. En effet, la raison d’être des fêtes des Saints est de mettre en lumière les réalisations concrètes du dessein de salut de Dieu, et de "proclamer les merveilles du Christ chez ses serviteurs"; les fêtes des membres de l’Église, que sont les Saints, sont en réalité aussi des fêtes de la Tête de cette même Église, c’est-à-dire des fêtes du Christ;
- il convient d’habituer les fidèles à discerner la valeur et la signification véritable des fêtes de ces Saints et de ces Saintes, dont la mission particulière a marqué l’histoire du salut, et qui ont vécu dans une relation étroite avec le Seigneur Jésus: on peut citer, en particulier, saint Jean Baptiste (24 juin), saint Joseph (19 mars), les saints Pierre et Paul (29 juin), les autres Apôtres et saint Évangélistes, sainte Marie Madeleine (22 juillet) et sainte Marthe de Béthanie (29 juillet), enfin saint Étienne (26 décembre);
- il convient d’encourager les fidèles à célébrer en priorité les Saints qui, dans l’Église particulière, sont considérés comme les plus importants: par exemple, les Patrons ou ceux qui, les premiers, ont annoncé la Bonne Nouvelle à la communauté des origines;
- enfin, il est utile d’enseigner aux fidèles le critère d’ "universalité", qui caractérise les Saints inscrits dans le Calendrier Général, ainsi que le sens du degré de leur célébration liturgique: solennité, fête et mémoire (obligatoire ou facultative).
Le jour de la fête
230. Le jour de la fête du saint revêt une grande importance tant du point de vue de la Liturgie que de la piété populaire. Dans un laps de temps très bref, de nombreuses expressions cultuelles de nature liturgique ou populaire concourent à donner une physionomie propre à ce "jour du Saint", ce qui ne va pas sans poser des difficultés, voire des risques de conflits.
Les divergences éventuelles doivent être résolues à la lumière des normes du Missel Romain et du Calendrier Romain Général concernant les degrés de célébrations des Saints et des Bienheureux, qui sont fixées en fonction de leur relation avec la communauté chrétienne (Patron principal du lieu, Titulaire de l’Église, Fondateur ou Patron principal d’une famille religieuse). Il faut aussi tenir compte du transfert éventuel de la fête du Saint au dimanche suivant, et des dispositions concernant la célébration des fêtes des Saints durant certains temps particuliers de l’Année liturgique.
Ces normes doivent être observées, non seulement à cause de l’obéissance due à l’autorité liturgique du Saint-Siège, mais aussi et surtout pour les raisons qui justifient l’existence même de ces dispositions: le respect envers le mystère du Christ et la cohérence avec l’esprit de la Liturgie.
En particulier, il est nécessaire d’éviter que les raisons qui ont justifié le déplacement de dates de certaines fêtes de Saints ou de Bienheureux - par exemple, du Carême au Temps ordinaire - ne soient pas suivies d’effet dans la pratique pastorale: ainsi, le fait de célébrer la fête liturgique d’un Saint en se conformant à la nouvelle date, tout en continuant de la célébrer à l’ancienne date dans le cadre de la piété populaire, a pour conséquence de rompre gravement l’harmonie entre la Liturgie et la piété populaire, et, surtout, elle donne lieu à une répétition inutile de la même célébration, tout en générant chez les fidèles la confusion et le désarroi.
231. Il est nécessaire que la fête du Saint soit préparée, puis célébrée avec beaucoup de soin, tant du point de vue liturgique que pastoral.
Cette exigence comporte avant tout une présentation adéquate de la finalité pastorale du culte des Saints, qui est totalement destiné à célébrer la gloire de Dieu, "admirable dans ses Saints", et aussi à encourager les fidèles à conformer leur vie à l’enseignement et à l’exemple du Christ, en imitant les Saints, qui sont les membres éminents de son Corps mystique.
De plus, il est nécessaire que la figure du Saint soit présentée d’une manière appropriée. De fait, en se plaçant dans la perspective de la conception très juste qui prévaut à notre époque, il convient qu’une telle présentation ne se base pas tant sur des faits légendaires, qui entourent parfois la vie du Saint, ni sur ses qualités de thaumaturge, que sur la valeur de sa personnalité chrétienne, la grandeur de sa sainteté et l’efficacité de son témoignage évangélique, ainsi que sur le charisme personnel grâce auquel il a enrichi la vie de l’Église.
232. Le "jour du Saint" a aussi une grande valeur anthropologique: c’est un jour de fête. Et il est notoire que la fête répond à une nécessité vitale de l’homme, et qu’elle se fonde ultimement sur son aspiration à la transcendance. Par ses manifestations empreintes de joie et de gaieté, la fête affirme la valeur de la vie et de la création. En rompant avec la monotonie de la vie quotidienne et avec certaines formes de vie trop conventionnelles, en libérant aussi momentanément les fidèles de leur asservissement à l’égard de trop nombreuses contraintes matérielles, la fête exprime à la fois la recherche d’une liberté sans entraves, l’aspiration à un bonheur parfait et l’exaltation de la pure gratuité. Sur le plan culturel, la fête met en évidence le génie particulier d’un peuple, c’est-à-dire les valeurs qui le caractérisent et le distinguent des autres peuples, et les expressions les plus réussies de sa propre culture, y compris de son folklore. La fête est aussi un moyen de socialisation qui permet d’étendre le cercle de ses amis, et d’ouvrir ses relations de voisinage à de nouveaux membres de la communauté.
233. Divers facteurs menacent la qualité de la "fête du Saint" tant du point de vue religieux qu’anthropologique:
Du point de vue religieux, il peut arriver que la "fête du Saint", appelée "fête patronale" dans le cadre de la paroisse, soit progressivement vidée du contenu spécifiquement chrétien qui était le sien à l’origine - et qui consistait à honorer le Christ dans l’un de ses membres -, et qu’elle devienne surtout une manifestation sociale ou folklorique, et, dans le meilleur des cas, une occasion privilégiée de rencontre et de dialogue entre les membres d’une même communauté.
Du point de vue anthropologique, il convient de noter qu’il n’est pas rare que des groupes ou des personnes, en croyant "faire la fête", se détachent en réalité du véritable sens de cette expression en raison de leurs comportements. En effet, la fête est la participation de l’homme à la domination de Dieu sur la création et à son "repos" actif, qui est toute autre chose qu’une oisiveté stérile; elle est aussi la manifestation d’une joie simple et communicative, et non la la soif démesurée d’un plaisir égoïste; enfin, elle est l’expression d’une vraie liberté, et non la recherche de formes de divertissement ambiguës, qui génèrent elles-mêmes sournoisement de nouvelles formes d’esclavage. On peut donc affirmer avec certitude que la transgression des normes éthiques, non seulement contredit la loi du Seigneur, mais encore constitue une blessure à la signification anthropologique de la fête.
Au cours de la célébration de l’Eucharistie
234. Le jour de la fête d’un Saint ou d’un Bienheureux n’est pas l’unique forme de présence de ces derniers dans le cadre de la Liturgie. De fait, la célébration de l’Eucharistie constitue un moment privilégié de communion avec les Saints du ciel.
Dans le cadre de la Liturgie de la Parole, les lectures de l’Ancien Testament présentent souvent les figures des grands patriarches, des prophètes et d’autres personnes réputées pour leur vertu et pour leur attachement à la Loi du Seigneur. De leur côté, les lectures du Nouveau Testament évoquent souvent les Apôtres et les autres Saints et Saintes qui vécurent dans une relation de proximité et d’amitié avec le Seigneur. En outre, les vies de certains Saints constituent des illustrations tellement lumineuses des pages de l’Évangile, qu’il suffit de proclamer ces quelques passages pour évoquer leurs figures.
Les rapports constants entre la Sainte Écriture et l’hagiographie chrétienne ont donné lieu, dans le contexte de la célébration eucharistique, à la formation d’un ensemble de Communs, dans lesquels sont proposés des passages de la Bible qui illustrent les divers aspects de la vie des Saints. À propos de la relation étroite entre la Sainte Écriture et la vie des Saints, on peut observer encore que la Sainte Écriture oriente et jalonne le chemin des Saints vers la plénitude de la charité, et qu’ils sont donc, chacun pour leur part, des commentateurs vivants de la Parole de Dieu.
Les Saints sont mentionnés à divers moments de la Liturgie eucharistique. Durant l’offrande du Sacrifice, il est fait mémoire des "présents d’Abel le Juste, du sacrifice de notre père dans la foi, Abraham, et de l’oblation pure et sainte que t’offrit Melchisédech, ton grand prêtre". De fait, la Prière eucharistique constitue un moment privilégié et unique pour exprimer notre communion avec les Saints; elle permet, en effet, de vénérer leur mémoire et de solliciter leur intercession, puisque "dans la communion de toute l’Église, nous voulons nommer et honorer en premier lieu la bienheureuse Marie toujours Vierge, Mère de notre Dieu et Seigneur Jésus Christ, saint Joseph, son époux, les saints Apôtres et martyrs: Pierre et Paul, André [...] et tous les saints; accorde-nous, par leur prière et leurs mérites, d’être toujours et partout, forts de ton secours et de ta protection".
Dans les Litanies des Saints
235. Au cours de certaines grandes célébrations des sacrements, et à d’autres moments où la prière de l’Église se fait plus instante, celle-ci invoque les Saints par le chant simple et populaire des Litanies des Saints, dont l’existence est attestée depuis le début du VII siècle. La prière des Litanies est prévue, en particulier, lors de la Vigile pascale, avant la bénédiction de l’eau baptismale, et aussi au cours de la célébration du baptême et des ordinations à l’ordre sacré de l’épiscopat, du presbytérat et du diaconat, de même que dans le rite de la consécration des vierges et de la profession religieuse, dans le rite de la dédicace d’une église et d’un autel, au cours des rogations, durant les messes comportant des stations et durant les processions pénitentielles, pour ordonner au Malin de s’éloigner dans le cadre des exorcismes, et enfin pour recommander les agonisants à la miséricorde de Dieu.
Les Litanies des Saints, qui contiennent des éléments provenant à la fois de la tradition liturgique et de la piété populaire, illustrent la confiance de l’Église dans l’intercession des Saints, et elles mettent en valeur son expérience de la communion qui unit l’Église de la Jérusalem céleste et l’Église qui est encore en pèlerinage sur la terre. Il est permis d’invoquer, dans les Litanies des Saints, les noms de ceux qui sont inscrits dans les Calendriers liturgiques des diocèses et des Instituts religieux. Il est évident qu’il est interdit d’insérer dans les Litanies les noms de personnes, dont le culte n’est pas reconnu.
Les reliques des Saints
236. Le Concile Vatican II rappelle que "selon la Tradition, les saints sont l’objet d’un culte dans l’Église, et l’on y vénère leurs reliques authentiques et leurs images". L’expression "reliques des Saints" indique surtout les corps - ou des éléments significatifs de ces corps - de tous ceux qui, par la sainteté héroïque de leur vie, se révélèrent sur cette terre des membres éminents du Corps mystique du Christ et des temples vivants de l’Esprit Saint (cf. 1 Co 3, 16; 6, 19; 2 Co 6, 16). De plus, les objets qui ont appartenu aux Saints sont aussi considérés comme des reliques: il s’agit des objets personnels, des vêtements, des lettres, et des objets qui ont été mis en contact avec leurs corps ou leurs tombeaux (huiles, morceaux d’étoffe (brandea)), et aussi des objets qui ont touché les images vénérées du Saint.
237. Le Missel Romain renové recommande de "garder l’usage de déposer sous l’autel à consacrer des reliques de saints, même non martyrs". Cette place des reliques, par rapport à l’autel, indique donc que le sacrifice des membres de l’Église a pour origine et prend tout son sens, à partir de l’unique sacrifice de la Tête de cette même Église; de plus, les reliques expriment symboliquement la communion de toute l’Église à l’unique sacrifice du Christ, et donc la mission qui est confiée à cette Église de témoigner, même au prix du sang, de sa fidélité à son Époux et Seigneur.
Cette expression éminemment liturgique du culte des reliques n’est pas la seule; en effet, la piété populaire en comprend bien d’autres. Il est vrai néanmoins que les fidèles aiment vénérer les reliques. Il est donc nécessaire de mettre en place une pastorale, qui soit capable de promouvoir le véritable sens du culte des reliques; il s’agit, en effet:
- de s’assurer de leur authenticité; lorsqu’un doute subsiste, il convient de soustraire les reliques à la vénération des fidèles, en agissant avec la prudence pastorale requise dans ce genre de situation.
- d’empêcher la division excessive des reliques, qui ne respecte pas la dignité du corps humain; les normes liturgiques prévoient, en effet, que les reliques doivent être "assez grandes pour qu’on puisse comprendre qu’elles sont les restes de corps humains";
- d’exhorter les fidèles de ne pas se laisser gagner par la manie de collectionner des reliques; il est arrivé que, dans le passé, on ait à déplorer les conséquences déplorables de ce genre d’habitudes.
- de veiller au bon usage des reliques, afin d’éviter tout risque de fraudes, toute forme de trafic, et toute autre avilissement du culte en superstition.
Les différent actes de la dévotion populaire envers les reliques des Saints doivent être accomplis avec une grande dignité, et dans un climat de foi authentique. Parmi les principales expressions de la piété populaire, on peut citer le fait d’embrasser les reliques, de les illuminer et de les orner de fleurs, de les employer pour bénir ou de les porter en procession, et aussi de les apporter aux malades pour les réconforter et mettre ainsi en valeur leur demande de guérison. Il faut éviter dans les tous les cas d’exposer des reliques sur la table de l’autel, car celle-ci est réservée au Corps et au Sang du roi des martyrs.
Les saintes images
238. Le Concile de Nicée II a défendu avec vigueur la vénération envers les saintes images en déclarant: "conformément à la doctrine divinement inspirée de nos Saints Pères et à la tradition de l’Église catholique... nous définissons avec certitude que comme les représentations de la Croix précieuse et vivifiante, aussi les vénérables et saintes images, qu’elles soient peintes, en mosaïque ou de quelque autre matière appropriée, doivent être placées dans les saintes églises de Dieu, sur les saints ustensiles et les vêtements, sur les murs et les tableaux, dans les maisons et les chemins, aussi bien l’image de Dieu notre Seigneur et sauveur Jésus-Christ que celle de notre Dame immaculée, la sainte Mère de Dieu, des saints anges, de tous les saints et des justes".
Les Saints Pères reconnaissaient dans le mystère du Christ, le Verbe incarné, "l’image du Dieu invisible" (col 1, 15) et aussi le fondement du culte adressé aux saintes images: "l’incarnation du Fils de Dieu a inauguré une nouvelle "économie" des images".
239. La vénération des images, qu’elles soient peintes, ou réalisées sous la forme de statues, de bas-reliefs ou d’autres représentations, est importante aussi bien dans le cadre de la Liturgie que dans le domaine de la piété populaire: les fidèles prient devant elles, tant dans les églises que dans leurs propres maisons. Ils les ornent de fleurs, de lumières et de pierres précieuses; ils emploient des formes diverses pour leur rendre un hommage religieux, ils les portent en procession, ils accrochent auprès d’elles des ex-voto en signe de reconnaissance; ils les déposent dans des cavités ou des petits monuments érigés dans les champs ou le long des routes.
Toutefois, afin d’éviter certaines déviations, la vénération des images doit être fondée sur une conception théologique appropriée. Il est donc nécessaire que les fidèles connaissent la doctrine de l’Église concernant le culte des saintes images, qui est contenue dans les décrets des conciles œcuméniques et dans le Catéchisme de l’Église Catholique.
240. Selon l’enseignement de l’Église, les images sacrées sont:
- la traduction iconographique du message évangélique, dans la mesure où l’image et la parole révélée s’éclairent mutuellement; la tradition ecclésiale exige, en effet, que la sainte image "s’accorde avec la lettre du message évangélique";
- des signes saints, qui, comme tous les signes liturgiques, ont comme référence ultime le Christ; de fait, les images des Saints "renvoient à la figure du Christ qui est glorifié en eux";
- une évocation de nos Frères les Saints, "qui continuent à participer à l’histoire du salut du monde et auxquels nous sommes unis, spécialement dans la célébration des sacrements";
- une aide pour la prière: la contemplation des saintes images facilite la supplication et stimule la prière de reconnaissance pour les grâces insignes que Dieu a accomplies dans la vie des Saints;
- une exhortation à imiter les Saints, car "plus les yeux se posent sur ces images, plus le souvenir et le désir d’imiter ceux qui y sont représentés sont vifs et augmentent chez celui qui les contemple"; le fidèle est appelé à imprimer dans son cœur ce qu’il contemple avec les yeux: le Saint est une "vraie image de l’homme nouveau", transformé dans le Christ par l’action de l’Esprit Saint, qui est demeuré fidèle à sa propre vocation;
- une forme de catéchèse: "le peuple est instruit et confirmé dans la foi à travers l’histoire des mystères de notre Rédemption, qui sont exprimés au moyen des images peintes ou d’autres formes de représentation, et il dispose ainsi des moyens qui lui permettent de se rappeler et de méditer assidument les articles de la foi".
241. Il est nécessaire avant tout d’enseigner aux fidèles le caractère relatif du culte chrétien des images. En effet, les images ne sont pas vénérées pour elles-mêmes, mais pour ceux qu’elles représentent. C’est pourquoi "on doit leur rendre l’honneur et la vénération qui leur sont dus, non qu’on croie qu’il y a en elles du divin ou quelque vertu qui justifieraient leur culte, ou qu’on doive leur demander quelque chose, ou qu’on doive mettre fermement sa confiance dans les images, comme il arrivait autrefois aux païens qui mettaient leur espérance dans les idoles, mais parce que l’honneur qu’on leur rend remonte aux modèles originaux qu’elles représentent".
242. À la lumière de ces enseignements, les fidèles doivent éviter de commettre l’erreur d’établir des comparaisons entre les saintes images. Le fait que certaines images soient l’objet d’une vénération particulière, jusqu’à devenir le symbole de l’identité religieuse et culturelle d’un peuple, d’une ville ou d’un groupe, doit être expliqué à la lumière de la grâce particulière qui est à l’origine du culte rendu à ces images, et à partir des événements historiques et des éléments culturels qui ont concouru à les établir dans cette fonction de représentation: il est compréhensible que le peuple veuille commémorer fréquemment un événement de ce genre; une telle célébration renforce sa foi, glorifie Dieu, sauvegarde sa propre identité culturelle, et lui permet d’adresser avec confiance des prières incessantes, que le Seigneur, selon sa parole (cf. Mt 7, 7; Lc 11, 9; Mc 11, 24) est prompt à exaucer; ainsi, par ce moyen, l’amour de Dieu et du prochain augmente, l’espérance se dilate et la vie spirituelle du peuple chrétien ne cesse de croître.
243. Les saintes images sont, par nature, autant des signes sacrés que des œuvres d’art. De fait, "surtout quand elles sont remarquables de beauté artistique et de noblesse religieuse, elles sont comme un écho de cette beauté qui vient de Dieu et conduit à Dieu". Toutefois, l’image sacrée n’a pas d’abord pour fonction de procurer une satisfaction esthétique, mais d’introduire au Mystère. Lorsque l’aspect esthétique prend le dessus, ce qui arrive parfois, l’image est considérée plus comme un "thème" artistique que comme un moyen de transmettre un message spirituel.
En Occident, la production iconographique, dont les thèmes sont très variés, n’est pas soumise, à la différence de l’Orient, à des normes strictes contenues dans des canons vénérables, qui sont en vigueur depuis des siècles. Cela ne signifie pas pour autant que l’Église latine ait négligé d’exercer une certaine vigilance sur la production iconographique: ainsi, elle a interdit à de nombreuses reprises d’exposer dans les églises des images, qui seraient contraires à la foi, de même que celles qui ne seraient pas dignes ou qui pourraient induire les fidèles en erreur, ou encore qui seraient l’expression d’une abstraction désincarnée ou déshumanisante; de fait, certaines images sont plus le reflet d’un humanisme clos sur lui-même que les exemples d’une spiritualité authentique. Il faut réprouver aussi la tendance qui consiste à retirer systématiquement les images des lieux sacrés, ce qui a pour effet de nuire gravement à la piété des fidèles.
La piété populaire est attachée aux saintes images, en qui les fidèles reconnaissent des éléments de leur propre culture: ils sont donc sensibles aux représentations réalistes, aux personnages, qu’ils peuvent facilement identifier, et aux évocations des différents aspects de la vie de l’homme: la naissance, la souffrance, le mariage, le travail et la mort. Il convient, toutefois, d’éviter que l’art religieux populaire ne dégénère en des représentations superficielles ou mièvres, qui seraient privés de contenu véritable: c’est pourquoi les œuvres d’art destinées à l’usage liturgique ne doivent pas s’affranchir des règles de l’iconographie, et elles sont appelées à former un art chrétien véritable, dont les expressions diffèrent en fonction des époques et des divers courants culturels.
244. L’usage cultuel des images des Saints incite l’Église à les bénir, surtout celles qui sont destinées à la vénération publique des fidèles. l’Église demande donc que, en suivant l’exemple des Saints, "nous imitions leur exemple pour suivre le Seigneur et parvenir à la plénitude de l’homme parfait, qu’est le Christ". De même, l’Église a promulgué des normes concernant l’accueil et la disposition des images dans les édifices du culte; celles-ci doivent être strictement suivies. Ainsi, il est interdit de poser sur l’autel des statues et des images de Saints, ainsi que des reliques pour les proposer à la vénération des fidèles. L’Ordinaire a le devoir de veiller à ce que ne soient pas vénérées des images indignes, ou qui induiraient les fidèles en erreur, ou encore qui les inciteraient à s’adonner à des pratiques superstitieuses.
Les processions
245. Les relations entre la Liturgie et la piété populaire sont particulièrement importantes dans le domaine des processions; cette forme de culte, répandue dans le monde entier, a une valeur à la fois religieuse et sociale extrêmement riche et variée. En s’inspirant des modèles contenus dans la Sainte Écriture (cf. Esd. 14, 8-31; 2 S 6, 12-19; 1 Co 15, 25-16, 3), l’Église a institué un certain nombre de processions liturgiques, qui appartiennent à des catégories différentes:
- certaines processions ont pour but d’évoquer des événements du salut qui concernent le Christ lui-même: ainsi, la procession du 2 février qui commémore la présentation du Seigneur au Temple (cf. Lc 2, 22-38), celle du Dimanche des Rameaux, qui évoque l’entrée messianique de Jésus dans la ville de Jérusalem (cf. Mt 21, 1-10; Mc 11, 1-11; Lc 19, 28-38; Jn 12, 12-16). Il convient aussi de mentionner la procession de la Vigile pascale, qui fait mémoire du "passage", accompli par le Christ, des ténèbres du tombeau à la gloire de la Résurrection; cette procession constitue aussi une synthèse et un accomplissement de tous les exodes de l’ancien Israël, et elle est le prélude des différents "passages" que le disciple du Christ est appelé à effectuer dans la célébration des divers sacrements, surtout dans le rite du baptême, de même que dans la célébration des obsèques;
- d’autres processions correspondent à une dévotion particulière: il s’agit, en particulier, de la procession de la solennité du Corps et du Sang du Seigneur: les fidèles expriment leur action de grâces envers le Saint-Sacrement, qui traverse la cité des hommes, et ils proclament leur foi en l’adorant; le Saint-Sacrement, porté en procession, est aussi une source de bénédictions et de nombreuses grâces (cf. Ac 10, 38). On peut citer aussi la procession des rogations, dont la date est fixée actuellement dans chaque pays par la Conférence des Évêques: elle a pour objet de demander publiquement la bénédiction de Dieu sur les champs et sur le travail de l’homme, et elle a aussi un caractère pénitentiel. Enfin, il convient de mentionner la procession au cimetière du 2 novembre, le jour de la Commémoration de tous les fidèles défunts;
- diverses autres processions sont encore prévues dans le cadre de certaines célébrations liturgiques: ainsi, les processions des stations de Carême, durant lesquelles la communauté se rend du lieu fixé pour la collecta à l’église de la statio; la procession organisée pour recevoir, dans l’église paroissiale, le saint chrême et les autres saintes huiles, qui ont été bénits durant la Messe chrismale du Jeudi Saint; la procession de l’adoration de la Croix, prévue dans la célébration liturgique du Vendredi Saint; la procession qui a lieu durant les Vêpres du jour de Pâques, pendant laquelle "en chantant des psaumes, on va en procession aux fonts baptismaux"; les "processions" qui sont prévues à certains moments de la célébration eucharistique: à l’entrée du célébrant et des ministres, au moment de la proclamation de l’Évangile, lors de la présentation des dons, au moment de la communion au Corps et au Sang du Seigneur; la procession organisée pour porter le Viatique aux malades, dans les endroits où elle est encore en vigueur; le cortège funèbre qui accompagne le corps du défunt de sa maison à l’église, et de l’église au cimetière; enfin, la procession organisée à l’occasion de la translation des reliques.
246. La piété populaire a réservé une place très importante aux processions, surtout à partir du Moyen Âge, et ce mouvement a atteint son apogée à l’époque baroque: pour honorer les Saints patrons d’une cité, d’une contrée ou d’une corporation, les fidèles prirent alors l’habitude de porter en procession les reliques ou une statue, ou encore une image du Saint à travers les rues de la ville.
Les processions, dans ses formes les plus authentiques, permettent au peuple d’exprimer sa foi; de plus, leur enracinement dans la culture locale contribue à réveiller le sentiment religieux des fidèles. Il reste que, au même titre que les autres pieux exercices, les "processions de dévotion en l’honneur des Saints" sont susceptibles d’engendrer quelques erreurs préjudiciables à la foi chrétienne: ainsi, il peut arriver que ces dévotions l’emportent sur les sacrements, qui sont alors relégués au second plan, et que ces manifestations externes prévalent sur les dispositions intérieures des fidèles; de même, la procession peut être considérée à tort comme le moment le plus important de la fête du Saint. On peut citer aussi la tendance, qui prévaut chez certains fidèles insuffisamment instruits, de considérer le christianisme uniquement comme la "religion des Saints". Enfin, il faut prendre garde à ne pas transformer la procession, qui doit constituer avant tout un témoignage de foi, en un simple spectacle ou une parade de type folklorique.
247. Afin que la procession conserve dans chaque cas son caractère authentique de manifestation de la foi, il est nécessaire que les fidèles soient instruits de sa nature particulière du point de vue théologique, liturgique et anthropologique.
Sur le plan théologique, il faut mettre en évidence le fait que la procession est un signe de la nature profonde de l’Église: celle-ci est le peuple de Dieu qui chemine avec le Christ, et derrière lui, tout en étant conscient de ne pas avoir de demeure définitive dans ce monde (cf. He 13, 14), ou encore un peuple qui marche sur les routes de la cité terrestre vers la Jérusalem céleste. La procession est aussi le signe du témoignage de foi que la communauté chrétienne doit rendre à son Seigneur à l’intérieur des structures de la société civile. Elle est, enfin, le signe de l’engagement missionnaire de l’Église, qui, depuis ses débuts, et selon le commandement du Seigneur (cf. Mt 28, 19-20), s’est lancée sur toutes les routes et les chemins du monde entier pour annoncer l’Évangile du salut.
Du point de vue liturgique, les processions, y compris celles qui ont un caractère plus populaire, doivent être orientées vers la célébration de la Liturgie: ainsi, il convient de présenter une procession organisée d’une église jusqu’à une autre église, comme le signe du chemin que doit accomplir la communauté vivant dans le monde pour rejoindre la communauté, qui demeure dans les cieux. De même, il est important que la procession soit organisée par l’Église, et que ce soit elle qui la préside, afin d’éviter des manifestations irrespectueuses et dégradantes. Il faut faire en sorte de prévoir, au début de la procession, un moment de prière, qui doit nécessairement inclure la proclamation de la Parole de Dieu. Le chant doit être mis en valeur, de préférence celui des psaumes, avec l’apport éventuel des instruments de musique. Durant la procession, il est opportun de munir les fidèles de cierges ou de flambeaux allumés, et de prévoir des haltes, qui doivent alterner avec la marche, donnant ainsi l’image de toute vie humaine, qui comporte elle aussi des moments de marche, ponctués par des arrêts. La procession doit se conclure par une prière doxologique, adressée à Dieu, source de toute sainteté, et par la bénédiction de celui qui la préside, l’Évêque, le prêtre ou le diacre.
Enfin, du point de vue anthropologique, il faut insister sur le sens de la procession en tant que "chemin accompli ensemble"; en effet, unis par la prière et par les chants, et tendus vers le même but, les fidèles découvrent qu’ils sont solidaires les uns des autres; cette expérience les incite à mettre en pratique, dans leur propre vie, les résolutions chrétiennes qu’ils ont formulées dans leur cœur au cours de la procession.
LES SUFFRAGES POUR LES DÉFUNTS
La foi dans la résurrection des morts
248. "C’est en face de la mort que l’énigme de la condition humaine atteint son sommet". Toutefois, la foi dans le Christ transforme cette énigme en la certitude d’une vie sans fin. De fait, Jésus a déclaré qu’il a été envoyé par le Père "pour que tout homme qui croit en lui ne meure pas, mais obtienne la vie éternelle" (Jn 3, 16), et aussi: "la volonté de mon Père, c’est que tout homme qui voit le Fils et croit en lui obtienne la vie éternelle; et moi, je le ressusciterai au dernier jour". (Jn 6, 40). En référence à l’Écriture Sainte, l’Église professe donc sa foi dans la vie éternelle, par ces mots contenus dans le Symbole de Nicée-Constantinople: "j’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir".
En se fondant sur la Parole de Dieu, l’Église croit et espère fermement que "tout comme le Christ est vraiment ressuscité d’entre les morts et vit pour l’éternité, les justes, eux aussi, après leur mort, sont appelés à vivre pour toujours avec le Christ ressuscité".
249. La foi dans la résurrection des morts, qui est un élément essentiel de la révélation chrétienne, implique une vision spécifique de l’événement inéluctable et mystérieux de la mort.
La mort est la conclusion de la phase terrestre de la vie humaine, mais "pas de notre être", puisque l’âme est immortelle. "Nos vies sont inscrites dans un laps de temps déterminé, durant lequel nous nous transformons et nous vieillissons; ainsi, comme pour toutes les créatures, qui peuplent cette terre, la mort apparaît comme la fin naturelle de la vie"; du point de vue de la foi, la mort est aussi "la fin du pèlerinage de l’homme sur cette terre; elle est aussi la fin de ce temps de grâce et de miséricorde que Dieu offre à chaque homme pour mener à bonne fin sa vie terrestre selon son projet divin, et pour décider de son destin éternel".
S’il est vrai que la mort est un phénomène naturel, il apparaît aussi qu’elle correspond au "salaire du péché" (Rm 6, 23). De fait, selon une interprétation authentique des affirmations contenues dans la Sainte Écriture (cf. Gn 2, 17; 3, 3; 3, 19; Sg 1, 13; Rm 5, 12; 6, 23), le Magistère de l’Église "enseigne que la mort est entrée dans le monde à cause du péché de l’homme".
Jésus, le Fils de Dieu, "né d’une femme, sujet de la loi juive" (Ga 4, 4), a lui aussi subi la mort, qui est propre à la condition humaine; et tout en éprouvant de l’angoisse face à elle (cf. Mc 14, 33-34; He 5, 7-8), "il l’accepta en se soumettant sans réserve et librement à la volonté de son Père. L’obéissance de Jésus a transformé la malédiction de la mort en bénédiction".
La mort est devenue le passage à la plénitude de la vraie vie; l’Église renverse donc la logique et la prospective de ce monde en appelant le jour de la mort du chrétien son dies natalis, ou le jour de sa naissance au ciel, où "la mort n’existera plus, et il n’y aura plus de pleurs, de cris, ni de tristesse, car la première création aura disparu" (Ap 21, 4). Comme l’exprime si bien la Liturgie, la mort est donc le prolongement de la vie d’ici-bas, selon un mode complètement nouveau: "car pour tous ceux qui croient en toi, Seigneur, la vie n’est pas détruite, elle est transformée; et lorsque prend fin leur séjour sur la terre, ils ont déjà une demeure éternelle dans les cieux".
Enfin, la mort du chrétien est un événement de grâce, dans la mesure où, dans le Christ et par le Christ, elle acquiert un sens positif. Cette certitude est fondée sur l’enseignement des Écritures: "en effet, pour moi vivre, c’est le Christ, et mourir est un avantage" (Ph 1, 21); "voici une parole sûre: si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons" (2 Tm 2, 11).
250. Selon la foi de l’Église, le fait de "mourir avec le Christ" commence avec le Baptême: en le recevant, le disciple du Seigneur est déjà sacramentellement "mort avec le Christ" et ressuscité à une vie nouvelle; s’il meurt dans la grâce du Christ, la mort physique est le sceau de cette "mort avec le Christ", et elle le porte ainsi à son propre achèvement en l’incorporant pleinement et pour toujours au Christ Rédempteur.
Ainsi, l’Église, en priant pour les âmes des défunts, implore Dieu en leur faveur pour qu’ils obtiennent de Lui la vie éternelle; cette prière n’est pas uniquement destinée aux disciples du Christ, mais aussi à tous les défunts, dont Dieu seul connaît la foi.
La signification des suffrages
251. Au moment de sa mort, le juste rencontre Dieu, qui l’appelle à lui pour le rendre participant de sa vie divine. Toutefois, personne ne peut être accueilli dans l’amitié et l’intimité de Dieu, s’il n’a pas d’abord été purifié des conséquences personnelles de toutes ses fautes par Dieu lui-même. "L’Église appelle Purgatoire cette purification finale des élus, qui est tout autre chose que le châtiment des damnés. L’Église a formulé la doctrine de la foi relative au Purgatoire en particulier dans les décrets des Conciles de Florence et de Trente".
Cette doctrine a suscité la pieuse habitude des prières de suffrages pour les âmes du Purgatoire. Elles sont une supplication pressante adressée à Dieu pour qu’il accorde sa miséricorde aux fidèles défunts, qu’il les purifie du feu de sa charité et les introduise dans son Royaume de lumière et de vie.
Les suffrages sont une expression cultuelle de la foi dans la communion des Saints. De fait, "l’Église en ses membres qui cheminent sur la terre a entouré de beaucoup de piété la mémoire des défunts dès les premiers temps du christianisme en offrant aussi pour eux ses suffrages, car "la pensée de prier pour les morts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés, est une pensée sainte et pieuse" (2 M 12, 46)". Parmi ces prières, viennent en premier lieu la célébration du sacrifice eucharistique, puis d’autres expressions de piété, comme les prières, les aumônes, les œuvres de miséricorde, les indulgences en faveur des âmes des défunts.
Les obsèques chrétiennes
252. Dans la liturgie romaine, comme dans les autres liturgies latines et orientales, les prières de suffrages pour les défunts sont fréquentes et variées.
Les obsèques chrétiennes comprennent, selon les différentes traditions, trois moments essentiels, même si les conditions de vie dans les villes imposent souvent de réduire leur nombre à deux, voire à un seul:
- La veillée de prière dans la maison du défunt, ou, selon les circonstances, dans un autre lieu adapté, durant laquelle les parents, les amis et les fidèles élèvent vers Dieu des prières en faveur du défunt, écoutent "les paroles de la vie éternelle" et, à la lumière de ces dernières, dépassent les seules prospectives offertes par le monde d’ici-bas, pour se tourner vers les promesses authentiques fondées sur la foi dans le Christ ressuscité. La veillée de prières a aussi pour but d’apporter du réconfort aux proches du défunts, et d’exprimer la proximité des chrétiens à leur égard, selon les paroles de l’Apôtre: "pleurez avec ceux qui pleurent" (Rm 12, 15).
- la célébration de l’Eucharistie, qui est très souhaitable quand elle est possible. Durant cette sainte messe, la communauté ecclésiale écoute "la parole de Dieu qui proclame le mystère pascal, donne l’espérance de se revoir dans le Royaume de Dieu, ravive la piété envers les défunts et exhorte au témoignage d’une vie vraiment chrétienne". Celui qui préside commente la Parole durant une homélie "qui doit éviter la forme et le style d’un éloge funèbre". Dans l’Eucharistie, "l’Église, telle une Mère, exprime sa communion effective avec le défunt: en offrant au Père et dans l’Esprit Saint, le sacrifice de la Mort et de la Résurrection du Christ, elle demande que son enfant soit purifié de ses péchés et de leurs conséquences, et qu’il soit admis à la plénitude pascale des noces éternelles dans le Royaume". Une lecture attentive de la Messe des obsèques permet de comprendre à quel point la Liturgie exprime que l’Eucharistie est le banquet eschatologique, le vrai refrigerium chrétien du défunt.
- le rite de l’adieu, le cortège funèbre et la sépulture: le rite de l’adieu (ad Deum) au défunt est la "recommandation" de son âme à Dieu de la part de l’Église, "l’ultime salutation adressée par la communauté chrétienne à l’un de ses membres avant la sépulture de son corps". Le cortège funèbre manifeste que la Mère Église, qui, sacramentellement, a porté le chrétien dans son sein tout au long de son pèlerinage sur la terre, désire accompagner son corps durant son repos dans l’attente du jour de la résurrection (cf. 1 Co 15, 42-44).
253. Chacun des rites des obsèques chrétiennes doit être accompli avec une grande dignité et le sens religieux qui convient. Il est donc nécessaire que le corps du défunt, qui a été le temple de l’Esprit Saint, soit traité avec un grand respect, que l’ornementation funéraire soit digne, et exempte de toute ostentation et de toute pompe inutile, et que les signes liturgiques, comme la croix, le cierge pascal, l’eau bénite et l’encens, soient employés d’une manière appropriée.
254. La piété populaire s’est éloignée des pratiques de momification, d’embaumement ou d’incinération du corps, car elles induisent l’idée que la mort provoque la destruction totale de l’être humain; elle a donc retenu l’inhumation comme modèle de sépulture pour le fidèle. En effet, celle-ci évoque, d’une part, la terre d’où l’homme est tiré (cf. Gn 2, 6), et à laquelle il doit retourner (cf. Gn 3, 19; Si 17, 1) et, d’autre part, elle se réfère à la sépulture de Jésus, grain de blé tombé en terre, qui a porté beaucoup de fruits (cf. Jn 12, 24).
Toutefois, à notre époque, la pratique de l’incinération se répand pour des raisons liées aux transformations des conditions de vie et d’environnement. À ce propos la législation ecclésiastique dispose que "à ceux qui ont choisi l’incinération de leur corps, on accordera les funérailles chrétiennes, sauf s’il est évident qu’ils ont fait ce choix pour des motifs contraires à la foi chrétienne". Les fidèles qui ont fait ce choix sont expressément invités à ne pas conserver les urnes des défunts de leurs familles dans leur maisons, mais à leur donner une sépulture décente, jusqu’à ce que Dieu fasse resurgir ceux qui reposent dans la terre et que la mer rende les morts qu’elle contient (cf. Ap 20, 13).
Les autres suffrages
255. l’Église offre le sacrifice eucharistique pour les défunts, non seulement au moment des funérailles, mais aussi le jour anniversaire de leur mort, spécialement le troisième, ou le septième ou encore le trentième jour après leur décès. La célébration de la Messe pour le repos de l’âme d’un défunt, que l’on a connu sur cette terre, est la manière chrétienne de se souvenir et de prolonger, dans le Seigneur, la communion avec ceux qui ont franchi le seuil de la mort. De plus, le 2 novembre, l’Église réitère l’offrande du saint sacrifice pour tous les fidèles défunts, pour lesquels elle célèbre aussi la Liturgie des Heures.
Au cours de la célébration de l’Eucharistie et de celle des Vêpres, l’Église ne manque jamais d’élever une prière de supplication quotidienne vers le Seigneur, pour qu’il accorde "aux fidèles qui nous ont précédés, marqués du signe de la foi, et [...] à tous ceux qui reposent dans le Christ, la joie, la lumière et la paix."
Il est donc important d’éduquer les sentiments des fidèles sur le sens qu’il convient d’attribuer à la mort de leurs propres défunts, à partir de la célébration eucharistique, et, ainsi, leur expliquer le véritable sens de la prière de l’Église, qui vise à obtenir que les défunts de tous les temps et en tous lieux, soient associés à la gloire du Christ ressuscité; les fidèles doivent donc éviter de tomber dans une vision trop possessive ou particulariste de la Messe pour leur "propre" défunt. La célébration de la Messe pour les défunts est aussi une occasion pour faire une catéchèse sur les fins dernières.
La mémoire des défunts dans la piété populaire
256. La piété populaire, au même titre que la liturgie, est très attentive à mettre en valeur la mémoire des défunts, et elle exhorte notamment les fidèles à se tourner vers Dieu pour lui adresser des prières de suffrages en faveur de ceux qui sont décédés
Dans le cadre de la "commémoration des fidèles défunts", la question des relations entre la Liturgie et la piété populaire doit être abordée avec beaucoup de prudence et de délicatesse sur le plan pastoral, tant du point de vue doctrinal que de celui de l’harmonisation nécessaire entre les célébrations liturgiques et les pieux exercices.
257. Il est avant tout nécessaire que les diverses expressions de la piété populaire soient bien enracinées dans les éléments essentiels qui constituent la foi chrétienne, c’est-à-dire, en l’occurrence, la signification pascale de la mort de ceux qui, par le Baptême, ont été incorporés au mystère de la mort et de la résurrection du Christ (cf. Rm 6, 3-10), l’immortalité de l’âme (cf. Lc 23, 43), la communion des saints, car "l’union de ceux qui sont encore en chemin, avec leurs frères qui se sont endormis dans la paix du Christ, n’est nullement interrompue; au contraire, selon la foi constante de l’Église, cette union est renforcée par l’échange des biens spirituels": "notre prière pour eux peut non seulement les aider mais aussi rendre efficace leur intercession", de même que la résurrection de la chair, la manifestation glorieuse du Christ, "qui viendra juger les vivants et les morts", la récompense ou, au contraire, le châtiment en fonction des œuvres accomplies par chacun, et, enfin, la vie éternelle.
Les usages et les traditions de certains peuples dans le domaine spécifique du "culte des morts" sont profondément marqués par des éléments particuliers, qui font partie de leur culture locale: il s’agit notamment de conceptions anthropologiques qui sont liées au désir de prolonger les liens familiaux, et plus généralement, les relations sociales et amicales, avec les défunts. L’examen et l’évaluation de ces coutumes doivent être effectués avec la prudence requise, afin d’éviter de les considérer trop rapidement comme des relents de paganisme, à moins que ces usages ne soient manifestement contraires à l’Évangile.
258. Du point de vue doctrinal, il faut éviter:
- le danger de maintenir dans les expressions de la piété populaire envers les défunts, des éléments ou des aspects inacceptables du culte païen des ancêtres;
- l’invocation des morts au moyen de pratiques divinatoires;
- le fait d’attribuer à des personnes défuntes la signification de certains événements, souvent imaginaires, dont la peur conditionne souvent le mode d’agir des fidèles;
- le risque que s’insinuent des formes de croyance en la réincarnation;
- le danger de nier l’immortalité de l’âme et de dissocier la mort de la réalité future de la résurrection, ce qui a pour effet de présenter la religion chrétienne comme une religion des morts;
- l’application des catégories spatio-temporelles à la condition des défunts.
259. L’erreur doctrinale et pastorale, qui consiste à "occulter la mort et les divers éléments qui l’entourent", est très répandue dans la société moderne, ce qui entraîne souvent des conséquences dommageables.
Les médecins, le personnel médical et les proches parents estiment souvent qu’il est de leur devoir de cacher au malade le caractère imminent de sa mort, et il est vrai aussi que ce dernier meurt presque toujours hors de sa maison du fait des progrès de l’hospitalisation.
Il est habituel de constater qu’aucune place n’est prévue pour accueillir la réalité incontournable de la mort dans la civilisation urbaine de ce temps, qui est uniquement celle des vivants: ainsi, dans les immeubles situés dans les villes, l’exiguïté des appartements rend impossible l’organisation d’une veillée funèbre dans l’une des pièces de l’habitation; de même, dans les rues, l’intensité de la circulation provoque l’interdiction des cortèges funèbres, car leur lenteur constituerait une gêne pour le trafic automobile. De plus, on peut facilement observer que, dans les aires urbaines, le cimetière a changé de place: alors qu’autrefois, il était autour de l’église, ou non loin d’elle, en particulier dans les villages - il était donc à la fois une composante et un signe de la communion entre les vivants et les défunts dans le Christ -, le cimetière est maintenant situé dans la périphérie, et on l’installe toujours plus loin des habitations, pour éviter qu’il ne soit englobé au fur et à mesure de l’expansion de la ville.
La civilisation moderne refuse "la visibilité de la mort", et elle s’efforce donc d’en éliminer les signes. Dans un certain nombre de pays, ce rejet a pour conséquence le développement de l’embaumement du cadavre: il s’agit, par un procédé chimique, de conserver le corps du défunt afin qu’il ait encore toutes les apparences de la vie.
Le chrétien doit, au contraire, se familiariser avec la pensée de la mort et accepter cette réalité dans la paix et la sérénité; il ne peut donc pas adhérer intérieurement à ce phénomène d’ "intolérance à l’égard des défunts", qui prive ces derniers de tout espace dans la vie des cités contemporaines; il ne peut pas non plus accepter le refus de la "visibilité de la mort": en effet, cette intolérance et ce rejet sont les signes d’une fuite irresponsable par rapport à la réalité, ou encore ils correspondent à une vision matérialiste de l’existence, privée d’espérance et étrangère à la foi dans le Christ mort et ressuscité.
Le chrétien doit aussi s’opposer fermement aux nombreuses formes du "commerce de la mort", dont les adeptes cherchent seulement à réaliser des gains démesurés et honteux, en profitant de la crédulité des fidèles.
260. La piété populaire envers les défunts s’exprime de multiples manières, selon les lieux et en fonction de traditions très diverses. On peut citer notamment:
- la neuvaine de prières pour les défunts, en guise de préparation à la Commémoration du 2 novembre, et l’octave, comme prolongement de cette célébration; ces deux pieux exercices doivent être célébrés en respectant le déroulement de la Liturgie;
- la visite au cimetière: il arrive qu’elle soit accomplie d’une manière communautaire, comme le jour de la Commémoration de tous les fidèles défunts, ou à la fin d’une mission populaire, ou encore à l’occasion de la prise de possession d’une paroisse par un nouveau curé. Il peut s’agir aussi d’une visite privée: les fidèles se rendent alors près des tombes de leurs proches, avec le désir de les entourer de respect et d’honneur, en les ornant de fleurs et de lumières; une telle visite doit avoir pour but de manifester les liens qui existent entre le défunt et ses proches, et non pas se réduire à une simple obligation, fondée sur une peur relevant de la superstition;
- l’adhésion à des confréries et des associations pieuses qui ont pour but d’ "ensevelir les morts", en offrant des suffrages pour les défunts et en manifestant la solidarité concrète des chrétiens avec les proches parents du disparu, conformément à la conception chrétienne de la mort.
- les suffrages fréquents pour les défunts: ils peuvent revêtir différentes formes, qui ont déjà été mentionnées: les aumônes, les diverses autres œuvres de miséricorde, les indulgences, et, surtout, les prières, notamment le psaume De profundis, ou la brève formule du Requiem aeternam, qui accompagne souvent la prière de l’Angelus, la méditation du chapelet, et la bénédiction de la table familiale.
LES SANCTUAIRES ET LES PÈLERINAGES
261. Le sanctuaire, qu’il soit dédié à la Très Sainte Trinité, au Christ Seigneur, à la binheureuse Vierge Marie, aux Anges, aux Saints ou aux Bienheureux, est sans doute l’un des lieux où les rapports entre la Liturgie et la piété populaire sont les plus fréquents et concrets. "Dans les sanctuaires seront plus abondamment offerts aux fidèles les moyens de salut en annonçant avec zèle la parole de Dieu, en favorisant convenablement la vie liturgique surtout pour la célébration de l’Eucharistie et de la pénitence, ainsi qu’en entretenant les pratiques éprouvées de piété populaire".
En relation étroite avec le sanctuaire, on trouve le pèlerinage, qui est lui aussi une forme très répandue et caractéristique de la piété populaire.
À notre époque, l’intérêt pour les sanctuaires et la participation aux pèlerinages, loin de s’affaiblir du fait de la sécularisation, fait preuve au contraire une grande vigueur parmi les fidèles.
Il paraît néanmoins nécessaire, conformément à la finalité de ce Document, de présenter quelques orientations dans le but d’instaurer et de favoriser des relations harmonieuses entre les célébrations liturgiques et les pieux exercices, dans le cadre de l’activité pastorale des sanctuaires et pour le bon déroulement des pèlerinages.
Le Sanctuaire
Quelques principes
262. Selon la révélation chrétienne, le sanctuaire suprême et définitif est le Christ ressuscité (cf. Jn 2, 18-21; Ap 21, 22), autour duquel se rassemble et s’organise la communauté des disciples, qui est elle-même la nouvelle demeure du Seigneur (cf. 1 P 2, 5; Ep 2, 19-22).
Du point de vue théologique, le sanctuaire, dont l’origine provient assez souvent de la piété populaire, est un signe de la présence active et rédemptrice du Seigneur dans l’histoire; il est aussi un lieu où le peuple de Dieu, qui chemine sur les routes du monde vers la Cité future (cf. He 13, 14), fait une halte et reprend des forces avant de poursuivre son pèlerinage.
263. Le sanctuaire, comme les églises, a une grande valeur symbolique: il est l’icône de la "demeure de Dieu parmi les hommes" (Ap 21, 3), et il évoque "le mystère du Temple", qui s’accomplit dans le corps du Christ (cf. Jn 1, 14; 2, 21), dans la communauté ecclésiale (cf. 1 P 2, 5), et dans la personne de chaque fidèle baptisé (cf. 1 Co 3, 16-17; 6, 19; 2 Co 6, 16).
Pour les fidèles, les sanctuaires sont souvent, à cause de leur origine, la mémoire d’un événement considéré par eux comme extraordinaire, et qui a provoqué l’émergence de manifestations de dévotion durable, ou des témoignages de piété et de reconnaissance de tout un peuple pour les grâces reçues en ce lieu. À cause des nombreux signes de miséricorde qui se manifestent dans les sanctuaires, ces derniers sont aussi des lieux privilégiés où Dieu vient en aide aux hommes, et où se manifeste l’intercession de la bienheureuse Vierge Marie, des Saints ou des Bienheureux. De même, leur emplacement, souvent élevé ou solitaire, leur beauté austère ou, au contraire, agréable, font des sanctuaires des témoins privilégiés de l’harmonie du cosmos, et des lieux où se reflète la beauté de Dieu. La prédication, qui résonne constamment dans les sanctuaires est, pour les fidèles à la fois un appel efficace à la conversion, une invitation à vivre dans la charité et à multiplier les œuvres de miséricorde, enfin, une exhortation à vivre en suivant fidèlement le Christ. Les sacrements, qui peuvent être reçus dans ces lieux, permettent de consolider la foi des fidèles; ils leur permettent aussi de croître dans la grâce, et ils leur procurent le secours et l’espérance dans les épreuves qu’ils peuvent rencontrer. Les sanctuaires, en mettant en valeur un aspect particulier du message évangélique, peuvent être considérés comme une illustration et même un prolongement de la Parole de Dieu. Enfin, l’orientation eschatologique des sanctuaires contribue à transmettre aux fidèles le sens de la transcendance; leur présence dans ces lieux les incitent à diriger leurs pas, à travers les chemins de la vie d’ici-bas, vers le sanctuaire du ciel (cf. He 9, 11; Ap 21, 3).
"Toujours et partout, les sanctuaires chrétiens ont été ou ont voulu être des signes de Dieu, de son irruption dans l’histoire humaine. Chacun d’eux est un mémorial du mystère de l’Incarnation et de la Rédemption".
La reconnaissance canonique
264. "Par sanctuaire on entend une église ou un autre lieu sacré où les fidèles se rendent nombreux en pèlerinage pour un motif particulier de piété avec l’approbation de l’Ordinaire du lieu".
La reconnaissance canonique d’un lieu sacré comme sanctuaire diocésain, national ou international dépend respectivement de l’Évêque diocésain, de la Conférence des Évêques ou du Saint-Siège. L’approbation canonique équivaut à une reconnaissance officielle du lieu sacré et de sa finalité spécifique; cette dernière consiste à accueillir les pèlerinages du peuple de Dieu organisés en ce lieu pour adorer le Père, professer la foi, se réconcilier avec Dieu, avec l’Église et avec ses frères, et implorer l’intercession de la Mère du Seigneur ou d’un Saint.
Toutefois, il ne faut pas oublier que, localement, de nombreux autres lieux de culte, souvent humbles - comme certaines petites églises situées dans les villes ou à la campagne - assument un rôle similaire à celui des sanctuaires, tout en ne bénéficiant pas d’une reconnaissance canonique. Ils font eux aussi partie de la "géographie" de la foi et de la piété du peuple de Dieu, puisqu’ils marquent l’emplacement d’une communauté qui demeure sur un territoire déterminé et qui, dans la foi, chemine vers la Jérusalem céleste (cf. Ap 21).
Le sanctuaire, lieu des célébrations cultuelles
265. Le sanctuaire a une fonction principalement cultuelle. Les fidèles se rendent, en effet, dans ce lieu pour participer aux célébrations liturgiques et aux pieux exercices. Toutefois, cette fonction cultuelle reconnue du sanctuaire ne doit pas obscurcir, dans la conscience des fidèles, l’enseignement évangélique selon lequel le lieu n’est pas un élément déterminant pour rendre un culte authentique au Seigneur (cf. Jn 4, 20-24).
La valeur exemplaire du sanctuaire
266. Les responsables des sanctuaires ont le devoir de veiller à la qualité exemplaire des cérémonies: "La promotion d’une Liturgie de qualité fait partie des fonctions, qui sont dévolues aux sanctuaires; il s’agit même d’une obligation inscrite dans le Code de droit canonique. Cette promotion concerne moins l’obligation d’augmenter le nombre des célébrations que celle d’améliorer la qualité de celles qui existent déjà. Les recteurs des sanctuaires doivent être bien conscients de leur responsabilité dans ce domaine. Ils doivent comprendre, en effet, que les fidèles, qui se rendent dans les différents sanctuaires, doivent en repartir réconfortés sur le plan spirituel et édifiés par les célébrations liturgiques auxquelles ils ont participé: celles-ci auront su leur transmettre le message du salut par la noble simplicité de leurs rites et le respect fidèle des normes liturgiques. Ces mêmes recteurs doivent savoir aussi que les effets d’une célébration liturgique exemplaire ne se limitent pas à ladite célébration accomplie dans le sanctuaire: en effet, les prêtres et les fidèles, qui participent à des cérémonies de qualité, sont portés à les faire connaître dans leurs propres lieux de culte d’origine".
La célébration de la Pénitence
267. Pour de nombreux fidèles, la visite du sanctuaire est une occasion particulièrement favorable, et qui équivaut souvent à une recherche très ardente, de s’approcher du sacrement de Pénitence. Il est donc nécessaire de préparer avec soin les différents éléments qui font partie de ce sacrement. Parmi ces derniers, on peut citer, en particulier:
- le lieu de la célébration: en plus des confessionnaux traditionnels disposés dans l’église, il est souhaitable que, dans les sanctuaires les plus fréquentés, un lieu soit réservé à la célébration du sacrement de Pénitence, qui puisse convenir à des moments de préparation communautaire et à des célébrations pénitentielles, dans le respect des normes canoniques et tout en garantissant la discrétion requise pour la confession; de plus, un tel lieu doit offrir un espace adapté pour le dialogue du pénitent avec le confesseur.
- La préparation au sacrement: les fidèles ont souvent besoin d’être aidés dans l’accomplissement de certains actes qui font partie du sacrement: ce soutien a surtout pour but d’orienter leur cœur vers Dieu, "parce que la vérité de la Pénitence dépend d’une sincère conversion". Il est donc utile d’organiser des rencontres de préparation, qui sont proposées dans l’Ordo Paenitentiae, grâce auxquelles, par l’écoute et la méditation de la Parole de Dieu, les fidèles sont conduits à célébrer fructueusement le sacrement. Il convient du moins de mettre à la disposition des fidèles, des personnes idoines qui puissent les aider, non seulement à préparer la confession de leurs péchés, mais encore et surtout à éprouver un sincère repentir pour les fautes commises.
- Le choix du rite, afin de permettre aux fidèles de mieux prendre conscience de la dimension ecclésiale du sacrement de Pénitence. Dans cette optique, la célébration du Rite pour la réconciliation de plusieurs pénitents avec la confession et l’absolution individuelle (seconde forme), à condition qu’elle soit préparée avec soin, ne devrait pas constituer une exception, mais un fait normal; de telles célébrations devraient notamment être organisées à des périodes déterminées ou à l’occasion de célébrations particulièrement importantes de l’Année liturgique. En effet, "la célébration communautaire manifeste plus clairement la nature ecclésiale de la Pénitence". La réconciliation avec absolution générale, qui, par définition, ne comporte pas la confession individuelle et intégrale des péchés, est une forme tout à fait exceptionnelle et extraordinaire du sacrement de Pénitence, qui ne peut être considérée sur le même plan que les deux autres formes ordinaires, comme s’il s’agissait d’une simple alternative; de plus, la grande affluence des pénitents, à l’occasion de certaines fêtes et de pèlerinages, n’est pas une condition suffisante pour justifier le recours à cette forme extraordinaire du sacrement.
La célébration de l’Eucharistie
268. "La célébration de l’Eucharistie est le sommet et comme le foyer de toute l’action pastorale des sanctuaires"; c’est pourquoi, il convient de lui prêter la plus grande attention afin que son déroulement soit exemplaire, et qu’elle puisse conduire les fidèles à une rencontre profonde avec le Christ.
Il arrive souvent que plusieurs groupes manifestent le désir de célébrer l’Eucharistie en même temps, et séparément. Un tel choix a pour conséquence de contredire la dimension ecclésiale du mystère eucharistique, puisque, dans ce cas, la célébration de la Messe, au lieu d’être un moment d’unité et de fraternité, est plutôt l’expression d’un particularisme qui ne reflète pas les valeurs de communion et d’universalité, qui sont propres à l’Église.
Une simple réflexion sur la nature de la célébration de l’Eucharistie, "sacrement de l’amour, signe de l’unité, lien de la charité", devrait convaincre les prêtres, qui guident les pèlerinages, de faire tout pour favoriser la réunion des différents groupes dans une même concélébration, à condition qu’elle soit bien organisée et attentive - si un tel cas se présente - à la diversité des langues. De même, à l’occasion des rassemblements de fidèles appartenant à diverses nationalités, il est vivement recommandé de chanter en langue latine et en recourant à des mélodies faciles, au moins les parties de l’Ordinaire de la Messe, spécialement le symbole de la foi et la prière du Seigneur. Une telle célébration contribue à donner une vraie image de la nature de l’Église et de l’Eucharistie; elle est aussi une occasion pour les pèlerins de s’accueillir mutuellement, tout en leur permettant de s’enrichir réciproquement.
La célébration de l’Onction des malades
269. L’Ordo unctionis infirmorum eorumque pastoralis curae prévoit la célébration communautaire du sacrement de l’Onction des malades dans les sanctuaires, surtout à l’occasion des pèlerinages auxquels les malades sont invités à participer. Cette disposition correspond parfaitement à la nature du sacrement et à la fonction du sanctuaire: il est juste que dans un lieu où l’invocation de la miséricorde du Seigneur est plus intense, les fidèles puissent faire l’expérience de la présence maternelle de l’Église en faveur de ses enfants, qui sont atteints par l’épreuve de la maladie ou de la vieillesse.
Le rite doit se dérouler selon les indications de l’Ordo, en particulier "s’il y a là plusieurs prêtres, chacun d’eux impose les mains sur quelques malades et fait l’Onction, en disant la formule qui l’accompagne. Les prières sont dites par le seul célébrant principal".
La célébration des autres sacrements
270. Dans les sanctuaires, outre l’Eucharistie, la Pénitence et la célébration communautaire de l’Onction des malades, il arrive que les autres sacrements soient célébrés plus moins fréquemment. Cela exige de la part des responsables des sanctuaires, outre le respect des dispositions émises par l’Évêque diocésain:
- la recherche d’une entente sincère et d’une collaboration fructueuse entre le sanctuaire et la communauté paroissiale;
- l’attention à la nature de chacun des sacrements; ainsi, par exemple, les sacrements de l’initiation chrétienne, qui requièrent une longue préparation et ont pour effet d’enraciner le baptisé dans la communauté ecclésiale, devraient être normalement célébrés dans le cadre de la paroisse;
- l’assurance que la célébration de chacun des sacrements a bien fait l’objet d’une préparation adéquate; les responsables d’un sanctuaire ne doivent pas notamment s’engager à célébrer le sacrement de mariage sans avoir reçu auparavant l’autorisation de l’Ordinaire ou du curé;
- l’évaluation sereine des multiples situations concrètes, qui sont souvent imprévisibles, et pour lesquelles il n’est pas possible d’établir des normes rigides.
La célébration de la Liturgie des Heures
271. Le séjour dans un sanctuaire offre un temps et un lieu favorables pour la prière personnelle et communautaire, et il est aussi une occasion privilégiée pour aider les fidèles à apprécier la beauté de la Liturgie des Heures, et à s’associer à la louange quotidienne que, au cours de son pèlerinage sur la terre, l’Église élève vers le Père, par le Christ, et dans l’Esprit Saint.
Les recteurs des sanctuaires sont donc invités à prévoir des célébrations dignes et festives de la Liturgie des Heures, spécialement celles des Laudes et des Vêpres, qu’ils introduiront d’une manière opportune dans les programmes destinés aux pèlerins, en leur suggérant de prier une partie ou la totalité d’un Office votif particulièrement lié au sanctuaire.
Durant le pèlerinage, et spécialement au cours des diverses étapes prévues durant le trajet qui mène au sanctuaire, les prêtres qui accompagnent les fidèles ne doivent pas omettre de leur proposer de prier au moins quelques Heures de l’Office Divin.
La célébration des sacramentaux
272. Depuis les premiers siècles, l’Église a coutume de bénir les personnes, les lieux, la nourriture et les objets. Toutefois, à notre époque, cette pratique se heurte à quelques difficultés, à cause d’habitudes et de conceptions erronées profondément enracinées dans la mentalité de certains groupes de fidèles. Les bénédictions constituent néanmoins, dans le cadre des sanctuaires, une question d’ordre pastoral assez importante; en effet, les nombreux fidèles, qui se rendent dans ces lieux pour implorer la grâce et l’aide du Seigneur, ainsi que l’intercession de la Mère de la miséricorde et des Saints, demandent souvent aux prêtres de leur accorder les bénédictions les plus variées. Dans le but de guider les recteurs des sanctuaires dans la pastorale des bénédictions, les orientations suivantes leur sont donc adressées:
- ils sont tenus d’appliquer progressivement et patiemment les principes contenus dans le Rituale Romanum, qui concourent tous à faire en sorte que les bénédictions soient perçues avant tout par les fidèles comme des expressions authentiques de la foi en Dieu, dispensateur de tous biens;
- ils doivent mettre en évidence d’une manière adéquate - quand cela s’avère possible - les deux moments qui constituent "la structure typologique" de toute bénédiction: d’une part, la proclamation de la Parole de Dieu, qui donne un sens au signe sacré, et, d’autre part, la prière, par laquelle l’Église loue Dieu et l’implore de lui accorder ses bienfaits, comme le rappelle aussi le signe de la croix tracé par le ministre ordonné.
- ils doivent opter pour une célébration communautaire de préférence à une célébration individuelle ou privée, et encourager les fidèles à participer activement et consciemment à cette bénédiction.
273. Il est souhaitable que, durant les périodes de grande affluence de pèlerins, les recteurs des sanctuaires prévoient, durant la journée, des moments particuliers réservés aux célébrations des bénédictions; ils les organiseront de telle manière que les fidèles puissent comprendre la vraie signification des bénédictions, et qu’ils prennent l’engagement d’observer les commandements de Dieu, afin que leur vie corresponde aux exigences qui résultent d’une demande de bénédiction.
Le sanctuaire, lieu d’évangélisation
274. D’innombrables moyens de communication sociale propagent quotidiennement des nouvelles et des messages en tous genres; le sanctuaire est pour sa part le lieu où est constamment proclamé un message de vie: l’ "Évangile de Dieu" (Mc 1, 14; Rm 1, 1) ou "l’Évangile de Jésus-Christ" (Mc 1, 1), c’est-à-dire la bonne nouvelle qui vient de Dieu lui-même, et qui concerne Jésus-Christ: celui-ci est le Sauveur de tous les peuples; c’est en lui seul que la mort et la résurrection, le ciel et la terre se sont réconciliés pour l’éternité.
Les éléments essentiels du message évangélique doivent être proposés, d’une manière directe ou indirecte, au fidèle qui se rend dans un sanctuaire: on peut citer, en particulier, le contenu du discours sur la Montagne, qui est un programme de vie, l’annonce joyeuse de la bonté et de la paternité de Dieu et de sa providence miséricordieuse, le commandement de la charité, la signification rédemptrice de la croix, et le destin transcendant de toute vie humaine.
Beaucoup de sanctuaires sont de véritables lieux d’évangélisation: le message du Christ est transmis aux fidèles sous les formes les plus variées, afin de les inciter, et aussi de les exhorter à la conversion et à la persévérance, à suivre le Christ, et à conformer leur vie aux exigences de la justice; enfin, le message du Christ leur apporte aussi une parole de consolation et de paix.
Il ne faut pas non plus oublier la coopération de beaucoup de sanctuaires à l’œuvre évangélisatrice de l’Église, qui se présente sous les diverses formes d’un soutien généreux aux missions "ad gentes".
Le sanctuaire, lieu de la charité
275. La fonction exemplaire du sanctuaire se déploie aussi dans le domaine de la charité. Chaque sanctuaire est, en effet, par nature "un foyer qui irradie la lumière et l’ardeur de la charité", du fait qu’on y célèbre la présence miséricordieuse du Seigneur, ainsi que l’exemplarité et l’intercession de la Vierge Marie et des Saints. Le langage commun et celui des humbles définissent la charité comme "l’amour qui s’exprime au nom de Dieu". Elle se manifeste concrètement dans l’accueil et la miséricorde, dans la solidarité et le partage, dans l’aide et dans le don de soi.
Grâce à la générosité des fidèles et au zèle de leurs responsables, de nombreux sanctuaires sont des lieux privilégiés, où il est possible de mettre en relation l’amour de Dieu et la charité fraternelle avec les divers besoins de la personne humaine. De fait, la charité du Christ se répand largement dans ces endroits, de même que se manifestent la sollicitude maternelle de la Vierge Marie et la proximité fraternelle des Saints; cette attention bienveillante s’exprime notamment:
- dans la fondation et le soutien permanent d’un grand nombre de centres d’assistance sociale, comme des établissements hospitaliers, des instituts d’éducation destinés aux enfants pauvres et des hospices ou des maisons de retraite pour les personnes âgées.
- "dans l’accueil et l’hospitalité réservés aux pèlerins, surtout les plus pauvres, à qui sont offerts, dans la mesure du possible, des lieux et des structures pour se reposer;
- dans la sollicitude et le dévouement, qui se manifestent à l’égard des personnes âgées, des malades et des handicapés, à qui sont destinées les attentions les plus délicates, et, en particulier, les meilleures places dans les sanctuaires; de fait, les célébrations sont organisées en tenant compte de leur présence, et donc de leur condition particulière, sans pour autant les isoler des autres fidèles: cela est vrai notamment en ce qui concerne la fixation des horaires. Enfin, il n’est pas rare que s’instaure et se développe une collaboration effective du sanctuaire avec les associations qui assurent généralement le transport de ces personnes.
- dans la disponibilité et le service de tous ceux qui se rendent dans le sanctuaire: fidèles érudits et peu instruits, pauvres et riches, compatriotes et étrangers".
Le sanctuaire, lieu culturel
276. Tout en étant un lieu de culte, il n’est pas rare que le sanctuaire soit aussi par nature un "bien culturel": en effet, dans ses différents éléments, il constitue comme la synthèse des nombreuses manifestations de la culture locale: témoignages historiques, œuvres d’art, documents littéraires, expressions musicales typiques.
Le sanctuaire est donc souvent un point de référence sûr qui permet de définir l’identité culturelle d’un peuple. Et puisque le sanctuaire réalise une synthèse harmonieuse entre la nature et la grâce, la piété et l’art, il peut se présenter aussi comme une expression privilégiée de la via pulchritudinis par la contemplation de la beauté de Dieu, du mystère de la Tota pulchra, et de la merveilleuse proximité des Saints.
De même, il faut noter la tendance, toujours plus forte, de faire du sanctuaire un "centre culturel" spécifique, c’est-à-dire un lieu où se tiennent des cours et des conférences, et dans lequel sont promues des initiatives intéressantes dans le domaine de l’édition; il est aussi un endroit où sont organisées des représentations sacrées, des concerts, des expositions et d’autres manifestations artistiques et littéraires.
L’activité culturelle du sanctuaire se présente donc comme un ensemble d’initiatives qui contribuent à la promotion de la personne humaine; ce rôle supplémentaire, qui est assumé grâce à l’œuvre d’évangélisation et à l’exercice de la charité, s’ajoute utilement à la fonction primordiale du sanctuaire, en tant que lieu destiné à la célébration du culte divin. Dans ce contexte, les responsables des sanctuaires ont l’obligation de veiller à ce que cette dimension culturelle du sanctuaire n’occulte pas sa fonction cultuelle.
Le sanctuaire, lieu de l’engagement œcuménique
277. En tant que lieu d’annonce de la Parole de Dieu et d’exhortation à la conversion, et aussi lieu d’intercession, de vie liturgique intense et d’exercice de la charité, le sanctuaire peut être défini, dans une certaine mesure et selon les indications du Directoire œcuménique, comme un "bien spirituel" commun à tous les chrétiens, c’est-à-dire ouvert aux frères et sœurs qui ne sont pas en pleine communion avec l’Église catholique.
Le sanctuaire est donc appelé à être un lieu où doit se manifester l’engagement œcuménique, et où l’on témoigne d’une attention particulière à la nécessité, à la fois grave et urgente, de réaliser l’unité de tous les disciples du Christ, unique Seigneur et Sauveur.
Les recteurs des sanctuaires sont donc appelés à aider les pèlerins à mieux prendre conscience de cet "œcuménisme spirituel", dont parlent le décret conciliaire Unitatis redintegratio et le Directoire œcuménique; en effet, les chrétiens doivent toujours avoir présent à l’esprit le but ultime de réaliser l’unité, en manifestant ce désir dans la prière, la célébration eucharistique et la vie quotidienne. Il convient donc que, dans les sanctuaires, la prière pour l’unité des chrétiens soit intensifiée pendant certaines périodes de l’Année liturgique, en profitant, en particulier, de l’occasion donnée par la semaine de prières pour l’unité des chrétiens, et aussi durant les jours qui séparent l’Ascension de la Pentecôte, pendant lesquels les chrétiens évoquent la communauté de Jérusalem réunie dans la prière et dans l’attente de la venue de l’Esprit Saint, qui est destinée à la confirmer dans l’unité et dans sa mission universelle.
De plus, les recteurs des sanctuaires sont incités à saisir toutes les opportunités qui peuvent se présenter pour organiser des rencontres de prières entre les chrétiens des diverses confessions. Durant ces rencontres, qui doivent être préparées avec soin et en commun, il convient de donner la première place à la Parole de Dieu, et de mettre en valeur les manières de prier, qui sont propres aux différentes confessions chrétiennes.
Selon les circonstances, il peut être opportun de prêter attention aux membres des autres religions, même si cette démarche doit demeurer exceptionnelle: de fait, il arrive que des sanctuaires soient fréquentés par des non-chrétiens; ces derniers les visitent, car ils sont attirés par les valeurs propres du christianisme. Il importe donc que les actes du culte chrétien, qui se déroulent dans les sanctuaires, soient strictement conformes avec l’identité catholique de ces lieux, sans jamais cacher ce qui appartient en propre à la foi de l’Église.
278. Dans les sanctuaires dédiés à la Vierge Marie, l’engagement œcuménique présente des aspects particuliers. En effet, sur le plan surnaturel, sainte Marie, qui a donné naissance au Sauveur de tous les peuples, et fut à la fois le modèle et le premier des disciples du Christ, exerce certainement une mission de concorde et d’unité à l’égard des disciples de son Fils; cela explique pourquoi l’Église catholique la salue sous le vocable de Mater unitatis. En revanche, sur le plan historique,la figure de Marie a été souvent à l’origine de polémiques et de divisions entre les chrétiens, du fait d’interprétations diverses de son rôle dans l’histoire du salut. Toutefois, il faut reconnaître que, de nos jours, le dialogue œcuménique s’avère particulièrement fructueux dans le domaine de la mariologie.
Le Pèlerinage
279. Le pèlerinage est une pratique religieuse universelle, et aussi une expression typique de la piété populaire; il est étroitement lié au sanctuaire, dans la vie duquel il constitue un élément indispensable: en effet, il est possible d’affirmer que le pèlerinage a besoin du sanctuaire, tout comme, inversement, le sanctuaire a besoin du pèlerinage.
Les pèlerinages bibliques
280. Dans la Bible, il convient tout d’abord de mettre en évidence, à cause de leur symbolisme religieux, les pèlerinages des patriarches Abraham, Isaac et Jacob à Sichem (cf. Gn 12, 6-7; 33, 18-20), Béthel (cf. Gn 28, 10-20; 35, 1-15) et Mambré (Gn 13, 18; 18, 1-15), où Dieu se manifesta à eux et promit de leur donner la "terre promise".
La montagne sur laquelle Dieu se révéla à Moïse (cf. Ex 19-20), le Sinaï, devint, pour les tribus des Hébreux, qui avaient fui l’Égypte, un lieu sacré; puis, la traversée du désert du Sinaï prit pour eux l’aspect d’un long pèlerinage, qui devait les conduire jusqu’à la terre promise: ce voyage était béni de Dieu, qui marchait avec son peuple, le guidait et le protégeait du milieu de la Nuée (cf. Nb 9, 15-23); les signes de sa présence étaient l’Arche de l’Alliance (Nb 10-33-36) et la Tente de la Rencontre (cf. S. 7, 6).
Jérusalem devint le siège du Temple et de l’Arche de l’Alliance, et elle fut considérée par les Hébreux comme leur ville-sanctuaire, ainsi que le but par excellence du "saint voyage" tant désiré (Ps 84, 6), durant lequel le pèlerin avançait "parmi les cris de joie et les actions de grâce de la multitude en fête" (Ps 42, 5), jusqu’à la "demeure de Dieu", afin de se tenir en sa présence (cf. Ps 84, 6-8).
Trois fois par an, les hommes, qui étaient membres du peuple d’Israël, devaient "se présenter devant le Seigneur" (cf. Ex 23, 17), c’est-à-dire qu’ils étaient tenus de se rendre au Temple de Jérusalem: cela donnait lieu à trois pèlerinages à l’occasion de la fête des Azymes (la Pâque), des Semaines (la Pentecôte) et des Tentes; de même, toutes les pieuses familles israëlites ne manquaient pas de se rendre dans la cité sainte pour la célébration annuelle de la Pâque; c’est ce que faisait aussi la famille de Jésus (cf. Lc 2, 41). Durant sa vie publique, Jésus se rendit régulièrement en pèlerinage à Jérusalem (cf. Jn 11, 55-56). Il faut noter, à ce propos, que l’évangéliste Luc présente l’action rédemptrice de Jésus comme un pèlerinage, qui révèle le mystère de sa personne (cf. Lc 9, 51-19, 45); en effet, le but intentionnel de la mission du Seigneur est la cité messianique, Jérusalem; elle est le lieu de son sacrifice pascal et le terme de son exode vers le Père: "Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde; maintenant, je quitte le monde, et je pars vers le Père" (Jn 16, 28).
Enfin, il convient de noter que l’Église commence son itinéraire missionnaire à l’occasion d’un rassemblement d’un grand nombre de pèlerins à Jérusalem, qui étaient "des juifs fervents issus de toutes les nations qui sont sous le ciel" (Ac 2, 5).
Le pèlerinage chrétien
281. Les chrétiens considèrent qu’il n’existe plus aucun lieu de pèlerinage, dans lequel ils ont l’obligation de se rendre; en effet, d’une part, Jésus a dévoilé le mystère du Temple en l’attribuant à sa propre personne (cf. Jn 2, 22-23), et, d’autre part, il est passé de ce monde vers le Père (cf. Jn 13, 1), en accomplissant lui-même l’exode définitif: ainsi, désormais, toute la vie des disciples du Christ est une marche vers le sanctuaire céleste, et l’Église elle-même est consciente d’être "en pèlerinage sur la terre".
Il reste que les accointances indéniables existant entre, d’une part, la doctrine du Christ et, d’autre part, les valeurs spirituelles du pèlerinage ont incité l’Église, non seulement à affirmer la légitimité de cette forme de piété, et même à l’encourager tout au long des siècles.
282. Durant les trois premiers siècles, hormis quelques exceptions, le pèlerinage ne fait pas partie des expressions du culte chrétien: l’Église craignait alors la diffusion, parmi les baptisés, de coutumes religieuses issues du judaïsme ou du paganisme, où la pratique du pèlerinage était à son apogée.
Toutefois, on note aussi, à cette époque, que, dans le contexte chrétien, de nouveaux fondements sont posés, annonçant ainsi une reprise de cette pratique du pèlerinage: il s’agit essentiellement du culte des martyrs; de fait, les chrétiens se rendent près des tombeaux de ces témoins du Christ particulièrement exemplaires pour vénérer leurs dépouilles mortelles; or, ce qui n’était au départ qu’une "pieuse visite" prendra progressivement l’aspect d’un véritable "pèlerinage de dévotion".
283. Après la paix de Constantin, et à la suite de l’identification des lieux saints et de la découverte des reliques de la Passion du Christ, le pèlerinage chrétien aborde une étape, qui peut être qualifiée de tournant décisif: il se produit surtout à l’occasion de la visite des chrétiens en Palestine; de fait, cette contrée tout entière est bientôt considérée par eux comme une "Terre Sainte", en raison de la présence des "lieux saints", à commencer par Jérusalem. Les récits de pèlerins célèbres du IV siècle, témoignent de cet engouement: en particulier, l’Itinerarium Burdigalense et l’Itinerarium Egeriae.
Des basiliques sont bientôt édifiées sur les "lieux saints": ainsi, l’Anastasis, construite à l’endroit du Saint Sépulcre, et le Martyrium sur le Mont du Calvaire, sont des édifices particulièrement visités par les pèlerins, à cause de l’importance des événements du salut qu’ils évoquent. Il en est de même des différents endroits où se sont déroulées l’enfance du Sauveur et sa vie publique: ils sont eux aussi devenus des lieux de pèlerinage, de même que, progressivement, les lieux saints de l’Ancien Testament, en particulier le Mont Sinaï.
284. Le Moyen Âge est considéré comme l’âge d’or des pèlerinages: outre leur fonction religieuse, leur rôle est décisif dans l’édification de la chrétienté occidentale, car ils contribuent à amalgamer les divers peuples qui vivent sur le continent européen, en stimulant leurs échanges réciproques sur le plan culturel.
Les lieux de pèlerinage sont alors nombreux. Tout d’abord, il faut citer Jérusalem, qui, malgré l’occupation musulmane, continue à exercer une attraction spirituelle très importante: ainsi, elle est à l’origine du phénomène des croisades, dont la cause et le fondement étaient justement de permettre aux fidèles de se rendre en pèlerinage au sépulcre du Christ; elle inspire aussi la vénération des reliques de la passion du Seigneur: ainsi, la tunique, la sainte face, l’escalier saint (scala santa) et le linceul attirent d’innombrables fidèles et pèlerins. Rome accueille aussi, à cette époque, de nombreux pèlerins, qui viennent vénérer les tombes des apôtres Pierre et Paul (ad limina Apostolorum), visiter les catacombes et les basiliques, et rencontrer le Successeur de Pierre, en reconnaisant ainsi le ministère particulier que ce dernier exerce au service de l’Église universelle (ad Petri sedem). De même, le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle est très fréquenté entre le IX et le XVI siècle, et encore de nos jours: les pèlerins convergent vers ce lieu saint en suivant les nombreux "chemins" qui sillonnent les différents pays européens; ce pèlerinage comporte divers aspects d’ordre religieux, social et caritatif, qui sont complémentaires. Parmi les autres lieux de pèlerinage les plus renommés, on peu encore citer: Tours, où se trouve le tombeau de saint Martin, vénérable fondateur de cette Église; Canterbury, le lieu du martyre de saint Thomas Becket, qui eut un grand retentissement dans toute l’Europe; le Mont-Gargan, dans les Pouilles, Saint-Michel de Cluse dans le Piémont, le Mont Saint-Michel en Normandie, qui sont dédiés à l’archange saint Michel; enfin, Walsingham, Rocamadour et Lorette, qui sont des sanctuaires célèbres dédiés à la Vierge Marie.
285. À l’époque moderne, les changements culturels, les vicissitudes consécutives à l’apparition des mouvements protestants, ainsi que l’influence de l’illuminisme ont entraîné un déclin des pèlerinages: le "voyage vers un pays lointain" est devenu alors un "pèlerinage spirituel", un "itinéraire intérieur" ou une "procession symbolique", dont le parcours est bref, comme dans le cas de la Via Crucis.
À partir de la seconde moitié du XIX siècle, on assiste à une reprise des pèlerinages; toutefois, leur physionomie change quelque peu: ils ont pour but de conduire les fidèles dans des sanctuaires, qui évoquent l’identité de la foi et de la culture d’une nation déterminée: ainsi, par exemple, les sanctuaires d’Altötting, Aparecida, Assise, Caacupé, Chartres, Coromoto, Czestochowa, Ernakulam-Angalamy, Fatima, Guadalupe, Kevelaer, Knock, La Vang, Lorette, Lourdes, Mariazell, Marienberg, Montevergine, Montserrat, Nagasaki, Namugongo, Padoue, Pompei, San Giovanni Rotondo, Washington, Yamoussoukro, etc.
La spiritualité du pèlerinage
286. En dépit des mutations qu’il a subies au cours des siècles, le pèlerinage conserve, à notre époque, ses caractéristiques essentielles, qui déterminent sa spiritualité particulière.
La dimension eschatologique. Cette dimension essentielle est à l’origine du pèlerinage: ce dernier est une "marche vers le sanctuaire", c’est-à-dire un moment et une parabole du chemin qui mène au Royaume; de fait, le pèlerinage aide le chrétien à prendre conscience de la dimension eschatologique de sa vie en tant que baptisé; il est, en effet, un homo viator, dont l’existence se situe entre l’obscurité de la foi et la soif de la vision éternelle, entre les limites étroites du temps et l’aspiration à la vie qui ne finira pas, entre la fatigue éprouvée sur le chemin et l’attente du repos éternel, entre les larmes de l’exil et le désir du bonheur dans la patrie céleste, entre l’agitation de la vie active et l’attrait pour la sérénité de la contemplation.
De plus, la longue marche d’Israël vers la terre promise, appelée l’exode, fait partie aussi de la spiritualité du pèlerinage: le pèlerin sait que "la cité que nous avons ici-bas n’est pas définitive" (He 13, 14), et c’est pourquoi au-delà du but immédiat du sanctuaire, il avance, à travers le désert de la vie, vers le Ciel, qui est la vraie Terre promise.
On a déjà pu constater que le fait de se rendre dans un sanctuaire constitue pour de nombreux fidèles une occasion particulièrement favorable, et même souvent désirée, de s’approcher du sacrement de la Pénitence; il est vrai aussi que le pèlerinage a été vécu dans le passé - et il est encore proposé de nos jours - comme une démarche pénitentielle.
Lorsque le pèlerinage est accompli de la manière qui convient, le fidèle quitte le sanctuaire avec la résolution de "changer de vie", c’est-à-dire d’orienter sa vie vers Dieu avec plus de détermination; le pèlerin désire donc donner une plus grande dimension transcendante à son existence.
La dimension festive. Au cours du pèlerinage, la dimension pénitentielle coexiste avec la dimension festive. On peut même affirmer que cette dimension festive est située au cœur du pèlerinage. Ce dernier assume un certain nombre d’aspects anthropologiques de la fête.
La joie du pèlerinage chrétien se présente comme le prolongement de l’allégresse ressentie par le pieux pèlerin d’Israël: "Quelle joie quand on m’a dit: "nous irons à la maison du Seigneur !"" (Ps 122, 1); elle contribue aussi à rompre la monotonie de la vie quotidienne en présentant une prospective différente de celle du monde; elle allège le poids souvent pesant de la vie, qui, en particulier, pour les pauvres, est un fardeau bien lourd à porter. Cette joie se présente aussi comme une occasion d’exprimer la fraternité chrétienne, en accordant une plus large place à la convivialité et à l’amitié; enfin, elle prend l’aspect de manifestations spontanées, qui sont très souvent réfrénées dans la vie quotidienne.
La dimension cultuelle. Le pèlerinage est essentiellement un acte cultuel: de fait, en marchant vers le sanctuaire, le pèlerin va à la rencontre de Dieu pour demeurer en sa présence, l’adorer et lui ouvrir son cœur.
Dans le sanctuaire, le pèlerin accomplit un certain nombre d’actes cultuels, qui appartiennent soit au domaine de la Liturgie, soit à celui de la piété populaire. Sa prière prend des formes variées: prière de louange et d’adoration adressée au Seigneur pour sa bonté et sa sainteté; prière d’action de grâces pour les dons reçus; prière ayant pour but l’accomplissement d’un vœu, auquel le pèlerin s’était engagé face au Seigneur; prière de demande de grâces nécessaires pour sa vie; prière sollicitant le pardon de Dieu pour les péchés commis.
La prière du pèlerin s’adresse très souvent à la bienheureuse Vierge Marie, aux Anges et aux Saints, qu’il considère à juste raison comme des intercesseurs auprès du Très-Haut. Les saintes images, qui sont vénérées dans le sanctuaire, sont des signes de la présence de la Mère de Dieu et des Saints auprès du Seigneur dans la gloire, "qui vit pour toujours afin d’intercéder en faveur des hommes" (He 7, 25), et qui est toujours présent dans la communauté réunie en son nom (cf. Mt 18, 20; 28, 20). L’image sacrée, vénérée dans le sanctuaire, qui représente le Christ, ou la Vierge Marie, ou encore les Anges ou les Saints, est le signe de la présence divine et de l’amour providentiel de Dieu; c’est pourquoi ce signe est saint. Cette image est aussi le témoignage des multiples prières qui se sont élevées devant elle, de génération en génération: prières de supplications dans les besoins, prières exprimant la douleur de celui qui est affligé, prières aussi de jubilation et de remerciements de la part de celui qui a obtenu grâces et miséricorde.
La dimension apostolique. L’itinéraire du pèlerin reproduit, en un certain sens, celui de Jésus et de ses disciples, qui parcoururent les chemins de la Palestine pour annoncer l’Évangile du salut. Le pèlerinage est donc une annonce de la foi, et les pèlerins sont des "messagers itinérants du Christ".
La dimension de communion. Le pèlerin, qui se rend dans un sanctuaire, est en communion de foi et de charité, non seulement avec les personnes qui accomplissent en sa compagnie le "saint voyage" (Ps 84, 6), mais aussi avec le Seigneur lui-même; celui-ci chemine près de lui, tout comme il marcha avec les disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-35). Le pèlerin est aussi en communion avec sa communauté d’origine, et par elle, avec toute l’Église, celle qui demeure dans le ciel et celle qui chemine encore sur la terre. Il est encore en communion avec les fidèles qui, tout au long des siècles, ont prié dans ce même sanctuaire. Il est en communion avec la nature, qui entoure le sanctuaire, et dont il admire la beauté, ce qui l’incite à la respecter. Enfin, le pèlerin est en communion avec toute l’humanité, dont les souffrances et l’espérance se manifestent de diverses manières dans le sanctuaire, et qui a laissé en ce lieu de multiples signes de ses talents et de son art.
Le déroulement du pèlerinage
287. À l’image du sanctuaire, qui a été défini comme un lieu de prières, le pèlerinage peut être présenté comme un chemin, dont chaque étape est marquée et animée par la prière. Durant ce parcours, qui mène au sanctuaire, la Parole de Dieu est destinée à éclairer, guider, nourrir et soutenir le pèlerin.
La réussite d’un pèlerinage, tant du point de vue culturel que pour les fruits spirituels, qu’il peut apporter au fidèle, dépend du bon ordonnancement des célébrations et de la présentation appropriée de ses diverses phases.
Le départ du pèlerinage doit être marqué par un moment de prières, qui se déroule dans l’église paroissiale ou dans un lieu plus adapté; il peut consister en la célébration de l’Eucharistie ou d’une partie de la Liturgie des Heures, ou encore en une bénédiction particulière des pèlerins.
La dernière étape du pèlerinage doit donner lieu à une prière plus intense; il est souhaitable que, à l’approche du sanctuaire, le chemin soit accompli à pieds, et que des prières et des chants accompagnent cette procession; les pèlerins ne manqueront pas de s’arrêter près des édicules qui jalonnent éventuellement le trajet qui mène au sanctuaire.
L’accueil des pèlerins peut donner lieu à une sorte de "liturgie du seuil"; celle-ci n’est pas seulement destinée à souligner la dimension humaine de la rencontre entre les pèlerins et les responsables du sanctuaire, mais elle doit revêtir une signification éminente au niveau de la foi. De plus, il est souhaitable, si possible, que les responsables des sanctuaires aillent eux-mêmes à la rencontre des pèlerins pour accomplir avec eux la dernière étape du chemin.
Le séjour dans le sanctuaire doit évidemment constituer le moment le plus intense du pèlerinage; il est caractérisé par l’engagement du pèlerin à la conversion personnelle; ce dernier est appelé à la concrétiser en recevant le sacrement de la réconciliation. Le séjour est aussi marqué par des prières particulières, c’est-à-dire des prières d’action de grâces, de supplications ou de demandes d’intercession, qui sont liées au caractère propre du sanctuaire et aux buts du pèlerinage, et aussi par la célébration de l’Eucharistie, qui est le point culminant du pèlerinage.
La conclusion du pèlerinage doit être soulignée par un moment de prières, qui a lieu soit dans le sanctuaire, soit dans l’église, d’où les pèlerins sont partis. Il est l’occasion pour les fidèles de rendre grâces à Dieu pour le don du pèlerinage qui s’achève, et il leur permet aussi de demander au Seigneur de les aider à mieux vivre leur vocation chrétienne à leur retour à la maison.
Depuis les premiers siècles de l’Église, le pèlerin désire emporter avec lui des "souvenirs" du sanctuaire qu’il a visité. Il convient de veiller à la qualité des objets, des images et des livres, afin qu’ils soient en mesure de transmettre l’esprit authentique du lieu saint. Il faut aussi veiller à ce que les points de vente, qui se trouvent dans l’enceinte du sanctuaire, soient dépourvus de tout caractère mercantile.
288. Ce Directoire, dans ses deux parties, comporte de nombreuses indications, propositions et orientations qui visent à favoriser et à éclairer, en harmonie avec la Liturgie, les formes extrêmement variées de la piété et de la religiosité populaire.
En prenant en compte la diversité des traditions et des circonstances, tout comme la variété des pieux exercices et des dévotions en tous genres, le présent Directoire contient des présupposés fondamentaux, rappelle les directives et transmet des suggestions, en vue d’une action pastorale fructueuse.
Il revient aux Évêques, avec l’aide de leurs collaborateurs immédiats, spécialement les recteurs des sanctuaires, d’établir des normes et de donner des orientations pratiques en tenant compte des traditions locales et des expressions particulières de la religiosité et de la piété populaire.
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INTRODUCTION AUX SEPT DEGRÉS
DE L'ÉCHELLE D'AMOUR SPIRITUEL
Le livre des Sept degrés de l'échelle d'amour spirituel occupe le
point culminant de cette trilogie formée par les trois traités que nous
avons groupés, comme formant un ensemble de doctrine. Certains indices
peuvent faire penser que la destinataire est ici, comme précédemment,
Marguerite van Meerbeke, chantre du monastère des Clarisses de
Bruxelles. Les manuscrits utilisés par David, A, D et G (1) , ne
contiennent pas, il est vrai, d'indication précise sur ce point. Mais le
titre même du chapitre XII, Des mélodies célestes , semble déjà faire
allusion à la charge que remplissait la religieuse dans son monastère.
D'autre part, il est clair que l'auteur s'adresse à une personne en
particulier, et les conseils qu'il lui donne, bien que pouvant convenir
à toutes les âmes qui aspirent au véritable amour de Dieu, s'appliquent
néanmoins de préférence à une religieuse.
La forme et le nom donnés au traité ne sont pas chose nouvelle dans
la littérature ascétique. L'échelle mystérieuse qui apparut à Jacob,
lorsqu'il fuyait la colère de son frère Esaü (2) , a souvent servi de
comparaison afin de signifier le chemin que doit parcourir une âme pour
aller de la terre au ciel. Dès les premiers temps du Christianisme,
cette comparaison était usitée, ainsi qu'en font foi les Actes de sainte
Perpétue et de sainte Félicité. Saint Benoît la reprend dans sa Règle,
lorsqu'il parle de l'échelle des douze degrés d'humilité (3) . Saint
Jean Climaque, plus tard, développe encore la même pensée et donne à son
livre le nom d'Échelle sainte . Mais c'est peut-être à saint Bonaventure
(4) que Ruysbr?ck a surtout emprunté cette forme des degrés spirituels.
Son but, comme celui du Docteur séraphique, est d'élever une échelle de
sainteté dont les sept degrés mènent jusqu'à Dieu et à un amour très
élevé, qu'on peut appeler un amour transformant et de quiétude. À ce
degré, l'amour ressemble à celui de l'éternité, et on pourrait se
demander si Ruysbr?ck parle déjà de la vie future ou s'il en est encore
aux choses de la terre.
Les différentes étapes par lesquelles on s'achemine vers ces
hauteurs sont la bonne volonté, la pauvreté volontaire, la pureté d'âme
et de corps, l'humilité, la noblesse de vertu. Arrivé là, Ruysbr?ck
s'arrête, et, durant sept chapitres, il étudie les diverses manières
d'exercer l'amour, avec l'aide des hiérarchies angéliques, attentives à
nous y prêter leur concours; il expose les deux voies qui mènent à Dieu
et met en garde contre les illusions de la fausse sainteté; enfin, il
décrit les quatre modes du chant céleste.
Avec le sixième degré, nous arrivons à ce que l'auteur appelle le
retour à la pureté de l'intelligence . C'est une des pensées les plus
familières à Ruysbr?ck que l'âme n'est jamais complètement créée; que,
comme le Fils de Dieu naît à toute heure, elle aussi est créée à toute
heure, sans cesse en contact avec son principe, recevant sans cesse de
lui, formée par lui à l'image de l'exemplaire incréé que Dieu porte en
lui de chacun de nous. La perfection et la béatitude consisteraient en
un retour absolu à cet exemplaire incréé : non sans doute par une
confusion de notre être avec l'être divin, par une transformation
d'essence, ce qui serait l'erreur panthéistique. Il ne s'agit pas pour
nous, en effet, d'abdiquer notre être créé pour le transformer
essentiellement dans l'être incréé et suressentiel que nous avons de
toute éternité possédé dans la pensée de Dieu, ce qui facilement
conduirait au quiétisme par le panthéisme; mais, ce qui est tout autre
chose, il est question d'un retour et d'une transformation, par la
connaissance et par l'amour, de tout notre être à l'idéal que Dieu a de
nous. Il s'agit, en d'autres termes, de réaliser cet idéal et d'arriver
par la grâce à cet état où l'âme n'a plus le souci d'elle-même, ni la
pensée d'elle-même, ni rien qui lui soit personnel, mais seulement
l'attention à Dieu présent en elle. Toute pensée, tout vouloir, toute
affection, tout regard, toute intention, toute activité ont fait
définitivement retour à Dieu. Et ce retour, selon Ruysbr?ck, est chose
possible; c'est le sommet de la vie surnaturelle; c'est l'imitation de
l'Incarnation en nous; c'est la confiscation, au bénéfice de Dieu, de
tout notre être. Et afin que ce retour à notre être incréé, afin que
cette transformation, que cette juridiction de Dieu sur nous et cette
pureté nôtre se réalisent, la pureté incréée forme à toute heure notre
âme qui dépend d'elle, et la touche sans cesse: Erat lux vera qu?
illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum (5) .- Manus tu?
fecerunt me et plasmaverunt me (6) .
De cette façon, la pureté incréée attire notre âme, afin qu'elle se
tourne sans cesse vers elle, et vers elle seule.
C'est ce qui fait dire à Ruysbr?ck : «La pureté dont il s'agit est
éternelle...; toujours présente, elle est prête à se montrer aux pures
intelligences qui y sont élevées (7) . » Il s'agit, en effet, de Dieu
même, qui est près de nous, dans un présent éternel. Mais pour arriver à
ces hauteurs, l'âme doit être entrée dans la pureté absolue et
l'affranchissement de tout le sensible, de tout le personnel, de tout le
créé. C'est alors seulement que se fait le retour à la pureté de
l'intelligence, c'est-à-dire la transformation en l'exemplaire idéal,
incréé et infiniment pur, que les âmes possèdent dans la pensée de Dieu.
On s'achemine ainsi vers le septième degré d'amour, que Ruysbr?ck
appelle le non-savoir et un repos d'éternité . L'union à Dieu un en
nature et trine en personnes s'y fait selon le double mode du repos de
jouissance et du labeur d'amour, en d'autres termes, par la
contemplation et l'action. Et en cela l'âme acquiert une ressemblance
plus parfaite avec Dieu, éternellement agissant selon les personnes, et
éternellement en repos selon l'essence. L'influence caractéristique des
trois divines personnes s'y manifeste de la façon la plus haute, jusqu'à
transformer l'âme en un état qui est proche de la béatitude éternelle.
C'est en ces passages surtout que le langage de Ruysbr?ck s'élève à
des hauteurs de doctrine particulièrement délicates à traiter, et il
importe plus que jamais de ne pas travestir sa pensée par une traduction
inexacte. Puissions-nous avoir évité cet écueil
*
* *
LES SEPT DEGRÉS DE L'ÉCHELLE
D'AMOUR SPIRITUEL
PROLOGUE.
La grâce et la sainte crainte du Seigneur soient avec nous tous!
« Tout ce qui est né de Dieu remporte la victoire sur le monde, »
dit saint jean (8) . Toute sainteté véritable est née de Dieu. Toute vie
sainte est une échelle d'amour de sept degrés, par lesquels nous montons
au royaume de Dieu. C'est la volonté de Dieu que nous soyons saints (9) .
CHAPITRE I.
DU PREMIER DEGRÉ D'AMOUR.
Lorsque nous n'avons avec Dieu qu'une même pensée et une même
volonté, nous sommes au premier degré de l'échelle d'amour et de sainte
vie. La bonne volonté est, en effet, le fondement de toutes les vertus,
selon ce que dit le prophète David : « Seigneur, je me suis réfugié
auprès de vous : enseignez-moi à faire votre volonté, parce que vous
êtes mon Dieu. Votre Esprit bon me conduira dans la vraie terre de la
vérité et des vertus (10) . »
Une bonne volonté, unie à celle de Dieu, triomphe du diable et de
tous péchés; car elle est remplie des grâces de Dieu, et c'est la
première offrande que nous lui devons faire, si nous voulons vivre pour
lui. L'homme de bonne volonté a Dieu en vue, et il désire l'aimer et le
servir, maintenant et pour l'éternité. C'est là sa vie et son occupation
intérieure, et c'est ce qui le met en paix avec Dieu, avec lui-même et
avec toutes choses. Aussi, au moment de la naissance du Christ, les
anges chantaient-ils dans les airs : « Gloire à Dieu dans les cieux, et
paix sur la terre aux hommes qui sont de bonne volonté (11) . » Mais la
bonne volonté ne peut pas être stérile en bonnes ?uvres, car « l'arbre
bon porte le bon fruit, » dit Notre-Seigneur (12) .
CHAPITRE II.
DU DEUXIÈME DEGRÉ D'AMOUR.
Le premier fruit de la bonne volonté est la pauvreté volontaire,
qui constitue le deuxième degré par lequel nous nous élevons sur
l'échelle de la vie d'amour.
L'homme volontairement pauvre, en effet, mène une vie libre et
dépouillée de souci pour tous les biens terrestres, quels que soient ses
besoins. C'est un sage marchand; il a donné la terre pour le ciel, selon
la sentence de Notre-Seigneur: «On ne peut servir Dieu et les richesses
du monde (13) . » C'est pourquoi, abandonnant tout bien capable de
l'attacher à la terre, il a fait volontairement choix de la pauvreté.
Tel est le champ où l'on trouve le royaume de Dieu; car bienheureux est
le pauvre volontaire, le royaume de Dieu est à lui (14) !
Ce royaume de Dieu est amour et charité, en même temps
qu'application à toutes bonnes ?uvres. L'homme y doit être prodigue de
soi-même, miséricordieux, clément et secourable, véridique et bon
conseiller envers quiconque réclame son aide, de sorte qu'au jugement de
Dieu, il puisse montrer qu'avec ses riches dons il a opéré les ?uvres de
miséricorde. Car des biens terrestres il ne garde rien en propre pour
lui-même; tout ce qu'il a est commun à Dieu et à la famille de Dieu.
Bienheureux est ce pauvre volontaire qui ne possède rien de ce qui passe
il suit le Christ et il aura pour récompense le centuple en vertus il
vit dans l'attente de la gloire de Dieu et de la vie éternelle.
L'avare, au contraire, est vraiment insensé: il donne le ciel pour
la terre, bien qu'il doive la perdre.
Le pauvre d'esprit monte au ciel
le misérable avare tombe dans l'enfer.
Le chameau peut-il passer par le trou d'une. aiguille?
Alors le misérable avare peut entrer dans le ciel.
Et même en demeurant pauvre de biens terrestres, s'il ne recherche
Dieu et meurt dans son avarice, il est à jamais perdu.
L'avare préfère l'écorce au fruit et la coque à l'?uf.
Qui possède l'or et aime biens terrestres
prend du poison qui donne mort
et boit une eau d'éternelle tristesse :
plus il boit, plus il a soif,
plus il a, plus il veut avoir.
Possède-t-il beaucoup, il n'est pas satisfait;
car il lui manque tout ce qu'il voit,
et ce qu'il a lui semble rien.
À peine quelqu'un l'aime-t-il,
car qui est avare n'en est pas digne.
Il est bien comme les griffes du diable :
ce qu'il saisit, il ne le lâche pas :
il faut qu'il garde jusqu'à la mort
tout ce qu'il a pris par ruse.
Et pourtant il le perd alors :
ensuite c'est le malheur éternel,
car l'avare ressemble à l'enfer,
qui lorsqu'il prend n'est jamais satisfait;
qu'il ait beaucoup, il n'en est pas meilleur.
Tout ce qu'il saisit, il l'enserre,
et sa gueule est toujours béante
pour recevoir les hôtes d'enfer.
Gardez-vous donc de l'avarice:
elle est la racine de tout péché et de tout mal.
CHAPITRE III.
DU TROISIÈME DEGRÉ D'AMOUR.
Le troisième degré de notre échelle d'amour est la pureté de l'âme
et la chasteté du corps.
Entendez bien ce que je vais dire. Pour que votre âme soit pure,
vous devez, par amour de Dieu, haïr et mépriser tout amour et affection
désordonnés de vous-même, de votre père et de votre mère ainsi que de
toute créature; de sorte que vous vous aimiez vous-même et toute
créature pour le service de Dieu et pas autrement. Alors pourrez-vous
dire la parole du Christ : « Celui qui vit selon la volonté de Dieu, est
ma mère, ma s?ur, mon frère (15) .» Alors aussi vous aimez votre
prochain comme vous-même. Maintenez-vous donc pure. Ne vous laissez
attirer ni prendre par personne, par paroles ni par actes, par dons ni
par appâts, par des pratiques ni par des apparences saintes. Sous
couleur de spirituel, cela devient tout à fait charnel; on n'y peut
mettre sa confiance. Ne cultivez personne et ne vous laissez cultiver
par qui que ce soit.
Sous apparence bonne,
cela devient mauvais
et entièrement poison.
Tenez-vous sur vos gardes
et faites comme les prudents,
sans vous laisser duper.
Êtes-vous attirée,
vous êtes déjà trompée
et l'on vous mentira.
Laissez donc tout cela,
tenez-vous sur vos gardes
et cultivez Jésus, votre Époux.
Fuyez l'hôte étranger,
demeurez avec votre Époux,
dans une attention assidue.
Tournez-vous à l'intérieur,
livrez-vous à l'ardent amour
et pratiquez toute vertu.
Jésus vous nourrira,
vous enseignera et donnera conseil,
car il est votre soutien.
Il vous conduira
par-dessus tout le créé
jusqu'au sein de son Père.
Là vous trouverez fidélité,
soulagement de toute tristesse
et de toute affliction.
Et telle est la vie de l'âme pure.
Ensuite il s'agit de la chasteté du corps. Vous savez que Dieu a
fait l'homme d'une double nature, corps et âme, esprit et chair; et ces
deux éléments sont unis dans une seule personne pour former la nature
humaine, qui est engendrée et naît dans le péché. Car bien que Dieu ait
créé notre âme pure et sans tache, par son union avec la chair elle
devient souillée du péché originel. Ainsi sommes-nous tous enfantés en
état de péché, car « tout ce qui est né de la chair est chair, et tout
ce qui est né de l'Esprit de Dieu est esprit (16) . » Mais quoique
l'esprit tienne à la chair par le fait de la naissance naturelle, par
seconde naissance qui vient de l'Esprit de Dieu, l'esprit et la chair
deviennent ennemis et luttent entre eux. Car la chair convoite contre
l'esprit et contre Dieu, et l'esprit, de son côté, avec Dieu lutte
contre la chair (17) .
Si donc nous vivons selon la convoitise de la chair, nous sommes
morts dans le péché; si, au contraire, par l'esprit nous triomphons des
?uvres de la chair, nous vivons selon la vertu. De sorte que nous devons
tout à la fois haïr et mépriser notre corps, en tant qu'ennemi mortel,
qui veut nous arracher à Dieu pour nous livrer au péché, et cependant
aimer aussi et estimer ce corps et notre vie sensible, en tant
qu'instruments pour le service de Dieu.
Sans notre corps, en effet, nous ne pouvons nous acquitter envers
Dieu de ces ?uvres extérieures, qui sont cependant pour nous un devoir,
les jeûnes, les veilles, les oraisons et autres bonnes ?uvres. Et c'est
pourquoi nous donnons de bon c?ur à notre corps les soins, le vêtement,
la nourriture qu'il réclame, puisqu'il nous aide à servir Dieu et notre
prochain. Mais nous devons nous observer avec soin, nous défier et nous
garder de trois vices qui règnent dans ce corps: la paresse, la
gourmandise et l'impureté; car ces vices ont fait tomber beaucoup
d'hommes de bonne volonté en de grossiers péchés.
Pour nous préserver de la gourmandise, il nous faut aimer et
préférer la mesure et la sobriété, en retranchant toujours quelque
chose, en prenant moins que nous n'aurions envie et nous contentant du
strict suffisant. Pour remédier à la paresse, nous devons avoir
intérieurement une sincère bienveillance et miséricorde à l'égard de
tout besoin, et à l'extérieur être prompts et assidus, à la disposition
de quiconque réclame notre aide, selon notre pouvoir et avec discrétion.
Enfin comme sauvegarde contre l'impureté, il nous faut craindre et fuir
au dehors toute conduite et manière de faire désordonnées, et
intérieurement toutes rêveries et images impures, de façon à ne nous y
arrêter ni fixer avec plaisir et passion. C'est ainsi que nous ne serons
ni remplis d'images, ni souillés en nous-mêmes.
Tournons-nous, au contraire, vers Notre-Seigneur Jésus-Christ afin
de contempler sa passion et sa mort, et l'effusion généreuse de son sang
par amour pour nous. En répétant souvent cet acte, nous imprimerons et
formerons son image dans notre c?ur, nos sens, notre âme, notre corps,
dans tout notre être, comme un sceau imprimé et formé sur la cire. Le
Christ nous introduira alors avec lui-même dans cette haute vie, où l'on
est uni à Dieu et où l'âme pure adhère par amour à l'Esprit-Saint et
habite en lui. C'est là que coulent les torrents de miel de la rosée
céleste et de toutes les grâces, et, lorsqu'on en a goûté, on n'a plus
d'attrait ni pour la chair ni pour le sang, ni pour tout ce qui est du
monde.
Tant que notre vie sensible demeure élevée par son union à
l'esprit, qui nous fait cultiver Dieu, le rechercher et l'aimer, la
pureté et la chasteté d'âme et de corps nous sont assurées. Mais lorsque
nous devons descendre afin de pourvoir aux nécessités de la vie
sensible, il nous faut garder notre bouche de la gourmandise, notre âme
et notre corps de la paresse, et notre nature des tendances impures.
Évitons les mauvaises compagnies, fuyons ceux qui aiment à mentir, à
médire, à jurer, à blasphémer Dieu, qui sont impurs en paroles et en
?uvres. Il faut les craindre et les fuir comme le démon d'enfer. Gardez
aussi vos yeux et vos oreilles, afin de ne voir ni entendre ce qu'il ne
vous est pas permis de faire.
Pour cela, maintenez-vous pure : aimez à être seule; craignez de
vous répandre; fréquentez votre église et que vos mains s'emploient aux
bonnes ?uvres. Haïssez l'oisiveté, fuyez un bien-être désordonné et ne
vous attachez pas à vous-même. Aimez ce qui est vie et vérité, et, même
si vous vous croyez pure, fuyez néanmoins l'occasion du péché. Aimez la
pénitence et le travail.
Regardez saint Jean-Baptiste : il était saint avant de naître; et
pourtant, dès ses plus jeunes ans il quitta père et mère, honneurs et
richesses du monde; et afin de fuir toute occasion de péché, il s'en
alla dans le désert. Il était innocent et sa pureté l'égalait aux anges.
Il vivait de vérité et il l'enseignait aux autres. Il fut enfin mis à
mort pour la justice, et sa sainteté fut louée au-dessus de toute autre.
Regardez encore les anciens Pères qui vivaient dans les déserts
d'Égypte. Ils avaient quitté le monde et ils crucifiaient leur chair et
toute tendance de nature, combattant le péché par la pénitence, le
jeûne, la faim, la soif et la privation de tout ce dont ils pouvaient se
passer.
Voyez maintenant la sentence qui fut portée par le Christ contre
l'homme riche qui était vêtu de pourpre et de fin lin, qui mangeait et
buvait tous les jours au sein des délices et du luxe, et qui ne donnait
rien à personne. Il meurt et il est enseveli par les démons dans
l'enfer. Là, il souffre et brûle dans les flammes infernales, et il
désire une goutte d'eau pour rafraîchir sa langue, sans pouvoir
l'obtenir. Le pauvre Lazare, au contraire, qui gisait à sa porte affamé
et altéré, et tout couvert de plaies, souhaitait les miettes et les
restes qui tombaient de sa table, et personne ne les lui donnait. Il
meurt à son tour et il est porté par les anges dans le sein d'Abraham.
Là, il n'y a que délices sans douleur,
vie éternelle sans mort.
CHAPITRE IV.
DU QUATRIÈME DEGRÉ D'AMOUR.
Le quatrième degré de notre échelle céleste est l'humilité vraie,
c'est-à-dire la conscience intime de notre propre bassesse. Par elle,
nous vivons avec Dieu et Dieu vit avec nous dans une paix véritable, et
en elle se trouve le fonds vivant de toute sainteté. On peut la comparer
à une source d'où jaillissent quatre fleuves de vertus et de vie
éternelle. Le premier est l'obéissance, le second la douceur, le
troisième la patience, le quatrième l'abandon de la volonté propre.
Le premier fleuve, qui jaillit d'un sol vraiment humble, c'est
l'obéissance, par laquelle nous nous humilions et méprisons devant Dieu,
nous soumettant à ses commandements et nous plaçant au-dessous de toute
créature. Elle nous fait prendre par choix la dernière place au ciel et
sur la terre, et nous empêche de nous comparer à personne en vertus ou
en sainte vie, notre unique désir consistant à n'être qu'un escabeau
sous les pieds de la majesté divine. C'est alors que l'oreille devient
humblement attentive, afin d'entendre les paroles de vérité et de vie
qui viennent de la Sagesse de Dieu, et que les mains sont toujours
prêtes à accomplir sa très chère volonté.
Or, cette volonté divine nous porte à mépriser la sagesse du monde
et à suivre le Christ, la Sagesse de Dieu, qui s'est fait pauvre pour
nous rendre riches, qui est devenu serviteur pour nous faire régner, qui
est mort enfin pour nous donner la vie. Et c'est lui encore qui nous
enseigne la vraie vie, lorsqu'il dit «Celui qui veut venir après moi,
qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive (18)
. » « et là où je suis, là aussi sera mon serviteur (19) . » Puis afin
que nous sachions comment le suivre et le servir, il nous dit : «
Apprenez de moi que je suis doux et humble de c?ur (20) . »
La douceur est, en effet, le second fleuve de vertus qui jaillit du
sol de l'humilité. Bienheureux celui qui est doux, parce qu'il possède
la terre (21) , c'est-à-dire son âme et son corps, en paix. Car sur
l'homme doux et humble repose l'Esprit du Seigneur; et lorsque notre
esprit est ainsi élevé et uni à l'Esprit de Dieu, nous portons le joug
du Christ, qui est suave et doux, et nous sommes chargés de son fardeau
léger (22) . Son amour ne connaît pas de labeur. Plus nous aimons, plus
légère est notre charge; car nous portons l'amour et il nous porte
au-dessus de tous les cieux vers celui que nous aimons. Celui qui aime,
en effet, court là où il veut et il se donne : tous les cieux lui sont
ouverts, il a son âme dans ses mains et il la remet toujours au gré de
sa volonté. Il a trouvé en lui-même le trésor de son âme, le Christ, son
cher bien-aimé.
Si donc le Christ vit en vous et vous en lui, vous devez l'imiter
dans votre vie, dans vos paroles, dans vos ?uvres et vos souffrances.
Soyez douce et clémente, miséricordieuse et généreuse, indulgente pour
quiconque réclame vos secours. N'ayez ni haine, ni envie; ne méprisez ni
n'affligez personne par des paroles dures, mais pardonnez tout; ne
raillez point et ne montrez de dédain ni en paroles ni en actes, ni par
signes ou attitude quelconque. Ne témoignez ni rudesse ni âpreté, mais
soyez de m?urs graves avec un extérieur joyeux. Écoutez et apprenez
volontiers de tous ce que vous devez savoir. Ne vous méfiez de personne
et gardez-vous de juger ce qui vous est caché. Ne disputez avec qui que
ce soit, afin de montrer que vous êtes plus sage. Soyez douce comme un
agneau qui ne sait s'irriter, même lorsqu'il doit mourir.
Ainsi donc laissez-vous faire,
et soyez toujours silencieuse,
quoi qu'homme vous fasse.
De cette douceur intime jaillit un troisième fleuve, qui consiste à
vivre en toute patience. Être patient, c'est souffrir de bon c?ur, sans
répugnance. La tribulation et la souffrance sont les messagères du
Seigneur, et par elles il nous rend visite. Si nous recevons ces envoyés
d'un c?ur joyeux, alors il vient lui-même, car il a dit par son Prophète
«Je suis avec lui dans la tribulation : je le délivrerai et le
glorifierai (23) . »
La souffrance portée patiemment, tel est le vêtement nuptial
qu'avait le Christ, lorsqu'il prit pour épouse la sainte Église à
l'autel de la sainte croix. Il en a revêtu ensuite toute sa famille,
c'est-à-dire ceux qui l'ont suivi dès le commencement. Ceux-ci ont vu,
en effet, que le Christ, la Sagesse de Dieu, avait fait choix d'une vie
humble, méprisée et pénible, et c'est le fondement qu'ils ont donné à
tous les ordres et à tous les états de religion.
Mais aujourd'hui, ceux qui vivent dans ces ordres méprisent la vie
du Christ et son vêtement nuptial; car, autant qu'ils le peuvent, ils
prennent les vêtements du monde, non pas tous, mais la plupart.
L'orgueil, en effet, la jouissance, la paresse et toutes les autres
malices règnent maintenant dans les ordres religieux comme dans le
monde, dans ce monde, dis-je, qui vit en péché mortel.
Rougissez donc, vous qui avez quitté Dieu et oublié votre règle et
tous vos v?ux. Vous vivez comme des bêtes et vous servez le diable, qui
vous donnera un salaire semblable à celui qu'il reçoit pour ses péchés.
Le disciple ne vaut pas mieux que le maître (24) ; le diable reconnaîtra
bien les siens. Ils habiteront avec lui dans le feu infernal, où il y
aura pleurs et grincements de dents, misère éternelle, sans fin (25) .
Pour vous, soyez douce et patiente,
car vous le devez
à la Passion de Notre-Seigneur.
Voulez-vous monter,
il vous faut souffrir
la vérité vous l'enseignera.
Le quatrième et dernier fleuve de vie humble est l'abandon de la
volonté propre et de toute recherche personnelle.
Ce fleuve prend sa source dans la souffrance endurée patiemment. L'homme
humble, touché intérieurement par l'Esprit de Dieu, consommé et tout
transporté en lui, renonce alors à sa propre volonté et s'abandonne
spontanément entre les mains de Dieu. Il devient ainsi une seule volonté
et une seule liberté avec la volonté divine, de sorte qu'il ne lui est
plus possible ni loisible de vouloir autre chose que ce que Dieu veut.
Et c'est là le fond même de l'humilité.
Lorsque, sous l'action de la grâce de Dieu, nous nous renonçons
nous-mêmes et abandonnons notre propre volonté pour la très chère
volonté de Dieu, alors cette volonté devient nôtre; la volonté de Dieu,
qui est libre et liberté même, nous enlève l'esprit de crainte et nous
rend libres, dégagés et vides de nous-mêmes, ainsi que de toute crainte
qui nous accablerait pour le temps ou l'éternité.
Dieu nous donne alors l'Esprit des élus qui nous fait crier avec le
Fils : « Abba », c'est-à-dire « Père » (26) . Et l'Esprit du Fils rend
témoignage à notre propre esprit que nous sommes fils de Dieu et, avec
le Fils, héritiers dans le royaume de son Père. Là, nous nous voyons
élevés à une sublime hauteur, en même temps que plus humbles en
nous-mêmes, remplis de grâces et de dons dans l'union avec Dieu. C'est
alors la liberté la plus haute et l'humilité la plus profonde unies dans
une même personne, et les actes qui naissent de là sont inconnus de ceux
qui ne possèdent pas ces vertus.
L'homme vraiment humble est un vase élu de Dieu, rempli et
débordant de tous dons et de tous biens. Quiconque vient à lui avec
confiance reçoit ce qu'il souhaite et ce dont il a besoin. Mais
gardez-vous des hypocrites et de ceux qui se figurent être quelque
chose, qui croient vraiment être quelque chose. Ils ressemblent à une
outre qui n'est remplie que de vent : lorsqu'on la serre et qu'on la
presse, elle rend un son qui n'a rien de gracieux pour l'oreille. Ainsi
fait l'orgueilleux hypocrite qui croit être saint. Qu'on le presse et
qu'on le serre, il ne peut le supporter et il éclate. Il ne veut être ni
repris ni enseigné. Il est mauvais, âpre et hautain. Dans son estime, il
n'est au-dessous de personne, mais se met au-dessus de tous ceux qui
l'approchent. À ces marques vous pouvez voir et reconnaître que ceux-là
sont hypocrites et faux en eux-mêmes et qu'ils n'ont point encore
dépouillé leur propre volonté.
Soyez donc humble, obéissante, douce, dégagée de volonté propre, et
ainsi vous gagnerez au jeu d'amour. Remarquez cependant avec soin ce qui
vous manque encore. Même après que vous avez triomphé avec la grâce de
Dieu de tout péché, par la vertu qui est en vous, la nature et les sens
demeurent néanmoins vivants avec leur propension aux péchés et aux
vices. Contre eux donc il vous faut lutter et combattre aussi longtemps
que le corps demeure mortel et non glorieux.
CHAPITRE V.
DU CINQUIÈME DEGRÉ D'AMOUR.
Vient ensuite le cinquième degré de notre échelle spirituelle
d'amour. Il s'appelle la noblesse de toute vertu et de toutes bonnes
?uvres, et consiste à désirer l'honneur de Dieu par-dessus toutes chose
(27) . C'est 1à ce qu'ont tout d'abord pratiqué les anges du ciel, et ce
fut aussi le premier hommage rendu par l'âme du Christ, dès le sein de
sa mère. Si donc nous voulons nous-mêmes plaire à Dieu, c'est aussi la
première offrande à lui faire, car là se trouvent le fondement et
l'origine de toute sainteté si elle manque, il n'y a plus rien de bon.
Désirer l'honneur de Dieu, le poursuivre et 1'aimer, c'est toute la vie
éternelle, et en même temps ce que Dieu réclame de nous comme première
et plus haute offrande.
Celui qui, au contraire, se complaît en lui-même, qui recherche et
poursuit sa propre gloire, ne peut pas plaire à Dieu. Lorsqu'il nous
gratifie de ses dons, Dieu se complaît en lui-même, car il exerce sa
propre bonté. Mais lorsque nous répondons à ses dons en pratiquant la
vertu pour lui rendre honneur, c'est alors que nous lui plaisons, parce
que nous entrons dans ses vues. Quelque conduite d'ailleurs que nous
tenions, à quelque hauteur de vie et de bonnes ?uvres que nous
paraissions être, si nous nous recherchons nous-mêmes et non la gloire
de Dieu, nous sommes dans l'erreur, car la charité nous fait défaut;
tandis que si nous recherchons et désirons humblement la gloire de Dieu,
de toute notre âme, de tout notre être et de toutes nos forces, nous
avons la charité qui est racine et fondement de toute vertu et de toute
sainteté. Mais celui qui n'a pas le souci de la gloire de Dieu et
poursuit la sienne propre est possédé d'orgueil, qui est racine de tout
péché et de toute malice.
Lorsque l'Esprit du Seigneur touche le c?ur humble, il répand en
lui sa grâce et il réclame en retour qu'il lui ressemble en vertus, et
au-dessus de toute vertu, qu'il soit un avec lui par amour (28) . De
cette exigence, l'âme vivante et le c?ur aimant se réjouissent, mais ils
ne savent comment y satisfaire et comment payer la dette qui leur est
montrée et réclamée par l'amour.
L'âme aimante comprend bien cependant que l'honneur et la révérence
envers Dieu constituent la vertu la plus noble, en même temps que le
plus court chemin pour aller vers lui. Aussi préfère-t-elle à toutes
bonnes ?uvres et à toutes vertus un exercice constant et sans fin
d'honneur et de révérence envers la majesté divine. C'est là une vie
céleste qui plaît à Dieu; et cette exigence de sa part, aussi bien que
la réponse donnée par 1'âme vivante, soulève toutes les puissances, le
c?ur, le sentiment et tout ce qui vit en l'homme; en même temps que
s'exaltent toutes les forces vitales, les veines se gonflent et le sang
bouillonne sous ce désir véhément de procurer la gloire de Dieu.
La foi chrétienne nous révèle que Dieu, notre Père tout-puissant, a
créé et établi le ciel, la terre et tout ce qu'ils renferment pour sa
gloire; que par son Fils, sa Sagesse éternelle, il nous a créés, puis
recréés; qu'il gouverne et ordonne toutes choses en vue de sa même
gloire; qu'enfin par le Saint-Esprit, volonté et amour du Père et du
Fils, tout est achevé et consommé pour la gloire éternelle de Dieu.
Ainsi, Trinité de personnes dans l'Unité de nature, et Unité de nature
dans la Trinité des personnes, c'est un seul Dieu tout-puissant, à qui
nous devons honneur et adoration de tout notre pouvoir.
Le même honneur et la même adoration sont dus à Notre-Seigneur
Jésus-Christ, Dieu et homme en une seule personne. Car son humanité, qui
ne forme qu'un avec la nôtre, a été, plus que toute créature, honorée,
bénie, élevée par Dieu, qui se l'est unie. Et par le fait de cette union
si haute avec Dieu, 1'âme et le corps du Christ sont remplis de tous
dons et de toutes grâces, et en sont la plénitude même. C'est de cette
plénitude que reçoivent tous ses disciples, qui marchent à sa suite,
grâces et secours multiples et tout ce qui leur est nécessaire pour une
sainte vie. En retour, cette noble humanité de Notre-Seigneur, avec la
grande famille qui lui est unie, rend au Père honneur, actions de
grâces, louange, révérence éternelle, selon tout le pouvoir que
possèdent le Christ et tous ceux qui sont à lui.
Ainsi donc, Dieu le Père honore son Fils et avec lui tous ceux qui
marchent à sa suite et lui sont unis. Car qui honore Dieu reçoit de lui
honneur. Honorer et être honoré, c'est là l'exercice de l'amour. Non pas
que Dieu ait besoin des hommages que nous lui rendons, car il est à
lui-même son propre honneur, sa propre gloire et sa propre félicité
infinie. Mais il veut que nous l'honorions et l'aimions, afin qu'unis à
lui nous possédions la béatitude.
Voyons maintenant de quelle manière nous pouvons honorer Dieu et le
louer. Lorsqu'il se montre aux yeux de notre intelligence, en
l'éclairant de sa lumière, il nous donne le pouvoir de le connaître à
travers des similitudes, comme dans un miroir, où nous voyons des
formes, des images, des ressemblances de Dieu. Mais la substance même
qui est Dieu, nous ne pouvons la voir autrement que par lui-même, et
ceci est au-dessus de nous et dépasse tout exercice de vertus.
Nous devons donc aimer à regarder Dieu et à le chercher dans les
images, les formes, les ressemblances divines, afin d'être élevés par
lui au-dessus de nous-mêmes jusqu'à l'unité avec lui qui dépasse toute
ressemblance (29) . Pour le moment, comme dans un miroir, au moyen des
images et des ressemblances, nous voyons déjà que Dieu est grandeur,
hauteur, puissance, force, sagesse et vérité, justice et clémence,
richesse et largesse, bonté et miséricorde, fidélité et amour sans fond,
vie, récompense, joie sans fin et félicité éternelle.
Il y a beaucoup d'autres noms encore, plus que nous n'en pouvons
comprendre ou énumérer. La raison et l'intelligence en conçoivent un
grand étonnement, et notre amour plein de désirs souhaite de louer et
d'honorer Dieu comme il en est digne.
CHAPITRE VI.
DE TROIS MANIÈRES D'HONORER DIEU.
Le désir enflammé dont nous venons de parler invite l'Esprit du
Seigneur à nous enseigner trois modes d'exercice qui nous rendent
capables de procurer à Dieu tout l'honneur en notre pouvoir. Le premier
nous unit à Dieu sans intermédiaire. Le second nous unit à sa volonté
par le moyen de la grâce et de nos bonnes ?uvres. Le troisième, enfin,
nous tient unis à Dieu et nous fait croître et progresser en grâce, en
vertu et en toute forme de sainteté.
Dans le premier mode d'exercice, il y a trois procédés d'union à
Dieu, qui consistent à l'adorer, à l'honorer et à 1'aimer. Le second en
compte aussi trois, qui sont de désirer, de prier et de réclamer. Le
troisième, enfin, a encore trois procédés, qui sont de rendre grâces à
Dieu, de le louer et de le bénir.
Et tout d'abord adorer Dieu, c'est par la foi chrétienne le fixer
au-dessus de la raison, en esprit, avec une grande révérence, comme
puissance éternelle, Créateur et Seigneur du ciel et de la terre et de
tout ce qui est au monde. Honorer Dieu, c'est s'abandonner et s'oublier
soi-même ainsi que toute créature afin de le poursuivre sans cesse sans
plus regarder en arrière, avec une vénération éternelle. Le troisième
procédé enfin consiste à posséder Dieu seul, à le rechercher et à
1'aimer, non par intérêt personnel, pour notre gloire ou notre salut, ni
pour aucune chose qu'il puisse nous donner; mais à 1'aimer seulement
pour lui-même et pour sa propre gloire. Telle est la charité parfaite
qui nous unit à Dieu et par laquelle nous habitons en lui et lui en nous.
CHAPITRE VII.
DU DEUXIÈME MODE D'EXERCICE.
De la charité, telle qu'elle vient d'être décrite, naît le second
mode d'exercice spirituel, qui comprend aussi trois procédés. Ils
consistent à désirer, à prier et à réclamer: désirer dans le c?ur, prier
de bouche et réclamer d'esprit.
Nous devons d'abord désirer, avec une dévotion fervente, la grâce
et l'aide de Dieu, pour son honneur et à cause du besoin que nous en
avons pour le servir. Ce désir fera brûler notre âme d'accomplir avec
amour et entrain la très chère volonté de Dieu, selon tout notre
pouvoir. Puis il fera naître un autre genre d'exercice qui consiste à
prier tout ensemble de c?ur et de bouche. Nous devons, en effet,
supplier notre Père céleste, source de toute grâce excellente et de tout
don parfait, qu'il nous communique l'esprit de la crainte filiale, par
lequel nous serons remplis de révérence envers lui et du souci de ne
point l'irriter par nos péchés. Nous lui demanderons l'esprit de piété,
qui nous fera, en son nom et par vertu, être doux, cléments, humbles et
miséricordieux envers quiconque s'adresse à nous; mais aussi l'esprit de
science, qui nous permettra d'agir devant lui et aux yeux de tous les
hommes avec honnêteté de m?urs, en toute sincérité de paroles et
d'?uvres, pour ce qui est à faire ou à omettre. De même pourrons-nous
supporter la souffrance et régler toute chose en notre vie, de façon à
ce que nul ne soit scandalisé à cause de nous, mais, au contraire, que
chacun devienne meilleur en toute manière.
Nous prierons encore notre Père céleste, afin qu'il nous donne
l'esprit de force, qui nous rendra capables de vaincre tout ennemi, le
démon, le monde et notre propre chair : car c'est 1à le moyen de vivre
en paix avec Dieu. Nous prierons le Père des lumières et de toute vérité
de nous donner l'esprit de conseil, afin que nous puissions aller à la
suite du Christ par-dessus tous les cieux, et mépriser le monde avec
tout ce qui lui appartient. Ainsi serons-nous de vrais disciples de
Notre-Seigneur Jésus-Christ et ses imitateurs. Nous désirerons aussi et
prierons que Dieu nous donne l'esprit d'intelligence vraie, afin que
notre raison devienne claire et que nous puissions comprendre toute
vérité nécessaire au ciel et sur la terre.
Enfin, nous demanderons à notre Père tout-puissant et à
Jésus-Christ, son Fils éternellement aimé, de nous donner l'esprit de
sagesse, qui nous inspirera le dégoût et le mépris de tout ce qui passe.
C'est alors aussi que nous serons capables de voir, de goûter et de
sentir la douceur de Dieu, qui est un abîme sans fond. Et en toute
confiance nous appellerons en nous l'Esprit-Saint, le Seigneur de toute
grâce et de toute gloire, de qui viennent tout don et toute sainteté au
ciel et sur la terre.
Tel est le second mode d'exercice, par lequel souhaits, prières et
supplications vont vers notre Père céleste, afin qu'il nous rende
semblables à lui et nous fasse suivre son Fils, pour posséder avec eux
la gloire qui leur appartient dans l'unité du Saint-Esprit,
éternellement et sans fin.
CHAPITRE VIII.
DU TROISIÈME MODE D'EXERCICE.
Il est un troisième mode d'exercice qui nous consomme en vertu et
nous donne tout l'ornement d'une sainte vie. On s'y exerce en trois
manières, qui consistent à remercier Dieu, à le louer et à le bénir.
En effet, nous devons remercier Dieu, le louer et le bénir, d'abord
de ce qu'il a créé le ciel et la terre et tout ce qu'ils renferment,
pour sa gloire et pour notre bien, de ce qu'il nous a faits à son image
et à sa ressemblance et nous a rendus maîtres de tout ce qui est dans le
monde.
Puis, lorsque notre premier père selon la nature fut, par sa
désobéissance, tombé dans le péché, nous entraînant tous avec lui, notre
Père éternel et tout-puissant voulut, par sa grâce, effacer nos péchés,
et il nous donna son propre Fils, qui a porté notre fardeau, nous a
enseigné la voie de la vérité et nous l'a montrée dans sa propre vie, se
mettant humblement à notre service et obéissant jusqu'à la mort, afin de
nous faire vivre avec lui dans sa gloire éternellement et sans fin.
C'est donc toute justice de remercier, de louer et de bénir notre Père
céleste et son Fils glorieux ainsi que leur commun Esprit d'avoir opéré
cette grande merveille par amour pour nous.
Nous devons encore remercier, louer et bénir notre cher Seigneur
Jésus-Christ, qui est un avec le Père, de nous avoir donné et livré sa
chair, son sang et sa glorieuse vie dans le saint Sacrement. Là se
trouvent, en effet, l'aliment, le breuvage, la vie éternelle et tout ce
que nous pouvons désirer, en plus grande abondance que nous ne pouvions
le souhaiter. En retour, nous devons offrir à notre Père son Fils
blessé, martyrisé et mort par amour pour nous: et cela en union avec
tous les sacrifices qui furent jamais offerts en son nom par de bons
prêtres, faisant en même temps hommage à la Majesté divine de toutes les
?uvres accomplies à son service par la sainte chrétienté et tous les
bons depuis le premier jusqu'au dernier.
Nous remercierons de nouveau et louerons Notre-Seigneur
Jésus-Christ de la grandeur de Marie, sa chère mère, qu'il a choisie
comme telle du milieu du monde entier. Il a daigné, en effet, permettre
qu'elle le conçût du Saint-Esprit, qu'elle le portât et l'engendrât sans
tache ni douleur, mère et vierge tout ensemble, qu'elle l'allaitât enfin
de son chaste sein. Les anges chantaient: Gloire aux cieux! et lui, dans
sa crèche, pleurait devant sa mère. Celle-ci l'adorait et le regardait
comme son Dieu et son Fils. Elle le servait en grand respect, et lui en
retour la traitait comme un tendre enfant sa chère mère. Elle pouvait le
prier et aussi lui commander comme à son Fils. Jamais on ne vit si
grande merveille.
Quant à la grandeur de Marie en vertus et en sainte vie, nul ne
peut la décrire ni la rendre. D'humilité profonde, de haute pureté,
d'une charité large et abondante, elle est pleine de miséricorde pour
tous les pécheurs qui la supplient. Elle est la mère de toutes grâces et
de toutes faveurs, notre avocate et notre médiatrice auprès de son Fils.
Il ne peut rien lui refuser de ce qu'elle désire, parce qu'elle est sa
mère et qu'elle siège à sa droite; avec lui, elle porte la couronne,
comme une reine, elle est souveraine du ciel et de la terre, la plus
haute de toutes les créatures et la plus proche de lui. C'est pourquoi
nous devons le remercier et le louer du grand honneur qu'il a fait à sa
mère et à nous tous dans la nature humaine; car l'ingratitude fait tarir
la source des grâces de Dieu.
Remercier, louer et bénir Dieu, c'est la première ?uvre qu'aient
exercée les créatures, et il en sera éternellement ainsi. Elle prit
naissance dans les cieux, alors que, l'archange saint Michel luttant
avec ses anges contre Lucifer et les siens à qui garderait le ciel,
Lucifer fut vaincu avec toute son armée et tomba des hauteurs comme un
éclair et une flamme brûlante: car qui s'élève sera abaissé. Alors tous
les ch?urs et tous les ordres, toutes les dominations puissantes du ciel
furent en joie, et l'ange le plus élevé parmi les Séraphins entonna la
louange éternelle de Dieu, que chanta à sa suite tout le ch?ur céleste.
Et tous rendaient grâces à Dieu de la victoire, et maintenant ils
l'adorent et le louent parce qu'il est leur Dieu, ils 1'aiment et
jouissent de lui éternellement pour sa gloire.
CHAPITRE IX.
CE QUE FONT POUR NOUS LES HIÉRARCHIES SUPÉRIEURES.
Les esprits de la hiérarchie la plus élevée, qui sont les Trônes,
les Chérubins et les Séraphins, ne nous accompagnent pas dans la lutte
engagée par nous pour vaincre nos péchés. Avec nous seulement ils vivent
dans cet état où, au-dessus de la lutte, nous sommes élevés vers Dieu en
toute paix, contemplation et amour éternel.
Les trois ordres de la hiérarchie moyenne sont les Principautés,
les Puissances et les Dominations. Ils nous sont donnés pour combattre
avec nous contre le démon, contre le monde et tous les vices, contre
tout ce qui, enfin, constitue un obstacle dans le service de
Notre-Seigneur. Ils nous ordonnent et nous gouvernent, et ils nous
aident à mener jusqu'au bout une vie intime ornée de toutes les vertus.
En effet, lorsque par la grâce de Dieu et le secours des anges,
nous sommes vainqueurs du monde et de tout ce qui lui appartient, nous
devenons rois et princes pour dominer ce monde, et le royaume des cieux
est à nous. C'est alors que le quatrième ch?ur des anges, qu'on nomme
les Principautés, nous prête ses services pour l'honneur de Dieu.
De plus, lorsque nous nous abaissons nous-mêmes, nous méprisant et
humiliant, de c?ur et du profond de l'âme, au-dessous de toutes les
créatures, pour l'honneur de Dieu, nous sommes vainqueurs du démon et de
tout son pouvoir. Le cinquième ch?ur des anges, qui s'appelle
Puissances, nous accompagne et nous prête son concours dans la pratique
de notre vie intime, afin de nous assurer la victoire, pour la gloire de
Dieu.
Mais voici quelque chose de plus: c'est lorsqu'un homme se méprise
lui-même et s'humilie au-dessous de tous les bons, ne s'estimant digne
de se comparer à aucun en vertu, ne jugeant d'ailleurs personne et ne
condamnant que lui seul. Tout ce qu'il peut faire de vertueux lui paraît
de peu de valeur et comme rien, car le sentiment de la justice de Dieu
et celui de sa propre bassesse ne le laissent pas s'y reposer. Nuit et
jour il entend dans son c?ur « Tu loueras Dieu et le serviras. » Cette
voix lui ronge le c?ur dans le sein et la moelle des os. La faim et
l'ardeur de servir Dieu sont si grandes que tout ce qu'il peut faire de
bon est consumé en un instant et ne lui donne aucun repos. Aussi il
s'indigne et s'irrite contre lui-même, se sentant impuissant à faire
autant de bien qu'il voudrait. Il n'a plus de complaisance naturelle ni
pour soi ni pour aucune créature : cela est mort en lui et disparu. Mais
il ne sait et ne sent plus qu'une seule chose : louer Dieu et le servir.
Et voyant qu'il n'y peut atteindre à son gré, il se hait lui-même et se
méprise, car l'Esprit du Seigneur impose sans cesse à ses désirs une
nouvelle tâche de service et de louange, et plus qu'il n'en peut faire.
Quoi qu'il donne, il doit toujours davantage et c'est la cause pour lui
de désirs sans repos.
Lors donc que cet homme humble voit bien et comprend qu'il ne peut
accomplir ce que Dieu réclame de lui, il tombe aux pieds du Seigneur en
disant: « Seigneur, je ne puis m'acquitter envers vous, je m'abandonne
moi-même et me livre entre vos mains; faites de moi tout ce que vous
voudrez. » À cet humble abandon, Notre-Seigneur répond : « Ton abandon
et ta confiance me sont agréables: je te donne mon esprit de liberté et
de vérité, afin que tu ne mettes ta complaisance qu'en moi, au-dessus de
toutes bonnes ?uvres et actions vertueuses. »
Voyez : cette complaisance mutuelle qui existe entre Dieu et
l'homme vraiment libre et humble, c'est la racine de la charité et de
toute sainteté dans la vie intérieure. L'homme qui s'y exerce ne peut
être tenté d'aucun péché, car tous les ennemis fuient devant lui comme
le serpent devant la vigne en fleurs (30) . Cette même complaisance
mutuelle est encore l'?uvre la plus élevée et la plus noble qu'il y ait
dans la vie intime. Toutes vertus et toutes bonnes ?uvres s'y achèvent
et s'y ordonnent; car Dieu répand alors sa grâce et l'homme intérieur
offre en retour à Dieu toutes ses ?uvres.
Ainsi s'accroissent et se renouvellent sans cesse la grâce et les
bonnes ?uvres; car Dieu parle à l'intime de l'homme et lui dit: «Je te
donne ma grâce, donne-moi tes ?uvres. » Puis, s'adressant encore à la
bonne volonté et à la liberté des désirs, il ajoute: « Donne-toi à moi,
je me donne à toi. Veux-tu être mien? Moi je veux être tien. » Ce sont
là invitations et réponses qui sont dites à l'intérieur, dans l'esprit,
et non pas extérieurement par des paroles.
L'âme aimante répond alors: « Seigneur, vous vivez en moi avec vos
grâces, et je me complais en vous par-dessus toutes choses. Je dois vous
aimer, vous remercier et vous louer, et je ne puis m'en abstenir, car
c'est pour moi la vie éternelle.
Vous êtes ma nourriture et mon breuvage:
plus je mange et plus j'ai faim,
plus je bois et plus j'ai soif
plus je possède et plus je désire.
Vous m'êtes plus doux au goût que le rayon de miel,
au-dessus de toute douceur qui se puisse mesurer.
Toujours demeurent en moi la faim et le désir,
car je ne puis vous épuiser.
Est-ce vous qui me dévorez, ou moi qui vous dévore? je ne sais;
car au fond de mon âme je ressens l'un et l'autre.
Vous exigez de moi que je sois un avec vous,
et cela me donne grande peine;
car je ne veux pas abandonner mes pratiques
pour m'endormir dans vos bras.
je ne puis que vous remercier, vous louer et vous rendre honneur,
car c'est pour moi la vie éternelle.
Je trouve en moi-même une certaine impatience,
et je ne sais ce que c'est.
Si je pouvais obtenir l'unité avec Dieu
et demeurer néanmoins dans mes ?uvres,
alors je cesserais toutes mes plaintes.
Que Dieu, qui connaît tout besoin,
fasse de moi ce qu'il voudra!
Je me remets entièrement à son pouvoir,
et ainsi demeurerai-je intrépide en toute souffrance. »
À cela l'Esprit du Seigneur répond dans l'intime de l'âme, sans
paroles extérieures, mais au plus profond du sens : « Chère bien-aimée,
je suis tien et tu es mienne; je me donne à toi par-dessus tous mes
dons, et, en retour, je te réclame et je t'attire en moi au-dessus de
toutes tes bonnes ?uvres. »
Lorsque, dans son intime, l'âme suit l'attraction divine, de façon
à se donner librement à l'Esprit de Notre-Seigneur, elle sent alors un
amour immense dans lequel elle est comme enveloppée de toutes parts. Et
ainsi élevée au-dessus d'elle-même et de tous dons jusque dans l'Esprit
du Seigneur, elle goûte un bonheur infini qu'elle ne peut comprendre et
où elle s'écoule tout entière. Elle est embrassée et prise totalement
entre l'amour immense et le bonheur sans fin, sous le regard de l'Amour
même.
Mais l'heure est courte, car l'amour ne peut rester oisif. Il crie
à haute voix dans l'intime de l'âme « Remerciez, louez, honorez votre
Dieu : c'est le conseil de l'amour et son commandement.»
Voilà ce qui peut être de plus noble et de plus élevé comme
exercice de vie intérieure et c'est ce qu'il y a de plus proche de la
vie contemplative. On y ressemble aux anges du sixième ch?ur, qui
s'appellent les Dominations, parce qu'ils dominent les cinq ch?urs ou
ordres qui sont au-dessous d'eux. C'est de même façon, en effet, que le
mode d'exercice dont nous parlons est élevé au-dessus de tous ceux qui
se peuvent pratiquer dans la vie intérieure.
CHAPITRE X.
DE DEUX VOIES QUE LE CHRIST NOUS A ENSEIGNÉES .
Le Christ, Fils du Dieu vivant, nous a enseigné et a pratiqué dans
sa vie deux voies qui peuvent nous conduire à la vie éternelle, si nous
voulons aller à sa suite. La première voie est celle des commandements,
la seconde celle des conseils.
Le Seigneur dit, en effet: « Si vous voulez être parfaits et
devenir mes disciples, quittez tout ce qui vous est cher, père et mère,
frère et s?ur, femme et enfants, maison et terre, et tout ce qui au
monde vous serait une gêne et un obstacle dans votre tendance intime
vers Dieu: quittez tout cela et méprisez-le, si vous voulez me
ressembler (31) . Car je vous envoie comme m'a envoyé mon Père (32) , et
je n'ai pas eu où reposer ma tête. (33) »
Ainsi vous ne pouvez garder en ce monde aucune attache ni aucune
affection; mais vous devez tout abandonner si vous voulez croître dans
la vie intime. Si vous en êtes capable, vous devenez alors disciple du
Christ et pauvre en esprit; vous régnez et dominez sur le monde entier,
dont vous êtes vainqueur. Et bien que vous n'ayez rien en propre, vous
possédez cependant toutes choses en Dieu qui vous a donné la puissance
de vaincre.
Le Christ dit de plus: « Celui qui a quitté tout ce qui pouvait lui
être cher, qu'il me suive (34) . », c'est-à-dire qu'il rende honneur à
Dieu et qu'il ne se complaise pas en lui-même. C'est ce que faisait, en
effet, le Christ, lorsqu'il disait : «Je cherche l'honneur de mon Père
qui m'a envoyé: si je poursuis le mien propre, il n'est rien (35) .» De
la sorte, l'homme ressemble au Fils de Dieu, de qui il a reçu cette
sagesse qui rend humble.
Enfin, le Christ dit encore : « Qui veut venir après moi, qu'il
prenne sa croix et qu'il me suive (36) . » De cela il a donné lui-même
l'exemple, se renonçant jusqu'à livrer son corps à la mort entre les
mains de ses ennemis et remettant son esprit à la volonté de son Père.
Et lorsqu'il eut donné tout ce qu'il était et tout ce dont il était
capable, il s'écria à haute voix: «Tout est consommé (37) . » Et
inclinant la tête, il rendit l'âme.
Si donc nous voulons, à notre tour, être parfaits dans la charité
et dans la vie intime, il faut nous abandonner entièrement nous-mêmes à
la très chère volonté de Dieu. Nous devons aussi être disposés et prêts
à mourir pour l'honneur de Dieu et aussi pour notre prochain, si nous
pouvions de la sorte lui assurer la vie éternelle. C'est alors que notre
charité est parfaite envers Dieu et envers le prochain; et ceci nous
fait ressembler au Saint-Esprit, qui opère toutes les ?uvres de l'amour
et qui les consommera dans la vie éternelle.
La pratique sincère devant Dieu de ces trois renoncements constitue
le conseil de Notre-Seigneur et une voie cachée pour aller vers Dieu,
que peu d'hommes rencontrent (38) . Car la pauvreté seulement
extérieure, sans la pratique intérieure et les autres vertus, ne suffit
pas pour la trouver. Au contraire, la richesse, dont on use sagement et
que l'on distribue libéralement aux pauvres pour l'honneur de Dieu,
trouve cette voie qui demeure cachée à la pauvreté feinte ou non
volontaire.
Mais il est aussi une voie commune pour aller vers Dieu: c'est
celle des commandements du Seigneur. Le Christ dit, en effet: «Si vous
voulez être sauvé, observez les commandements (38') . » Et il dit
encore: « Si vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon
amour, de même que j'ai observé les commandements de mon Père et que je
demeure dans son amour (39) . » Car aimer c'est le premier et le plus
grand des commandements, et personne ne peut aimer s'il ne vit dans la
foi chrétienne.
À celui qui croit, tout est possible, mais l'incroyant est un
charbon d'enfer. Si vous voulez garder les commandements de Dieu, vous
devez croire, mettre en lui votre confiance et vous purifier de tout
péché, selon la loi chrétienne et les préceptes de la sainte Église. Il
vous faut encore obéir volontiers à Dieu et à vos supérieurs,
conformément aux usages et bonnes pratiques qui s'accomplissent
d'ordinaire dans la sainte Église : tout cela selon votre pouvoir et
avec une sage discrétion, d'après la conduite ordinaire des hommes
prudents et les usages du pays que vous habitez.
Vous devez connaître les dix commandements et régler d'après eux
votre vie. Vous devez craindre et fuir les sept péchés capitaux, afin de
ne pas irriter Dieu et mériter les peines éternelles. Jeûnez et observez
les fêtes; soyez zélé et empressé à toutes bonnes ?uvres, selon votre
pouvoir. Soyez fidèle à Dieu et à vous-même en toute chose bonne, comme
un bon serviteur envers son maître, en attendant qu'il vous ramène à
lui. Voilà une vie conforme aux commandements, auxquels nous sommes tous
tenus.
Aussi les anges de Dieu qui appartiennent au dernier ch?ur nous
assistent-ils tous les jours de notre vie, afin de pouvoir nous
présenter devant la face du Seigneur, purs et sans aucune souillure de
péché. C'est là le premier stade et le degré inférieur d'une vie active.
On y ressemble aux anges du dernier ch?ur qui sont dits les messagers de
Dieu.
Il y a ensuite un second stade, une voie plus élevée dans la vie
active : c'est la patience qui ne sait nuire. Cette disposition à ne
nuire à personne naît de la charité, et la patience est sa s?ur (40) .
Ces trois vertus, avec la grâce de Dieu, engendrent toutes bonnes
?uvres, parce qu'elles refrènent les mauvais penchants de la nature. Et
toute distinction de vertus est contenue implicitement en cette
innocente patience; car celui qui la possède vit dans la paix de Dieu.
Il est humble, doux et obéissant, bienveillant, affable et courtois,
simple, sans feinte, prêt à tout supporter, plein de souplesse enfin à
l'endroit de tout bien: car il est docile et se laisse instruire par le
Seigneur et il reçoit ainsi sans cesse de lui la règle de la vraie paix.
Lors donc que vous possédez l'ensemble de ces vertus, vous êtes au
deuxième stade, où l'on ressemble aux archanges, qui constituent le
deuxième ch?ur et qui commandent et président à tous les anges de
l'ordre inférieur dans la première hiérarchie. Et de la sorte, vous
dépassez tous ceux qui vivent dans le stade inférieur des bonnes ?uvres,
où l'on peut se sauver, Il y a, enfin, un troisième stade, où toute vie
active agréable à Dieu arrive à son plein achèvement.
Voyez : lorsqu'un homme simple observe la loi et les commandements,
parce que Dieu le veut et l'ordonne et non pas par coutume ni par
nécessité, il est juste et agréable à Dieu dans le degré le plus humble
de vie.
Puis, lorsqu'il s'élève et devient orné intérieurement de vertus
nombreuses, de façon à ressembler à Dieu, à ses anges et à tous les
saints ainsi qu'à tous les hommes justes; par estime de la vertu et
haine du vice; en vue de la vie éternelle et pour la paix de sa
conscience; pour la joie enfin et le bien-être qu'il goûte dans la
sincérité de sa vie, il devient alors beaucoup plus agréable à Dieu que
le commun des hommes dans le ch?ur inférieur.
Mais lorsque, s'élevant au-dessus de toutes bonnes ?uvres à
l'extérieur et de toutes vertus intimes à l'intérieur, il porte ses
regards et les fixe sur son Dieu avec confiance et dans la foi
chrétienne, le poursuivant et l'aimant par-dessus toute chose, puis
demeure là et s'y applique préférablement à tout le reste, il possède
alors le troisième stade, où toute vie active se consomme. On y
ressemble vraiment aux anges du troisième ch?ur dans la hiérarchie
inférieure, qui portent le nom de Vertus. Car les vertus sont consommées
lorsque l'homme les offre toutes à Dieu, le poursuivant et l'aimant
par-dessus tout (41) .
Voilà donc une vie active parfaite, composée de trois stades qui
nous mènent à la vie éternelle et de plus en plus haut, selon que nous
profitons des grâces et suivant notre mérite devant la face de Dieu. Si
vous avez l'expérience de cette vie et si vous voulez la conserver et
vous y établir, il vous faut être vide et détaché de vous-même et de
toute créature, sans qu'il vous soit permis de vous y complaire d'aucune
façon; il vous faut, de plus, fixer Dieu, le poursuivre, l'aimer et vous
y appliquer, recherchant son honneur par-dessus toute chose. De cette
façon, vous pourrez vous établir et demeurer devant la face de Dieu,
dans une révérence éternelle.
CHAPITRE XI.
COMMENT PLUSIEURS CROIENT ÊTRE SAINTS
ET SE TROMPENT EN BEAUCOUP DE MANIÈRES .
On rencontre bien des gens, remplis de complaisance pour eux-mêmes,
qui se figurent mener une vie sainte et être grands devant Dieu et qui
cependant se trompent en beaucoup de manières; car ceux qui ne sont ni
détachés d'eux-mêmes, ni mortifiés dans leur vie, ne sauraient être non
plus ni élevés, ni expérimentés dans la vie de la grâce, ni éprouvés
devant la divine majesté. Ils peuvent être doués d'intelligence et de
raison subtile, mais ils se complaisent en eux-mêmes et cherchent à
plaire aux hommes, et c'est là se détourner de Dieu. De même est-ce la
racine principale de tout péché.
Aussi de tels hommes cherchent-ils à s'élever au-dessus des autres
et même au-dessus de tout le monde si cela leur était possible. Ils ne
veulent se soumettre sincèrement à personne, mais désirent, au
contraire, que tous s'inclinent devant ce qui leur paraît bon. Ils sont
désagréables et pleins d'eux-mêmes, et ils veulent toujours avoir raison
vis-à-vis de leurs contradicteurs. Ils se vexent facilement, ils sont
mécontents, irascibles, susceptibles, mauvais, durs et hautains dans
leurs paroles, dans leurs actes et dans leur attitude. Aussi est-il
impossible de vivre en paix avec eux. La paix, ils ne l'ont pas non plus
en eux-mêmes; car ils ne pensent qu'à épier et juger tout le monde, mais
non pas leur propre personne.
Toujours pleins de soupçons et de pensées malveillantes, n'ayant
que déplaisir, rancune et dépit intérieur vis-à-vis de ceux qui ne leur
plaisent pas, ils sont sans cesse tourmentés et inquiets, croyant plus
savoir et mieux faire que tout le monde. Remplis de zèle pour instruire
les autres, pour renseigner, reprendre et corriger, ils ne souffrent, au
contraire, d'être instruits, renseignés ou repris par personne, car ils
se croient les plus sages du monde. Tyranniques et méprisants à l'égard
de leurs inférieurs ou de leurs égaux, lorsque ceux-ci ne leur rendent
pas honneur et amour à leur gré, ils sont querelleurs et portés à
l'injure, raillent souvent avec âpreté et aigreur de c?ur, car ils n'ont
pas l'onction du Saint-Esprit.
Ils prennent volontiers la parole parmi les gens de bien, se
croyant autorisés à parler devant tous, sages qu'ils sont, à leurs yeux,
au-dessus de tous. Sous une attitude humble, ils cachent leur orgueil,
et leur haine prend des apparences de justice. Ils montrent beaucoup
d'affabilité et d'égards à qui les flatte ou leur fait bon visage. Pour
leurs propres affaires, ils ne savent avoir trop de sollicitude,
d'attention et de soin : ils se réjouissent et s'attristent à la manière
du monde, selon le bien ou le mal de leurs intérêts terrestres.
Louez-les ou blâmez-les en face et vous verrez bien ce qu'ils sont. Ils
n'ont d'ailleurs d'anxiété ou de peine que pour ce qui les touche: la
maladie, la mort, l'enfer, le purgatoire, les jugements de Dieu et sa
justice. Préoccupés d'eux-mêmes, ils redoutent et craignent tout ce qui
leur peut arriver, car ils s'aiment eux-mêmes d'une façon désordonnée et
non pas pour Dieu ni en vue de Dieu.
C'est pourquoi ils sont inquiets et contraints dans leur vie, gênés
en face de Dieu et remplis de sollicitudes et de craintes pour tous les
intérêts du monde, Ils sont aux pieds des mécréants, dans la peur qu'on
ne leur enlève vie et richesses, qu'on ne leur vole ou confisque leur
bien ou qu'on ne les paie pas. Ils craignent de devenir pauvres,
misérables et méprisés, vieux et malades, sans consolation d'amis ou de
biens terrestres. Ce sont là soucis déréglés et insensés qui nourrissent
un vieux fond d'avarice et qui mènent parfois jusqu'à la folie.
On rencontre jusque dans les ordres et dans l'état religieux des
gens de cette sorte, tout pleins encore de leur volonté propre et
immortifiés en eux-mêmes; ils craignent que quelque supérieur ou prélat
n'entre dans leur vie, ne les gêne et n'ait pas pour eux assez d'estime,
et ils pensent qu'ils ne pourraient pas supporter chose semblable. Et
voyez ce qu'ils roulent dans leur tête contre ceux qu'ils croient leur
être hostiles « Si celui-ci devenait mon supérieur, comment pourrais-je
lui être soumis et lui obéir? Il ne m'aime pas; il ne pourrait que
m'opprimer et me mépriser en toute circonstance, et tous ses amis
s'entendraient avec lui contre moi. Cette anxiété leur fait tourner le
sang; ils s'irritent et disent encore en eux-mêmes « Non, c'est
impossible : j'y perdrais le sens, ou bien je devrais quitter le cloître.
Voilà bien des craintes folles, une prudence désordonnée et une
prévoyance qui part d'un fond d'orgueil. S'ils devenaient eux-mêmes
supérieurs, c'est alors qu'ils opprimeraient et mépriseraient tous ceux
qui leur seraient opposés et quiconque ne se plierait pas à leur bon
plaisir. Car ils croient gouverner et ordonner toutes choses mieux et
plus sagement que personne. Aussi critiquent-ils souvent dans leur cour
les supérieurs et ceux qui sont en charge, et ils le font aussi devant
ceux qu'ils savent disposés à les entendre. Les louanges données aux
autre. leur sont pénibles, car ils s'en croient moins estimés Ils
n'admettent d'ailleurs de supériorité de vie chez personne au-dessus de
ce qu'ils savent et de ce qu'ils connaissent. Ce sont hommes, enfin, qui
s'estiment plus sages et plus prudents que tous ceux qui les entourent,
et pourtant ils sont inhabiles et inaptes à obtenir la vraie sainteté.
Ainsi donc que chacun s'éprouve, qu'il examine et juge son esprit
et ses penchants naturels, afin de voir s'il ne sent ou ne trouve en lui
quelque chose qu'il doive éliminer et vaincre pour acquérir la vraie
sainteté. Il nous faut, en effet, mourir au péché, afin de vivre à Dieu;
il nous faut être vides d'images et nous détacher de ce qui nous plaît
ou nous déplaît, afin de voir son royaume. Notre c?ur, enfin, et nos
désirs doivent être fermés aux choses de la terre et ouverts à celles de
Dieu et de l'éternité, si nous voulons les goûter.
Fuyons donc tout ce qui est du monde
pour aimer et haïr avec Dieu,
si nous voulons jouir de Dieu même.
Il nous faut nous renoncer,
afin que l'Esprit-Saint gagne en nous
et nous délivre de toute entrave.
Ainsi pourrons-nous le louer par-dessus tous les cieux
et être un avec lui sans partage.
Alors nous le bénirons,
et nous entendrons en paix les mélodies célestes
avec leurs quatre modes harmonisés
et leurs tons multiples.
CHAPITRE XII.
DES MÉLODIES CÉLESTES
Notre Père céleste nous a éternellement appelés et élus en son Fils
bien-aimé, et il a écrit nos noms du doigt de son amour (42) dans le
livre vivant de sa Sagesse éternelle: c'est pourquoi nous lui répondons
de tout notre pouvoir, avec une révérence et une vénération sans fin
(43) . Et c'est ainsi que débutent tous les chants des anges et des
hommes, qui ne cesseront jamais.
Le premier mode de chant céleste, c'est l'amour envers Dieu et
envers le prochain, et pour nous l'apprendre Dieu le Père nous a envoyé
son Fils. Qui ne connaît, en effet, ce mode ne peut entrer dans le ch?ur
céleste, car il n'en a ni la connaissance ni l'ornement, et il devra
donc demeurer éternellement au dehors.
Jésus-Christ, notre amant éternel, au jour de sa conception dans le
sein vénérable de sa mère, chantait en esprit gloire et honneur à son
Père céleste, repos et paix à tous les hommes qui sont de bonne volonté.
Et dans la nuit où il naquit de la Vierge Marie sa mère, les anges
chantèrent le même doux petit chant. C'est de quoi la sainte Église se
souvient lorsqu'elle le chante à son tour, spécialement en ces deux fêtes.
Aimer Dieu et aimer le prochain en vue de Dieu, à cause de Dieu et
en Dieu, voilà, en effet, ce qui peut être chanté de plus sublime et de
plus joyeux au ciel et sur la terre. L'art et la science de ce chant
sont donnés par le Saint-Esprit.
Le Christ, notre chantre et maître de ch?ur, a chanté dès le
commencement et nous entonnera éternellement le cantique de fidélité et
d'amour sans fin. Puis, nous tous, de tout notre pouvoir, nous
chanterons à sa suite, tant ici-bas qu'au milieu du ch?ur de la gloire
de Dieu. Ainsi l'amour vrai et sans feinte est le chant commun qu'il
nous faut connaître tous pour faire partie du ch?ur des anges et des
saints dans le royaume de Dieu; car l'amour est la racine et la cause de
toutes les vertus à l'intérieur, il est l'ornement et la vraie parure de
toutes les bonnes ?uvres à l'extérieur. Il vit de soi et est à soi-même
sa propre récompense. Dans son action, il ne peut se tromper, car là
nous avons été devancés par le Christ, qui nous a enseigné l'amour et
qui a vécu dans l'amour, lui avec tous les siens. Nous devons donc
l'imiter, si nous voulons être bienheureux avec lui et posséder le salut.
Tel est le premier mode du chant céleste que la Sagesse de Dieu
enseigne à tous ses disciples obéissants, par l'intermédiaire de
l'Esprit-Saint.
Vient ensuite le second mode: c'est l'humilité sincère, que
personne ne peut élever ni abaisser. En elle, en effet, est la racine et
le fondement solide de toutes les vertus et de tout édifice spirituel.
C'est elle aussi qui constitue la teneur et les finales de tout chant
céleste, demeurant en harmonie avec toutes les vertus: car elle est le
manteau et l'ornement de la charité, et c'est la voix la plus douce qui
puisse chanter devant la face de Dieu.
Ses accords sont si gracieux et si attrayants qu'ils attirèrent la
Sagesse de Dieu jusque dans notre nature; car lorsque Marie dit : «
Voici la servante du Seigneur, que tout ce qu'il veut se réalise en moi
», (44) Dieu fut tellement vaincu qu'il voulut de sa Sagesse éternelle
emplir l'humble sein de la Vierge.
Ainsi la sublime hauteur s'est réduite à l'abaissement; le Fils de
Dieu s'est humilié et a revêtu la forme d'esclave, afin de nous élever
jusqu'à la forme de Dieu. Il s'est humilié et mis au-dessous de tous les
hommes il s'est méprisé lui-même et il a voulu nous servir jusqu'à la
mort. C'est pourquoi, si vous voulez lui ressembler et le suivre là où
on chante le cantique de l'humilité sincère, vous devez vous renier et
mépriser vous-même, aimer et désirer le mépris, le dédain et l'oubli de
tous les autres hommes; car l'humilité reste insensible à ce qui flatte
ou à ce qui est pénible, à l'honneur ou à la honte et à tout ce qui
n'est pas elle. C'est le don le plus élevé et le joyau le plus beau que
Dieu puisse donner à l'âme aimante, en dehors de lui-même. Elle est la
plénitude de toute grâce et de tous les dons. Qui habite en elle lui est
uni et il a trouvé la paix sans fin.
Le troisième mode de chant céleste consiste à renoncer à notre
volonté propre et à tout ce qui nous appartient, afin de nous abandonner
à la très chère volonté de Dieu, et de supporter et souffrir tout ce
qu'il voudra nous imposer. Et quoique la nature qui porte la croix et
suit Notre-Seigneur jusqu'à la mort soit dans la peine, l'esprit qui
fait volontairement une telle offrande est dans la joie.
La nature pleure et se. plaint à cause du lourd fardeau qui
l'accable, mais nous nous réjouirons ensuite dans la gloire de Dieu,
alors que Jésus essuiera nos larmes et nous montrera que, par son sang
précieux, il nous a acquis à son Père, en donnant pour prix sa mort.
Alors nous chanterons avec lui cette douce mélodie que mérite la
souffrance volontaire et qui n'appartient qu'aux hommes et non aux
anges. Et autant le martyre, le labeur et la souffrance auront été
grands et multiples, autant aussi il y aura de gloire, de récompense et
d'honneur. Le Christ, notre chantre, nous imposera lui-même ce cantique,
car il est le prince et le roi de toute souffrance portée volontairement
par amour et pour l'honneur de Dieu. Et sa voix est d'une clarté, d'une
richesse et d'une sonorité sans pareille; il a la science parfaite du
chant céleste, de ses modes, de ses nuances et de ses harmonies variées.
Avec lui nous chanterons tous, remerciant et louant son Père céleste qui
nous l'a envoyé.
Le Christ devait souffrir et monter ainsi dans sa gloire. C'est
pourquoi, nous aussi, il nous faut souffrir de bon c?ur, pour lui
ressembler et le suivre dans cette gloire et celle de son Père, avec qui
il est un dans la fruition du Saint-Esprit. Là nous chanterons tous, au
nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, chacun personnellement, en esprit,
selon nos mérites et notre dignité devant Dieu.
Vient enfin le quatrième mode de chant céleste, le plus intime, le
plus noble, le plus élevé, qui consiste à défaillir dans la louange de
Dieu (45) .
Notre Père céleste est en même temps avide et généreux. À ses
bien-aimés qui sont élevés en esprit et qui marchent devant sa face, il
donne libéralement sa grâce, ses dons et ses bienfaits; mais en retour
il exige de chacun qu'il lui rende, en actions de grâces, en louanges et
en exercice de toutes bonnes ?uvres, selon qu'il a été doté de Dieu
extérieurement et intérieurement. Car la grâce divine n'est pas donnée
inutilement ni en vain, et si nous la mettons à profit, elle coule sans
cesse et nous donne tout ce dont nous avons besoin, réclamant en retour
de nous tout ce que nous pouvons rendre; et ces dons réciproques font
naître et pratiquer toutes vertus, sans crainte d'erreur.
Mais au-dessus de toutes ?uvres et exercices de vertus, notre Père
céleste enseigne à ceux qui lui sont spécialement chers que, dans ses
dons et dans ses exigences, il se montre non seulement libéral et avide,
mais bien avidité et libéralité mêmes. Il veut, en effet, se donner à
nous tout entier, lui et tout ce qu'il est; mais en retour il réclame
que nous nous donnions à lui pleinement, avec tout ce que nous sommes.
Ainsi son intention et sa volonté sont-elles que nous soyons totalement
siens, comme lui se fait tout entier nôtre, chacun demeurant cependant
ce qu'il est. Car nous ne pouvons devenir Dieu, mais nous lui sommes
unis, tout à la fois par intermédiaire et sans intermédiaire.
L'intermédiaire pour l'union, c'est la grâce et nos bonnes ?uvres.
Et le mutuel amour constitué ainsi par la grâce de Dieu et nos bonnes
?uvres fait qu'il vit en nous et que nous vivons en lui, soumis à son
influence au point de ne faire qu'une seule volonté avec la sienne pour
tout bien. Car son Esprit et sa grâce opèrent en nous toutes bonnes
?uvres, plus que nous ne le faisons nous-mêmes, et la grâce qu'il nous
donne, en même temps que l'amour que nous lui rendons, élabore une ?uvre
que nous faisons ensemble et d'un commun accord. Notre amour pour Dieu,
en effet, est l'?uvre la plus haute et la plus noble dont nous puissions
avoir conscience entre nous et Dieu. L'Esprit divin, de son côté,
réclame de notre esprit que nous aimions Dieu, que nous lui rendions
grâces et que nous chantions ses louanges selon sa noblesse et sa
suprême dignité; et là viennent défaillir tous les esprits aimants tant
au ciel qu'en terre. Ils s'épuisent et tombent tous sans force devant
cette hauteur infinie de Dieu. C'est l'intermédiaire le plus noble et le
plus élevé qui puisse être entre nous et Dieu: la grâce de Dieu y est
dans sa perfection avec toutes les vertus.
Mais nous sommes encore unis à Dieu sans intermédiaire, au-dessus
de la grâce et de toute vertu; car en dehors de tout intermédiaire, nous
avons reçu l'image de Dieu dans la substance vive de notre âme (46) , et
là nous sommes unis à Dieu sans intermédiaire. Nous ne devenons pas Dieu
néanmoins; mais nous demeurons toujours semblables à Dieu, et il vit en
nous et nous en lui par le moyen de sa grâce et de nos bonnes ?uvres.
Ainsi nous sommes unis à Dieu sans intermédiaire, au-dessus de toute
vertu, là où nous portons son image à la cime même de notre nature
créée: néanmoins nous lui demeurons toujours semblables et unis en
nous-mêmes, par le moyen de sa grâce et de notre vie vertueuse. Et, de
la sorte, nous demeurons à jamais semblables à Dieu en grâce et en
gloire, et au-dessus de ressemblance, un avec lui dans notre image
éternelle.
L'unité vivante avec Dieu est dans notre essence même: nous ne
pouvons ni la comprendre, ni l'atteindre, ni la saisir. Elle se joue de
toutes nos forces et elle exige de nous d'être un avec Dieu sans
intermédiaire, et cela nous ne pouvons l'accomplir. Et c'est pourquoi
nous le suivons en entrant dans le repos de notre être. Dans ce
sanctuaire tranquille, l'Esprit du Seigneur se repose et demeure en nous
avec tous ses dons (47) , Il donne sa grâce et ses dons à toutes nos
puissances et il réclame de nous d'aimer, de rendre grâces et de louer.
Et il habite lui-même dans notre essence, réclamant de nous le repos et
l'unité avec lui au-dessus de toute vertu. De là vient que nous ne
pouvons pas demeurer en nous-mêmes avec nos bonnes ?uvres, ni au-dessus
de nous avec Dieu dans l'état de repos et c'est là le jeu le plus intime
de l'amour (48) .
L'Esprit du Seigneur est une éternelle opération de Dieu, et il
veut qu'éternellement nous travaillions et lui soyons semblables. Mais
il est aussi repos et fruition du Père et du Fils et de tous ses
bien-aimés en éternelle inaction. Cette fruition est au-dessus de nos
?uvres nous ne pouvons la comprendre. Et nos ?uvres demeurent toujours
au-dessous de la fruition : nous ne pouvons les introduire jusqu'à elle.
Lorsque nous agissons, il nous manque toujours quelque chose; nous ne
pouvons aimer Dieu suffisamment. Mais en jouissant nous avons
satisfaction nous sommes tout ce que nous voulons.
Tel est le quatrième mode de chant céleste, le plus noble qui
puisse être chanté au ciel et sur la terre.
Vous devez savoir cependant que ni Dieu, ni les anges, ni les âmes
ne chantent avec une voix corporelle, car ils sont esprits. Ils n'ont ni
oreilles, ni bouche, ni langue, ni gosier, ni gorge, pour former un
chant. L'Écriture sainte dit bien que Dieu parla à Abraham, à Moïse, aux
patriarches et aux prophètes, en mille manières, avec des paroles
sensibles, avant de prendre lui-même la nature humaine. La sainte
Église, à son tour, atteste que les anges chantent éternellement et sans
fin : Sanctus, Sanctus, Sanctus . De même l'ange Gabriel apporta-t-il à
Notre-Dame le message qu'elle concevrait le Fils de Dieu par la vertu de
l'Esprit-Saint. Des anges transportèrent en chantant l'âme de saint
Martin au ciel, et Marie-Madeleine trouvait dans le chant des anges sa
nourriture de chaque jour.
Ainsi donc les esprits bons et mauvais et les âmes peuvent se
montrer aux hommes en la forme qu'ils veulent, autant qu'il plaît à Dieu
de le permettre, mais dans la vie éternelle ceci n'est pas nécessaire.
Car nous contemplerons alors avec les yeux de l'intelligence la gloire
de Dieu, de tous les anges et de tous les saints en général, en même
temps que la gloire spéciale et la récompense de chacun, en toutes
manières que nous voudrons.
Mais, au dernier jour, au jugement de Dieu, lorsque nous
ressusciterons avec nos corps glorieux, par la puissance de
Notre-Seigneur, ces corps seront blancs et resplendissants comme la
neige, plus brillants en clarté que le soleil et transparents comme le
cristal, Et chacun aura sa marque spéciale en honneur et en gloire,
selon qu'il aura supporté et enduré les tourments et autres souffrances,
volontairement et librement pour l'honneur de Dieu. Car toutes choses
seront ordonnées et récompensées selon la sagesse de Dieu et la noblesse
de nos bonnes ?uvres. Et le Christ, notre chantre et maître de ch?ur,
chantera de sa voix triomphante et douce un cantique éternel,
c'est-à-dire louange et honneur à son Père céleste. Et tous nous
chanterons ce même cantique d'un esprit joyeux et d'une voix claire,
éternellement et sans fin. La jouissance et la gloire de notre âme
rejailliront sur nos sens et tous nos membres, et nous nous
contemplerons mutuellement de nos yeux glorifiés; nous entendrons,
dirons et chanterons la louange de Notre-Seigneur avec des voix sans
défaillance. Le Christ nous servira et il nous montrera sa face toute
brillante et son corps glorieux portant les marques de fidélité et
d'amour qui y sont imprimées.
De même, nous contemplerons tous les corps glorieux revêtus des
nombreuses marques de l'amour dépensé au service de Dieu, depuis le
commencement du monde, et notre vie sensible sera toute remplie
extérieurement et intérieurement de la gloire de Dieu. Notre c?ur plein
de vie brûlera d'un amour ardent pour Dieu et tous les saints; toutes
les puissances de notre âme resplendiront de gloire et elles seront
ornées des dons de Dieu et de toutes les vertus qu'elles auront
pratiquées dès le commencement. Enfin, et cela surpasse toutes choses,
nous serons ravis hors de nous dans la gloire de Dieu qui est infinie,
incompréhensible, sans mesure, et nous en jouirons avec lui
éternellement et sans fin.
Le Christ dans sa nature humaine mènera le ch?ur de droite, car il
est ce que Dieu a fait de plus élevé et de plus sublime, et à ce ch?ur
appartiennent tous ceux en qui il vit et qui vivent en lui. L'autre
ch?ur est celui des anges, car, bien qu'ils soient plus nobles en
nature, nous avons été dotés d'une façon plus sublime en Jésus-Christ
avec qui nous sommes un. Lui-même sera le Pontife suprême au milieu du
ch?ur des anges et des hommes, devant le trône de la souveraine majesté
de Dieu. Et il offrira et renouvellera devant son Père céleste, le Dieu
tout-puissant, toutes les offrandes qui furent jamais présentées par les
anges et les hommes, et, sans cesse, elles seront renouvelées et
demeureront fixées dans la gloire de Dieu.
Ainsi, nos corps et nos sens, avec lesquels nous servons Dieu
maintenant, seront glorifiés et béatifiés, de cette même gloire dont
brille le corps du Christ, pour le service dont il s'est acquitté envers
Dieu et envers nous-mêmes. Nos âmes, en qui maintenant et éternellement
nous aimons, remercions et louons Dieu, seront alors des esprits
bienheureux et glorieux, comme sont bienheureux et glorieux l'âme du
Christ, les anges et tous les esprits, qui aiment, remercient et louent
Dieu. Et par le Christ nous serons ravis en Dieu et nous serons un avec
lui dans la fruition et dans la béatitude éternelle. Et ainsi j'en ai
fini avec le cinquième degré de notre échelle céleste.
CHAPITRE XIII.
DU SIXIÈME DEGRÉ D'AMOUR
Vient ensuite le sixième degré, qui est claire intuition, pureté
d'esprit et de mémoire (49) . Ce sont là trois propriétés de l'âme
contemplative (50) qui jaillissent et se répandent d'un fonds vivant, où
nous sommes unis à Dieu au-dessus de la raison et de tout exercice de
vertus.
Qui veut en faire l'expérience doit offrir à Dieu toutes ses vertus
et ses bonnes ?uvres, sans envisager aucune récompense. Et, par-dessus
tout, il doit s'offrir lui-même et s'abandonner à la libre disposition
de Dieu, pour progresser toujours, sans regarder en arrière, dans une
vive révérence.
C'est ainsi qu'il doit, avec la grâce de Dieu, se préparer à une
vie contemplative, s'il veut l'obtenir. Sa vie extérieure et sensible
doit être bien réglée et ordonnée en bonnes ?uvres aux regards de tous
les hommes. Sa vie intérieure doit être remplie de grâce et de charité,
sans dissimulation, d'intention droite, riche en toutes vertus; sa
mémoire exempte de soucis et de sollicitudes, affranchie et détachée,
entièrement délivrée de toute image; son cour libre, ouvert et élevé
au-dessus de tous les cieux; son intelligence vide de toute
considération et nue en Dieu.
Telle est la citadelle des esprits aimants où se réunissent toutes
les pures intelligences, dans une pureté simple. C'est l'habitation de
Dieu en nous, où nul ne peut opérer que Dieu seul. La pureté dont il
s'agit est éternelle : il n'y est ni temps ni lieu, ni passé ni futur;
toujours présente, elle est prête à se montrer aux pures intelligences
qui y sont élevées. Là, nous sommes tous un, vivant en Dieu et Dieu en
nous, et cet un simple est toujours clair, il se montre aux yeux
spirituels dans leur retour à la pureté de l'intelligence. L'air y est
pur et serein, éclairé d'une lumière divine; il nous y est donné de
découvrir, de fixer et de contempler la vérité éternelle avec des yeux
purifiés et illuminés. Là, toutes choses se transforment, sont une seule
vérité, une seule image dans le miroir de la sagesse de Dieu. C'est pour
que nous puissions trouver, connaître et posséder cette image dans notre
essence et dans la pureté de notre intelligence que Dieu nous a créés.
Et lorsque nous contemplons cela et nous y appliquons dans la lumière
divine, avec des yeux simples et spirituels, alors nous avons une vie
contemplative.
Mais, pour cela, il faut encore une chose, la pureté de l'esprit;
car une intelligence en repos et sans images (51) , une intuition claire
dans la lumière de Dieu et un esprit élevé dans sa pureté jusqu'à la
face de Dieu, ces trois propriétés réunies constituent une vraie vie
contemplative. Là nul ne peut errer, l'esprit pur tendant sans cesse et
s'élançant, à la suite de l'intelligence éclairée, vers son principe,
avec un amour purifié.
Or, notre Père céleste est le principe et la fin de tout ce qui est. En
lui nous commençons tout bien, avec une intelligence nue, dans une vue
sans image. En son Fils nous contemplons toute vérité, avec une
intelligence éclairée, dans la lumière divine. Dans le Saint-Esprit nous
achevons toutes nos ?uvres. Là où nous sommes ravis hors de nous avec un
amour purifié devant la face de Dieu, là aussi nous sommes affranchis et
vides de tout événement et de tout rêve.
C'est une vie contemplative d'un grand poids. À tout instant
commencer et achever, c'est le conseil de l'amour. Et tel est le sixième
degré de notre échelle céleste.
CHAPITRE XIV.
DU SEPTIÈME DEGRÉ D'AMOUR.
Le septième degré, qui vient ensuite, est le plus noble et le plus
élevé qui puisse être réalisé dans la vie du temps et de l'éternité (52)
. Il existe lorsque, au-dessus de toute connaissance et de tout savoir,
nous découvrons en nous un non-savoir sans limite; lorsque, dépassant
tout nom donné à Dieu ou aux créatures, nous venons expirer pour passer
à un éternel innommé, où nous nous perdons; lorsque, au delà de tout
exercice de vertus, nous contemplons et découvrons en nous un repos
éternel, où nul ne peut opérer, et au-dessus de tous les esprits
bienheureux, une béatitude immense, où nous sommes tous un et cet un
même qui est la béatitude même dans son essence; enfin lorsque nous
contemplons tous ces esprits bienheureux essentiellement abîmés, écoulés
et perdus dans leur superessence au sein d'une ténèbre qui défie toute
détermination ou connaissance (53) .
Nous contemplerons le Père, le Fils et le Saint Esprit, trine en
personnes, un seul Dieu en nature, qui a créé le ciel et la terre et
tout ce qui existe; nous l'aimerons, le remercierons et le louerons à
tout jamais. Il nous a faits à son image et à sa ressemblance, et c'est
une grande allégresse pour ceux qui sont nobles et purs.
Sa divinité n'opère pas, essence simple et toujours en repos. Si
nous avions part à ce repos avec lui, nous serions avec lui repos même
et élevés jusqu'à sa hauteur : ainsi serions-nous, au-dessus de tous
degrés d'échelle céleste, avec Dieu, dans sa divinité, une essence en
repos et une béatitude éternelle.
Les divines personnes, dans la fécondité de leur nature, sont un
Dieu éternellement agissant, et dans la simplicité de leur essence,
elles sont la divinité éternellement en repos, et ainsi, selon les
personnes, Dieu est opération éternelle, et selon l'essence, éternel
repos. Entre agir et être en repos, il y a nécessairement aimer et
jouir. L'amour veut toujours agir, car il est une éternelle opération
avec Dieu. Mais la jouissance réclame le repos, car c'est, au-dessus de
tout vouloir et de tout désir, l'embrassement du bien-aimé par le
bien-aimé, dans un amour pur et sans images; là où le Père conjointement
avec le Fils s'empare de ceux qu'il aime dans l'unité de jouissance de
son Esprit au-dessus de la fécondité de la nature; là où le Père dit à
chaque esprit dans une complaisance éternelle : « Je suis à toi et tu es
à moi; je suis tien et tu es mien; je t'ai choisi de toute éternité. »
Il naît alors entre Dieu et ses bien-aimés une telle joie et
complaisance mutuelle, que ceux-ci sont ravis hors d'eux-mêmes, se
fondent et s'écoulent pour devenir en jouissance un seul esprit avec
Dieu, tendant éternellement vers la béatitude infinie de son essence.
C'est la première forme de jouissance des hommes de vive contemplation.
Une seconde forme mène à la jouissance de Dieu les hommes de vie
intime, consommés en charité, selon la très chère volonté de Dieu. Elle
est propre à ceux qui se renoncent et s'abandonnent eux-mêmes, qui
fuient toute créature pour laquelle ils pourraient avoir attache et
amour, toute créature de Dieu qui pourrait être un souci et un obstacle
dans cette vie intime où ils servent Dieu. De là ils s'élèvent vers Dieu
avec un amour affectif venant du fond de l'âme vivante, avec un c?ur
élevé au-dessus de tous les cieux; et leurs puissances sont embrasées
d'une brûlante charité, en même temps que leur esprit est élevé à
l'intelligence pure d'images.
Ici, la loi de l'amour est à son sommet et toute vertu devient
parfaite. Nous y sommes vides de tout; Dieu, notre Père céleste, habite
en nous, dans la plénitude de ses grâces, et nous habitons en lui,
au-dessus de toutes nos ?uvres, dans un état de jouissance. Le Christ
Jésus vit en nous et nous vivons en lui, et avec sa vie nous sommes
vainqueurs du monde et de tous péchés. Avec lui, nous sommes élevés dans
l'amour jusqu'à notre Père céleste. Le Saint-Esprit opère en nous et
avec nous toutes nos bonnes ?uvres. Il crie en nous à haute voix et sans
paroles : « Aimez l'amour qui vous aime éternellement. » Sa clameur est
une touche intime en notre esprit et sa voix est plus terrible que
l'orage. Les éclairs qui l'accompagnent nous ouvrent le ciel et nous
montrent la lumière de l'éternelle vérité. L'ardeur de cette touche
intime et de son amour est telle qu'elle veut nous consumer entièrement,
et sa touche crie sans cesse à notre esprit: « Payez votre dette, aimez
l'amour qui vous a éternellement aimé. » De là naissent une grande
impatience intérieure et une attitude en dehors de tout mode et de toute
manière. Car, plus nous aimons, plus nous désirons aimer, et plus nous
payons ce que l'amour exige de nous, plus nous demeurons débiteurs.
L'amour ne se tait pas; il crie éternellement, sans trêve: « Aimez
l'amour « C'est là un combat bien inconnu à ceux qui n'ont pas le sens
de ces choses. Aimer et jouir, c'est agir et supporter l'action. Dieu
vit en nous avec ses grâces, il nous enseigne, il nous conseille, il
nous commande l'amour. Mais aussi nous vivons en lui au-dessus de la
grâce et au-dessus de nos ?uvres, là où nous supportons son action et où
nous jouissons.
En nous il y a aimer, connaître, contempler, tendre sans cesse,
par-dessus tout jouir. Notre opération consiste à aimer Dieu, et notre
jouissance, à supporter l'embrasement dans l'amour de Dieu. Entre aimer
et jouir il y a une distinction, comme entre Dieu et sa grâce. Lorsque
nous nous attachons par amour, alors nous sommes esprit:, mais lorsque
son Esprit nous ravit et nous transforme, nous sommes amenés à la
jouissance.
L'Esprit de Dieu nous pousse au dehors, pour l'amour et les ?uvres
de vertu, et il nous aspire et nous ramène en lui pour nous faire
reposer et jouir, et cela est vie éternelle. C'est de même que nous
expirons l'air qui est en nous et aspirons un air nouveau, et c'est en
cela que consiste notre vie mortelle dans la nature. Et quoique notre
esprit soit ravi hors de lui et que son ?uvre vienne défaillir dans la
jouissance et la béatitude, il est toujours renouvelé dans la grâce, la
charité et les vertus.
Ainsi donc, entrer dans une jouissance oisive, sortir dans les
bonnes ?uvres et demeurer toujours uni à l'Esprit de Dieu, c'est là ce
que je veux dire. De même que nous ouvrons nos yeux de chair pour voir
et les refermons si vite que nous ne le sentons même pas, ainsi nous
expirons en Dieu, nous vivons de Dieu et nous demeurons toujours un avec
Dieu. Il faut donc sortir dans l'?uvre de la vie sensible, puis rentrer
par l'amour et s'attacher à Dieu, pour lui demeurer toujours uni sans
changement.
C'est bien là le sentiment le plus noble que nous puissions
découvrir ou comprendre en nous-mêmes. Néanmoins, nous devons toujours
monter et descendre les degrés de notre échelle céleste dans les vertus
intérieures et les bonnes ?uvres extérieures, selon les commandements de
Dieu et les prescriptions de la sainte Église, ainsi qu'il a été dit
plus haut. Et par le moyen de la ressemblance qui vient des bonnes
?uvres, nous sommes unis à Dieu dans sa nature féconde, qui opère
toujours dans la Trinité des personnes et qui achève tout bien dans
l'Unité de son Esprit. Là, nous sommes morts au péché et un seul esprit
avec Dieu. Là, nous naissons à nouveau du Saint-Esprit comme fils élus
de Dieu. Là, nous sommes ravis hors de notre esprit, et le Père avec le
Fils nous tiennent embrassés dans l'amour éternel et dans la jouissance.
Et cette ?uvre commence toujours à nouveau, s'opère et se consomme nous
y avons béatitude à connaître, à aimer, à jouir avec Dieu (54) .
En jouissant nous sommes oisifs; car Dieu opère seul lorsqu'il
ravit hors d'eux-mêmes tous les esprits aimants, les transforme et les
consomme dans l'unité de son Esprit. Là, nous sommes tous un seul feu
d'amour, ce qui est plus grand que tout ce que Dieu a jamais fait.
Chaque esprit est un charbon ardent, que Dieu a allumé dans le feu de
son amour infini. Et tous ensemble nous sommes un brasier enflammé, qui
ne peut plus jamais être éteint, avec le Père et le Fils, dans l'union
du Saint-Esprit, là où les divines personnes sont ravies elles-mêmes
dans l'unité de leur essence, au sein de cet abîme sans fond de la
béatitude la plus simple. Là, on ne nomme ni le Père, ni le Fils, ni le
Saint-Esprit, ni aucune créature, mais une seule essence, qui est la
substance même des personnes divines. Là, nous sommes tous réunis avant
même d'être créés : c'est notre superessence. Là, toute jouissance est
consommée et parfaite dans la béatitude essentielle. Là, Dieu est dans
son essence simple, sans opération, repos éternel, ténèbre sans mode,
être innommé, superessence de toutes les créatures et béatitude simple
et infinie de Dieu et de tous les saints.
Mais dans la nature féconde, le Père est un Dieu tout-puissant,
créateur et auteur du ciel et de la terre et de toutes les créatures. Et
de sa propre substance il engendre son Fils, sa Sagesse éternelle, un
avec lui en nature, distinct en personne, Dieu de Dieu, par qui toutes
choses sont faites. Enfin, du Père et du Fils procède, dans l'unité de
nature, le Saint-Esprit, la troisième personne. Il est l'amour infini
qui les tient éternellement embrassés, en amour et en jouissance, et
nous tous avec eux, pour ne former qu'une seule vie, un seul amour et
une seule jouissance.
Dieu est Unité dans sa nature, Trinité en fécondité, trois
personnes réellement distinctes. Et ces trois personnes sont Unité dans
la nature, Trinité dans leur fonds propre. Dans la nature féconde de
Dieu, il y a trois propriétés, trois personnes distinctes de nom et de
fait, dans l'unité de nature. Dans l'opération chaque personne possède
en elle la nature tout entière et est ainsi le Dieu tout-puissant, en
vertu de la nature et non en vertu de la distinction personnelle. Les
trois personnes ont ainsi une nature indivisée et, à cause de cela,
elles sont un seul Dieu en nature et non pas trois Dieu selon la
distinction des personnes. Et ainsi Dieu est trois selon les noms et les
personnes, et un en nature : il est Trinité dans sa nature féconde, et
la Trinité est le fonds propre des personnes et Unité dans la nature.
Et cette Unité, c'est notre Père céleste, créateur tout-puissant du
ciel et de la terre et de tout ce qui est. Il vit en nous et nous
gouverne, dans la partie supérieure de notre être créé, Unité en
Trinité, Trinité en Unité, Dieu tout-puissant. Il nous est donné de le
chercher, de le trouver et de le posséder par le moyen de sa grâce et le
secours de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans la foi chrétienne, avec une
intention droite et une charité sincère. Et par le moyen de notre vie
vertueuse et de sa grâce, nous vivons en lui et lui en nous avec tous
ses saints. Ainsi sommes-nous tous ensemble avec Dieu unité dans
l'amour. Et le Père et le Fils nous ont saisis, embrassés et transformés
dans l'unité de leur Esprit. Là nous sommes avec les personnes divines
un seul amour et une seule jouissance; et cette jouissance est consommée
dans l'essence sans mode de la divinité. Là nous sommes tous avec Dieu
une simple et essentielle béatitude : et là on ne nomme ni Dieu ni
créature selon le mode de la personnalité. Là nous sommes tous avec
Dieu, sans différence, une béatitude sans fond et toute simple. Là nous
sommes tous perdus, abîmés et écoulés dans une ténèbre inconnue.
C'est le plus haut degré de vie et de trépas, d'amour et de
jouissance dans la béatitude éternelle et qui vous enseigne autrement,
il se trompe.
Priez pour celui qui, avec la grâce de Dieu, a composé et écrit ces
choses, ainsi que pour tous ceux qui l'écoutent et le lisent, afin que
Dieu se donne lui-même à nous, pour une vie sans fin. Amen.
Ci-finit le Livre des sept degrés de l'échelle céleste d'amour
divin , composé par Maître Jean van Ruysbroeck, premier prieur de
Groenendael.
(1) Le D de Vreese signale encore trois autres manuscrits où le livre
des Sept degrés se trouve en entier. Ce sont W (XVè siècle), à La Haye;
e, à la Bibliothèque d'Averbode, qui a été copié en partie sur B (fin du
XIVè siècle), et z , à Cologne, daté de 1468.
(2) GEN., XXVIII, 11-16.
(3) La Règle de saint Benoît, c. VII.
(4) S. BONAVENTURE, Itinerarium mentis in Deum, c. I, édit, de
Quaracchi, t. V, p. 296.
(5) JOAN., I, 9.
(6) Ps. CXVIII, 73.
(7) Les sept degrés de lamour, c. XIII.
(8) JOAN., V, 4.
(9) I. THESS., IV, 3.
(10) Ps. CXLII, 9, 10.
(11) Luc, II, 14.
(12) MATTH., VII, 17.
(13) MATTH., VI, 24.
(14) Ibid., V, 3.
(15) MATTH., XII, 50.
(16) JOAN., III, 6.
(17) GAL., V, 17.
(18) MATTH., XVI, 24.
(19) JOAN., XII, 26.
(20) MATTH., XI, 29.
(21) Ibid., V, 5.
(22) Ibid., XI, 30.
(23) Ps. XC, 15.
(24) Luc, VI, 40.
(25) La nouvelle édition de D. Ph. Müller donne ici une phrase qui ne se
trouve ni dans la traduction de Gérard Groot, ni dans le texte édité par
David. C'est un contraste avec ce qui précède : Mais ceux que le Christ
a revêtus de lui-même et de ses dons habiteront avec lui dans la gloire
de son Père, éternellement et sans fin.
(26) Rom., VIII, 15-17.
(27) Le cinquième degré d'amour fait partie déjà de la voie
illuminative. Si, en effet, le premier degré appartient aux commençants,
le second, le troisième et le quatrième à ceux qui progressent par la
voie purgative, le cinquième achemine par la voie illuminative vers le
sommet de perfection. Cf. Collat. Brug., t. XVII, P. 153.
(28) Le souci de la gloire de Dieu en toutes choses est présenté ici
comme inspiré à l'âme aimante par l'Esprit-Saint. À cette lumière, en
effet, l'âme comprend que toute ?uvre divine tend à la gloire éternelle
de son auteur, qu'il s'agisse de création, de rédemption ou de
sanctification. C'est donc à l'exemple de Dieu même que nous devons
poursuivre sans cesse son honneur et sa gloire, sûrs à notre tour d'être
honorés et bénis de lui, comme l'a été l'humanité sainte de
Notre-Seigneur Jésus-Christ.
(29) Cf. Royaume des Amants, ch. XXXIV, t. II, P. 172.
(30) Cf. S. BONAVENTURE, Vitis mystica, chap. XLV, édit. de Quaracchi,
t. VIII, p. 222, n° 156.
(31) MATTH., XIX, 29.
(32) JOAN., XX, 21.
(33) Luc, IX, 58.
(34) MATTH., XIX, 21.
(35) JOAN., VIII, 54.
(36) Luc, IX, 23.
(37) JOAN., XIX, 30.
(38) Les trois renoncements, qui sont ici mentionnés, ont déjà fait
l'objet des 2è, 3è et 4è degrés. Si Ruysbr?ck en parle de nouveau, c'est
qu'il les met en rapport avec la vie intime, qui constitue déjà la voie
illuminative. Mais à cette pratique doit s'ajouter la recherche de
l'honneur de Dieu, qui caractérise le 5è degré.
(38') MATTH., XIX, 17.
(39) JOAN., XV, 10.
(40) Les termes de l'original onnoozel (innocens) et onnoozelheid
(innocentia) doivent être pris dans le sens actif de ne point nuire.
Mais la lecture des passages parallèles fait comprendre que cette
disposition s'appelle aussi compassion ou sympathie et se rattache au
don de piété, caractéristique d'ailleurs du second stade de la vie
active. Cf. Royaume des Amants , ch. XV, t. II, p. 103 et 104. Mgr
WAFFELAERT, union de l'âme aimante avec Dieu , p. 122.
(41) Cf. Royaume des Amants, ch. XVIII, t. II. p. 110, . Noces
spirituelles, 1. I, ch. xxv.
(42) Cette expression du doigt de son amour rappelle le nom donné au
Saint-Esprit dans une strophe du Veni Creator : « Dextrae Dei tu digitus
». Elle se retrouve dans le Livre des Douze Béguines , ch. XIII : « Il
touche notre esprit avec son doigt qui est son Esprit et il nous dit:
Aimez-moi comme je vous aime et vous ai aimées éternellement. »
(43) L'édition Muller fait commencer le chapitre XII seulement à la
phrase suivante. La même division se trouve dans la traduction de Gérard
Groot.
(44) Luc, I, 38.
(45) Nous sommes ici au sommet du cinquième degré d'amour qui nous fait
pénétrer dans l'union sans intermédiaire, ainsi quo Ruysbr?ck va
l'expliquer.
(46) La substance vive, levendicheit, signifie ici l'essence même de
l'âme qui est faite à l'image de Dieu et lui est ainsi unie d'une façon
naturelle. Cf. Miroir du salut éternel, ch. VIII; Noces spirituelles ,
1. II, ch. II.
(47) Cf. Livre de la plus haute vérité, ch. VIII, t. II, p. 211, dont
Mgr Waffelaert explique la doctrine au ch. IV de L'union de l'âme
aimante avec Dieu (trad. Hoornaert, p. 154, n° 10)
(48) Cf. Noces spirituelles, 1. II, eh. LV.
(49) La claire intuition se rapporte à l'intelligence, la pureté
d'esprit à la volonté et celle de la mémoire à l'affranchissement de la
haute mémoire. Ces trois propriétés ont été déjà décrites au ch. XVII du
Miroir du salut éternel .
(50) L'âme contemplative, dont il est parlé ici, n'est pas au sommet de
la contemplation, mais introduite dans l'union sans intermédiaire. Cf.
Les sept clôtures, ch. XIV et XV, pp. 179-182; Le Livre de la plus haute
vérité, ch. VIII, t. II, p. 213. Tout ce sixième degré correspond
d'ailleurs aux trois modes divins qui, dans le ch. XIX des Sept clôtures
, précèdent la pénétration jusqu'à l'essence sans modes de Dieu. Cette
pénétration fera l'objet du septième degré d'amour.
(51) L'intelligence pure doit être entendue dans le sens de la haute
mémoire; l'intuition claire se rapporte à l'acte de l'intelligence, et
la pureté de l'esprit à la volonté. Cf. Miroir du salut éternel, ch. VIII.
(52) Au septième degré, Ruysbr?ck ne s'occupe plus que de la jouissance,
qui consiste dans l'union avec l'essence divine. C'est pourquoi, dès le
début du chapitre, il décrit ce qu'est l'essence divine pour l'âme
aimante, et un peu plus loin, ce qu'elle est en elle-même, lorsqu'il dit
« Là, un Dieu est dans son essence simple, etc. »
(53) Cf. Miroir du salut éternel, ch, xxv.
(54) Conformément à la doctrine déjà souvent exposée, on voit que le
labeur surnaturel de la vie vertueuse ou active tend toujours vers le
repos de la vie contemplative. Le labeur fait ressembler à Dieu, qui
opère sans cesse dans sa nature féconde. Le repos de jouissance unit à
lui dans la béatitude la plus simple, où Ruysbr?ck envisage Dieu dans le
repos de son unité. Les termes employés ici par l'auteur doivent être
pesés avec le plus grand soin, afin de ne leur point donner couleur de
panthéisme ou de quiétisme.